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Jean Paul II : Homélie au sanctuaire marial de Knock, en Irlande

Publiée le 24-08-2018

 

Chers frères et sœurs en le Christ, fils et filles fidèles de Marie,

1. Je touche ici au but de mon voyage en Irlande: le Sanctuaire de Notre-Dame de Knock. Dès le moment où j'ai su que le centenaire de ce sanctuaire se célébrait cette année j'ai été pris du vif désir de venir ici, du désir de faire un nouveau pèlerinage à un sanctuaire de la Mère du Christ, Mère de l'Eglise, Reine de la Paix. Ne soyez pas surpris de ce désir. Cette habitude d'aller en pèlerinage aux sanctuaires de la Vierge je l'ai prise dès mon plus jeune âge et dans mon pays. J'ai fait de tels pèlerinages comme Evêque et comme Cardinal. Je sais parfaitement que chaque peuple, chaque pays et même chaque diocèse a ses lieux-saints où le cœur du peuple de Dieu bat, pourrait-on dire, de manière plus vive : lieux d'une rencontre spéciale entre Dieu et les êtres humains ; lieux où le Christ réside d'une manière spéciale parmi nous. Si ces lieux sont si souvent consacrés à sa Mère, cela nous révèle de la manière la plus complète la nature de son Eglise. Et ce fait est pour nous plus évident que jamais depuis le Concile Vatican II qui a conclu sa Constitution sur l'Eglise par le chapitre sur "La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l'Eglise" ; oui, plus évident pour nous tous, pour tous les chrétiens. Ne proclamons-nous pas avec tous nos frères, y compris ceux avec qui nous ne sommes pas encore en pleine unité, que nous sommes un peuple pèlerin ? De même que jadis, ce peuple a accompli ce pèlerinage sous la direction de Moïse, nous aussi, le peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, nous marchons en pèlerins sous la conduite du Christ.

Je me trouve ici en pèlerin, un signe de l'Eglise pèlerine à travers le monde qui, du fait de ma présence ici comme successeur de Pierre, participe de manière toute spéciale à la célébration du centenaire de ce Sanctuaire.

La liturgie de la parole de la messe de ce jour m'offre le moyen d'adresser à Marie, mon salut de pèlerin, au moment où je me présente devant elle dans le Sanctuaire marial irlandais à Cnoc Mhuire, la colline de Marie.

2. "Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein" (Lc 1, 42). C'est par ces mots qu'Elisabeth "remplie du Saint-Esprit" accueillit Marie, sa parente venue de Nazareth,

"Tu est bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein." C'est également le salut que j'adresse ici, en son sanctuaire de Knock à Muire Máthair De, à Marie la Mère de Dieu, Reine d'Irlande. Je veux exprimer ainsi si l'immense joie et la vive gratitude qui, aujourd'hui, à cette place, m'emplissent le cœur. Je n'aurais pu désirer autre chose. Les moments suprêmes de mes récents voyages pastoraux furent mes visites aux sanctuaires de Marie : à la Vierge de Guadalupe au Mexique, à la Vierge Noire de Jasna Gora dans mon pays et il y a trois semaines à Notre-Dame de Lorette en Italie. Aujourd'hui je viens ici parce que je veux que vous sachiez tous que ma dévotion à Marie m'attache de manière toute particulière au peuple d'Irlande.

3. Vous avez une longue tradition spirituelle de dévotion à la Vierge. Marie peut dire à juste titre du peuple irlandais ce que nous venons d'entendre dans la première lecture : "Je me suis enracinée dans le peuple glorifié" (Si 24, 12). Votre vénération envers Marie est si étroitement liée à votre foi que ses origines se perdent dans les premiers siècles de l'évangélisation de votre pays. On m'a dit que dans la langue irlandaise les noms de Dieu, de Jésus et de Marie sont liés l'un à l'autre et que dans la prière ou la bénédiction, il est rare que le nom de Dieu soit cité sans le nom de Marie. Je sais également que dans un poème Irlandais du VIIIe siècle Marie est appelée "Soleil de notre race" et qu'une litanie de la même époque l'honore comme "Mère de l'Eglise céleste et terrestre". Mais mieux que toute source littéraire, c'est la dévotion envers Marie, constante et profondément enracinée qui rend témoignage du succès de l'évangélisation de saint Patrick qui vous a apporté la foi catholique dans toute sa plénitude.

