Publiée le 29-03-2020
"Nous avons entendu le Magnificat, cette grande poésie qui s'est élevée des lèvres, et plus encore du coeur de Marie, inspirée par l'Esprit Saint. Dans ce chant merveilleux se reflète toute l'âme, toute la personnalité de Marie. Nous pouvons dire que son chant est un portrait, une véritable icône de Marie, dans laquelle nous pouvons la voir exactement telle qu'elle est. Je voudrais souligner uniquement deux points de ce grand chant. Celui-ci commence par la parole "Magnificat": mon âme "magnifie" le Seigneur, c'est-à-dire "proclame la grandeur" du Seigneur. Marie désire que Dieu soit grand dans le monde, soit grand dans sa vie, soit présent parmi nous tous. Elle n'a pas peur que Dieu puisse être un "concurrent" dans notre vie, qu'il puisse ôter quelque chose de notre liberté, de notre espace vital, par sa grandeur. Elle sait que si Dieu est grand, nous aussi, nous sommes grands. Notre vie n'est pas opprimée, mais est élevée et élargie : ce n'est qu'alors qu'elle devient grande dans la splendeur de Dieu.
Le fait que nos ancêtres pensaient le contraire, constitua le noyau du péché originel. Ils craignaient que si Dieu avait été trop grand, il aurait ôté quelque chose à leur vie. Ils pensaient devoir mettre Dieu de côté pour avoir de la place pour eux-mêmes. Telle a été également la grande tentation de l'époque moderne, des trois ou quatre derniers siècles. On a toujours plus pensé et dit: "Mais ce Dieu ne nous laisse pas notre liberté, il rend étroit l'espace de notre vie avec tous ses commandements. Dieu doit donc disparaître; nous voulons être autonomes, indépendants. Sans ce Dieu, nous serons nous-mêmes des dieux, et nous ferons ce que nous voulons". Telle était également la pensée du fils prodigue, qui ne comprit pas que, précisément en vertu du fait d'être dans la maison du père, il était "libre". Il partit dans des pays lointains et consuma la substance de sa vie. A la fin, il comprit que, précisément parce qu'il s'était éloigné du père, au lieu d'être libre, il était devenu esclave; il comprit que ce n'est qu'en retournant à la maison du Père qu'il pouvait être véritablement libre, dans toute la splendeur de la vie. Il en est de même à l'époque moderne. Avant, on pensait et on croyait que, ayant mis Dieu de côté et étant autonomes, en suivant uniquement nos idées, notre volonté, nous serions devenus réellement libres, nous aurions pu faire ce que nous voulions sans que personne ne nous donne aucun ordre. Mais là où Dieu disparaît, l'homme ne devient pas plus grand; il perd au contraire sa dignité divine, il perd la splendeur de Dieu sur son visage. A la fin, il n'apparaît plus que le produit d'une évolution aveugle, et, en tant que tel, il peut être usé et abusé. C'est précisément ce que l'expérience de notre époque a confirmé.
Ce n'est que si Dieu est grand que l'homme est également grand. Avec Marie, nous devons commencer à comprendre cela. Nous ne devons pas nous éloigner de Dieu, mais rendre Dieu présent; faire en sorte qu'Il soit grand dans notre vie; ainsi, nous aussi, nous devenons divins; toute la splendeur de la dignité divine nous appartient alors. Appliquons cela à notre vie. Il est important que Dieu soit grand parmi nous, dans la vie publique et dans la vie privée. Dans la vie publique, il est important que Dieu soit présent, par exemple, à travers la Croix, dans les édifices publics, que Dieu soit présent dans notre vie commune, car ce n'est que si Dieu est présent que nous pouvons suivre une orientation, une route commune; autrement, les différences deviennent inconciliables, car il n'existe pas de reconnaissance de notre dignité commune. Rendons Dieu grand dans la vie publique et dans la vie privée. Cela veut dire laisser chaque jour un espace à Dieu dans notre vie, en commençant le matin par la prière, puis en réservant du temps à Dieu, en consacrant le dimanche à Dieu. Nous ne perdons pas notre temps libre si nous l'offrons à Dieu. Si Dieu entre dans notre temps, tout notre temps devient plus grand, plus ample, plus riche.
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Benoit XVI - 15.8.2005