Publiée le 21-11-2020
Benoit XVI - 20 août 2005 – JMJ Cologne - Veillée avec les jeunes
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"Dans notre pèlerinage avec les mystérieux Mages d'Orient, nous sommes arrivés au moment que saint Matthieu, dans son Evangile, décrit ainsi: "En entrant dans la maison (sur laquelle l'étoile s'était arrêtée), ils virent l'enfant avec Marie sa mère; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui" (Mt 2, 11). Le cheminement extérieur de ces hommes était achevé. Ils étaient parvenus à leur but. Mais, à ce point, commence pour eux un nouveau cheminement, un pèlerinage intérieur qui change toute leur vie, parce qu'ils avaient sûrement imaginé ce Roi nouveau-né d'une manière différente. Ils s'étaient précisément arrêtés à Jérusalem pour recueillir auprès du Roi local des informations sur le Roi promis qui venait de naître. Ils savaient que le monde était désordonné, et c'est pourquoi leur coeur était inquiet. Ils étaient certains que Dieu existait et qu'il était un Dieu juste et bienveillant. Et peut-être avaient-ils entendu parler des grandes prophéties dans lesquelles les prophètes d'Israël annonçaient un Roi qui serait en harmonie intime avec Dieu et qui, en son nom et pour son compte, rétablirait l'ordre dans le monde. Pour chercher ce Roi, ils s'étaient mis en route: au plus profond d'eux-mêmes, ils étaient à la recherche du droit, de la justice qui devait venir de Dieu, et ils voulaient servir ce Roi, se prosterner à ses pieds et ainsi contribuer eux-mêmes au renouveau du monde. Ils appartenaient à cette sorte de gens "qui ont faim et soif de la justice" (Mt 5, 6). Une telle faim et une telle soif les avaient accompagnés dans leur pèlerinage - ils s'étaient fait pèlerins à la recherche de la justice qu'ils attendaient de Dieu, pour pouvoir se mettre à son service.
Même si les autres personnes, celles qui étaient restées chez elles, les considéraient peut-être comme des utopistes et des rêveurs - ils étaient au contraire des personnes qui avaient les pieds sur terre et qui savaient que, pour changer le monde, il faut disposer du pouvoir. C'est pourquoi ils ne pouvaient chercher l'Enfant de la promesse ailleurs que dans le palais du Roi. Maintenant, ils se prosternent cependant devant un enfant de pauvres gens, et ils en viennent rapidement à savoir que, fort de son pouvoir, Hérode - le Roi auprès duquel ils s'étaient rendus - avait l'intention de le poursuivre, en sorte qu'il ne resterait plus à la famille que la fuite et l'exil. Le nouveau Roi, devant lequel ils s'étaient prosternés, était très différent de ce qu'ils attendaient. Ainsi, ils devaient apprendre que Dieu est différent de la façon dont habituellement nous l'imaginons. C'est ici que commença leur cheminement intérieur. Il commença au moment même où ils se prosternèrent devant l'enfant et où ils le reconnurent comme le Roi promis. Mais la joie qu'ils manifestaient par leurs gestes devait s'intérioriser.
Ils devaient changer leur idée sur le pouvoir, sur Dieu et sur l'homme, et, ce faisant, ils devaient aussi se changer eux-mêmes. Maintenant, ils le constataient: le pouvoir de Dieu est différent du pouvoir des puissants de ce monde. Le mode d'agir de Dieu est différent de ce que nous imaginons et de ce que nous voudrions lui imposer à lui aussi. Dans ce monde, Dieu n'entre pas en concurrence avec les formes terrestres du pouvoir. Il n'a pas de divisions à opposer à d'autres divisions. Dieu n'a pas envoyé à Jésus, au Jardin des Oliviers, douze légions d'anges pour l'aider (cf. Mt 26, 53). Au pouvoir tapageur et pompeux de ce monde, Il oppose le pouvoir sans défense de l'amour qui, sur la Croix - et ensuite continuellement au cours de l'histoire - succombe et qui cependant constitue la réalité nouvelle, divine, qui s'oppose ensuite à l'injustice et instaure le Règne de Dieu. Dieu est différent - c'est cela qu'ils reconnaissent maintenant. Et cela signifie que, désormais, eux-mêmes doivent devenir différents, ils doivent apprendre le style de Dieu.
Ils étaient venus pour se mettre au service de ce Roi, pour conformer leur royauté à la sienne. Telle était la signification de leur geste de déférence, de leur adoration. Leurs présents - or, encens et myrrhe -, dons qui s'offraient à un Roi considéré comme divin, en faisaient aussi partie. L'adoration a un contenu et comporte aussi un don. Voulant par leur geste d'adoration reconnaître cet Enfant comme leur Roi, au service duquel ils entendaient mettre leur pouvoir et leurs capacités, les hommes provenant d'Orient suivaient assurément les traces justes. En le servant et en le suivant, ils voulaient, avec Lui, servir la cause de la justice et du bien dans le monde. Et en cela, ils avaient raison. Maintenant, ils apprennent cependant que cela ne peut se réaliser simplement en donnant des ordres et du haut d'un trône. Maintenant, ils apprennent qu'ils doivent se donner eux-mêmes - un don moindre que celui-là ne suffit pas pour ce Roi. Maintenant, ils apprennent que leur vie doit se conformer à cette façon divine d'exercer le pouvoir, à cette façon d'être de Dieu lui-même. Ils doivent devenir des hommes de la vérité, du droit, de la bonté, du pardon, de la miséricorde. Ils ne poseront plus la question: à quoi cela me sert-il? Ils devront au contraire poser la question: avec quoi est-ce que je sers la présence de Dieu dans le monde? Ils doivent apprendre à se perdre eux-mêmes et ainsi à se trouver eux-mêmes. Quittant Jérusalem, ils doivent demeurer sur les traces du vrai Roi, à la suite de Jésus."