Il est donc normal — et ceci je le constate avec grande joie — que le peuple irlandais maintienne cette dévotion traditionnelle à l'égard de la Mère de Dieu dans les familles et les paroisses et, de manière particulière en ce sanctuaire de Cnoc Mhuire. Durant tout un siècle, vous avez sanctifié ce lieu de pèlerinage par vos prières, vos sacrifices, votre pénitence. Tous ceux qui sont venus ici ont obtenu des grâces par l'intercession de Marie. Depuis ce jour béni du 21 août 1879 jusqu'à ce jour, les malades et les souffrants, les handicapés physiques ou mentaux, et tous ceux qui étaient troublés dans leur foi ou dans leur conscience, tous ont été apaisés, réconfortés et confirmés dans leur foi parce qu'ils ont eu confiance que la Mère de Dieu les conduirait à son Fils Jésus. Chaque fois qu'un pèlerin vient en ce lieu qui n'était autrefois qu'un modeste village dans une région marécageuse dans le County Mayo, chaque fois qu'un homme, une femme ou un enfant monte vers la vieille église de l'Apparition ou le nouveau sanctuaire de Marie Reine d'Irlande, c'est pour renouveler sa foi, dans le salut qui nous vient par Jésus ; Jésus qui a fait de nous tous les fils de Dieu, héritiers du Royaume des deux. En vous confiant à Marie, vous recevez le Christ. En Marie, "Le Verbe s'est fait chair", en elle le Fils de Dieu s'est fait homme afin que nous puissions tous comprendre combien grande est notre dignité humaine. Nous trouvant en ce lieu consacré, nous levons les yeux vers la Mère de Dieu et disons : "Tu es bénie entre toutes les femmes, et béni le fruit de ton sein".

Le temps présent est un moment important dans l'histoire de l'Eglise Universelle et, en particulier, de 1'Église d'Irlande. Tant de choses ont changé. Tant de nouveaux et précieux aspects ont été relevés dans ce que signifie le fait d'être chrétiens. Tant de nouveaux problèmes doivent être affrontés par les fidèles à cause du rythme accéléré des transformations dans la société et à cause des nouvelles requêtes faites au sujet du Peuple de Dieu — requêtes de vivre dans toute sa plénitude la mission d'évangélisation. Le Concile Vatican II et le Synode des Evêques ont apporté un renouveau de vitalité pastorale dans toute l'Eglise. Mon vénéré prédécesseur Paul VI a élaboré de sages directives pour le renouvellement et donné à tout le peuple de Dieu inspiration et enthousiasme pour l'aider dans cette tâche. Par tout ce qu'il a dit et fait, Paul VI a enseigné à l'Eglise à être ouverte à tous les besoins de l'humanité et, en même temps, à rester fidèle, sans faiblesse, à l'inaltérable message du Christ. Fidèle à l'enseignement du Collège des Evêques en union avec le Pape, l'Eglise d'Irlande a accepté avec reconnaissance les richesses du Concile et des Synodes. Les catholiques irlandais ont adhéré loyalement, parfois malgré les pressions contraires, aux riches expressions de la foi, aux ferventes pratiques sacramentelles et aux engagements charitables qui ont toujours caractérisé votre Eglise. Mais la tâche du renouvellement dans le Christ n'est jamais terminée. Avec sa propre mentalité et ses caractéristiques, chaque génération est comme un nouveau continent qu'il faut gagner au Christ. L'Eglise doit sans cesse envisager de nouveaux moyens qui permettent de la comprendre plus profondément et d'accomplir avec un surcroit de vigueur la mission que son fondateur lui a confiée. Dans cette tâche ardue, comme chaque fois — et si souvent — que l'Eglise s'est trouvée aux prises avec de nouveaux défis, nous nous tournons vers Marie, Mère de Dieu et Siège de la Sagesse, assurés qu'elle nous indiquera la voie qui mène à son Fils. Une très ancienne homélie irlandaise pour la fête de l'Epiphanie (dans le Lcabhar Breac) disait que de la même manière que les Mages ont trouvé Jésus dans les bras de sa Mère, nous, aujourd'hui, nous trouvons le Christ dans les bras de 1'Eglise.

4. Marie fut vraiment unie à Jésus. Les Evangiles ne nous ont pas conservé beaucoup de ses paroles ; mais celles qui nous sont rappelées nous ramènent toujours à son Fils et aux paroles de son Fils. À Cana en Galilée, elle se tourna de son Fils vers les serviteurs et leur dit : "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (Jn 2, 5). C'est ce même message qu'elle nous adresse à nous, aujourd'hui.

