Publiée le 23-03-2010
A la suite du rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), rendu public en février 2010, l'Alliance pour les Droits de la Vie a voulu connaître l'avis des Françaises sur le sujet sensible de l'avortement, qui la mobilise sur le terrain de l'aide aux femmes enceintes ou ayant déjà vécu l'IVG.
Elle a commandité un sondage détaillé à l'IFOP, réalisé du 19 au 23 février 2010 auprès d'un échantillon représentatif de 1006 femmes âgées de 18 ans et plus.
L'Alliance en tire quatre enseignements majeurs : analyse de Tugdual Derville
1/ L'avortement n'a rien d'anodin pour les femmes : la plupart des Françaises estiment qu'il y en a trop, qu'il a des conséquences difficiles à vivre et aimeraient que la société les aide à l'éviter.
Les Françaises se disent très majoritairement favorables à un « droit à l'avortement » (85%). Ce n'est pas l'avis de l'Alliance qui se retrouve clairement du côté des 7% des sondées qui n'y sont pas favorables. Mais ce constat ne clôt pas le débat, car l'Alliance se retrouve sur d'autres questions avec une nette majorité des Françaises :
- pour 61% des Françaises (contre 33%) « il y a trop d'avortements dans notre pays » ;
- pour 83%, « l'avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes » ;
- pour 60% (contre 33%) « la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l'IVG ».
Pour l'Alliance pour les Droits de la Vie, l'avortement est un drame personnel et un échec social, et les pouvoirs publics ont raison de s'en préoccuper. On ne peut pas se satisfaire que près de 4 Françaises sur 10 aient recours à l'IVG au moins une fois dans leur vie féconde (donnée de l'Institut national d'études démographiques).
A ce titre, les Françaises ne suivent donc pas les associations qui affirment que le fort taux d'IVG ne pose pas de problème et qu'il ne faut pas en faire un drame. Et 54% désapprouvent leur action quand elles « organisent des solutions pour que les femmes puissent avorter à l'étranger au-delà du délai légal ». L'Alliance pour les Droits de la Vie conteste également ces filières d'avortement tardif ouvertement revendiquées, qui ont fait scandale en Espagne ces derniers temps.
2/ Les Françaises sont favorables à une autre politique de prévention de l'avortement, qui ne se réduise pas à « prévenir les grossesses non souhaitées » mais qui tende à aider les femmes enceintes à éviter l'IVG.
Alors que les pouvoirs publics reconnaissent qu'il y a un nombre élevé d'IVG, les solutions qu'ils proposent se bornent à renforcer la contraception – alors que la France est l'un des pays au monde où elle est le plus répandue – ou à augmenter encore les prescripteurs de l'IVG. C'est le sens des récentes annonces du ministère de la Santé.
Or, selon le « paradoxe contraceptif français », 72% des femmes recourant à l'IVG utilisaient une méthode de contraception lorsqu'elles se sont retrouvées enceintes. L'Alliance a donc voulu connaître l'avis des Françaises sur la grande absente des politiques de prévention : l'aide aux femmes enceintes leur permettant d'éviter l'IVG. La plupart des Françaises soutiennent cette perspective :
- 47% (et jusqu'à 58% des 18-24 ans) notent que sa « situation matérielle » est « l'influence principale qui pousse une femme à recourir à l'IVG ». Dans un pays développé, dont le système social est réputé performant, on peut pointer les efforts qui restent à faire pour qu'aucune femme ne se sente contrainte à avorter en raison de problèmes économiques. Seulement 13% des femmes affirment que celles qui décident de recourir à l'IVG ne subissent aucune influence. L'expérience d'écoute de l'Alliance confirme que des avis extérieurs (compagnon, proches, professionnels) poussent souvent une femme à avorter à contrecœur.
- Confirmation : pour 55% des Françaises, « un soutien psychologique pour se protéger des influences extérieures » pourrait aider une femme qui découvre qu'elle est enceinte sans l'avoir souhaité à éviter une Interruption Volontaire de Grossesse.
- 54% évoquent « Une information sur les aides matérielles auxquelles elle a droit ».
- A noter que 27% d'entres elles ajoutent « l'assurance de ne pas être discriminée dans son emploi », un problème récemment soulevé par la Halde qui a lancé en janvier une campagne sur le droit des femmes enceintes.
- Par ailleurs, la moitié des sondées évoquent « une discussion avec des professionnels de santé sur les conséquences de ce choix ».
Ces réponses montrent qu'il y a une place pour éviter trop de décisions hâtives, sous diverses contraintes et qui font de l'IVG – dans bien des cas selon l'expérience de l'Alliance pour les Droits de la Vie – une issue automatique que les femmes auraient pu et voulu éviter.
Ces réponses sont également cohérentes avec l'avis des Françaises sur le livret d'information remis à la consultation pré-IVG :
- 83% d'entre elles (contre seulement 13%) sont favorables à ce qu'y figure « le détail des aides aux femmes enceintes et aux jeunes mères ». L'Alliance dénonce le glissement progressif qui a effacé du dispositif de l'IVG, sous la pression de certaines associations, l'ensemble de ces informations.
