12 décembre 2025 - Message du Saint-Père aux participants à la rencontre de prêtres, religieuses, religieux et séminaristes latino-américains qui étudient à Rome
Lorsque Jésus-Christ appela ses disciples, il utilisa presque invariablement le mot « Suis-moi ». Dans ce mot bref, nous pouvons trouver le sens le plus profond de notre vie, que nous soyons séminaristes, prêtres ou membres de la vie consacrée.
Si nous relisons les récits évangéliques de vocation, la première chose que nous constatons est l’initiative absolue du Seigneur. Il appelle sans aucun mérite préalable de la part de ceux à qui il s’adresse (cf. Mt 9,9 ; Jn 1,43), en considérant plutôt que la vocation à laquelle il les convoque est une occasion de porter le message évangélique aux pécheurs et aux faibles (cf. Mt 9,12-13). Ainsi, ses disciples deviennent des instruments du dessein de salut que Dieu a pour tous les hommes (cf. Jn 1,48).
En même temps, l’Évangile nous exhorte à prendre conscience de l’engagement qu’implique la réponse à cette vocation. Il nous parle d’exigences que l’on peut discerner dans l’appel resté sans réponse du jeune homme riche (Mt 19,21) : l’exigence de la primauté absolue de Dieu, le seul Bon (v. 17) ; l’exigence de la nécessité impérieuse de la connaissance théorique et pratique de la loi divine (v. 18-19) ; et l’exigence du détachement de toute sécurité humaine, avec l’offrande conséquente de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous avons (v. 21).
Saint Ambroise, dans son exégèse du passage surprenant du jeune homme à qui Jésus ne permet pas d’ensevelir son père (Lc 9,59), affirme que, dans cette exigence de tout quitter — y compris des choses justes en elles-mêmes —, le Seigneur ne cherche pas à éluder les devoirs naturels sanctionnés par la loi de Dieu, mais à ouvrir nos yeux à une vie nouvelle. Dans cette vie, rien ne peut être préféré à Dieu, pas même ce que nous avions jusqu’alors considéré comme bon ; elle suppose la mort au péché et au vieil homme mondain. Tout cela « afin que nous soyons un auprès de Dieu tout-puissant et que nous puissions voir son Fils unique » (Traité sur l’Évangile de saint Luc, 40).
Pour Ambroise, cette union indispensable avec Jésus, loin de nous éloigner du frère, débouche sur la communion avec les autres. Nous ne marchons pas seuls : nous faisons partie d’une communauté. Ce ne sont pas des liens de sympathie, d’intérêts partagés ou de convenance mutuelle qui nous unissent, mais l’appartenance au peuple que le Seigneur a acquis au prix de son Sang (cf. 1 P 1,18-19). Notre union tend vers une valeur eschatologique qui se réalisera lorsque nous imiterons « l’unité de la paix éternelle dans une concorde indissoluble des âmes et dans une alliance sans fin » et lorsque s’accomplira « ce que nous a promis le Fils de Dieu lorsqu’il adressa à son Père cette prière : “Que tous soient un, comme nous sommes un” (Jn 17,21) » (Traité sur l’Évangile de saint Luc, 40).
Enfin, dans l’Évangile selon saint Jean, Jésus répète deux fois à l’apôtre Pierre le mot « Suis-moi ». Il le fait dans un contexte très différent, celui de la Résurrection, juste après la triple confession d’amour que Pierre prononce en réparation de son péché. Même en confessant son amour, l’Apôtre ne comprenait pas encore pleinement le mystère de la croix ; mais le Seigneur avait déjà en vue le sacrifice par lequel Pierre rendrait gloire à Dieu, et il lui répète : « Suis-moi » (Jn 21,19). Lorsque, au long de la vie, notre regard s’obscurcit, comme ce fut le cas pour Pierre au milieu de la nuit ou à travers les tempêtes (Mt 14,25.31), c’est la voix de Jésus qui, avec une patience aimante, nous soutiendra.
La seconde fois que Jésus dit à Pierre : « Suis-moi », il nous assure que le Seigneur connaît notre fragilité et que, bien souvent, ce n’est pas la croix qui nous est imposée, mais notre propre égoïsme, qui devient une pierre d’achoppement dans notre désir de le suivre. Le dialogue avec l’Apôtre nous montre combien il nous est facile de juger le frère, et même Dieu, sans accueillir avec docilité sa volonté dans nos vies. Ici encore, le Seigneur nous répète avec constance : « Que t’importe ? Toi, suis-moi » (Jn 21,22).
Puisque nous vivons dans une société du bruit qui brouille les repères, plus que jamais sont nécessaires des serviteurs et des disciples qui annoncent la primauté absolue du Christ et qui aient l’accent de sa voix bien clair dans les oreilles et dans le cœur. Cette connaissance théorique et pratique de la Loi divine s’acquiert avant tout par la lecture des Saintes Écritures, méditée dans le silence de la prière profonde, par l’accueil respectueux de la voix des pasteurs légitimes et par l’étude attentive des nombreux trésors de sagesse que l’Église nous offre.
Au milieu des joies comme au milieu des difficultés, notre mot d’ordre doit être : si le Christ est passé par là, il nous revient aussi de vivre ce qu’il a vécu. Nous ne devons pas nous attacher aux applaudissements, car leur écho dure peu ; il n’est pas non plus sain de demeurer uniquement dans le souvenir du jour de la crise ou des temps d’amère déception. Regardons plutôt que tout cela fait partie de notre formation et disons : si Dieu l’a voulu pour moi, moi aussi je le veux (cf. Ps 40,8 ). Le lien profond qui nous unit au Christ, que nous soyons prêtres, consacrés ou séminaristes, ressemble à ce qui est dit aux époux chrétiens le jour même de leur mariage : « dans la santé et dans la maladie ; dans la pauvreté et dans la richesse » (Rituel du mariage, 66).
