Publiée le 21-06-2015
« J’ai fait un rêve. Imaginez, raconte saint Jean Bosco le 30 mai 1862 aux jeunes qui l’entourent, que vous vous trouvez avec moi sur un rocher au-dessus de la mer et que vous voyez, sur la vaste étendue marine, une flotte innombrable de bateaux rangés en bataille, la proue armée d’un éperon de fer. Voyez ces navires, munis de canons, gorgés de matières incendiaires, s’avancer pour livrer bataille à un grand et majestueux vaisseau-amiral, représentant l’Église, pour tenter de l’éperonner, de l’incendier et de le faire couler.
À ce majestueux navire, également bien armé, font escorte beaucoup d’autres bateaux, obéissant aux commandements du navire-amiral et exécutant des manœuvres pour se préserver des manœuvres de la flotte ennemie.
Soudain, apparaissent deux très hautes colonnes en granit, s’élevant alors de l’immensité marine, à peu de distance l’une de l’autre. Sur l’une domine une très belle statue de la Vierge Immaculée, un chapelet dans les mains, avec sous ses pieds l’inscription où sont gravés les mots latins : "Auxiliatrice des chrétiens", tandis que sur l’autre colonne, beaucoup plus haute et importante, rayonne une lumineuse et blanche Hostie sous laquelle on peut lire l’inscription : "Salut des croyants".
Le commandant suprême, qui veille sur le grand navire, est le pape. En constatant la fureur des ennemis et le péril auquel sont exposés ses fidèles, il convoque autour de lui les pilotes des bâtiments secondaires, afin de tenir conseil et de prendre une décision. Tous les pilotes montent donc sur le navire-amiral pour se réunir autour du pape, mais pendant que se tient cette assemblée, le vent devient de plus en plus furieux et la tempête rugit tellement que les pilotes doivent retourner au plus tôt gouverner leur petit bateau.
Une accalmie permet au pape de les réunir de nouveau tandis que le navire-amiral poursuit sa propre route. La bourrasque reprend hélas avec plus de vigueur et le pape se met à la barre pour guider son navire vers les deux colonnes, du haut desquelles pendent des encres et de grosses amarres attachées à des chaînes.
Cependant, certains pilotes ennemis s’activent pour l’assaillir, l’arrêter et le couler, tandis que d’autres cherchent à jeter à bord du navire-amiral toute une profusion de mauvais livres et de matières incendiaires. D’autres encore tirent au canon et au fusil, ou manœuvrent de leur éperon, en sorte que le combat devient toujours plus acharné. Les proues ennemies jaillissent dans des heurts violents, mais leurs efforts et leurs chocs demeurent sans effet. C’est en vain qu’ils renouvellent leurs essais avec des munitions à foison : le navire-amiral continue sa route en sûreté et sans dommage. Certaines fois, pourtant, frappé de coups formidables, il porte sur le flan de larges et profondes voies d’eau qui sont merveilleusement refermées au souffle du vent qui sort des deux colonnes.
Les canons des assaillants tonnent, les fusils claquent, les éperons jaillissent, mais de nombreux navires adverses s’enfoncent dans la mer. Alors les ennemis deviennent furieux et combattent à armes rapprochées en proférant des blasphèmes et des malédictions.
Tout à coup, le pape est frappé gravement et tombe avec honneur. Secouru avec sollicitude, il est frappé une seconde fois, tombe de nouveau et meurt. Un cri de victoire rompt alors les poitrines des adversaires, mais, tandis qu’ils exultent sur leurs navires, succède un autre pape qui prend la place du précédent à la barre du navire-amiral. Les pilotes réunis en conseil l’ont élu avec tant de diligence, que la nouvelle de la mort du pape défunt arrive en même temps que celle de l’élection de son successeur. Alors, les adversaires se découragent.
Le nouveau pape surmonte chaque obstacle et guide le navire jusqu’aux deux colonnes. Là, il l’attache par la proue à une ancre de la colonne sur laquelle brille l’Hostie, puis par la poupe à une ancre qui pend de la colonne de l’Immaculée.
Un grand bouleversement arrive alors. Tous les navires sur lesquels on avait combattu contre celui du pape, s’enfuient, se dispersent, se heurtent et se fracassent mutuellement. Ceux qui avaient vaillamment combattu aux côtés du pape avancent vers les colonnes pour s’y attacher. Et les pilotes de beaucoup d’autres petits bateaux, demeurés prudemment à distance pour éviter le naufrage, voyant les débris de tous les navires adverses parmi les remous de la mer, guident leur propre embarcation vers les deux colonnes pour s’y amarrer eux aussi auprès du navire amiral.
Sur la mer règne alors un grand calme. »