Publiée le 11-01-2017
Extraits de la Conférence de Mgr Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan), donnée à la XXVe Fête du livre de Renaissance Catholique, le 4 décembre 2016 :
"Quand Notre-Seigneur Jésus-Christ a prêché les vérités éternelles il y a deux mille ans, la culture et l’esprit qui régnaient à cette époque lui étaient radicalement opposés. Concrètement, le syncrétisme religieux, le gnosticisme des élites intellectuelles et la permissivité morale étaient particulièrement contraires à l’institution du mariage. “Il était dans le monde, mais le monde ne l’a point connu”(Jean I, 10). Une grande partie du peuple d’Israël, en particulier les grands prêtres, les scribes et les pharisiens, rejetèrent le magistère de la Révélation divine du Christ et jusqu’à la proclamation de l’indissolubilité absolue du mariage : “Il est venu parmi les siens, mais les siens ne l’ont pas reçu” (Jean I, 11). Toute la mission du Fils de Dieu sur terre consistait à révéler la vérité : “C’est pourquoi je suis venu dans le monde, pour rendre témoignage à la vérité” (Jean 18, 37).
[...] Le commandement de ne pas se remarier après s’être séparé de son conjoint légitime, n’est pas une règle positive ou canonique de l’Église, mais parole de Dieu, comme l’enseignait l’apôtre saint Paul : “J’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur” (1 Cor. 7, 10). L’Église a proclamé ces paroles de façon ininterrompue, interdisant aux fidèles validement mariés de contracter un mariage avec un nouveau partenaire. Par conséquent, l’Église, selon la logique Divine et humaine n’a pas la compétence d’approuver ne serait-ce qu’implicitement une cohabitation more uxorio en dehors d’un mariage valide, admettant ces personnes adultères à la sainte communion. Une autorité ecclésiastique qui promulgue des règles ou orientations pastorales prévoyant une telle admission, s’arroge un droit que Dieu ne lui a pas donné. Un accompagnement et discernement pastoral qui ne propose pas aux personnes adultères (ceux que l’on appelle les divorcés remariés) l’obligation divinement établie de vivre dans la continence comme condition sine qua non pour être admis aux sacrements, se révèle en réalité un cléricalisme arrogant, puisqu’il n’y a pas de cléricalisme plus pharisien que celui qui s’arroge des droits divins.
L’un des témoins les plus anciens et sans équivoque de l’immuable pratique de l’Église romaine de ne pas accepter par la discipline sacramentelle la cohabitation adultère des fidèles encore liés à leur conjoint légitime par le lien matrimonial, est l’auteur d’une catéchèse connue sous le titre Le pasteur d’Hermas. Cette catéchèse a été écrite très probablement par un prêtre romain au début du deuxième siècle sous la forme littéraire d’une apocalypse ou récit de visions. Le dialogue suivant entre Hermas et l’ange de la pénitence, qui lui apparaît sous la forme d’un pasteur, démontre avec une admirable clarté l’immuable doctrine et pratique de l’Église catholique en cette matière : “Que fera donc le mari, Seigneur, dis-je, si la femme persiste dans cette passion de l’adultère ? - Qu’il la renvoie, dit-il, et qu’il reste seul. Mais si, après avoir renvoyé sa femme, il en épouse une autre, lui aussi alors, commet l’adultère (Mc 10,11 Mt 5,32 Mt 19,9 ; cf. 1Co 7,11). - Et si, Seigneur, dis-je, après avoir été renvoyée, la femme se repent et veut revenir à son mari, ne faudra-t-il pas l’accueillir ? - Certes, dit-il. Si le mari ne l’accueille pas, il pèche, il se charge d’un lourd péché, car il faut accueillir celui qui a péché et qui se repent […] C’est en vue du repentir que l’homme ne doit pas se remarier. Cette attitude vaut d’ailleurs aussi bien pour la femme que pour l’homme. L’adultère, dit-il, ne consiste pas uniquement à souiller sa chair : celui-là aussi commet l’adultère, qui vit comme les païens. […] Si on vous a enjoint de ne pas vous remarier, homme ou femme, c’est parce que, dans de tels cas, la pénitence est possible. Donc, mon intention n’est pas de faciliter l’accomplissement de tels péchés, mais d’empêcher que le pécheur retombe.”(Herm. Mand., IV, 1, 6-11).