5. "Tout ce qu'il vous dira, faites-le." Ce que Jésus nous dit — par sa vie et par sa parole — a été conservé pour nous dans les Evangiles et dans les épîtres des apôtres et de saint Paul, et nous a été transmis par l'Eglise. Nous devons nous familiariser avec ces paroles. Et nous le ferons en écoutant les lectures de la sainte Écriture durant la liturgie de la parole qui nous introduit au sacrifice eucharistique ; en lisant nous-mêmes l'Écriture sainte : en famille ou avec des amis ; en réfléchissant sur ce que le Seigneur nous dit quand nous récitons le Rosaire et que nous unissons notre dévotion envers la Mère de Dieu avec la prière méditée des mystères de la vie de son Fils. Chaque fois que nous avons des problèmes, que nous nous ployons sous le fardeau, que nous sommes contraints de faire un choix imposé par la foi, la parole du Seigneur nous réconfortera et nous guidera.

Jésus n'a pas abandonné ses disciples sans guide dans leur tâche de comprendre et de vivre l'Evangile. Avant de retourner chez le Père, il promit d'envoyer son Esprit à l'Eglise : "Mais le Paraclet, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14, 26).

Ce même Esprit a guidé les successeurs des apôtres, vos évêques, en union avec l'Évêque de Rome auquel fut confiée la tâche de préserver la foi et de "prêcher l'Évangile à toute la création" (Mc 16, 15). Ecoutez leur voix, parce qu'ils vous apportent la Parole du Seigneur.

6. "Tout ce qu'il vous dira, faites-le." Tant de voix différentes assaillent ce monde d'aujourd'hui, si merveilleux, mais si compliqué et exigeant. On entend tant de fausses voix en conflit avec la parole de Notre Seigneur. Il y a des voix qui vous disent que la vérité est moins importante que le gain personnel ; que le bien-être, la santé et le plaisir sont les vrais points de mire de la vie ; que le refus d'une vie nouvelle vaut mieux que la générosité d'esprit et la prise de responsabilité en l'accueillant ; que la justice doit être réalisée, mais sans l'engagement personnel des chrétiens ; que la violence peut être le moyen d'obtenir une bonne fin ; que l'unité peut être obtenue sans avoir besoin de supprimer la haine.

Et maintenant, revenons en pensée de Cana en Galilée au sanctuaire de Knock. N'entendons-nous cas la Mère du Christ, nous le montrant du doigt, nous dire comme à Cana : "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" ? Elle est en train de nous le dire à tous. Sa voix est entendue plus directement par mes frères dans l'épiscopat, les pasteurs de l'Église d'Irlande qui, en m'invitant ici, m'ont demandé de répondre à une invitation venant de la Mère de l'Eglise. Et ainsi, vénérables frères, j'y réponds, tandis que ma pensée se tourne vers le passé de votre pays et que je sens également la force de son éloquent présent, si plein de joie et pourtant, en même temps si préoccupant et parfois si douloureux. Je réponds comme je l'ai fait à Guadalupe au Mexique et à Jasna Gora en Pologne. En mon nom et au vôtre, et au nom de tout le peuple catholique d'Irlande, je prononce en conclusion de cette homélie, les paroles suivantes de confiance et de consécration :

Mère, dans ton sanctuaire tu réunis le Peuple de Dieu d'Irlande, et sans cesse tu lui montres le Christ dans l'Eucharistie et dans l'Église. En ce moment solennel, nous écoutons avec une toute particulière attention tes paroles : "Tout ce que vous dira mon Fils, faites-le". Et nous voulons répondre de tout notre cœur à tes paroles. Nous voulons faire ce que ton Fils nous dit, ce qu'il nous ordonne, car il a les paroles de vie éternelle. Nous voulons mettre à exécution et accomplir tout ce qui vient de lui et tout ce qui est contenu dans la Bonne Nouvelle, comme nos devanciers l'ont fait pendant de nombreux siècles. Leur fidélité au Christ et à son Église, et leur attachement héroïque au Siège apostolique, nous ont marqué d'un signe indélébile que chacun de nous porte en soi. Leur fidélité a, tout au long des siècles, produit des fruits d'héroïsme chrétien et de vertueuses traditions d'existence "conforme au plus saint commandement de l'Evangile, celui de l'Amour. Nous avons reçu ce merveilleux héritage de leurs mains, à l'aube d'une époque nouvelle car nous sommes ; tout près de la fin du deuxième millénaire écoulé depuis le moment où le Fils de Dieu fut engendré par toi, notre Alma Mater, et nous entendons transmettre cet héritage au futur, démontrant cette même fidélité avec laquelle nos ancêtres lui rendirent témoignage.

