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JO : Messe d'ouverture de la Trêve Olympique, du 19 juillet au 15 septembre

Publiée le 19-07-2024

Lectures : Isaïe 32, 15-18 ; Psaume 85 ; Philippiens 4, 6-9 ; Matthieu 5, 1-12a

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Μακάριοι, Bienheureux ! Peut-être ce mot est-il le plus fort, car il n’évoque pas un bonheur passager ou seulement terrestre, mais une béatitude qui préfigure déjà l’éternité en Dieu. Bienheureuse cette inversion des valeurs qu’enseigne le Christ à toutes les époques de l’Histoire et à la nôtre en particulier. Ce n’est pas la richesse, le bien-être, la puissance, la violence, la dureté du jugement sur les autres, la suspicion permanente, l’esprit de domination, le mensonge et l’injustice, l’insulte et l’oubli des dons que Dieu fait pour que tous les hommes puissent en disposer, ce ne sont pas toutes ces intentions mauvaises qui auront le dernier mot dans la vie humaine. Mais nous croyons que le dernier mot appartiendra plutôt à l’humilité, à la compassion, à la douceur, à la justice, à la miséricorde et à la bienveillance, à la droiture, à la recherche du bien d’autrui et du bien commun, à la remise de soi à Dieu jusque dans le don de soi aux autres : vivre simplement pour que chacun puisse simplement vivre.

 

 

Oui, bienheureuse cette sagesse qui préside aussi à l’esprit olympique et habite notre c½ur en ce moment où nous le tournons vers le Seigneur pour lui rendre grâce et l’implorer en faveur de notre monde.
La trêve olympique est la reprise d’une coutume qui entourait les jeux de l’Antiquité et voulait permettre la circulation libre et bien protégée des athlètes et des spectateurs de ces jeux, d’une province ou d’un pays à l’autre. Dans notre monde contemporain, elle correspond à une volonté du fondateur Pierre de Coubertin et de son ami le dominicain Henri Didon : il s’agissait de développer les contacts, les relations entre des jeunes des nations participantes à ces jeux pour favoriser l’esprit même de la paix. Et depuis trente ans, tous les deux ans, les Nations-Unies prennent une résolution pour ouvrir cette trêve qui commence donc aujourd’hui et s’étend jusqu’au 15 septembre, soit huit jours après la fin des jeux paralympiques. Oui, malheureusement les guerres en cours ne cessent pas pendant les Jeux, mais le désir de la paix se répand à la faveur des rencontres qu’ils permettent dans ces épreuves sportives.

Le Saint-Père vient de nous le dire dans son message : « Le sport est un langage universel qui transcende les frontières, les langues, les races, les nationalités et les religions. » Cela n’a-t-il pas été dit aussi dans la déclaration de l’ONU du mois de novembre 2023 qui souligne la parité hommes-femmes dans le nombre des athlètes, et la participation spécifique sous le drapeau olympique d’une équipe de sportifs réfugiés éloignés de leur pays d’origine. Le Pape, quant à lui, encourage l’effort fait par notre organisation Holy Games de favoriser la participation aux spectacles des personnes les plus vulnérables, en particulier celles qui se trouvent en grande précarité.

C’est bien sûr parce que nous entendons l’appel de l’évangile que nous venons de lire. C’est parce que nous avons médité ce psaume 84 (85) : « Que dit le Seigneur Dieu ? ce qu’Il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles. (…) Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent, la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. »

Oh ! que l’esprit de justice nous vient difficilement et combien nous sentons que nos efforts doivent être inspirés par le Seigneur lui-même : « en ces jours-là, dit le prophète Isaïe, sera répandu sur nous l’esprit qui vient d’en haut ! »

Cet esprit qui vient d’en haut, il oriente notre action dans ces jours que nous allons vivre et nous le prions pour qu’il inspire tant de personnes qui vont fréquenter ces Jeux, qu’ils soient des organisateurs, des compétiteurs ou des spectateurs. Sur l’esprit même de la compétition, d’abord : celle-ci développe « l’endurance, la persévérance, la combativité, la foi en soi, la confiance en ses capacités, l’espérance de faire mieux, le sens de l’équipe qui encourage et stimule, l’humilité dans l’échec et l’adversité (et par-dessus-tout …) l’amour des adversaires (qui) ne sont pas des ennemis à abattre, mais des concurrents qu’on cherche à dépasser pour mieux se dépasser soi-même. » [1] Ces paroles profondes que je viens de citer sont celles d’un prêtre d’un diocèse de France, sportif de haut niveau et qui sait bien de quoi il parle pour le pratiquer dans sa vie d’homme et de prêtre.

Sur la construction d’un monde fraternel, ensuite. Bien sûr, les peuples en guerre actuellement peuvent ne pas être prêts à une telle démarche pendant le conflit, et il faut bien se souvenir que pendant les deux grands conflits mondiaux du 20ème siècle, les Jeux n’ont pas pu être organisés. Mais la compétition vécue dans cet esprit que je viens de dire, dans l’honnêteté et la bienveillance mutuelle, peut faire exemple et d’une certaine façon envie. La résolution des conflits passe par la parole, mais le désir d’y parvenir a besoin de gestes, de symboles et d’exercices qui y préparent.

Sur le sens de la fête, encore, et du rassemblement d’une humanité très diverse. Nous avons eu à c½ur de nous préparer à accueillir de grands flux de visiteurs. Les pouvoirs publics et les organisations olympiques ont travaillé pendant des mois, des années pour que tout se passe bien, et nous savons qu’ils y sont bien préparés. Et nous, Églises et confessions religieuses, avons pris grand soin de prévoir des lieux d’accueil pour que chacun, sportif ou spectateur, puisse trouver des lieux de prière ou de rencontre spirituelle, puisse exprimer sa foi ou sa recherche. Des aumôneries pour chaque culte existent, un tout nouveau prêtre de notre région, ancien judoka, en fait partie. Votre présence ici, frères et s½urs que vous soyez ou non croyants, atteste que vous êtes sensibles à cette dimension de la vie humaine. Nous avons fait en sorte aussi que tous ceux qui pourraient se sentir exclus se trouvent au contraire accueillis, encouragés à venir et même bien placés dans les spectacles qui les réjouiraient.

Bref, lorsque nous entendons l’apôtre Paul qui s’adresse aux chrétiens de la ville de Philippes, une cité qui n’est pas si éloignée d’Olympie, les encourager à pratiquer « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et mérite des éloges », nous l’entendons de toute activité humaine, de toute vie dans une société civile, de tout commerce, mais nous comprenons que cela s’applique tout spécialement aux pratiques sportives qui se sont développées depuis bientôt deux siècles dans nos sociétés.

Et nous entendons le refrain que clamait le père Henri Didon : « plus vite, plus haut, plus fort » pour attirer des jeunes désireux de participer à la compétition de la vie. Et j’entends deux de mes confrères de l’Ile de France décliner cette devise dans leur diocèse : « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ! » ou : « plus loin, plus haut, plus frères ! » [2] Que le Seigneur veuille bénir ces Jeux et cette trêve olympiques.

+Laurent Ulrich, Archevêque de Paris

[1] René Pichon, prêtre du diocèse de Chambéry, sportif de haut niveau, dans « Église et sport, un terrain de rencontres », Documents Épiscopat, 2021-4, p.156, publié par la Conférence des évêques de France.

[2] Respectivement, Mgr Pascal Delannoy, archevêque de Strasbourg, précédemment évêque de Saint-Denis en France, et Mgr Dominique Blanchet, évêque de Créteil.

 

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