La pétition qu'elle a lancée en févier 2010 www.auxlarmescitoyennes.org se trouve cautionnée par ce sondage. C'est une question de justice sociale.
3/ Faire connaître la possibilité de confier un enfant à l'adoption : une perspective ouverte.
L'Alliance a l'expérience de l'accompagnement de femmes enceintes qui se posent la question de confier leur bébé dès la naissance, car elles ne se sentent pas capables de l'élever, en raison de leur situation psychoaffective. Elle sait que c'est un sujet délicat sur lequel il faut éviter tout automatisme, et notamment ne pas cautionner l'idée que la précarité matérielle doive pousser une femme à renoncer à élever son enfant.
Toutefois, l'Alliance voulait clarifier une contradiction : alors que l'IVG n'encourt que peu de « réprobation sociale » officielle (même si de nombreuses femmes s'en culpabilisent) l'idée de « l'abandon d'enfant » est largement l'objet d'une telle réprobation. On a tendance à considérer le traumatisme de l'IVG comme moins lourd que celui de confier un enfant à l'adoption, qui, certes, intervient plus tardivement. Telle n'est pas l'expérience de l'Alliance, qui, pour autant, ne néglige pas le caractère dramatique de certaines séparations néonatales, et la nécessité de les accompagner.
Le sondage exprime sur ce point un avis clair des sondées :
- pour 67% (et jusqu'à 76% des moins de 35 ans) « cela serait une bonne chose de mieux faire connaître à certaines femmes enceintes qui auront de lourdes difficultés personnelles pour élever leur enfant, la possibilité de le confier à l'adoption dès sa naissance ».
L'adoption est-elle pour autant une alternative évidente à l'IVG ? Pas immédiatement ni automatiquement, mais en perspective. Pour le moment, la décision de confier l'enfant intervient plutôt en fin de grossesse, longtemps après que celle de ne pas avorter a été prise. Cette décision de confier un enfant est en balance avec celle de l'élever soi-même. Mais il pourrait en être autrement si on considérait davantage qu'on peut confier un enfant « pour son bien », comme ce fut le cas dans d'autres phases de l'Histoire. Cette analyse est confirmée par les travaux de psychanalystes qui estiment « l'abandon néonatal » injustement dénigré.
4/ Oser dire que les relations sexuelles trop précoces sont la cause majeure de l'IVG chez les adolescentes.
La croissance forte de l'IVG chez les mineures (+30% entre 2001 et 2007) préoccupe à juste titre les pouvoirs publics. Mais les solutions préconisées, jusqu'au niveau gouvernemental restent dans la ligne d'une surenchère d'information à connotation hygiéniste (sexualité réduite à la technique et à la promotion des modes de prévention sanitaires), qui nous semble en décalage avec les besoins réels des plus jeunes. On tend à rendre cette information de plus en plus précoce (désormais « dès la maternelle ») au risque d'escamoter la période de latence de l'enfant et d'installer l'idée illusoire d'une dissociation totale entre sexualité, affectivité et procréation.
- 51% des Françaises estiment que « les relations sexuelles trop précoces » sont parmi les deux raisons principales qui expliquent le taux d'IVG chez les mineures.
Précisons que l'échantillon de plus de 1 000 femmes proposé par l'IFOP ne comprend que des majeures qui, pour un certain nombre, se réfèrent sans doute à leur propre expérience. A ce titre, les experts de l'IGAS ont justement noté qu'il y a un décalage entre les attentes des garçons et celles des filles, au moment de la toute première relation. La DREES a décrit en 2009 ce malentendu : les filles engagent volontiers tout leur être, et leur affectivité alors que, pour les garçons, c'est « une simple étape de jeunesse ». L'Alliance constate même que les filles se trouvent souvent psychiquement violentées par des gestes qui les instrumentalisent.
Le sondage nous encourage à promouvoir une autre forme d'éducation sexuelle, impliquant les parents, et n'encourageant pas les plus jeunes à des relations sexuelles immatures, souvent traumatisante et par ailleurs risquées. Elles sont en effet pourvoyeuses de nombreuses IVG particulièrement dures à vivre pour les plus jeunes. Or, commencer sa vie sexuelle par un avortement est lourd de conséquence.
Notons à ce titre que la diffusion massive des préservatifs, lors de l'irruption de la pandémie du SIDA s'est accompagnée de la croissance de l'IVG chez les plus jeunes en raison d'utilisations maladroites et de nombreuses ruptures. C'est pourquoi l'Alliance n'est pas en accord avec l'idée qu'il faille augmenter encore ce type de diffusion dont l'effet boomerang est démontré.
Consciente que des parents sont défaillants, elle demeure attachée à ce qu'ils ne soient pas écartés systématiquement par les pouvoirs publics de l'éducation sexuelle et de tout ce qui touche à l'IVG comme c'est le cas actuellement. Comment, d'un côté, dénoncer le manque de repères et l'irresponsabilité parentale et, de l'autre, exclure les parents d'une compétence qui relève au premier chef de leur responsabilité éducative ?