C'est pourquoi, aujourd'hui, à l'occasion de la première visite d'un Pape en Irlande, nous te confions et te consacrons, à Toi Mère du Christ et Mère de l'Eglise, nos cœurs, nos consciences, nos travaux afin qu'ils puissent rester à l'unisson avec la foi que nous professons. Nous te confions et nous te consacrons tous ceux qui composent la communauté du peuple irlandais et la communauté du peuple de Dieu qui vit dans ce pays.

Nous te confions et te consacrons les évêques d'Irlande, le clergé, les religieux et les religieuses, les moines et les sœurs contemplatives, les séminaristes, les novices. Nous te confions et te consacrons les pères et mères, les jeunes, les enfants. Nous te confions et te consacrons les enseignants, les catéchistes, les étudiants, les écrivains, les poètes, les auteurs, les artistes, les travailleurs et leurs chefs, les employés et leurs dirigeants, les classes libérales, les gens engagés dans la politique, dans la vie publique, ceux qui forment l'opinion publique. Nous te confions et te consacrons les époux et ceux qui se préparent au mariage, ceux qui sont appelés à te servir toi et le prochain dans le célibat, les malades, les vieillards, les malades mentaux, les handicapés et tous ceux qui les assistent et en prennent soin. Nous te confions et te consacrons les prisonniers et tous ceux qui sont rejetés, les exilés, tous ceux qui ont la nostalgie de leur foyer et tous ceux qui se sentent seuls.

Nous confions à tes soins maternels la terre d'Irlande où tu as été et tu es toujours tant aimée. Aide cette terre à demeurer toujours sincèrement avec toi et avec ton Fils. Que la prospérité n'entraîne jamais les hommes et les femmes de ce pays à oublier Dieu et à abandonner leur foi. Maintiens-les, dans la prospérité, fidèles à la foi qu'ils n'auraient jamais abandonnée dans la pauvreté ou la persécution. Tiens-les bien loin de la cupidité, de l'envie, de la quête d'intérêts égoïstes ou d'intérêts de classe. Aide-les à travailler ensemble, mus par un idéal chrétien et en vue d'un but chrétien commun, c'est-à-dire pour édifier une société juste, pacifique et fondée sur l'amour; une société qui ne se détourne pas des pauvres et respecte les droits de tous et notamment ceux des plus faibles. Reine d'Irlande, Marie Mère de l'Eglise céleste et terrestre, Màthair Dé, maintiens l'Irlande fidèle à ses traditions spirituelles et à son héritage chrétien. Aide-la à répondre à sa mission historique de porter la lumière du Christ aux nations et de faire ainsi de la gloire de Dieu l'honneur de l'Irlande.

Mère, pouvons-nous rester silencieux devant ce qui nous semble le plus pénible, qui bien souvent nous plonge dans le découragement ? Tout particulièrement nous te confions cette grande blessure qui affecte aujourd'hui notre population, espérant que tes mains seront capables de la soigner et de la guérir. Grand est l'intérêt que nous portons à ces jeunes âmes impliquées dans de sanglants actes de vengeance et de haine. Mère, n'abandonne pas ces jeunes cœurs. Mère, reste près d'eux, lorsque dans leurs heures les plus affreuses, nous ne pouvons ni les conseiller ni les assister. Mère, protège chacun de nous et spécialement la jeunesse irlandaise pour qu'elle ne succombe pas à l'hostilité et à la haine. Apprends-nous à distinguer clairement entre ce qui procède de l'amour pour notre pays et ce qui porte l'empreinte de la destruction et la marque de Caïn. Fais-nous comprendre que les mauvais moyens ne conduisent jamais à une bonne fin, que toute vie humaine est sacrée, qu'un assassinat est toujours un assassinat, peu en importe le motif ou l'objectif. Sauve les autres, ceux qui assistent à ces terribles événements, sauve-les du danger de mener une vie dépourvue d'idéaux chrétiens ou en conflit avec les principes moraux.

Puissent nos oreilles entendre clairement ta voix mélodieuse nous dire : "Tout ce que vous dira mon Fils, faites-le". Rends-nous capables de persévérer avec le Christ. Rends-nous capables, Mère de l'Eglise, d'édifier son Corps mystique en vivant cette vie que lui seul peut nous accorder et qui nous vient de sa plénitude qui est à la fois divine et humaine.

lave.
 

