L’Église catholique et l’éducation
Je suis heureux et honoré de m’adresser à vous tous réunis en ce prestigieux siège de l’UNESCO. Tout d’abord, j’exprime ma plus sincère gratitude à Madame Irina Bokova, Directrice générale, à Monsieur Hao Ping, Président de la 37ème Session de la Conférence générale et à Monsieur Tang Qian, Directeur général adjoint pour l’Éducation.
Je vous salue tous chaleureusement au nom de Sa Sainteté le Pape François, qui a voulu se rendre personnellement présent à cet important Forum, par l’envoi du message à peine lu par Monseigneur Francesco Follo. Avec le Pape, je souhaite ardemment que l’heureuse commémoration du 70ème anniversaire de la fondation de l’UNESCO soit une occasion propice pour consolider davantage son engagement en faveur de la protection du patrimoine culturel de l’humanité et de la promotion de l’éducation et des sciences.
Il s’agit d’une action de sensibilisation et d’appui, particulièrement nécessaire de nos jours, aussi bien pour transmettre aux nouvelles générations la mémoire inaltérée des civilisations qui les ont précédées, que pour diffuser les instruments indispensables de connaissance utiles pour éviter les erreurs du passé. Votre mission est alors un travail d’une grande noblesse culturelle, au service des droits humains et de la paix, qui tirent de la culture et de l’expansion de la connaissance les moyens essentiels pour vaincre la violence et la barbarie.
Mon intervention se situe dans le contexte du 50ème anniversaire de la Déclaration conciliaire Gravissimum educationis, ainsi que du 25ème anniversaire de la Constitution apostolique Ex corde Ecclesiae. J’entends offrir une vision concise sur l’histoire du service éducatif de l’Église catholique afin de mettre en exergues quelques défis et perspectives qui se présentent à nous, dans le but de raviver notre commune passion pour l’éducation.
Introduction
La culture et l’éducation n’ont jamais été considérées par l’Église catholique comme de simples instruments pour l’évangélisation mais comme des dimensions humaines dotées d’une haute valeur intrinsèque. L’investissement dans l’instruction des jeunes générations est une condition pour «le développement des peuples, tout particulièrement de ceux qui s’efforcent d’échapper à la faim, à la misère, aux maladies endémiques, à l’ignorance[et] qui cherchent une participation plus large aux fruits de la civilisation, une mise en valeur plus active de leurs qualités humaines»[1] – comme déclarait Paul VI dans l’encyclique Populorum progressio. L’Église partage les efforts pour un plus grand accès à l’alphabétisation, à l’éducation pour tous et à la formation permanente. Ces piliers sont rendus encore plus solides par l’engagement fondamental en faveur des minorités ethniques et religieuses et en soutien au génie féminin, si important pour une croissance harmonieuse de la société.
L’Église catholique, «experte en humanité»[2], a placé l’éducation au centre de sa mission et continue même de nos jours à la considérer comme sa priorité, spécialement dans un contexte «d’urgence globale pour l’éducation» provoquée aussi bien par des processus de changement que par une approche réductionniste qui tend à limiter la portée universelle de l’éducation à l’aspect purement économique. En effet, en y regardant de près, la récente crise financière globale est de genre entropique: elle a donné naissance à une perte de sens et en conséquence à une apathie sociale. Dans ce refus, on perd toute orientation vers le bien commun et on s’éloigne de la valeur propulsive de la relationnalité au nom de l’anthropologie minimaliste de l’homo oeconomicus, qui étouffe les relations interpersonnelles et prend les potentialités rationnelles au piège.
1. Une longue histoire au service de l’éducation
1.1 Les racines
À la base de la pédagogie et de la tradition éducative de l’Église, il y a l’anthropologie biblique en laquelle apparaît, déjà dans le Livre de la Genèse (1, 31), la relation d’amour et de réciprocité entre l’homme et Dieu.
