Publiée le 28-05-2020
Extrait de l'Encyclique de Saint Jean Paul II Dominum et Vivificantem, sur l'Esprit Saint, du 18 mai 1986, jour de la Pentecôte. (N. 37 et 38 )
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Nous nous trouvons ici au centre même de ce que l'on pourrait appeler l'«anti-Verbe», c'est-à-dire l'«anti-vérité». Ainsi se trouve faussée la vérité de l'homme, à savoir: ce qu'est l'homme et quelles sont les limites infranchissables de son être et de sa liberté. Cette «antivérité» est possible car, en même temps, est complètement «faussée» la vérité sur ce qu'est Dieu. Le Dieu Créateur est mis en suspicion, et même en accusation, dans la conscience de la créature. Pour la première fois dans l'histoire de l'homme apparaît dans sa perversité le «génie du soupçon». Il cherche à «fausser» le Bien lui-même, le Bien absolu, qui s'est justement manifesté dans l'½uvre de la création comme le Bien qui donne d'une manière ineffable, comme bonum diffusivum sui, comme Amour créateur. Qui peut pleinement «manifester le péché», c'est-à-dire cette motivation de la désobéissance originelle de l'homme, sinon celui qui seul est le Don et la source de toute largesse, sinon l'Esprit, qui «sonde les profondeurs de Dieu» et qui est l'Amour du Père et du Fils?
En effet, malgré tout le témoignage de la création et de l'économie du salut qui s'y rattache, l'esprit des ténèbres142 est capable de montrer Dieu comme un ennemi de sa créature et, avant tout, comme un ennemi de l'homme, comme une source de danger et de menace pour l'homme. Ainsi, Satan introduit dans la psychologie de l'homme le germe de l'opposition à l'égard de celui qui, «depuis l'origine», doit être considéré comme ennemi de l'homme, et non comme Père. L'homme est poussé à devenir l'adversaire de Dieu!
L'analyse du péché dans sa dimension originelle montre que, de par le «père du mensonge», il y aura au cours de l'histoire de l'humanité une pression constante pour que l'homme refuse Dieu, jusqu'à le haïr: «L'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu», selon l'expression de saint Augustin143. L'homme sera enclin à voir en Dieu avant tout une limitation pour lui-même, et non la source de sa liberté et la plénitude du bien. Nous en voyons la confirmation à l'époque moderne où les idéologies athées tendent à extirper la religion en partant du présupposé qu'elle entraîne la radicale «aliénation» de l'homme, comme si l'homme était dépouillé de son humanité lorsque, après avoir accepté l'idée de Dieu, il attribue à ce dernier ce qui appartient à l'homme, et exclusivement à l'homme! D'où un processus de pensée et de comportement historique et sociologique où le refus de Dieu est allé jusqu'à déclarer sa «mort». C'est une absurdité, dans le concept et dans les termes! Mais l'idéologie de la «mort de Dieu» menace plutôt l'homme, comme le souligne Vatican II lorsque, se livrant à l'analyse de la question de l'«autonomie des réalités terrestres», il écrit: «La créature sans Créateur s'évanouit ... Et même, l'oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même»144. L'idéologie de la «mort de Dieu» montre aisément par ses effets qu'elle est, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, l'idéologie de la «mort de l'homme».