Chers frères et sœurs en le Christ, fils et filles fidèles de Marie,

1. Je touche ici au but de mon voyage en Irlande: le Sanctuaire de Notre-Dame de Knock. Dès le moment où j'ai su que le centenaire de ce sanctuaire se célébrait cette année j'ai été pris du vif désir de venir ici, du désir de faire un nouveau pèlerinage à un sanctuaire de la Mère du Christ, Mère de l'Eglise, Reine de la Paix. Ne soyez pas surpris de ce désir. Cette habitude d'aller en pèlerinage aux sanctuaires de la Vierge je l'ai prise dès mon plus jeune âge et dans mon pays. J'ai fait de tels pèlerinages comme Evêque et comme Cardinal. Je sais parfaitement que chaque peuple, chaque pays et même chaque diocèse a ses lieux-saints où le cœur du peuple de Dieu bat, pourrait-on dire, de manière plus vive : lieux d'une rencontre spéciale entre Dieu et les êtres humains ; lieux où le Christ réside d'une manière spéciale parmi nous. Si ces lieux sont si souvent consacrés à sa Mère, cela nous révèle de la manière la plus complète la nature de son Eglise. Et ce fait est pour nous plus évident que jamais depuis le Concile Vatican II qui a conclu sa Constitution sur l'Eglise par le chapitre sur "La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l'Eglise" ; oui, plus évident pour nous tous, pour tous les chrétiens. Ne proclamons-nous pas avec tous nos frères, y compris ceux avec qui nous ne sommes pas encore en pleine unité, que nous sommes un peuple pèlerin ? De même que jadis, ce peuple a accompli ce pèlerinage sous la direction de Moïse, nous aussi, le peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, nous marchons en pèlerins sous la conduite du Christ.

Je me trouve ici en pèlerin, un signe de l'Eglise pèlerine à travers le monde qui, du fait de ma présence ici comme successeur de Pierre, participe de manière toute spéciale à la célébration du centenaire de ce Sanctuaire.

La liturgie de la parole de la messe de ce jour m'offre le moyen d'adresser à Marie, mon salut de pèlerin, au moment où je me présente devant elle dans le Sanctuaire marial irlandais à Cnoc Mhuire, la colline de Marie.

2. "Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein" (Lc 1, 42). C'est par ces mots qu'Elisabeth "remplie du Saint-Esprit" accueillit Marie, sa parente venue de Nazareth,

"Tu est bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein." C'est également le salut que j'adresse ici, en son sanctuaire de Knock à Muire Máthair De, à Marie la Mère de Dieu, Reine d'Irlande. Je veux exprimer ainsi si l'immense joie et la vive gratitude qui, aujourd'hui, à cette place, m'emplissent le cœur. Je n'aurais pu désirer autre chose. Les moments suprêmes de mes récents voyages pastoraux furent mes visites aux sanctuaires de Marie : à la Vierge de Guadalupe au Mexique, à la Vierge Noire de Jasna Gora dans mon pays et il y a trois semaines à Notre-Dame de Lorette en Italie. Aujourd'hui je viens ici parce que je veux que vous sachiez tous que ma dévotion à Marie m'attache de manière toute particulière au peuple d'Irlande.

3. Vous avez une longue tradition spirituelle de dévotion à la Vierge. Marie peut dire à juste titre du peuple irlandais ce que nous venons d'entendre dans la première lecture : "Je me suis enracinée dans le peuple glorifié" (Si 24, 12). Votre vénération envers Marie est si étroitement liée à votre foi que ses origines se perdent dans les premiers siècles de l'évangélisation de votre pays. On m'a dit que dans la langue irlandaise les noms de Dieu, de Jésus et de Marie sont liés l'un à l'autre et que dans la prière ou la bénédiction, il est rare que le nom de Dieu soit cité sans le nom de Marie. Je sais également que dans un poème Irlandais du VIIIe siècle Marie est appelée "Soleil de notre race" et qu'une litanie de la même époque l'honore comme "Mère de l'Eglise céleste et terrestre". Mais mieux que toute source littéraire, c'est la dévotion envers Marie, constante et profondément enracinée qui rend témoignage du succès de l'évangélisation de saint Patrick qui vous a apporté la foi catholique dans toute sa plénitude.