Nous savons que le premier grand péché du clergé fut celui du grand prêtre Aaron, quand il céda aux demandes impertinentes des pécheurs et leur permit de vénérer l’idole du veau d’or (cf. Ex. 32, 4), remplaçant en ce cas concret le Premier Commandement du Décalogue de Dieu, c’est-à-dire remplaçant la volonté et la parole de Dieu par la volonté pécheresse de l’homme. Aaron justifiait son acte de cléricalisme exacerbé par le recours à la miséricorde et à la compréhension des exigences des hommes. La Sainte Écriture dit à ce propos : “Moïse vit que le peuple était livré au désordre, parce qu’Aaron l’avait laissé dans ce désordre, l’exposant à devenir la risée de ses ennemis.” (Ex. 32, 25). [...]
Le fait que le saint qui donna le premier sa vie en témoin du Christ fut saint Jean-Baptiste, le précurseur du Seigneur, demeure toujours une grande leçon et un sérieux avertissement aux pasteurs et aux fidèles de l’Église. Son témoignage pour le Christ consista à défendre l’indissolubilité du mariage et à condamner l’adultère, sans l’ombre d’un doute ni d’une ambiguïté. L’histoire de l’Église catholique a l’honneur de compter de lumineuses figures qui ont suivi l’exemple de saint Jean-Baptiste ou ont donné comme lui le témoignage de leur sang, souffrant persécutions et préjudices personnels. Ces exemples doivent guider particulièrement les pasteurs de l’Église aujourd’hui, afin qu’ils ne cèdent pas à la tentation cléricale caractéristique de vouloir plaire davantage aux hommes qu’à la sainte et exigeante volonté de Dieu, volonté à la fois aimante et infiniment sage.
Dans la foule nombreuse de tant d’imitateurs de saint Jean-Baptiste, martyrs et confesseurs de l’indissolubilité du mariage, nous ne pouvons en rappeler que quelques-uns des plus significatifs.
Le premier grand témoin fut le pape Saint Nicolas Ier, dit le Grand. Il s’agit du conflit au IXe siècle entre le pape Nicolas Ier et Lothaire II, roi de Lotharingie. [...]
Un autre exemple lumineux de confesseurs et martyrs de l’indissolubilité du mariage nous est offert par trois personnages historiques impliqués dans l’affaire du divorce d’Henri VIII, roi d’Angleterre. Il s’agit du cardinal saint John Fisher, de saint Thomas More et du cardinal Réginald Pole.[...]
Un dernier exemple est le témoignage de ceux que l’on appela les cardinaux “noirs” dans l’affaire du divorce de Napoléon Ier, un noble et glorieux exemple de membres du collège cardinalice pour tous les temps. [...]
Que le Saint-Esprit suscite en tous les membres de l’Église, du plus simple et humble fidèle jusqu’au Souverain Pontife, toujours davantage de courageux défenseurs de la vérité de l’indissolubilité du mariage et de la pratique immuable de l’Église en cette matière, même si une telle défense devait risquer de leur apporter de considérables préjudices personnels. L’Église doit plus que jamais s’employer à annoncer la doctrine et la pastorale du mariage, afin que dans la vie des époux et spécialement de ceux que l’on appelle les divorcés remariés, soit observé ce que l’Esprit-Saint a dit dans la Sainte Écriture : “Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure” (Héb. 13, 4). Seule une pastorale du mariage qui prend encore au sérieux ces paroles de Dieu se révèle véritablement miséricordieuse, puisqu’elle conduit les âmes pécheresses sur la voie sûre de la vie éternelle. Et c’est cela qui compte !"