On ne peut nier que l’Église ait une grande histoire éducative. Pensons à ce que furent les monastères qui, après l’effondrement de l’empire romain d’Occident et de la civilisation classique, à partir de Benoît de Nurcie et puis avec saint Bernard et beaucoup d’autres réformateurs autour de l’An mille, donnèrent vie à des centaines d’authentiques «laboratoires de civilisation». En ces lieux de prières et d’étude, furent copiés et sauvegardés les manuscrits de Sénèque, Platon, Cicéron, Augustin, qui, sans le soin et l’amour de ces moines, nous seraient parvenus appauvris et partiels. À l’âge moderne émerge surtout l’œuvre de nombreux instituts et congrégations religieuses détenteurs d’un remarquable charisme éducatif qui ont dédié jusqu’à nos jours leur mission à l’instruction et à la formation académique.
1.2 Du Concile Vatican II à aujourd’hui
Le Concile Vatican II, comprenant les changements géopolitiques, technologiques et sociaux, sut analyser objectivement – à la lumière de l’Évangile – les demandes des communautés, en écoutant aussi les voix les plus faibles et les plus tourmentées. Une réflexion précise sur l’éducation porta à proposer une éducation intégrale et complète, en mesure de construire les fondements préliminaires d’une société inclusive, dialogique et pacifique. La formation des nouvelles générations, en effet, doit assurer un processus qui tienne sur le même plan le développement cognitif, psychologique, pragmatique et manuel, affectif et spirituel. En mettant au centre les principes de solidarité et de subsidiarité, la Déclaration Gravissimum educationis fait percevoir clairement que «la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute, et du bien des groupes dont l’homme est membre et au service desquels s’exercera son activité d’adulte».[3]
Les écoles, les universités et les centres de recherche ont pour vocation d’être un «laboratoire d’humanité»[4] ouvert à tous et accueillant pour tous. Comme laboratoire, les institutions éducatives nécessitent une approche collégiale et polyvalente à laquelle chacun est appelé à contribuer en partageant la responsabilité des actes et le poids des décisions soit comme famille soit comme éducateurs. «C'est une belle mais lourde vocation – affirme Gravissimum educationis – celle de tous ceux qui, pour aider les parents dans l'accomplissement de leur devoir et représenter la communauté humaine, assument la charge de l'éducation».[5]
Cette aptitude vaut non seulement pour les écoles de tout ordre et degré, mais aussi pour les institutions universitaires qui doivent «se distinguer par leur engagement culturel»[6] soutenant, d’abord, ces réalités périphériques qui souffrent de conditions d’indigence et en portant une attention particulière «aux étudiants qui donnent davantage d'espérances, même s'ils sont de condition modeste».[7] Dans son engagement pour l’édification d’une société juste et pacifique, l’université catholique – comme l’affirme clairement la Constitution apostolique Ex corde Ecclesiae promulguée par Jean-Paul II en 1990 – ne néglige en rien «l’acquisition de connaissances utiles, [mais elle] se distingue par sa libre recherche de toute la vérité relative au monde, à l’homme et à Dieu. Notre époque, en effet, a un urgent besoin de cette forme de service désintéressé qui consiste à proclamer le sens de la vérité, valeur fondamentale sans laquelle la liberté, la justice et la dignité de l’homme sont étouffées».[8]
2. Quelques défis et perspectives de l’éducation
Ce bref regard historique sur le service éducatif de l’Église catholique permet maintenant d’entrevoir les profils de quelques défis et perspectives éducatifs de notre temps, manifestement fragmenté et multi-identitaire.