Il est donc normal — et ceci je le constate avec grande joie — que le peuple irlandais maintienne cette dévotion traditionnelle à l'égard de la Mère de Dieu dans les familles et les paroisses et, de manière particulière en ce sanctuaire de Cnoc Mhuire. Durant tout un siècle, vous avez sanctifié ce lieu de pèlerinage par vos prières, vos sacrifices, votre pénitence. Tous ceux qui sont venus ici ont obtenu des grâces par l'intercession de Marie. Depuis ce jour béni du 21 août 1879 jusqu'à ce jour, les malades et les souffrants, les handicapés physiques ou mentaux, et tous ceux qui étaient troublés dans leur foi ou dans leur conscience, tous ont été apaisés, réconfortés et confirmés dans leur foi parce qu'ils ont eu confiance que la Mère de Dieu les conduirait à son Fils Jésus. Chaque fois qu'un pèlerin vient en ce lieu qui n'était autrefois qu'un modeste village dans une région marécageuse dans le County Mayo, chaque fois qu'un homme, une femme ou un enfant monte vers la vieille église de l'Apparition ou le nouveau sanctuaire de Marie Reine d'Irlande, c'est pour renouveler sa foi, dans le salut qui nous vient par Jésus ; Jésus qui a fait de nous tous les fils de Dieu, héritiers du Royaume des deux. En vous confiant à Marie, vous recevez le Christ. En Marie, "Le Verbe s'est fait chair", en elle le Fils de Dieu s'est fait homme afin que nous puissions tous comprendre combien grande est notre dignité humaine. Nous trouvant en ce lieu consacré, nous levons les yeux vers la Mère de Dieu et disons : "Tu es bénie entre toutes les femmes, et béni le fruit de ton sein".

Le temps présent est un moment important dans l'histoire de l'Eglise Universelle et, en particulier, de 1'Église d'Irlande. Tant de choses ont changé. Tant de nouveaux et précieux aspects ont été relevés dans ce que signifie le fait d'être chrétiens. Tant de nouveaux problèmes doivent être affrontés par les fidèles à cause du rythme accéléré des transformations dans la société et à cause des nouvelles requêtes faites au sujet du Peuple de Dieu — requêtes de vivre dans toute sa plénitude la mission d'évangélisation. Le Concile Vatican II et le Synode des Evêques ont apporté un renouveau de vitalité pastorale dans toute l'Eglise. Mon vénéré prédécesseur Paul VI a élaboré de sages directives pour le renouvellement et donné à tout le peuple de Dieu inspiration et enthousiasme pour l'aider dans cette tâche. Par tout ce qu'il a dit et fait, Paul VI a enseigné à l'Eglise à être ouverte à tous les besoins de l'humanité et, en même temps, à rester fidèle, sans faiblesse, à l'inaltérable message du Christ. Fidèle à l'enseignement du Collège des Evêques en union avec le Pape, l'Eglise d'Irlande a accepté avec reconnaissance les richesses du Concile et des Synodes. Les catholiques irlandais ont adhéré loyalement, parfois malgré les pressions contraires, aux riches expressions de la foi, aux ferventes pratiques sacramentelles et aux engagements charitables qui ont toujours caractérisé votre Eglise. Mais la tâche du renouvellement dans le Christ n'est jamais terminée. Avec sa propre mentalité et ses caractéristiques, chaque génération est comme un nouveau continent qu'il faut gagner au Christ. L'Eglise doit sans cesse envisager de nouveaux moyens qui permettent de la comprendre plus profondément et d'accomplir avec un surcroit de vigueur la mission que son fondateur lui a confiée. Dans cette tâche ardue, comme chaque fois — et si souvent — que l'Eglise s'est trouvée aux prises avec de nouveaux défis, nous nous tournons vers Marie, Mère de Dieu et Siège de la Sagesse, assurés qu'elle nous indiquera la voie qui mène à son Fils. Une très ancienne homélie irlandaise pour la fête de l'Epiphanie (dans le Lcabhar Breac) disait que de la même manière que les Mages ont trouvé Jésus dans les bras de sa Mère, nous, aujourd'hui, nous trouvons le Christ dans les bras de 1'Eglise.

4. Marie fut vraiment unie à Jésus. Les Evangiles ne nous ont pas conservé beaucoup de ses paroles ; mais celles qui nous sont rappelées nous ramènent toujours à son Fils et aux paroles de son Fils. À Cana en Galilée, elle se tourna de son Fils vers les serviteurs et leur dit : "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (Jn 2, 5). C'est ce même message qu'elle nous adresse à nous, aujourd'hui.

