2015 : Homélies, discours, Audiences, Angelus...

Discours préparé mais non lu, du Pape aux prêtres, religieux, séminaristes - 8 juillet 2015

discours préparé mais non lu. Cependant, le Saint-Père a demandé qu'il soit publié.

     Le Pape ayant laissé parlé son coeur, un autre texte est à lire, improvisé.

 

Chers frères et soeurs,

J'apporte aux pieds de Notre Dame de Quinche tout ce qui a été vécu durant ces jours de ma visite ; je veux déposer dans son cœur les personnes âgées et les malades avec qui j'ai partagé un moment dans la maison des Sœurs de la Charité, et aussi toutes les autres rencontres que j'ai eues auparavant. Je les dépose dans le cœur de Marie, mais je les dépose aussi dans votre cœur : prêtres, religieux et religieuses, séminaristes, afin que, appelés à travailler dans la vigne du Seigneur, vous soyez des gardiens de tout ce que ce peuple de l'Équateur vit, de ce dont il pleure et de ce dont il se réjouit.

Je remercie Monseigneur Lazzari, le Père Mina et Sœur Sandoval pour leurs paroles, qui me donnent l’occasion de partager avec vous tous certaines choses dans la commune sollicitude pour le peuple de Dieu.

Dans l'Évangile, le Seigneur nous invite à accepter la mission sans poser de conditions. C'est un message important qu’il ne convient pas d’oublier et qui, dans ce Sanctuaire dédié à la Vierge de la Présentation résonne avec un accent spécial. Pour nous qui, comme elle, avons reçu une vocation, Marie est l’exemple du disciple. Sa réponse confiante : «Qu’il soit fait pour moi selon ta parole», nous rappelle ses paroles aux noces de Cana : «Tout ce qu’il vous dira, faites-le» (Jn 2, 5). Son exemple est une invitation à servir comme elle.

Dans la Présentation de la Vierge, nous pouvons trouver quelques suggestions pour notre propre appel. La Vierge Enfant a été un cadeau de Dieu pour ses parents et pour tout le peuple, qui attendait la libération. C'est un fait qui se répète fréquemment dans l'Écriture : Dieu répond au cri de son peuple, en envoyant un enfant, faible, destiné à apporter le salut et qui, en même temps, restaure l'espérance de parents âgés. La parole de Dieu nous dit que dans l'histoire d'Israël, les juges, les prophètes, les rois sont un don du Seigneur pour faire parvenir sa tendresse et sa miséricorde à son peuple. Ils sont un signe de la gratuité de Dieu : c’est lui qui les a élus, choisis et envoyés. Cela nous éloigne de l'autoréférentialité, nous fait comprendre que nous ne nous appartenons plus, que notre vocation nous demande de nous éloigner de tout égoïsme, de toute recherche de profit matériel ou de compensation affective, comme nous l’a dit l'Évangile. Nous ne sommes pas des mercenaires, mais des serviteurs ; nous ne sommes pas venus pour être servis, mais pour servir et nous le faisons dans un total détachement, sans bâton et ni sac.

Certaines traditions sur l'invocation de Notre Dame de Quinche nous relatent que Diego de Robles a réalisé la statue sur commande des indigènes Lumbicí. Diego ne le faisait pas par dévotion, il le faisait pour un bénéfice économique. Comme ils n'ont pas pu le payer, il l'a amenée à Oyacachi et l'a échangée contre des planches de cèdre. Mais Diego a rejeté la commande faite par les habitants de ce village pour qu'il leur fasse aussi un autel pour la statue, jusqu'à ce que, en tombant de cheval, il se trouve en danger et ait senti la protection de la Vierge. Il est retourné dans le village et a fait le pied de la statue. Nous tous nous avons fait aussi l'expérience d'un Dieu qui nous apparaît à la croisée des chemins, qui dans notre réalité de personnes tombées, abattues, nous appelle. Que la gloriole et la mondanité ne nous fassent pas oublier d'où Dieu nous a rachetés ! Que Marie de Quinche nous fasse descendre des lieux d'ambitions, d'intérêts égoïstes, de soins excessifs de nous-mêmes !

L’ “autorité” que les apôtres reçoivent de Jésus n'est pas pour leur propre bénéfice : nos dons sont pour rénover et pour édifier l'Eglise. Ne refusez pas de partager, ne refusez pas de donner, ne vous enfermez pas dans la commodité, soyez des sources qui débordent et rafraîchissent spécialement ceux qui sont opprimés par le péché, la désillusion, et la rancœur (cf. Evangelium gaudium, n. 272).

Le deuxième trait qu’évoque en moi la Présentation de la Vierge est la persévérance. Dans la suggestive iconographie mariale de cette fête, la Vierge Enfant s'éloigne de ses parents en montant les escaliers du Temple. Marie ne regarde pas en arrière et, dans une claire référence à l'avertissement évangélique, résolue, elle va de l’avant. Comme les disciples dans l'Évangile, nous nous mettons aussi en chemin pour porter à chaque peuple et partout la bonne nouvelle de Jésus. La persévérance dans la mission implique de ne pas aller, en changeant maison après maison, à la recherche du lieu où nous serons mieux traités, où il y a plus de moyens et de commodités. Elle suppose de lier notre sort à celui de Jésus jusqu'à la fin. Certains récits des apparitions de la Vierge de Quinche nous rapportent qu'une “femme avec un enfant dans ses bras” a visité plusieurs après-midis de suite des indigènes d’Oyacachi, quand ils se cachaient du harcèlement des ours. Souvent Marie est allée à la rencontre de ses enfants ; ils ne la croyaient pas, ils se méfiaient de cette femme, mais sa persévérance à revenir chaque soir au coucher du soleil les a surpris. Persévérer même si nous sommes rejetés, même s’il fait nuit et que le désarroi et les dangers s’accroissent. Persévérer dans cet effort en sachant que nous ne sommes pas seuls, que c'est le peuple saint de Dieu qui marche.

