Publiée le 05-04-2011
Intervention du sénateur MPF Bruno Retailleau sur la loi bioéthique :
"Ce projet de loi a une portée singulière et essentielle. Il nous interroge au plus intime sur notre conception de l'avenir de l'homme alors que la science réalise des avancées vertigineuses. Quels que soient nos bancs, nous partageons l'idée que la dignité de la personne n'est pas négociable. Jusqu'où aller et ne pas aller ? Quels seuils anthropologiques peuvent être franchis ? Nos choix renforceront ou affaibliront le lien social ; ce débat est donc profondément politique. La science est un grand facteur de progrès ; elle s'identifie à l'idée de modernité, laquelle n'a pas à déclasser l'humanité jusqu'au rang de matière de laboratoire pour je ne sais quelle ambition prométhéenne.
Passer de l'interdiction, en 1994, puis de l'interdiction avec dérogations en 2004 à un régime d'autorisation encadrée, ce serait inverser radicalement les choses. On entre dans un engrenage qui conduit à traiter l'être humain comme une matière. Le problème n'est pas de savoir si l'être humain est intouchable mais à partir de quand on devient un être humain. Le CCNE voit dans l'embryon une « personne humaine potentielle ». On ne peut donc le traiter comme simple matière de laboratoire. D'autres méthodes, moins intrusives, sont apportées par la science.
La liberté individuelle est-elle notre horizon indépassable ? Il suffit désormais qu'une demande s'exprime pour qu'on s'empresse de légiférer ! L'individu s'oppose à la société mais il s'en nourrit, disait Malraux. Il ne saurait y avoir le « droit à l'enfant », d'où notre refus de l'insémination post mortem. Le diagnostic anténatal comporte, avec la quête de l'enfant parfait, un risque grave d'eugénisme. Comment comprendre que 96 % des grossesses pour lesquelles on décèle une trisomie 21 mènent à des avortements ? Or je ne connais pas de parent d'un enfant handicapé qui n'ait pas pour lui autant et plus d'amour. [...] L'humanité différente, l'humanité blessée, c'est encore l'humanité ! Ne prenons pas le risque d'oublier nos valeurs et d'abîmer notre humanité !"