On ne peut pas faire moins que de noter, en effet, une extrême fragmentation du savoir avec une incommunicabilité préoccupante entre les divers secteurs disciplinaires. D’autre part, les sociétés de notre temps ont un profil multi-identitaire. Cela engage à parcourir les sentiers ardus et ascendants de la confrontation et du dialogue. Par un dialogue formateur et une confrontation pacifique, on évite le risque d’incommunicabilité, favorisant ainsi la rencontre constructive et la compréhension réciproque.[9] Cette proximité de l’autre est d’importance fondamentale face aux processus intenses de globalisation et aux migrations de notre époque dans lesquelles les diversités culturelles et religieuses «doivent être comprises comme expressions de l’unité fondamentale du genre humain».[10] Sur cette base unitaire, on doit être des constructeurs de ponts et des animateurs de paix, en partant de la thèse – comme le soutenait Jean XXIII dans sa célèbre encyclique Pacem in terris – que «tout être humain est une personne, c’est-à-dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même il est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns et les autres, ensemble et immédiatement, de sa nature: aussi sont-ils universels, inviolables, inaliénables».[11]
L’éducation se réalise, en effet, dans une relation asymétrique et génératrice: c’est un mouvement vers l’autre pour lui tendre la main. Ce n’est pas une simple assimilation de notions, une répétition servile de normes, une utilisation mécanique de moyens mais, en amont, c’est aussi une élaboration vivante de valeurs partagées et de fins. D’une certaine manière, éduquer c’est se mettre à côté, dans l’adhésion au bien, et c’est accompagner dans la recherche de la vérité, en aidant à libérer la force créative de la raison qui ne méprise pas la beauté et la bonté.
2.1 Du paradigme de la terminologie technique à la centralité de l’humain
Dans le contexte actuel fragmenté et multi-identitaire, l’urgence pour l’éducation s’aggrave au moment où prévaut la conception artificielle et positiviste de l’homme-machine sur l’homme-personne. Ce déséquilibre est rendu encore plus prégnant par l’application ou l’intrusion des théories de la robotique et de la cybernétique dans ces domaines qui ne sont pas du tout les leurs.
Le premier défi perspectif de l’éducation est, donc, la récupération de la centralité de l’humain face à une tendance surtout technicienne qui prive l’instruction de son caractère universel. Les nouveaux mots d’ordre sont efficacité, concurrence, incitation, compétence avec le risque de devenir une véritable idéologie globale, présentée cependant comme une «technè» et donc absolument libre des valeurs et de tout jugement moral.
L’intelligence émotive et affective, la capacité d’empathie, la sympathie participative, le travail en équipe sont des mérites essentiels et fondamentaux dans les institutions éducatives. Aujourd’hui ils risquent d’être marginalisés au nom d’une connaissance technique standardisée, codifiée et quantitative qui souffre d’une grande marge d’homologation relationnelle et émotionnelle ainsi que du danger de partialité, mortifiant à la base les différences de caractère et la créativité individuelle. Cela vaut aussi bien pour les apprenants que pour les enseignants réduits à être des facilitateurs ou des médiateurs de l’auto-apprentissage et de l’auto-formation, alors qu’est exclue artificiellement toute autre expérience éducative comme la famille ou l’Église elle-même.
L’application systématique au monde de la formation et du travail d’une méthodologie économique fondée sur l’exaltation de la rapidité productive et de la rapidité de la consommation, génère une spirale défavorable dans laquelle les personnes peuvent être mises à part et confinées à l’oubli sans aucun égard à leur dignité. Si on ne se laisse pas «interroger par un sens plus large de la vie»,[12] il se formerait dans la mentalité collective une «culture du déchet»[13] qui, dans un incessant effet domino finirait par mettre tout le monde en déroute, de façon mécanique, sans aucun sentiment de pitié ni de compassion. Si une saine compétition peut être bénéfique, son absolutisation la paupérise en la transformant en idole qui – comme l’argent – «commande les choix de l’homme»[14] indifférent aux cris de douleur et ignorant des appels de la conscience. Cette vague irrésistible ne s’arrête même pas face à la famille, au soin de l’affectivité et au choix religieux.
