Longtemps populaire et souvent récité privément ou en famille, l'Angelus, faussement attribué à Urbain II prêchant à Clermont la première croisade, s'est lentement élaboré entre le XIII° et le XVI° siècle ; c'est une prière liturgique dialoguée que l'Eglise recommande de faire, en dehors du temps pascal où il est remplacé par le Régina caeli, le matin, le midi et le soir, au son de la cloche, pour confesser le mystère de l'Incarnation en rappelant l'Annonciation.
Il s'agit de trois Ave Maria, précédés chacun d'un verset et de son répons, l'ensemble étant conclu par une oraison, elle aussi introduite par un verset avec son répons. Les trois ensembles initiaux verset-répons sont tout droit puisés dans l'Ecriture ; les deux premiers dans le récit de l'Annonciation de l'évangile selon saint Luc (I 28-35 et I 38) et le troisième dans le prologue de l'évangile selon saint Jean (I 14), tandis que le dernier est une invocation coutumière du secours de la Vierge, avec son oraison propre.
Il est convenable de sonner trois coups de cloche aux trois premiers versets et trente-trois coups ou une longue volée pour l'oraison. Cette prière, longtemps intitulée pardon en raison des nombreuses indulgences dont on l'avait enrichie, a pris, au milieu du XVII° siècle, du premier mot que l'on y dit, son titre actuel, Angelus, d'ailleurs souvent encore inusité en Italie où on la nomme plus volontiers Ave Maria.
A partir du synode de Caen de 1061, se propagea dans les villes l'habitude de faire sonner une cloche en fin de journée, tant pour marquer la clôture des travaux que pour appeler les fidèles à la prière avant qu'ils se retirassent chez eux. Nulle indication de prière particulière ne semble avoir été donnée et ce n'est qu'au XIII° siècle, que le pape Grégoire IX ordonna que l'on priât pour les croisés et que saint Bonaventure demanda aux frères mineurs d'y faire réciter un Ave Maria (chapitre général de 1269).
Il était alors depuis longtemps courant, dans un grand nombre de monastères, surtout ceux qui servaient d'alumna, qu'après les complies, on fît réciter aux enfants, pendant que les moines disaient les trois oriationes et que sonnait la cloche, trois prières qui devinrent des Ave Maria ; c'est cette pieuse coutume qui se répandit dans le peuple, surtout grâce aux efforts des franciscains, et dont on trouve pour la première fois, en Hongrie, réglementée l'obligation enrichie de dix jours d'indulgence (synode d'Esztergom de 1309).
La récitation vespérale d'un ou de trois Ave Maria se répandit d'autant plus rapidement que c'était un moyen efficace d'apprendre aux fidèles une formule de prière qui venait seulement d'être composée dans la forme que nous connaissons, aussi, dès le XIV° siècle, intéressa-t-elle les papes.
Si l'on peut douter que, de Carpentras, en 1314, Clément V y attacha dix jours d'indulgence, il est en revanche sûr, qu'en 1318, Jean XXII accorda une indulgence de dix jours à tous ceux qui réciteraient, à genoux, trois Ave Maria en entendant la cloche du soir qui pouvait être ou non distincte de celle du couvre-feu mais qui, en tous cas, lui est historiquement antérieure ; d'aucuns pensent que les trois triples sonneries, les plus anciennes, appartiennent à la dévotion alors que la volée serait le signal du couvre-feu dont la conjugaison avec le ou les Ave Maria (l'évêque de Winchester voulait que l'on allât jusqu'à neuf) n'est attestée qu'au cours du XIV° siècle (Tréguier 1334, synode de Paris 1346). C'est encore Jean XXII qui introduisit cet usage à Rome par un décret envoyé à l'évêque Ange de Viterbe, alors vicaire à Rome, scellé le 7 mai 1327.
Comme dans les monastères les prières des complies, se faisaient de la même manière à prime, l'usage du soir s'appliqua aussi au matin et se répandit dans les paroisses plus vite encore. Il semble que Pavie, avant 1330, fut le premier diocèse à adopter l'Angelus du matin, ouvrant la voie à un usage qui devint quasi universel dès avant la fin du XIV° siècle ; en 1390, un bref de Boniface IX au clergé de Bavière recommandait de faire sonner à l'aurore les cloches des églises comme, disait-il, on le faisait déjà à Rome et dans toute l'Italie.
On ne sait trop comment est arrivée la coutume de faire à midi ce que l'on faisait déjà le soir et le matin, encore, qu'au cours du XIV° siècle, en de nombreux endroits et pour des raisons particulières (liturgiques, sociales ou politiques), on se mit à appeler le peuple à prier, au milieu du jour, par une sonnerie exceptionnelle.
En 1456, fort de cet usage, Callixte III, pour conjurer le danger turc, ordonna, entre none et vêpres, trois Pater et trois Ave Maria. Louis XI prescrivit pour tout son royaume un Ave Maria à midi (1472), dévotion à laquelle Sixte IV appliqua trois cents jours d'indulgence. Alexandre VI confirma la décision de Callixte III.
Le XVI° siècle équivaut les trois prières et leur donne peu à peu la forme que nous utilisons encore, normalisée en 1612 ; les versets et leurs répons apparaissent dans un catéchisme vénitien de 1560, reproduit dans un petit office romain de la Sainte Vierge publié sous Pie V (1568). Benoît XIII recommande vivement la récitation de l'Angélus (14 septembre 1734), Benoît XIV en porte les indulgences à cent jours (20 avril 1742), et un décret de Léon XIII (15 mars 1884) le réglemente jusqu'à une époque récente. Jean XXIII y avait ajouté la pratique de trois Gloria Patri (lettre pastorale au peuple romain du 2 février 1959) ce que ne reprendra pas Paul VI dans l'Exhortation apostolique Marialis Cultus (2 février 1974) où, en demandant qu'on récitât l'Angelus, se refusait à le rénover et, dans l'enchiridion qu'il fit publier en 1968, lui accordait l'indulgence partielle, disposition gardée par Jean-Paul II (1986).
Si la salutation angélique continuée de celle d'Elisabeth à la Visitation était connue de la liturgie latine depuis saint Grégoire le Grand, l'Ave Maria qui en découle s'est composé très lentement. Alors que les deux salutations groupées commençaient à être récitées, Urbain IV y aurait ajouté le nom de Jésus et, à partir du XV° siècle, sans qu'on puisse dire avec assurance comment, le dernier paragraphe se serait progressivement mis en place jusqu'à devenir la formule que nous récitons aujourd'hui et qui n'a trouvé sa forme définitive qu'au XVI° siècle où Pie V l'introduit dans le bréviaire romain (1568).
Bien avant de connaître sa forme définitive, l'Ave Maria, avec le Pater et le Credo, fait partie des prières exigées des fidèles qui s'y attachent si fort qu'à partir du XII° siècle ils commencent à le répéter et c'est l'origine de la récitation du chapelet dont on trouve une première description dans un manuscrit cambridgien du XII° siècle. Saint Dominique avait l'habitude, avant de prêcher sur un mystère, de faire réciter le Pater et un Ave Maria que ces disciples multiplièrent par dix et à quoi un chartreux de Cologne, Henri Egher, fit ajouter la doxologie (1393).