5. "Tout ce qu'il vous dira, faites-le." Ce que Jésus nous dit — par sa vie et par sa parole — a été conservé pour nous dans les Evangiles et dans les épîtres des apôtres et de saint Paul, et nous a été transmis par l'Eglise. Nous devons nous familiariser avec ces paroles. Et nous le ferons en écoutant les lectures de la sainte Écriture durant la liturgie de la parole qui nous introduit au sacrifice eucharistique ; en lisant nous-mêmes l'Écriture sainte : en famille ou avec des amis ; en réfléchissant sur ce que le Seigneur nous dit quand nous récitons le Rosaire et que nous unissons notre dévotion envers la Mère de Dieu avec la prière méditée des mystères de la vie de son Fils. Chaque fois que nous avons des problèmes, que nous nous ployons sous le fardeau, que nous sommes contraints de faire un choix imposé par la foi, la parole du Seigneur nous réconfortera et nous guidera.

Jésus n'a pas abandonné ses disciples sans guide dans leur tâche de comprendre et de vivre l'Evangile. Avant de retourner chez le Père, il promit d'envoyer son Esprit à l'Eglise : "Mais le Paraclet, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14, 26).

Ce même Esprit a guidé les successeurs des apôtres, vos évêques, en union avec l'Évêque de Rome auquel fut confiée la tâche de préserver la foi et de "prêcher l'Évangile à toute la création" (Mc 16, 15). Ecoutez leur voix, parce qu'ils vous apportent la Parole du Seigneur.

6. "Tout ce qu'il vous dira, faites-le." Tant de voix différentes assaillent ce monde d'aujourd'hui, si merveilleux, mais si compliqué et exigeant. On entend tant de fausses voix en conflit avec la parole de Notre Seigneur. Il y a des voix qui vous disent que la vérité est moins importante que le gain personnel ; que le bien-être, la santé et le plaisir sont les vrais points de mire de la vie ; que le refus d'une vie nouvelle vaut mieux que la générosité d'esprit et la prise de responsabilité en l'accueillant ; que la justice doit être réalisée, mais sans l'engagement personnel des chrétiens ; que la violence peut être le moyen d'obtenir une bonne fin ; que l'unité peut être obtenue sans avoir besoin de supprimer la haine.

Et maintenant, revenons en pensée de Cana en Galilée au sanctuaire de Knock. N'entendons-nous cas la Mère du Christ, nous le montrant du doigt, nous dire comme à Cana : "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" ? Elle est en train de nous le dire à tous. Sa voix est entendue plus directement par mes frères dans l'épiscopat, les pasteurs de l'Église d'Irlande qui, en m'invitant ici, m'ont demandé de répondre à une invitation venant de la Mère de l'Eglise. Et ainsi, vénérables frères, j'y réponds, tandis que ma pensée se tourne vers le passé de votre pays et que je sens également la force de son éloquent présent, si plein de joie et pourtant, en même temps si préoccupant et parfois si douloureux. Je réponds comme je l'ai fait à Guadalupe au Mexique et à Jasna Gora en Pologne. En mon nom et au vôtre, et au nom de tout le peuple catholique d'Irlande, je prononce en conclusion de cette homélie, les paroles suivantes de confiance et de consécration :

Mère, dans ton sanctuaire tu réunis le Peuple de Dieu d'Irlande, et sans cesse tu lui montres le Christ dans l'Eucharistie et dans l'Église. En ce moment solennel, nous écoutons avec une toute particulière attention tes paroles : "Tout ce que vous dira mon Fils, faites-le". Et nous voulons répondre de tout notre cœur à tes paroles. Nous voulons faire ce que ton Fils nous dit, ce qu'il nous ordonne, car il a les paroles de vie éternelle. Nous voulons mettre à exécution et accomplir tout ce qui vient de lui et tout ce qui est contenu dans la Bonne Nouvelle, comme nos devanciers l'ont fait pendant de nombreux siècles. Leur fidélité au Christ et à son Église, et leur attachement héroïque au Siège apostolique, nous ont marqué d'un signe indélébile que chacun de nous porte en soi. Leur fidélité a, tout au long des siècles, produit des fruits d'héroïsme chrétien et de vertueuses traditions d'existence "conforme au plus saint commandement de l'Evangile, celui de l'Amour. Nous avons reçu ce merveilleux héritage de leurs mains, à l'aube d'une époque nouvelle car nous sommes ; tout près de la fin du deuxième millénaire écoulé depuis le moment où le Fils de Dieu fut engendré par toi, notre Alma Mater, et nous entendons transmettre cet héritage au futur, démontrant cette même fidélité avec laquelle nos ancêtres lui rendirent témoignage.