La proposition de l’Église catholique veut aller au-delà des bas-fonds de l’individualisme et dépasser le gué d’une construction épistémologique trop fermée sur elle-même. Elle a à cœur une plus grande prise de conscience des implications éthiques et morales, en favorisant une rencontre positive entre les diverses disciplines «de manière à leur éviter de s’enfermer dans une conception particulariste»[15], en promouvant une vision synthétique, sans pour autant mettre en question l’intégrité et les méthodologies propres des disciplines elles-mêmes[16]. Le primat de l’unité et la nécessité de la synthèse ne sont pas un pur exercice rhétorique, ils sont plutôt à l’origine même de l’université qui se consacre intégralement à l’enseignement et à la formation en étant «un stimulant permanent pour la recherche désintéressée de la vérité et de la sagesse».[17]
2.2 Une éducation élargie et de valeur
Un autre défi qui me semble dominer l’horizon d’aujourd’hui est l’ampleur même de l’éducation et sa caractérisation de valeur. En premier lieu, on doit reconnaître que chaque personne – enfant, jeune, adulte – engagée dans un processus éducatif possède singulièrement des aptitudes, des connaissances, des compétences qui doivent être activées par celui qui s’en approche de l’extérieur. L’éducation est un processus in itinere avec la conscience que cette semence, potentiellement déjà présente dans la personne, attend d’être réveillée, soignée, réchauffée, nourrie de manière à germer selon sa nature propre et ses formes propres.
En outre, il est temps de placer au centre une saine autocritique, en réponse aux plaintes qui viennent des écoles et universités au sujet d’une excessive présence d’instruments et de techniques, face à une désertification progressive des disciplines humanistes dans la formation des jeunes. Les sciences humaines ne peuvent pas être éliminées ou considérées superflues. Grâce à elles se structurent une capacité logique, une faculté de jugement et une complexité de la pensée qui offrent des possibilités extraordinaires de connaître rationnellement et d’approfondir scientifiquement des concepts, des données et des formulations. Parmi ces disciplines, l’éducation à la beauté, à l’art, à la musique, à la poésie occupe une place irremplaçable. La beauté est non seulement partie intégrante de tout processus éducatif mais aussi une occasion d’expériences émotives et intuitives relatives au Transcendant et au méta-empirique. L’homme moderne semble symboliquement desséché tellement qu’il ne donne pas l’importance convenable à la promotion du beau et, en conséquence, à la défense de la nature.[18] Cette dimension de la beauté est, en même temps, éducative et thérapeutique.
Une éducation sensible à la beauté se consolide et gagne en maturité dans le soin de l’environnement ambiant, dans l’attention au prochain, dans la participation aux idéaux. L’éducation se fait charismatique. Charisme, en effet, vient du grec charis qui est aussi la racine de grâce, gentillesse et gratitude: cette beauté a un besoin vital de gratuité et de partage.
2.3 Une communauté éducative unanime
Un troisième défi, étroitement lié aux précédents, est la récupération de la responsabilité communautaire de l’éducation. Dans la société – de même que dans les écoles et dans les universités – on doit créer les conditions pour une coopération fructueuse qui mette les enseignants et tous les acteurs de l’univers éducatif dans les conditions à pouvoir travailler bien et ensemble, en prenant intégralement soin des relations entre les familles et ceux qui apprennent, par un «jeu coopératif» qui stimule mutuellement les uns et les autres. À cet égard, le principe de subsidiarité, pilier de la doctrine sociale de l’Église, assume une valeur fondamentale aussi et surtout dans les rapports éducatifs. Elle est le fondement de tout choix éducatif raisonnable et autonome, garantie pour les démocraties du monde entier et principe de base aussi de l’UNESCO.
