Publiée le 22-05-2014
Prêtre du diocèse de Paris et codirecteur du département « Éthique biomédicale » du Collège des Bernardins à Paris, le Père Brice de Malherbe a consacré une partie de sa thèse de doctorat sur l’accompagnement et le suivi des personnes en état végétatif chronique. Extrait d'un entretien avec Famille chrétienne :
"Les patients en en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel entrent-ils dans le cadre de la loi Leonetti ?
Si l’on en croit l’intitulé de la loi – « relative aux droits des malades et à la fin de vie » –, alors oui. Et c’est à mon avis un défaut de cette législation qui, par ailleurs, présente beaucoup de qualités. En édictant des considérations générales sur la limitation et l’arrêt des traitements qui valent à la fois pour des patients en fin de vie et pour des personnes qui ne le sont pas, on risque d’apporter des réponses inadaptées et de confondre des situations très différentes. Une personne en état végétatif chronique n’est pas comparable à une personne en phase grave et incurable d’un cancer.
L’affaire Vincent Lambert repose sur la demande, d’une partie de la famille, d’arrêter l’alimentation et l’hydratation de cet infirmier de 38 ans. Quelle est la position de l’Église sur cet arrêt ?
Deux textes abordent cette question : une déclaration de la congrégation pour doctrine de la foi d’août 2007 en réponse à des questions posées par la conférence épiscopale américaine et la déclaration parisienne juifs-catholiques de 2007. Que disent-ils de l’alimentation et de l’hydratation ? Qu’ils répondent à un besoin de base des patients. Ces soins ne sont pas assimilables à une dialyse rénale ou à une ventilation artificielle par exemple. Pourquoi ? La dialyse artificielle vise à répondre à une déficience, à une situation pathologique. L’alimentation et l’hydratation, elles, ne sont pas une réponse à une pathologie mais à un besoin essentiel de la personne.
Mais certains s’appuient sur le fait que cette alimentation et cette hydratation soient artificielles pour les assimiler à un traitement disproportionné ou inutile. Est-ce le cas ?
Ce n’est pas l’alimentation ou l’hydratation qui sont artificielles, mais le moyen utilisé – une sonde gastrique ou une perfusion intraveineuse – qui l’est. S’il est certes artificiel, ce moyen n’est pas pour autant excessif. Il n’est pas compliqué à poser, ne présente pas d’inconfort particulier. Il est beaucoup moins invasif qu’une dialyse, qu’un soutien cardiaque ou qu’une ventilation. C’est un moyen qui n’est pas excessivement coûteux et qui ne demande pas une surveillance excessive. Il répond à mon sens aux critères de proportionnalité.
Retirer l’alimentation et l’hydratation artificielles aux personnes en état végétatif, c’est donc enlever un soin dû.
J’ai tourné cette question dans ma tête plusieurs fois. Il s’agit là d’une question difficile. Pour ces patients en état stable, ce n’est pas leur pathologie, mais l’arrêt de l’alimentation et l’hydratation qui serait la cause directe de leur mort au bout de quelques jours ou de quelques semaines. Du coup, tant que l'état de la personne n'évolue pas clairement vers une fin de vie, un tel arrêt équivaudrait à un refus de soin."