Publiée le 06-04-2020
Discours de Saint Jean Paul II, le 24 février 1998, à l’Académie Pontificale pour la Vie, sur le génome humain :
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Je suis heureux que vous ayez porté à l'attention de votre quatrième Assemblée Générale le thème : "Génome humain : personnalité humaine et société du futur". Dans le merveilleux voyage que l'esprit humain entreprend pour connaître l'univers, l'étape franchie ces dernières années dans le domaine génétique est particulièrement évocatrice, car elle conduit l'homme à la découverte des secrets les plus intimes de sa propre corporéité.
Le génome humain est comme le dernier continent que l'on explore actuellement. Dans ce millénaire qui s'achève, si riche en drames et en conquêtes, les hommes, à travers des explorations et des découvertes géographiques, se sont rencontrés et, d'une certaine manière, se sont rapprochés. La connaissance humaine a aussi réalisé d’importantes acquisitions dans le monde de la physique, jusqu'à la découverte récente de la structure des composants de l'atome. Aujourd'hui, les scientifiques, grâce à la connaissance de la génétique et de la biologie moléculaire, lisent avec le regard pénétrant de la science dans le tissu intime de la vie et les mécanismes qui caractérisent les individus, assurant la continuité des espèces vivantes.
Ces conquêtes révèlent de plus en plus la grandeur du Créateur, car elles permettent à l'homme de constater ordre intrinsèque de la Création et d'apprécier les merveilles de son corps, outre que celui de son intellect, dans lequel, dans une certaine mesure, se reflète la lumière de la Parole "par laquelle toutes choses ont été créées" (Jn 1, 3).
Cependant, à l'époque moderne, il y a une vive tendance à rechercher la connaissance non pas tant pour admirer et contempler, mais plutôt pour accroître le pouvoir sur les choses. La connaissance et le pouvoir sont de plus en plus imbriqués dans une logique qui peut emprisonner l'homme lui-même. Dans le cas de la connaissance du génome humain, cette logique pourrait conduire à intervenir dans la structure interne de la vie humaine elle-même de l’homme avec la perspective d'assujettir, de sélectionner et de manipuler le corps et, en fin de compte, la personne et les générations futures.
Votre Académie pour la Vie a donc bien fait de porter la réflexion sur les découvertes en cours dans le domaine du génome humain, avec l'intention de placer à la base de ses travaux une fondation anthropologique, fondé sur la dignité même de la personne humaine.
Le génome apparaît comme l'élément structurant et constructif du corps dans ses caractéristiques tant individuelles qu’ héréditaires : il marque et conditionne l'appartenance à l'espèce humaine, le lien héréditaire et les notes biologiques et somatiques de l'individualité. Son influence dans la structure de l'être corporel est déterminante dès la première aube de la conception jusqu'à la mort naturelle. C'est sur la base de cette vérité interne du génome, déjà présente au moment de la procréation lorsque les patrimoines génétiques du père et de la mère s’unissent, que l'Église s'est donné comme engagement de défendre la dignité humaine de chaque individu dès sa conception.
En fait, l’approfondissement anthropologique porte à reconnaître qu'en vertu de l'unité substantielle du corps avec l'esprit, le génome humain n'a pas seulement une signification biologique ; il est porteur d'une dignité anthropologique, qui trouve son fondement dans l'âme spirituelle qui l'imprègne et la vivifie.
Il n'est donc pas licite d'intervenir de quelque manière que ce soit sur le génome, sauf si c'est pour le bien de la personne, entendue comme l'unité du corps et de l'esprit ; tout comme il n'est pas licite de discriminer les sujets humains sur la base d'éventuels défauts génétiques détectés avant ou après la naissance.
L'Église catholique, qui reconnaît dans l'homme racheté par le Christ sa voie (cf. Redemptor hominis, 14), insiste pour que la reconnaissance de la dignité de l'être humain en tant que personne dès le moment de sa conception soit également assurée par la loi. Elle invite également tous les responsables politiques et les scientifiques à promouvoir le bien de la personne par la recherche scientifique visant à mettre au point des thérapies appropriées, y compris dans le domaine génétique, si elles sont réalisables et exemptes de risques disproportionnés. Cela est possible, en reconnaissance des scientifiques eux-mêmes, dans le cadre d'interventions thérapeutiques sur le génome des cellules somatiques, mais pas sur le génome des cellules germinales et des embryons précoces.
Je sens qu’il est mon devoir d'exprimer ici ma préoccupation quant à l'instauration d'un climat culturel favorisant la dérive du diagnostic prénatal dans une direction qui n'est plus celle de la thérapie, dans le but d’ un meilleur accueil de la vie de l'enfant à naître, mais plutôt celle de la discrimination à l'égard de ceux qui ne sont pas en bonne santé lors de l'examen prénatal. Actuellement, il existe une grave disproportion entre les possibilités diagnostiques, qui sont en phase d'expansion progressive, et les rares possibilités thérapeutiques : ce fait pose de sérieux problèmes éthiques aux familles, qui ont besoin d'être soutenues dans l'accueil de la vie naissante même lorsqu'elles sont affectées par un défaut ou une malformation quelconque.
De ce point de vue, il est juste de dénoncer l'émergence et la propagation d'un nouvel eugénisme sélectif, qui provoque la suppression d'embryons et de f½tus souffrant de certaines maladies. Nous utilisons parfois pour cette sélection de théories sans fondement sur les différences anthropologiques et éthiques dans les divers degrés de développement de la vie prénatale : le soi-disant "gradualisme de l'humanisation du f½tus". Parfois, on fait appel à une conception erronée de la qualité de la vie, qui devrait - dit-on - prévaloir sur le caractère sacré de la vie. À cet égard, on ne peut pas ne pas demander que les droits proclamés par les Conventions et Déclarations Internationales sur la protection du génome humain et, en général sur le droit à la vie, aient pour propriétaire tout être humain dès le moment de la fécondation, sans discrimination, que cette discrimination soit liée à des imperfections génétiques ou à des défauts physiques ou qu'elle concerne les différentes périodes du développement de l'être humain. Il est donc urgent de renforcer les remparts juridiques face aux immenses possibilités de diagnostic que révèle le projet de séquençage du génome humain.
Plus les connaissances et le pouvoir d'intervention augmentent, plus la conscience des valeurs en jeu doit être grande. J'espère donc que la conquête de ce nouveau continent de la connaissance, le génome humain, ouvrira de nouvelles possibilités de victoire sur la maladie et qu'une orientation sélective des êtres humains ne sera jamais avalisée.
Dans cette perspective, il sera très utile que les organisations scientifiques internationales veillent à ce que les avantages souhaités de la recherche génétique soient également mis à la disposition des peuples en développement. On évitera ainsi une nouvelle source d'inégalité, étant donné également que d'énormes ressources financières sont investies dans ce type de recherche qui pourrait, selon certains, être consacrée en priorité au soulagement des maladies curables et de la misère économique persistante d'une grande partie de l'humanité.
Ce qui apparait certain dès maintenant, c'est que la société de l'avenir sera à la mesure de la dignité de la personne humaine et à l'égalité entre les peuples si les découvertes scientifiques sont orientées vers le bien commun, qui passe toujours par le bien de chaque personne et nécessite la coopération de tous, en particulier celle des scientifiques d'aujourd'hui.
En invoquant sur votre travail l'assistance divine pour un service toujours plus incisif et efficace à la cause fondamentale de la vie humaine, je vous bénis tous cordialement.
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Traduction EDV