Dans notre parcours de redécouverte de la prière du Notre Père, nous approfondirons aujourd’hui la première des sept invocations : « que ton nom soit sanctifié ».
Il y a sept demandes dans le Notre Père, que l’on peut facilement regrouper en deux sous-groupes. Les trois premières sont centrées sur le « Tu » de Dieu le Père ; les quatre autres sont centrées sur le « nous » et sur nos besoins humains. Dans la première partie, Jésus nous fait entrer dans ses désirs, tous adressés au Père : « que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite » ; dans la seconde, c’est lui qui entre en nous et se fait l’interprète de nos besoins : le pain quotidien, le pardon des péchés, l’aide dans la tentation et la libération du mal.
Nous avons ici la matrice de toutes les prières chrétiennes – je dirais de toutes les prières humaines – qui sont toujours faites, d’un côté, de contemplation de Dieu, de son mystère, de sa beauté et de sa bonté et, de l’autre, d’une demande sincère et courageuse de ce dont nous avons besoin pour vivre, et pour bien vivre. Ainsi, dans sa simplicité et dans son caractère essentiel, le Notre Père éduque celui qui le prie à ne pas multiplier les paroles vaines, parce que – comme le dit Jésus lui-même – « votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous le lui demandiez » (Mt 6,8).
Quand nous parlons avec Dieu, nous ne le faisons pas pour lui révéler ce que nous avons dans le cœur : il le connaît bien mieux que nous ! Si Dieu est un mystère pour nous, en revanche, nous ne sommes pas une énigme à ses yeux (cf. Ps 139,1-4). Dieu est comme ces mamans auxquelles il suffit d’un regard pour comprendre tous leurs enfants : s’ils sont contents ou tristes, s’ils sont sincères ou s’ils cachent quelque chose…
Le premier pas de la prière chrétienne est donc la remise de nous-mêmes à Dieu, à sa providence. C’est comme si nous disions : « Seigneur, tu sais tout, il n’est même pas nécessaire que je te raconte ma souffrance, je te demande seulement d’être ici, à côté de moi : c’est toi mon espérance ». Il est intéressant de noter que, dans son discours sur la montagne, tout de suite après avoir transmis le texte du Notre Père, Jésus nous exhorte à ne pas nous préoccuper et à ne pas nous tourmenter pour les choses. Cela semble une contradiction : d’abord, il nous enseigne à demander notre pain quotidien et ensuite il nous dit : « Ne vous préoccupez donc pas en disant : Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? De quoi nous vêtirons-nous ? » (Mt 6,31). Mais la contradiction n’est qu’apparente : les questions du chrétien expriment sa confiance dans le Père ; et c’est précisément cette confiance qui nous pousse à demander ce dont nous avons besoin sans nous tourmenter et sans nous agiter.
C’est pour cette raison que nous prions en disant : « Que ton nom soit sanctifié ! ». Dans cette demande – la première ! « Que ton nom soit sanctifié ! » – on sent toute l’admiration de Jésus pour la beauté et la grandeur du Père et son désir que tous le reconnaissent et l’aiment pour ce qu’il est vraiment. Et en même temps, il y a la supplication pour que son nom soit sanctifié en nous, dans notre famille, dans notre communauté et dans le monde entier. C’est Dieu qui sanctifie, qui nous transforme par son amour mais, en même temps, c’est aussi nous qui, par notre témoignage, manifestons la sainteté de Dieu dans le monde, en rendant son nom présent. Dieu est saint, mais si nous, si notre vie n’est pas sainte, il y a une grande incohérence ! La sainteté de Dieu doit se refléter dans nos actions et dans notre vie. « Je suis chrétien, Dieu est saint mais je me comporte mal », non, cela ne sert à rien. Cela fait aussi du mal, cela scandalise et n’aide pas.
La sainteté de Dieu est une force en expansion et nous supplions pour qu’il brise rapidement les barrières de notre monde. Quand Jésus commence à prêcher, le premier à en faire les frais, c’est justement le mal qui afflige le monde. Les esprits mauvais enragent : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le saint de Dieu » (Mc 1,24). On n’avait jamais vu une sainteté comme là : elle ne se préoccupait pas d’elle-même mais elle était tendue vers l’extérieur. Une sainteté – celle de Jésus – qui s’élargit par cercles concentriques, comme quand on jette un caillou dans un étang. Les jours du mal sont comptés – le mal n’est pas éternel –, le mal ne peut plus nous nuire : l’homme fort qui prend possession de sa maison est arrivé (cf. Mc 3,23-27). Et cet homme fort est Jésus, qui nous donne à nous aussi la force de prendre possession de notre maison intérieure.
La prière chasse toute crainte. Le Père nous aime, le Fils lève les bras en soutenant les nôtres, l’Esprit travaille en secret pour la rédemption du monde. Et nous ? Nous ne vacillons pas dans l’incertitude. Mais nous avons une grande certitude : Dieu m’aime ; Jésus a donné sa vie pour moi ! L’Esprit est en moi. Et c’est là la grande certitude. Et le mal ? Il a peur. Et c’est beau.