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Le Pape met en garde contre un usage de l'IA qui se retournerait contre la vérité sur la personne humaine

Publiée le 09-01-2025

9 janvier 2025 – Discours du Pape François lors des V½ux au Corps Diplomatique (extraits)

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     Je voudrais tracer avec vous ce matin, à partir des paroles du prophète Isaïe, les traits d’une diplomatie de l’espérance de laquelle nous sommes tous appelés à devenir les hérauts, afin que les sombres nuages de la guerre soient balayés par un vent renouvelé de paix. Plus généralement, je voudrais souligner quelques responsabilités que tout responsable politique devrait garder à l’esprit dans l’exercice de ses responsabilités et qui devraient être orientées pour la construction du bien commun et le développement intégral de la personne humaine.


 

 

Apporter bonne nouvelle aux pauvres

     À toutes les époques et en tous lieux, l’homme a toujours été attiré par l’idée de pouvoir être autosuffisant, de pouvoir se suffire à lui-même, d’être l’artisan de son propre destin. Chaque fois qu’il se laisse dominer par cette présomption, il se voit obligé, par des événements et des circonstances extérieures, de découvrir qu’il est faible et impuissant, pauvre et nécessiteux, affligé par des malheurs spirituels et matériels. En d’autres termes, il découvre qu’il est misérable et qu’il a besoin de quelqu’un pour le sortir de sa misère.

Les misères de notre temps sont nombreuses. Jamais l’humanité n’a connu tant de progrès, de développement et de richesses, et jamais peut-être elle ne s’est tant retrouvée seule et perdue, préférant souvent les animaux domestiques aux enfants. Il y a un besoin urgent de recevoir une bonne nouvelle. Une bonne nouvelle que, dans la perspective chrétienne, Dieu nous offre la nuit de Noël ! Cependant, chacun - même ceux qui ne sont pas croyants - peut devenir porteur d’une bonne nouvelle d’espérance et de vérité.

     Par ailleurs, l’être humain est doté d’une soif innée de vérité. Cette quête est une dimension fondamentale de la condition humaine et chaque personne porte en elle une nostalgie de la vérité objective ainsi qu’un désir inextinguible de connaissance. Il en a toujours été ainsi mais, à notre époque, la négation de vérités évidentes semble avoir le dessus. Certains se méfient des arguments rationnels qu’ils considèrent comme des outils entre les mains d’un pouvoir occulte, tandis que d’autres croient posséder de manière univoque la vérité qu’ils se sont eux-mêmes construite, s’exonérant ainsi de la confrontation et du dialogue avec ceux qui pensent différemment. Les uns et les autres ont tendance à se créer leur propre “vérité” au mépris de l’objectivité du vrai. Ces tendances peuvent être renforcées par les moyens modernes de communication et par l’intelligence artificielle, utilisés abusivement comme moyens de manipulation des consciences à des fins économiques, politiques et idéologiques.

     Le progrès scientifique moderne, notamment dans le domaine de l’informatique et de la communication, apporte des avantages incontestables pour l’humanité. Ils nous permettent de simplifier de nombreux aspects de la vie quotidienne, de rester en contact avec nos proches même s’ils sont loin physiquement, de nous tenir informés et d’accroître nos connaissances. Cependant, les limites et les pièges ne doivent pas être tus, car ils contribuent souvent à la polarisation, au rétrécissement des perspectives mentales, à la simplification de la réalité, au risque d’abus, à l’anxiété et, paradoxalement, à l’isolement, en particulier par l’utilisation des réseaux sociaux et des jeux en ligne.

     L’essor de l’intelligence artificielle amplifie les inquiétudes concernant les droits de propriété intellectuelle, la sécurité de l’emploi pour des millions de personnes, le respect de la vie privée et la protection de l’environnement contre les déchets électroniques (e-waste). Presqu’aucun recoin du monde n’a été épargné par la vaste transformation culturelle provoquée par les progrès rapides de la technologie, et il est de plus en plus évident qu’un alignement sur des intérêts commerciaux engendre une culture enracinée dans le consumérisme.

     Ce déséquilibre menace de renverser l’ordre des valeurs inhérentes à la création de relations, à l’éducation et à la transmission des m½urs sociales, alors que les parents, les proches et les éducateurs doivent rester les principaux canaux de transmission de la culture ; les Gouvernements devraient se limiter à les soutenir dans leurs responsabilités éducatives. Dans cette optique, l’éducation, en tant qu’alphabétisation des médias, vise à offrir des outils essentiels pour développer les capacités de l’esprit critique, afin de doter les jeunes des moyens nécessaires à leur croissance personnelle et à leur participation active à l’avenir de leur société.

     Une diplomatie de l’espérance est donc avant tout une diplomatie de la vérité. Là où le lien entre réalité, vérité et connaissance fait défaut, l’humanité ne peut plus se parler ni se comprendre car les fondements d’un langage commun ancré dans la réalité des choses, et donc universellement compréhensible, font défaut. Le but du langage est la communication qui ne réussit que dans la mesure où les mots sont précis et où le sens des termes est généralement accepté. Le récit biblique de la Tour de Babel montre ce qui se passe lorsque chacun ne parle que “sa” langue.

     La communication, le dialogue et l’engagement pour le bien commun requièrent la bonne foi et l’adhésion à un langage commun. Ceci est particulièrement important dans la sphère diplomatique, surtout dans les contextes multilatéraux. L’impact et le produit de chaque mot, des déclarations, des résolutions et, en général, des textes négociés, dépendent de cette condition. Il est un fait que le multilatéralisme n’est fort et efficace que s’il se concentre sur les questions traitées et utilise un langage simple, clair et convenu.

     Par conséquent, la tentative d’instrumentaliser les documents multilatéraux - en changeant la signification des termes ou en réinterprétant unilatéralement le contenu des traités relatifs aux droits de l’homme - afin de promouvoir des idéologies qui divisent, qui foulent aux pieds les valeurs et la foi des peuples, est particulièrement inquiétante. En fait, il s’agit d’une véritable colonisation idéologique qui, selon des programmes soigneusement planifiés, tente d’éradiquer les traditions, l’histoire et les attaches religieuses des peuples. Il s’agit d’une mentalité qui, présumant avoir surmonté ce qu’elle considère comme “les pages sombres de l’histoire”, donne libre cours à la culture de l’effacement .Elle ne tolère pas les différences et se concentre sur les droits des individus, négligeant les devoirs envers les autres, en particulier les plus faibles et les plus fragiles. [2] Dans ce contexte, il est inacceptable, par exemple, de parler d’un soi-disant “droit à l’avortement” qui contredit les droits de l’homme, en particulier le droit à la vie. Toute vie doit être protégée, à tout moment, de la conception à la mort naturelle, car aucun enfant n’est une erreur ou coupable d’exister, de même qu’aucune personne âgée ou malade ne peut être privée d’espérance ni rejetée....

     …Lorsqu’elle « est reconnue, la dignité de la personne humaine est respectée à sa racine même, l’ ethos et les institutions des peuples se consolident ». [6]


 

 

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