Publiée le 08-12-2012
Le 7 décembre, en Italie, on fête Saint Ambroise, patron de Milan, et l'archevêque prononce traditionnellement un discours devant les autorités. Cette année, on célèbre le 1700e anniversaire de l'"édit de Constantin". Le Cardinal Scola a donc prononcé un discours sur le thème de la laïcité. Benoit-et-moi a traduit le compte-rendu publié sur IncrociNews, l'hebdomadaire du diocèse ambrosien. Extraits :
"Avec l'édit de Milan apparaissent pour la première fois dans l'histoire ces deux dimensions que nous appelons aujourd'hui "liberté de religion" et "laïcité de l'Etat". Ce sont deux aspects décisifs pour la bonne organisation de la société politique - souligne le Cardinal -. Une confirmation intéressante de ce fait peut être trouvée dans deux enseignements importants de saint Ambroise. D'une part, l'archevêque n'a jamais hésité à appeler les chrétiens à être loyaux envers l'autorité civile, qui à son tour devait garantir aux citoyens la liberté à la fois personnelle et sociale. Etait ainsi reconnu l'horizon du bien public auquel les citoyens et les autorités sont appelés à concourir» [...]
SScola identifie ensuite plusieurs noeuds à résoudre. [...] Un deuxième point «encore plus plus complexe» est le lien entre liberté religieuse et orientation de l'État envers les communautés religieuses présentes dans la société civile. «L'évolution des Etats démocratico-libéraux n'a cessé de modifier l'équilibre sur lequel reposait traditionnellement le pouvoir politique - réfléchit Scola -. Jusqu'à il y a quelques décennies, on se référait en substance, et de façon explicite à des structures anthropologiques généralement reconnues, au moins dans un sens large, comme des dimensions constitutives de l'expérience religieuse: la naissance, le mariage, la génération, l'éducation, la mort» «Que s'est-il passé quand cette référence, identifiée par son origine religieuse, a été remise en question et considérée comme inutilisable? - s'interroge le Cardinal -. On a absolutisé en politique des procédures décisionnelles qui tendent à s'auto-justifier. Ceci est confirmé par le fait que le problème classique du jugement moral sur la loi s'est transformé de plus en plus en une question de liberté religieuse».
La question se fait pressante: l'archevêque attribue le principe théorique de l'évolution, «au modèle français de 'laïcité' (en français dans le texte), qui a semblé à la plupart des gens la réponse adéquate pour assurer la pleine liberté religieuse, en particulier pour les groupes minoritaires. Il est basé sur l'idée de l''in-différence', définie comme la "neutralité" des institutions de l'État à l'égard du phénomène religieux et cela semble à première vue comme étant adapté à construire un milieu favorable pour la liberté religieuse de tous. Il s'agit d'un concept désormais largement répandu dans la culture juridique et politique européenne dans lequel, cependant, à bien y regarder, les catégories de la liberté religieuse et de la soi-disant "neutralité" de l'Etat se chevauchent de plus en plus, au point de finir par se confondre».
Donc une "laïcité" qui a fini par devenir un modèle «mal disposé» à l'égard du phénomène religieux. Pourquoi? «Tout d'abord, l'idée même de "neutralité" s'est avérée très problématique, surtout parce qu'elle n'est pas applicable à la société civile, dont l'Etat doit toujours respecter la priorité, se limitant à la gouverner et ne prétendant pas la gérer.
Respecter la société civile implique la reconnaissance d'un fait objectif: aujourd'hui dans les sociétés civiles occidentales, en particulier en Europe, les divisions les plus profondes sont celles entre culture laïque et phénomène religieux, et non pas - comme on le pense souvent à tort - entre croyants de différentes religions. En ignorant ce fait, la juste et nécessaire a-confessionalité de l'État en est venue à dissimuler, sous l'idée de "neutralité", le soutien de l'État à une vision du monde fondée sur l'idée séculariste et sans Dieu. Mais celle-ci n'est qu'une parmi les visions culturelles qui peuplent la société plurielle. De cette manière, l'Etat soi-disant "neutre", loin d'être tel, fait sienne une culture spécifique, celle séculariste, qui à travers la législation devient culture dominante et finit par exercer un pouvoir négatif par rapport à d'autres identités, surtout celles religieuses, présentes dans la société civile, tendant à les marginaliser, sinon à les exclure du domaine public».
Une société plurielle qui subit en fait l'hégémonie d'une culture laïciste: «Sous un semblant de neutralité et d'objectivité des lois, se cache et se répand - du moins en pratique - une culture fortement marquée par une vision sécularisée de l'homme et du monde, privée d'ouverture au transcendant. Dans une société plurielle, une telle culture est légitime en soi, mais seulement comme une parmi les autres. Si toutefois l'État la fait sienne, il finit inévitablement par restreindre la liberté religieuse». [...]"