Publiée le 01-08-2009
- "Ah ! cette chape de plomb pesant sur nos épaules, voilant nos visages, éteignant nos regards !
Tout est dû. Tout est vu. Tout est prévu. Tout est vécu. On a tâté à tout. On ne désire plus. On n'espère plus. On n'attend plus. Plus rien. Ni de personne. Ni de la vie.
Le lierre a tellement étouffé la jeune pousse que la sève ne peut plus monter.
Les enfants ne disent même plus merci. Les cadeaux de Noël ? Il y en a trop ! On s'en servira quelques jours, quelques semaines, puis on les... partagera ? Que non ! L'abondance a fermé le cœur : on les jettera. D'ici là, le gadget dernier cri aura déjà excité mon appétit. Mon copain, lui, l'a déjà, pourquoi pas moi ? Je dois paraître "in", "branché"... Je le veux, à tout prix ! Et tout de suite, sans "s'il vous plaît" ! J'y ai droit. La pub l'a dit, hier soir, à la tété. Je ferai la tête à mes vieux jusqu'à ce que je l'obtienne. Et s'ils ne cèdent pas, je me débrouillerai : je ferai un casse avec les copains. Je l'aurai coûte que coûte ! Sinon, je me taille !
Tyrannie des marques ! Humiliation des enfants qui ne peuvent se les payer !
L'avoir rend tout dérisoire, car il devient synonyme de pouvoir. La richesse engendre le stress. La possession enclenche l'ambition. Rimes terribles ! Cercle vicieux s'il en est !
Et nous voilà toujours tristes, parce qu'on n'a jamais tout ! Et nous voilà enchaîné aux choses ! A force d'aimer les choses et de se servir des personnes, au lieu de se servir des choses et d'aimer les personnes : mortelle inversion !
Et les personnes elles-mêmes deviennent des choses. Des choses à user, à utiliser, à consommer : petits gadgets frémissants livrés à mon plaisir.
Je suis déchiré par ces enfants à qui on arrache leur enfance, ces adolescents frustrés de leurs adolescence. En cédant à tous leurs caprices, on en fait des petits vieux aux yeux éteints, au regard blasé, au sourire surfait."
Père Daniel Ange (La Joie. Ed des Béatitudes 2009, pages 162-163