D’une certaine manière, à travers la statue de la Vierge Enfant montant au Temple, nous pouvons voir l'Église qui accompagne le disciple missionnaire. A côté d’elle, il y a ses parents, qui lui ont transmis la mémoire de la foi et maintenant ils l'offrent généreusement au Seigneur pour qu'elle puisse suivre son chemin ; il y a votre communauté représentée par la “suite des vierges” “ses compagnes” avec les lampes allumées (cf. Ps 44,15) et, en qui les Pères de l'Église voient une prophétie de tous ceux qui, en imitant Marie, cherchent avec sincérité à être amis de Dieu; et il y a les prêtres qui l'attendent pour la recevoir et qui nous rappellent que dans l'Église les pasteurs ont la responsabilité d'accueillir avec tendresse et d'aider à discerner chaque esprit et chaque appel.

Marchons ensemble, en nous soutenant les uns les autres et demandons avec humilité le don de la persévérance à son service.

Notre Dame de Quinche a été une occasion de rencontre, de communion, en cet endroit où depuis les temps des incas s’était constituée une colonie multiethnique. Que c’est beau quand l'Eglise persévère dans son effort pour être une maison et une école de communion, quand nous créons ce que j’aime à appeler la culture de la rencontre !

La statue de la Présentation nous dit qu'une fois bénie par les prêtres, la Vierge Enfant s'est assise dans les marches de l'autel et, s’étant levée, elle a dansé. Je pense à la joie qui s'exprime dans les représentations du banquet des noces, des amis du fiancé, de l'épouse parée de ses bijoux. C'est la joie de celui qui a découvert un trésor et a tout abandonné pour l'acquérir. Trouver le Seigneur, vivre dans sa maison, partager son intimité, tout cela engage à annoncer le Royaume et à apporter le salut à tous. Franchir le seuil du Temple exige de nous convertir comme Marie en temples du Seigneur et de nous mettre en chemin pour le porter à nos frères. La Vierge, comme première disciple missionnaire, après l'annonce de l'Ange, est partie immédiatement vers une ville de Judée pour partager cette joie immense, cette même joie qui a fait tressaillir saint Jean Baptiste dans le sein de sa mère. Celui qui écoute sa voix “tressaille de joie” et devient à son tour un héraut de sa joie. La joie d'évangéliser met l'Église en mouvement, la fait sortir, comme Marie.

Bien qu'elles soient multiples, les raisons qui sont avancées pour le transfert du sanctuaire d’Oyacachi à ce lieu, je m’en tiens à une : “ici elle est et a été plus accessible, plus facile pour être proche de tous”. Ainsi l'a compris l'Archevêque de Quito, le Frère Luis López de Solís, quand il a ordonné d'édifier un Sanctuaire capable de convoquer et d'accueillir tous. Une église en sortie est une église qui s'approche, qui s’efforce de ne pas être distante, qui sort de son confort et qui ose rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Evangile (cf. Evangelium gaudium, n. 20).

Nous retournerons maintenant à nos tâches, interpellés par le peuple saint qui nous a été confié. Entre ces tâches, n'oublions pas de prendre soin, d'encourager et d'éduquer la dévotion populaire que nous sentons dans ce sanctuaire et qui est si répandue dans beaucoup de pays latino-américains. Le peuple fidèle a su exprimer la foi dans son propre langage, manifester ses sentiments les plus profonds de douleur, de doute, de joie, d'échec, de reconnaissance en diverses formes de dévotion : des processions, des bougies, des fleurs, des chants qui se transforment en une belle expression de la confiance dans le Seigneur et d'amour de sa Mère, qui est aussi la nôtre.

A Quinche, l'histoire des hommes et l'histoire de Dieu confluent dans l'histoire d'une femme, Marie. Et dans une maison, notre maison, la sœur mère terre. Les traditions de cette invocation évoquent les cèdres, les ours, la fente dans la pierre qui a été ici la première maison de la Mère de Dieu. Elles nous parlent à travers l'hier des oiseaux qui ont peuplé cet endroit, et dans l'aujourd'hui des fleurs qui parent les alentours. Les origines de cette dévotion nous ramènent aux temps où était plus simple «l’harmonie sereine avec la création ... contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence ne doit pas être fabriquée» (Laudato si’, n. 225) et qui se dévoile à nous dans le monde créé, dans son Fils bien-aimé, dans l'Eucharistie qui permet aux chrétiens de se sentir des membres vivants de l'Église et de participer activement à sa mission (cf. Document d’Aparecida, n. 264), en Notre Dame de Quinche, qui d’ici a accompagné l’aube de la première annonce de la foi aux peuples indigènes. Recommandons-lui notre vocation ; qu'elle fasse de nous un don pour notre peuple, qu'elle nous donne la persévérance dans le dévouement et la joie de sortir pour porter l’Evangile de son Fils Jésus - unis à nos pasteurs – jusqu’aux confins, jusqu’aux périphéries de notre cher Equateur.

 

Pape François - 8 juillet 2015

 

publié le : 08 juillet 2015

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