Discours du Pape François aux participants de la 54e Assemblée nationale de la Conférence italienne des supérieurs majeurs (CISM) qui avait pour thème : « La mission de l'Église et la vie consacrée à la lumière de Evangelii Gaudium » (Tivoli, 3-7 Novembre 2014).
Chers frères et sœurs,
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre accueil, en particulier, je remercie le Père président d'avoir introduit notre rencontre qui se situe au terme de votre Assemblée nationale. A la lumière de ce que je l'ai entendu de votre travail, je voudrais partager avec vous quelques points de repère pour votre chemin.
Avant tout, la vie religieuse aide principalement l'Église à réaliser cette « attraction » qui la fait grandir, parce que devant le témoignage d'un frère et d’une sœur qui vivent vraiment la vie religieuse, les gens se demandent « qu’est-ce qu’il y a là? », « qu’est-ce qui pousse cette personne au-delà de l'horizon mondain? » Je dirais que c’est la première chose : aider l'Eglise à grandi par voie d'attraction. Sans se préoccuper de faire des prosélytes : attraction.
Nous l’avons entendu dans l'Evangile de mercredi dernier : si quelqu’un « ne renonce pas à tous ses biens, il ne peut être mon disciple » (Luc 14,33). Cette décision est demandée, sous formes diverses, à tout chrétien. Mais nous, les religieux, nous sommes appelés en donner un témoignage prophétique. Le témoignage d'une vie évangélique, c’est ce qui distingue le disciple missionnaire, et en particulier qui suit le Seigneur sur la voie de la vie consacrée. Et le témoignage prophétique coïncide avec la sainteté. La véritable prophétie n’est jamais idéologique, ce n’est pas une confrontation avec l’institution : elle est institution. La prophétie est institutionnelle. La véritable prophétie n’est jamais idéologique, elle n’est pas « à la mode », mais elle est toujours un signe de contradiction selon l'Evangile, comme Jésus l’était. Jésus, par exemple, a été un signe de contradiction pour les autorités religieuses de son temps : les chefs des pharisiens et des sadducéens, les docteurs de la loi. Et il le fut aussi pour d'autres options et propositions: esséniens, zélotes, etc.
Je vous remercie du travail que vous avez fait ces jours-ci, comme le disait le Père Président: un travail qui aide à avancer sur la voie tracée par EvangeliiGaudium. Il a utilisé une belle expression, il a dit: « Nous en voulons pas combattre des batailles d'arrière-garde, en défense, mais nous dépenser au milieu des gens », dans la certitude de foi que Dieu fait toujours germer et mûrir son Royaume. Ce n’est pas facile, ce n’est pas évident; cela exige une conversion; cela exige avant tout prière et adoration; et cela exige partage avec le peuple saint de Dieu qui vit dans périphéries de l'histoire. Se décentrer. Tout charisme, pour vivre et pour être fécond est appelé à se décentrer, pour qu’au centre, il n’y ait que Jésus-Christ. Le charisme ne doit pas être conservé comme une bouteille d'eau distillée, on doit le faire fructifier avec courage, en le confrontant à la réalité présente, à la culture, à l'histoire, comme nous l’enseignent les grands missionnaires de nos instituts.
Un signe clair que la vie religieuse est appelée à lancer aujourd'hui est la vie fraternelle. Je vous en prie, qu’il n’y ait pas chez vous le terrorisme des racontars. Chassez-le ! Qu’il y ait de la fraternité. Et si tu as quelque chose contre ton frère, dis-le lui en face…Parfois cela finira par un coup de poing, ce n’est pas un problème : cela vaut mieux que le terrorisme des racontars.
Aujourd’hui, la culture dominante est individualiste, centrée sur les droits individuels. C’est une culture qui ronge la société à partir de sa cellule première qui est la famille. La vie consacrée peut aider l'Eglise et la société entière en offrant un témoignage de fraternité, qu’il est possible de vivre ensemble comme des frères dans la diversité: c’est important! Parce que, dans la communauté, on ne se choisit pas à l’avance, on se retrouve avec des personnes différentes par le caractère, l’âge, la formation, la sensibilité… Et pourtant on essaye de vivre en frères.
Certes, on n’y arrive pas toujours, vous le savez bien. Si souvent, on fait des erreurs, parce que nous sommes tous des pécheurs, mais on reconnaît ses erreurs, on demande pardon et on offre le pardon. Et cela fait du bien à l'Eglise : cela fait circuler dans l’Eglise la sève de la fraternité. Et cela fait aussi du bien à toute la société.
Mais cette fraternité suppose la paternité de Dieu et la maternité de l'Eglise et de notre Mère, la Vierge Marie. Nous devons chaque jour nous remettre dans cette relation, et nous pouvons le faire par la prière, l'Eucharistie, l'adoration, par le chapelet.
C’est ainsi que nous renouvelons chaque jour notre «être» avec le Christ et dans le Christ, et ainsi nous nous mettons dans une relation authentique avec le Père ce qui est dans les cieux et la Mère Église, notre Mère la Sainte Eglise hiérarchique, et notre Mère Marie. Si notre vie se replace toujours à nouveau dans ces relations fondamentales, alors nous sommes en mesure de réaliser aussi une fraternité authentique, une fraternité qui témoigne, qui attire.
Chers frères, je vous laisse ces simples pistes, sur lesquelles vous marchez déjà. Je vous encourage à continuer et je vous accompagne sur cette route. Que le Seigneur vous bénisse et bénisse toutes vos communautés, spécialement les plus éprouvées, les plus de souffrantes. Et je vous remercie de la prière par laquelle vous m’accompagnez, moi, et mon service de l’Eglise. Merci !
Pape François - 7 novembre 2014