La subsidiarité est aussi au fondement de tout processus éducatif vertueux parce qu’elle nous rappelle que la première compétence d’où il faut partir est celle que possède déjà la personne qui apprend. Toutes les autres interventions doivent être subordonnées à cette compétence fondamentale et essentielle. Si les interventions de l’éducateur se substituent de façon radicale à ce «génie personnel», souvent latent mais réel, de l’individu qui apprend, le processus pédagogique se grippe et se dégrade. Pour cette raison, jamais comme en ce moment de l’histoire, l’école et l’université doivent redevenir un point de référence positif «visant à construire une relation éducative avec chaque étudiant, qui doit se sentir accueilli et aimé pour ce qu’il est, avec toutes ses limites et ses potentialités».[19]
À l’école et à l’université est confiée la tâche de porter à son achèvement un processus organique qui se fonde sur la personne, pour qu’elle devienne le protagoniste principal de sa propre croissance et de sa maturation dans une perspective d’apprentissage permanent. «Le modèle dont elle doit s’inspirer […] est celui de la communauté éducative, espace de convivialité entre les différences»[20]. En effet, elle est un lieu de rencontre oùl’on «encourage la participation, dialogue avec la famille , […] elle en respecte la culture et se met profondément à l’écoute des besoins qu’elle perçoit et des attentes qui sont mises en elle». [21]
Face à un monde digital alternatif et virtuel, il serait opportun de revenir aussi à un certain caractère concret aussi bien dans les écoles que dans les universités, où – souvent – le travail reste encore une expérience très marginale et sur l’arrière-plan d’un système académique, dans certains cas, obsolète. Dans un contexte de hauts niveaux d’obsolescence technologique, il est plus que jamais nécessaire d’imaginer des cours d’étude plus flexibles qui adjoignent le travail – assurément sans se substituer à lui – mais en l’intégrant et en l’accompagnant jour après jour. Il serait opportun d’étendre cette expérience à toute l’existence avec des périodes régulières et réglées de formation permanente parce que l’objectif ne doit pas être le ‘titre’ mais la connaissance, l’apprentissage et l’approfondissement, surtout dans une société toujours plus complexe et stratifiée.
2.4 L’éducation au dialogue et la construction de la fraternité
Enfin, le service éducatif d’aujourd’hui ne peut se soustraire aux défis d’une culture de l’opposition et à ses instrumentalisations destructrices et irrationnelles. «La cause ontologique»[22] du contexte actuel de haine et de mépris à l’intérieur de la famille humaine est constituée d’un radical «refus de l’humanité dans l’autre».[23] L’acceptation de la diversité est donc fondamentale dans le respect réciproque et dans la liberté d’exprimer ses propres idées et ses propres convictions religieuses. Cette attitude constructive trouve son humus naturel dans le dialogue désintéressé[24], qui dans la recherche commune de la paix et de la justice devient «au-delà de l’aspect purement pragmatique, un engagement éthique qui crée de nouvelles conditions sociales».[25]
Pour cette raison, l’école et l’université sont appelées à proposer de nouveau les conditions nécessaires pour un nouvel humanisme qui sache reconstruire un esprit de fraternité entre les personnes et entre les nations. [26] Le véritable objectif de la recherche est, en effet, la résolution des problèmes et la proposition de solutions qui sachent intégrer la dimension individuelle avec la dimension relationnelle et communautaire. Accepter les différences propre à chaque culture ne signifie pas nier l’existence de valeurs objectives et de principes communs à la nature humaine elle-même, sans lesquels on est transporté dans le relativisme culturel, qui oublie délibérément tout questionnement ultime sur la vérité et ouvre les portes à l’oubli de la mémoire, au nihilisme et au radicalisme.[27]
Avec courage et force d’âme, on doit dépasser la catégorie du rejet parce que – comme l’a déclaré le Pape François au Corps diplomatique – «une culture qui rejette l’autre, brise les liens les plus intimes et les plus vrais, finissant par défaire et désagréger toute la société, et par engendrer la violence et la mort».[28] Pour éviter ces conséquences néfastes, le Pape lui-même indique l’horizon de la fraternité qui «renvoie à la croissance en plénitude de tout homme et de toute femme [où] les justes ambitions d’une personne, surtout si elle est jeune, ne doivent pas être frustrées ni blessées, l’espérance de pouvoir les réaliser ne doit pas être volée».[29]
Conclusion
En concluant mon intervention je ne peux qu’encourager et louer les initiatives de l’UNESCO qui célèbre son soixante-dixième anniversaireen un temps où beaucoup entrevoient les signes d’une transition d’époque. Comme cela est déjà arrivé dans l’histoire de l’humanité, de telles périodes sont denses d’instabilité et cause de désorientation. Face à l’intensification de sentiments d’opposition et de haine, il paraît nécessaire de repartir du «partage du beau» et de la «louange du créé», en valorisant l’apport que chacun peut offrir et en proposant un rapprochement humble et patient entre les individus, les communautés et les peuples.
