« Consolez, consolez mon peuple » (Is 40, 1). Telle est l’invitation du prophète Isaïe, qui nous interpelle aujourd’hui de manière exigeante : elle nous appelle à partager la consolation de Dieu avec tant de frères et sœurs qui vivent des situations de faiblesse, de tristesse, de douleur. Pour ceux qui sont dans les larmes, le désespoir, la maladie et le deuil, résonne clairement, fortement, l’annonce prophétique de la volonté du Seigneur de mettre fin à la souffrance et de la transformer en joie. Toute douleur peut être transformée par la grâce de Jésus-Christ. Cette Parole compatissante, incarnée dans le Christ, est le bon Samaritain dont nous parle l’Évangile : c’est Lui qui apaise nos blessures, c’est Lui qui prend soin de nous. Dans les moments sombres, même contre toute évidence, Dieu ne nous laisse pas seuls ; au contraire, c’est précisément dans ces moments-là que nous sommes appelés plus que jamais à espérer en la proximité du Sauveur qui ne nous abandonne jamais.
Nous cherchons quelqu’un pour nous consoler et souvent nous ne le trouvons pas. Parfois, la voix de ceux qui, sincèrement, veulent partager notre souffrance nous devient même insupportable. C’est vrai. Il y a des situations où les mots ne servent à rien et deviennent presque superflus. Dans ces moments, il ne reste peut-être que les larmes, si elles ne sont pas encore épuisées. Le Pape François rappelait les larmes de Marie-Madeleine, désorientée et seule, près du tombeau vide de Jésus. « Elle pleure simplement - disait-il - Voyez-vous, parfois, dans notre vie, les lunettes pour voir Jésus sont les larmes. Il y a un moment dans notre vie où seules les larmes nous préparent à voir Jésus. Et quel est le message de cette femme ? “J’ai vu le Seigneur”». [1]
Les larmes sont un langage qui exprime les sentiments profonds d’un cœur blessé. Les larmes sont un cri muet qui implore compassion et réconfort. Mais avant tout, elles sont libération et purification des yeux, des sentiments, des pensées. Il ne faut pas avoir honte de pleurer ; c’est une façon d’exprimer notre tristesse et notre besoin d’un monde nouveau ; c’est un langage qui parle de notre humanité faible et mise à l’épreuve, mais appelée à la joie.
Là où il y a de la souffrance, la question se pose inévitablement : pourquoi tout ce mal ? D’où vient-il ? Pourquoi cela m’est-il arrivé à moi ? Dans ses Confessions, saint Augustin écrit : « je cherchais d'où, vient le mal […] Quelle est sa racine et quel est son germe? […] D'où vient donc le mal, puisque Dieu a fait toutes ces choses bonnes, lui qui est bon? […] Telles étaient les pensées que je roulais dans un cœur misérable […] Cependant, solidement était fixée en mon cœur dans l'Église catholique, la foi de ton Christ, notre Seigneur et Sauveur; en bien des points sans doute, elle était encore vague et fluctuante » (VII, 5).
Le passage des interrogations à la foi est celui auquel nous éduque la Sainte Écriture. Il y a en effet des questions qui nous replient sur nous-mêmes et nous divisent intérieurement et par rapport à la réalité. Il y a des pensées qui ne peuvent rien engendrer. Si elles nous isolent et nous désespèrent, elles humilient aussi notre intelligence. Mieux vaut, comme dans les Psaumes, que la question soit une protestation, une plainte, une invocation de cette justice et de cette paix que Dieu nous a promises. Alors, nous jetons un pont vers le ciel, même lorsqu’il semble muet. Dans l’Église, nous recherchons le ciel ouvert, qui est Jésus, le pont de Dieu vers nous. Il existe une consolation qui nous atteint alors, lorsque cette foi qui nous semble “vague et fluctuante” comme un bateau dans la tempête reste “solide et fixé”.
Là où il y a le mal, nous devons rechercher le réconfort et la consolation qui en triomphent et ne lui laissent aucun répit. Dans l’Église, cela signifie : jamais seuls. Poser sa tête sur une épaule qui vous console, qui pleure avec vous et vous donne de la force, est un remède dont personne ne peut se priver, car c’est le signe de l’amour. Là où la douleur est profonde, l’espérance qui naît de la communion doit être encore plus forte. Et cette espérance ne déçoit pas.
La souffrance ne doit pas engendrer la violence ; la violence n’est pas le dernier mot, car elle doit être vaincue par l’amour qui sait pardonner. Quelle plus grande libération pouvons-nous espérer atteindre sinon celle qui vient du pardon, qui, par grâce, peut ouvrir le cœur malgré toutes les brutalités subies ? La violence subie ne peut être effacée, mais le pardon accordé à ceux qui l’ont générée est une anticipation sur terre du Royaume de Dieu, il est le fruit de son action qui met fin au mal et établit la justice. La rédemption est miséricorde et peut rendre meilleur notre avenir, alors que nous attendons encore le retour du Seigneur. Lui seul essuiera toutes les larmes et ouvrira le livre de l’histoire, nous permettant de lire les pages que nous ne pouvons aujourd’hui ni justifier ni comprendre (cf. Ap 5).
Puissions-nous tous apprendre de Marie à protéger les plus petits et les plus fragiles avec tendresse ! Apprenons à écouter vos blessures, à marcher ensemble. Puissions-nous recevoir de Notre-Dame des Douleurs la force de reconnaître que la vie n'est pas seulement définie par le mal subi, mais par l'amour de Dieu qui ne nous abandonne jamais et qui guide toute l'Église.
Les secrets de notre cœur ne sont pas cachés à Dieu : nous ne devons pas l’empêcher de nous consoler en nous imaginant que nous ne pouvons compter que sur nos propres forces.