C'est pourquoi, aujourd'hui, à l'occasion de la première visite d'un Pape en Irlande, nous te confions et te consacrons, à Toi Mère du Christ et Mère de l'Eglise, nos cœurs, nos consciences, nos travaux afin qu'ils puissent rester à l'unisson avec la foi que nous professons. Nous te confions et nous te consacrons tous ceux qui composent la communauté du peuple irlandais et la communauté du peuple de Dieu qui vit dans ce pays.

Nous te confions et te consacrons les évêques d'Irlande, le clergé, les religieux et les religieuses, les moines et les sœurs contemplatives, les séminaristes, les novices. Nous te confions et te consacrons les pères et mères, les jeunes, les enfants. Nous te confions et te consacrons les enseignants, les catéchistes, les étudiants, les écrivains, les poètes, les auteurs, les artistes, les travailleurs et leurs chefs, les employés et leurs dirigeants, les classes libérales, les gens engagés dans la politique, dans la vie publique, ceux qui forment l'opinion publique. Nous te confions et te consacrons les époux et ceux qui se préparent au mariage, ceux qui sont appelés à te servir toi et le prochain dans le célibat, les malades, les vieillards, les malades mentaux, les handicapés et tous ceux qui les assistent et en prennent soin. Nous te confions et te consacrons les prisonniers et tous ceux qui sont rejetés, les exilés, tous ceux qui ont la nostalgie de leur foyer et tous ceux qui se sentent seuls.

Nous confions à tes soins maternels la terre d'Irlande où tu as été et tu es toujours tant aimée. Aide cette terre à demeurer toujours sincèrement avec toi et avec ton Fils. Que la prospérité n'entraîne jamais les hommes et les femmes de ce pays à oublier Dieu et à abandonner leur foi. Maintiens-les, dans la prospérité, fidèles à la foi qu'ils n'auraient jamais abandonnée dans la pauvreté ou la persécution. Tiens-les bien loin de la cupidité, de l'envie, de la quête d'intérêts égoïstes ou d'intérêts de classe. Aide-les à travailler ensemble, mus par un idéal chrétien et en vue d'un but chrétien commun, c'est-à-dire pour édifier une société juste, pacifique et fondée sur l'amour; une société qui ne se détourne pas des pauvres et respecte les droits de tous et notamment ceux des plus faibles. Reine d'Irlande, Marie Mère de l'Eglise céleste et terrestre, Màthair Dé, maintiens l'Irlande fidèle à ses traditions spirituelles et à son héritage chrétien. Aide-la à répondre à sa mission historique de porter la lumière du Christ aux nations et de faire ainsi de la gloire de Dieu l'honneur de l'Irlande.

Mère, pouvons-nous rester silencieux devant ce qui nous semble le plus pénible, qui bien souvent nous plonge dans le découragement ? Tout particulièrement nous te confions cette grande blessure qui affecte aujourd'hui notre population, espérant que tes mains seront capables de la soigner et de la guérir. Grand est l'intérêt que nous portons à ces jeunes âmes impliquées dans de sanglants actes de vengeance et de haine. Mère, n'abandonne pas ces jeunes cœurs. Mère, reste près d'eux, lorsque dans leurs heures les plus affreuses, nous ne pouvons ni les conseiller ni les assister. Mère, protège chacun de nous et spécialement la jeunesse irlandaise pour qu'elle ne succombe pas à l'hostilité et à la haine. Apprends-nous à distinguer clairement entre ce qui procède de l'amour pour notre pays et ce qui porte l'empreinte de la destruction et la marque de Caïn. Fais-nous comprendre que les mauvais moyens ne conduisent jamais à une bonne fin, que toute vie humaine est sacrée, qu'un assassinat est toujours un assassinat, peu en importe le motif ou l'objectif. Sauve les autres, ceux qui assistent à ces terribles événements, sauve-les du danger de mener une vie dépourvue d'idéaux chrétiens ou en conflit avec les principes moraux.

Puissent nos oreilles entendre clairement ta voix mélodieuse nous dire : "Tout ce que vous dira mon Fils, faites-le". Rends-nous capables de persévérer avec le Christ. Rends-nous capables, Mère de l'Eglise, d'édifier son Corps mystique en vivant cette vie que lui seul peut nous accorder et qui nous vient de sa plénitude qui est à la fois divine et humaine.

 

 

 

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Jean Paul II : Homélie au sanctuaire mariale de Knock, en Irlande 30.9.1979

 

 

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