Publiée le 20-04-2017
Confrontée comme infirmière à la sédation terminale, paravent législatif de l’euthanasie, Odile Guinnepain a fondé « Nos mains ne tueront pas ». Cette antenne d’écoute et de formation au sein de « Choisir la vie » est une réponse pour soutenir les soignants qui veulent soulager et non pas achever le malade. Elle explique dans L'Homme Nouveau :
"[...] La loi Claeys-Leonetti a provoqué le déclic. Cette loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » (dont il est intéressant de souligner qu'elle ne concerne pas que les malades en fin de vie !) propose, dans son article 3, la sédation jusqu’à la mort sous certaines conditions. Par expérience, je pressentais alors que cela aboutirait à de nombreuses euthanasies déguisées. Mais comme, justement, il ne s’agit pas « officiellement » d’euthanasie, les soignants ne peuvent invoquer l’objection de conscience. Ce sont ces deux réalités qui ont généré l'idée de dire « non » et de le manifester. [...]
Au début de ma carrière, j’ai moi-même été témoins d'actes d'avortement et d’euthanasie, j'ai donc quitté le lieu où je travaillais. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être responsable de l’organisation des soins palliatifs là où ou j’exerce. J’aide donc à développer des démarches palliatives dans le respect des personnes et nous n’avons pas à pratiquer de sédation terminale désordonnée car nous anticipons les problèmes, nous cherchons toujours à comprendre nos patients. J’ajoute que nous leur proposons le sacrement des malades qui les apaise d’une manière incroyable. En fait, comme le préconisent les soins palliatifs, nous avons le souci du malade à tous les niveaux, physique, psychologique, social, intellectuel et spirituel ; sauf, qu'aujourd'hui le mouvement des soins palliatifs ne fait quasiment plus le lien entre le spirituel et la foi. En conséquence, l'une des réponses fréquente à la souffrance ou au combat spirituel en fin de vie, c'est la sédation terminale.
On sait que certaines personnes attendent pour mourir, la visite d’un proche, un pardon… Il faut savoir le détecter ! Je pense à cette femme que nous avons accompagnée il y a quelques mois : elle avait reçu le sacrement des malades, sa douleur était soulagée, elle n’était quasiment plus consciente et « prête à mourir ». Et pourtant, la mort ne venait pas. Cette femme n’avait plus de famille, hormis deux belles-filles très éloignées. Alors je suis allée la voir et me suis adressée à elle, même si elle était inconsciente. Je lui ai expliqué que j’avais eu ses belles-filles au téléphone, qu’elles ne pouvaient pas venir et lui ai demandé pardon pour elles… Mildred s’est éteinte paisiblement deux heures plus tard ! Bref, il est intéressant que ce soit des soignants qui parlent à des soignants, afin de pouvoir donner ces conseils très pragmatiques et éthiques dans le soin. [...]
Que nous, soignants, n’ayons plus peur de dénoncer, de dire publiquement notre refus d'être instrumentalisés pour tuer. Aujourd’hui, les soignants ont peur, se sentent isolés, n'osent pas se manifester face à des problématiques éthiques et manquent souvent de formation. Lorsqu'on regarde les débats organisés par les médias sur ces problématiques, on entend très rarement des soignants exprimer leur mal-être ou la réalité de l'avortement. Or, je pense qu’il est important aujourd’hui de faire entendre notre voix. Et pour cela, ayons confiance : Dieu ne choisit pas ceux qui sont capables pour le servir et témoigner, mais il rend capables ceux qu'Il choisit !
De cette culture de mort, dont, nous, soignants silencieux, sommes en partie responsables, nous aurons des comptes à rendre au Ciel, c’est sûr, mais aussi devant les hommes. Souvenons-nous du second procès de Nuremberg en 1946-1947, qui a jugé les médecins et les infirmières militaires travaillant dans les camps de concentration. Comme les dirigeants et organisations nazies, ces soignants ont été condamnés notamment pour crimes de guerre et pour avoir eux-mêmes ordonné ou couvert des pratiques et expériences inhumaines mais, en plus, pour avoir obéi à des ordres et à des lois injustes sans avoir fait objection de conscience. [...]
Il manque une vraie politique de santé publique en France depuis un certain nombre d'années maintenant. J’observe, depuis vingt ans que je travaille, une vraie détérioration des soins. Aujourd'hui, la science et la médecine progressent sur la guérison de certaines pathologies, les soins et l'amélioration des conditions de vie de beaucoup de personnes gravement malades et c'est un réel progrès. Mais, parallèlement, la qualité de soins et les moyens pour soigner ne cessent de se dégrader. Et les premières victimes en sont les plus fragiles. [...]"