Publiée le 02-08-2015
Pensée de Simone Weil est rapportée par G. Thibon (dans la préface de La Pesanteur et la Grâce). Seuls les passages entre guillemets sont de Simone Weil.
L'attention religieuse nous élève donc au-dessus de "l'égarement des contraires" et du choix entre le bien et le mal. "Le choix, notion de bas niveau". Tant que je balance entre faire et ne pas faire une mauvaise action (par exemple, posséder ou non cette femme qui s'offre à moi, trahir ou ne pas trahir cet ami), même si je choisis le bien, je ne m'élève guère au-dessus du mal que je repousse. Pour que ma "bonne" action soit vraiment pure, il faut que je domine cette oscillation misérable et que le bien que j'accomplis au-dehors soit la traduction exacte de ma nécessité intérieure. La sainteté ressemble en cela à l'abjection: de même qu'un homme très vil n'hésite pas à posséder une femme quand sa passion parle ou à trahir son ami si son intérêt l'exige, de même un saint n'a pas à choisir pour rester pur ou fidèle; il ne peut pas faire autrement; il va vers le bien comme la l'abeille vers la fleur. Le bien qu'on choisit en le mettant en balance avec le mal n'a guère qu'une valeur sociale; aux yeux de Celui qui voit dans le secret, il procède des mêmes mobiles et revêt la même vulgarité que le mal. D'où la parenté souvent constatée entre certaines formes de "vertu" et le péché corrélatif; vol et respect bourgeois de la propriété, adultère et "honnête femme", caisse d'épargne et gaspillage, etc. Le vrai bien ne s'oppose pas au mal (pour s'opposer directement à quelque chose, il faut être au même niveau): il le transcende et l'efface. "Ce que le mal viole, ce n'est pas le bien car le bien est inviolable; on ne viole qu'un bien dégradé."