Publiée le 10-06-2020
Riccardo Cascioli - 8 juin2020
La NBQ
------------------------------------------------
Il y a quelque chose qui détonne dans cette attente spasmodique du vaccin contre le coronavirus. Je n’entre pas ici dans le domaine purement sanitaire. Nous avons déjà abordé ici la question du vaccin à plusieurs reprises sous cet angle, mettant également en garde contre l’optimisme facile et les faux espoirs.
Non, nous voulons ici discuter de l’attitude, de la position que nous adoptons sur la possibilité d’un vaccin. C’est-à-dire que nous sommes passés lentement de l’espoir de trouver un médicament qui puisse au moins minimiser les risques mortels d’une infection à coronavirus, à l’attente messianique d’un flacon qui puisse nous libérer du mal.
Au cours de ces mois, la souffrance du Covid n’a été que l’origine et l’épicentre d’un phénomène de souffrance beaucoup plus vaste: incertitude, peur, isolement, dépression, suicides, soucis du travail, autres maladies oubliées (y compris celles qui sont plus mortelles que le Covid) ; sans oublier la douleur et la colère à cause des messes d’abord refusées au peuple et maintenant fortement limitées. Et de toute façon, dans une mesure plus ou moins grande, nous avons tous souffert et continuons à souffrir du confinement, des limites imposées qui remettent souvent en cause le bon sens et la raison. Il y a aussi un sentiment profond d’injustice: les rassemblements, s’il s’agit de manifestations de gauche (voir celle d’hier contre le racisme) ne comptent pas, ils sont autorisés, ils semblent même être bons pour la santé. Alors qu’au contraire, on continue d’aller à l’église (pour ceux qui y vont encore) comme si on entrait dans le service des maladies infectieuses d’un hôpital.
Eh bien, il semble que le vaccin nous libérera de tout cela. Un remède miraculeux, qui promet non seulement d’arrêter le virus, mais aussi de nous libérer des chaînes du confinement, de relancer l’économie, de nous faire enlever nos masques, de nous faire embrasser à nouveau, de nous faire même sentir immortels (puisque depuis quelque temps il semble que Covid-19 soit la seule cause de mortalité).
Il suffit de lire les journaux, d’entendre les déclarations des politiciens, les diktats du comité technico-scientifique: tous attendent le vaccin, il est le veau d’or qui nous sauvera. Et l’homme de la rue ne fait que répéter: « Espérons que ce vaccin arrivera bientôt ».
Personne ne doit nous détourner de cette attente. Il est interdit de poser des questions sur les raisons pour lesquelles les soins intensifs se sont déjà vidés et que plus personne ne se présente aux urgences avec des symptômes graves dus au Covid-19 (même sans vaccin) ; il est interdit de faire de la publicité pour les connaissances acquises entre-temps sur le virus et les thérapies qui ont déjà fait leurs preuves (au contraire, celles-ci doivent être discréditées et leur impact minimisé). Il faut que le peuple attende impatiemment: peut-être sera-t-il prêt pour l’automne; non, il faudra attendre le printemps prochain; non, pas avant l’été 2021; attendez, les tests sont déjà en cours et le délai pourrait être raccourci.
Peu importe, dans trois mois ou dans deux ans, en tout cas, ce n’est que lorsque le vaccin sera là que nous pourrons enlever nos masques, nous rapprocher à moins d’un mètre, supprimer toutes les barrières, faire remonter l’emploi, nous sentir en sécurité.
Voilà, l’illusion de se sentir en sécurité, de ne courir aucun risque. C’est la véritable faiblesse de notre société, qui conduit à de fausses certitudes. Et, comme dans ce cas, à confondre deux plans distincts: la médecine, la science, offre des réponses à de nombreux besoins humains; elle combat les maladies, elle permet une vie plus longue et plus saine. Mais elle n’a pas de réponse au sens de la vie et de la souffrance. Lorsque vous êtes confronté à une maladie grave, vous espérez bien sûr être guéri, peut-être grâce à une nouvelle thérapie, une intervention chirurgicale innovante. Mais ce n’est pas cela, cependant, qui décidera de notre bonheur ou de notre désespoir.
L’attente actuelle pour le vaccin assume plutôt un aspect messianique: nous faisons les sacrifices aujourd’hui dans l’attente de l’événement qui nous libérera définitivement. L’aspect le plus dramatique est que même l’autorité ecclésiale contribue à cette confusion entre les plans, à la croissance de cette dangereuse illusion: nous prions presque exclusivement pour que nous puissions trouver le vaccin rapidement, presque comme pour anticiper la venue du messie. La santé, mais aussi le salut, réside dans le vaccin. Jamais une allusion aux vraies questions qui se posent naturellement quand on se trouve face à la mort, pour la considérer comme une possibilité concrète, actuelle. Jamais un appel à revenir vers Dieu pour conjurer les malheurs qui s’abattent sur l’humanité. Tous les espoirs reposent sur la science, et nos vies sont entre-temps confiées aux indications du comité technico-scientifique.
Au contraire, il est possible d’être libre dès aujourd’hui, tout en respectant les limites imposées, et sans vaccin, précisément en prenant au sérieux les questions sur la vie, le sens de la souffrance, le mystère de la mort et la signification des catastrophes, que les circonstances actuelles nous posent inévitablement. Et découvrir, à la suite de ces questions, comment notre vie dépend concrètement d’un Autre, de Celui qui nous veut depuis l’éternité et qui est le véritable accomplissement de notre attente. Jusqu’à ce que nous puissions dire avec saint Augustin: « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre c½ur est agité jusqu’à ce qu’il repose en toi ».