À la base de cette responsabilité commune il y a – comme l’a affirmé Jean-Paul II en ce Siège prestigieux – «une dimension fondamentale, qui est capable de bouleverser jusque dans leurs fondements les systèmes qui structurent l’ensemble de l’humanité et de libérer l’existence humaine, individuelle et collective, des menaces qui pèsent sur elle. Cette dimension fondamentale, c’est l’homme, l’homme dans son intégralité, l’homme qui vit en même temps dans la sphère des valeurs matérielles et dans celle des valeurs spirituelles. Le respect des droits inaliénables de la personne humaine est à la base de tout».[30]
Dans le renforcement de la confiance réciproque et la reconnaissance mutuelle, l’éducation devient la plateforme idéale pour abattre les murs de l’incompréhension et de l’orgueil. Une éducation intégrale et inclusive est capable d’écoute patiente et de dialogue constructif. Comme l’a dit récemment le Pape François, elle nous offre l’opportunité de nous approcher des autres «sur la pointe des pieds sans soulever la poussière qui voile la vue».[31] En célébrant ensemble ces anniversaires, l’Église comme l’UNESCO se trouvent ensemble dans cette mission éducative qui – comme l’a écrit Paul VI au Directeur général Amadou Mahtar M’Bow –, «par-delà tant de douloureuses divisions, manifeste le souci commun de l’humanité d’assurer un plus authentique épanouissement de l’homme».[32]
Je vous remercie!
[00930-FR.01] [Texte original: Français]
[B0424-XX.01]
[1] Paul VI, Lettre encyclique Populorum progressio (26 mars 1967), n. 1.
[3] Concile Vatican II, Déclaration Gravissimum educationis (28 octobre 1965), n. 1.
[4] Benoît XVI, Discours aux participants au IIIe Congrès mondial pour les étudiants internationaux (2 décembre 2011).
[5] Déclaration Gravissimum educationis, n. 5.
[8] Jean-Paul II, Constitution apostolique Ex corde Ecclesiae (15 août 1990), n. 4.
[9] Cf. Pape François, Discours aux étudiants et aux professeurs du Collège Seibu Gakuen Junior High School de Satama - Tokyo (Japon), 21 août 2013.
[10] Congrégation pour l’Éducation catholique, Éduquer au dialogue interculturel dans l’école catholique. Vivre ensemble pour une civilisation de l’amour, (28 octobre 2013), n. 1.
[11] Jean XXIII, Lettre encyclique Pacem in terris (11 avril 1963), n. 5.
[12] Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 20132), n. 203.
[13] Cf. Pape François, Discours aux délégués de l’Institut Dignitatis Humanae, 7 décembre 2013.
[14] Pape François, Discours aux représentants de la Confédération des Coopératives italiennes, 28 février 2015.
[15] Congrégation pour l’éducation catholique, Éduquer aujourd’hui et demain. Une passion qui se renouvelle, (7 avril 2014), I, 2.
[17] Jean-Paul II, Constitution apostolique Ex corde Ecclesiae, n. 2.
[18] Cf. Pape François, Discours au Conseil de l’Europe, 25 novembre 2014.
[19] Pape François, Audience aux Membres de l’Union catholique italienne des enseignants, dirigeants, éducateurs et formateurs (UCIIM), 14 mars 2015.
[20] Congrégation pour l’éducation catholique, Éduquer au dialogue interculturel à l’école catholique. Vivre ensemble pour une civilisation de l’amour, n. 58.
[22] Pape François, Message pour la journée mondiale de la paix 2015, n. 4.
[24] Cf. Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 142.
[25] Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 250.
[26] Pape François, Message pour la journée mondiale de la Paix 2014, nn. 3-4.
[27] Cf. Pape François, Lettre encyclique Lumen fidei (29 juin 2013), n. 25.
[28] Pape François, Discours au Corps diplomatique, 12 janvier 2015.
[29] Pape François, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2014, n. 8.
[30] Jean-Paul II, Discours à l’UNESCO, 2 juin 1980.
[31] Pape François, Discours aux participants à la rencontre organisée par le PISAI, 24 janvier 2015.
[32] Paul VI, Message au Directeur général de l’UNESCO, 25 juin 1975