Publiée le 17-04-2010
Par Elisabeth Montfort le vendredi 16 avril 2010
Dans sa lettre adressée au Conseil d'Etat en février 2008, le premier ministre invitait ses membres à répondre à sept questions au regard de nos principes fondateurs. Cette lettre marquait le début de la réflexion bioéthique.
Les Etats Généraux de bioéthique, comme le Conseil d'Etat, ont rappelé, chacun à sa manière, que le premier principe est la dignité, fondée sur l'humanité de tout être humain. Car chacun sait bien que les enjeux bioéthiques portent sur sa protection
En 1994, le législateur, lors du vote de la première loi de bioéthique, a voulu le fixer dans le Code civil en rappelant le « respect de l'être humain dès le commencement de sa vie1 »
Ce principe s'inspire de notre Constitution de 1958, mais également de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et sera confirmé plus tard par la Convention d'Oviedo du Conseil de l'Europe en 1997, sur « La protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine ».
Enfin, la Charte européenne des droits de l'homme qui consacre sa première partie à la dignité de l'être humain et déclare dans son article premier que la dignité est inviolable.
Ces textes de référence définissent le principe de dignité et en fait en quelque sorte la matrice des autres principes : respect de l'identité et de l'intégrité, non patrimonialité de l'être humain, sans oublier les principes de non-discrimination ou d'égalité, de liberté et de solidarité, justement rappelés dans le bilan des Etats Généraux.
Ainsi, notre droit reconnaît ainsi la primauté de la personne humaine et le « respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».
La dignité de l'être humain est fondée sur sa nature et son humanité. D'où son caractère inviolable. Ce principe est alors une garantie contre toute utilisation ou manipulation de la vie humaine. Les citoyens des Etats généraux ont rappelé qu'aucune circonstance ne pouvait contredire ce principe : « la dignité, en effet, ne décline pas avec nos forces. Ni la maladie, ni le handicap n'altèrent notre humanité ».
Au regard de ces principes fondateurs quelle sera la décision du législateur sur la question de la recherche sur l'embryon ?
En 1994, l'interdiction de toute recherche sur l'embryon fut le fil conducteur. En 2004, les pressions des scientifiques furent telles que le législateur tout en maintenant le principe d'interdiction acceptait une dérogation pour une durée de cinq ans, sous certaines conditions : aucune alternative et finalité thérapeutique.
Des cinq organismes consultés pour avis, seule la mission d'information parlementaire2 propose de maintenir le principe d'interdiction, plus cohérent avec notre droit, tout en supprimant les conditions.3
L'OPECST 4 et l'ABM 5 proposent de lever l'interdiction et d'encadrer la recherche. Le Conseil d'État se prononce pour la levée de l'interdiction tout en gardant les clauses très contraignantes de la loi de 2004. Or, ces clauses tombent depuis les découvertes des potentialités thérapeutiques des autres types de cellules souches.
Les citoyens des Etats généraux de bioéthique proposent de maintenir le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon, conforme à notre droit, mais sous certaines conditions pour le moins discutables.
Ils distinguent parmi les embryons produits dans le cadre de l'Assistance Médicale à la Procréation, ceux qui font l'objet d'un projet parental et ceux qui n'en font plus l'objet. Les premiers, enfants à naître, seraient soumis au principe d'interdiction de toute recherche, les seconds, puisque voués à la destruction pourraient être abandonnés à la recherche. C'est oublier :
- d'une part, que tout embryon est le fruit d'un projet parental, c'est la raison même de sa création dans la cadre d'une Assistance Médicale à la procréation et il ne peut changer de finalité au gré des intentions des parents ;
- d'autre part, s'il est évident que la vie de l'embryon, comme celle de l'enfant, dépend des soins de ses parents, son être n'en dépend pas. Ni la volonté, ni l'intention des parents ne peuvent remettre en cause l'être même de l'embryon, cette réalité si mystérieuse qui fonde l'originalité et l'individualité de tout être humain.
Les prochaines lois de bioéthique pourraient s'inspirer des lois allemandes ou italiennes qui autorisent la création de deux ou trois embryons, tous implantés dans l'utérus de la mère.
Le législateur n'a pas voulu répondre à la question du statut de l'embryon, ni en 1994, ni en 2004. Et pourtant, la réponse est implicite. En se posant la question du maintien ou non du principe d'interdiction de la recherche ou en proposant un encadrement juridique strict, il reconnaît que l'embryon n'est pas une chose. Ce que les scientifiques confirment : c'est bien le processus de développement de la vie d'un être humain qui commence au moment de la fécondation et qui ne prendra fin qu'à la mort.
''Elizabeth Montfort Ancien député au Parlement européen (1999-2004) Fondation de Service Politique''
(1) Code civil, article 16. (2) Le rapporteur est Jean Leonetti (3) Proposition n°43, Rapport n°2235, fait au nom de la mission d'information parlementaire déposé le 20 janvier 2010, tome 1, p.314. (4) Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (5) - Agence de Biomédecine