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Les dernières heures de Benoit XVI

Publiée le 08-01-2023

 

S’il y a quelqu’un qui a été proche de Benoît XVI dans ses dernières années et heures, cette personne s’appelle Georg Gänswein. Ce mercredi, l’archevêque est venu à la rédaction de Radio Vatican pour une interview sur les derniers moments avec le pape Benoit XVI.

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Silvia Kritzenberger :Comment avez-vous vécu le pape émérite ces derniers jours et quelles ont été ses dernières paroles ?

 

Archevêque Georg Gänswein: Le lundi 26 décembre, c’est-à-dire le jour de la Saint-Étienne, je l’ai encore accompagné en fauteuil roulant, comme régulièrement ces deux dernières années. Je l’ai poussé de son bureau ou de l’endroit où il se trouvait jusqu’à la salle à manger, où les Memoresont mangé avec nous. Le mardi, je n’ai mangé que les pâtes, car je devais me rendre à l’aéroport. Je lui avais dit que j’aimerais rentrer deux jours à la maison, saluer mes frères et s½urs, mes tantes et quelques amis. « Partez, partez », m’avait-il dit. J’ai également demandé au docteur Polisca si c’était possible, et il m’a répondu que bien sûr, c’était possible…

 

Retour immédiat à Rome

 

J’ai ensuite pris l’avion normalement pour rentrer chez moi, je suis arrivé le soir et j’ai dormi. Et puis très tôt le matin, j’ai eu un coup de téléphone, c’était une des Memores, et elle m’a dit qu’il n’allait pas bien. « Comment ça, il ne va pas bien ? », ai-je demandé. « Non, la nuit a été misérable. Le docteur Polisca est déjà là ». J’ai demandé qu’on me le passe au téléphone et j’ai dit que je viendrais tout de suite et que je prendrais le premier vol.

Et je suis donc revenu mercredi à une heure du matin. Je me suis tout de suite approché de son lit, bien sûr, et j’ai eu très peur parce qu’il respirait très fort. Il y avait manifestement des problèmes avec les poumons, avec les bronches. Il a été pris en charge médicalement et la journée n’a pas été facile. C’est aussi le jour où le pape François a appelé à la prière à la fin de l’audience. Il est venu, je n’étais pas encore là, mais François est monté tout de suite après l’audience générale et a prié et l’a également béni.

 

Une amélioration inattendue

 

Et puis je suis arrivé, et le mercredi soir a été difficile. Et j’ai demandé au médecin : va-t-il s’en sortir ? Celui-ci a répondu : « Du point de vue d’un médecin, je ne peux pas vous donner de réponse, oui ou non. Il faut attendre ».

Et le matin, le jeudi, contre toute attente, c’était donc beaucoup, beaucoup mieux. Je pose alors la question au médecin, qui me dit qu’il n’a pas d’explication : « Je ne peux pas vous le dire. Je ne sais pas ».

Puis, le jeudi, la situation s’est un peu dégradée dans la journée. J’ai alors tout de suite dit « Saint-Père, je vais vous donner l’onction des malades, et tout à l’heure, nous allons célébrer la sainte messe ici ». Il était alors encore très lucide, il le voulait volontiers. Il n’a pas concélébré à la messe, il était au lit. Je lui ai ensuite donné la sainte communion avec une petite cuillère sub specie sanguinis, c’est-à-dire le sang du Christ, très peu, parce qu’il ne pouvait plus rien manger depuis deux jours. Et il a encore été conscient de tout cela.

 

Présent jusqu’à la fin

 

Et la nuit du jeudi au vendredi s’est à peu près passée, et la dernière nuit qu’il a vécue, c’est-à-dire du vendredi au samedi, du 30 au 31 décembre, je n’étais pas présent, c’est une aide-soignante qui était présente, et les derniers mots qu’il a pu prononcer de manière compréhensible, c’était en italien : « Signore ti amo », en allemand : « Herr, ich liebe dich ». C’était la dernière chose. Et c’est ce que l’aide-soignante m’a dit immédiatement, en pleurant beaucoup, lorsque je suis arrivée dans sa chambre le matin. Je ne l’ai pas entendu moi-même. La nuit, vers trois heures, je ne sais plus exactement si c’était à 2h50 ou à 3h10, en italien, « Signore ti amo », « Seigneur, je t’aime ».

Et puis le 31 est arrivé, et là, on peut dire qu’en l’espace de trois heures, il a connu une chute libre. Dieu merci, l’agonie n’a pas duré si longtemps, cela a dû être trois bons quarts d’heure. Le médecin a dit qu’on ne pouvait pas le dire à cent pour cent. On a seulement vu, et c’est ce que j’ai ressenti, qu’il était dans la dernière ligne droite. Oui, et puis il est mort à 9h34.

« Et puis justement, le dernier mot du doyen Ratzinger de l’époque, Jean-Paul II nous voit de la maison du Père, et la demande : bénis-nous. C’est inoubliable pour moi. J’étais sur la place Saint-Pierre, à côté de l’autel. Inoubliable ».

En entendant ses dernières paroles « Seigneur, je t’aime », je n’ai pu m’empêcher de penser à l’homélie prononcée par le cardinal Ratzinger, alors doyen, lors des funérailles de Jean-Paul II, le 8 avril 2005. Lorsqu’il avait prêché sur Jean 21, la question posée trois fois par le Seigneur : « M’aimes-tu ? » Et ensuite, au oui, et à l’invitation : « Suis-moi ». Et puis justement le dernier mot du doyen Ratzinger de l’époque, Jean-Paul II nous voit de la maison du Père, et la demande : Bénis-nous. Je n’oublierai jamais cela. J’étais sur la place Saint-Pierre, à côté de l’autel. Inoubliable.

Cela m’est revenu quand l’infirmière m’a dit : « Signore ti amo ». Parce que c’était les mêmes mots en italien à l’époque. Oui, et maintenant il l’a fait… ».

 

Un trésor qui reste

 

Silvia Kritzenberger: Qu’est-ce que Joseph Ratzinger vous a apporté dans votre vie ? Qu’est-ce qui vous manquera le plus?

 

Archevêque Georg Gänswein: Bien sûr sa personne, sa gentillesse, sa foi solide, sa clarté, son courage et sa capacité à souffrir aussi pour la foi. On dit « Via crucis », ce n’est pas seulement un beau mot pour l’histoire de l’art, mais c’est un mot du trésor profond de la spiritualité de la foi.

Mais il restera aussi ce mot inoubliable « Gioia », c’est-à-dire joie, que la foi donne justement de la joie. Donc aussi selon Jean : Je suis venu pour que vous ayez la joie en abondance.

C’est ce qui est beau, c’est que la vie continue humainement et que je peux toujours tirer quelque chose de ces images, de ces profonds trésors, et j’espère que d’autres personnes pourront aussi en tirer quelque chose et creuser pour elles.

 

Silvia Kritzenberger: Je vous remercie pour cet entretien, et je vous remercie aussi chaleureusement d’avoir accompagné si longtemps et si fidèlement notre Joseph Ratzinger, notre pape Benoît.

Archevêque Georg Gänswein : Merci, merci !

 

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