2005
24 avril 2005 – Homélie Messe Intronisation
Nous sommes tous la communauté des saints, nous, les baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous qui vivons du don de la chair et du sang du Christ, par lesquels il a voulu nous transformer et nous rendre semblables à lui.
15 mai 2005 – Homélie de Pentecôte
Le Seigneur souffle sur les disciples, et il leur donne ainsi l'Esprit Saint, son Esprit. Le souffle de Jésus est l'Esprit Saint. Nous reconnaissons tout d'abord ici une allusion au récit de la création de l'homme dans la Genèse, où il est dit: «Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie» (Gn 2, 7). L'homme est cette créature mystérieuse, qui provient entièrement de la terre, mais dans laquelle a été placé le souffle de Dieu. Jésus souffle sur les apôtres et leur donne de manière nouvelle, plus grande, le souffle de Dieu.
Chez les hommes, malgré toutes leurs limites, se trouve à présent quelque chose d'absolument nouveau — le souffle de Dieu. La vie de Dieu habite en nous. Le souffle de son amour, de sa vérité et de sa bonté. Ainsi, nous pouvons voir ici également une allusion au baptême et à la confirmation — à cette nouvelle appartenance à Dieu, que le Seigneur nous donne. Le texte de l'Evangile nous invite à cela: à vivre toujours dans l'espace du souffle de Jésus Christ, à recevoir la vie de Lui, de façon à ce qu'il nous insuffle la vie authentique — la vie qu'aucune mort ne peut ôter.
6 juin 2005 - Au Congrès diocésain de Rome pour la famille
Les devoirs d'engagement et de témoignage chrétien trouvent leur racine dans le sacrement du baptême et, pour ceux qui sont mariés, dans celui du mariage.
1er novembre 2005 – Angelus Solennité de Toussaint
Nous célébrons aujourd'hui la solennité de Tous les Saints, qui nous fait goûter la joie d'appartenir à la grande famille des amis de Dieu, ou, comme l'écrit saint Paul, de "partager le sort des saints dans la lumière" (Col 1, 12). La liturgie repropose l'expression remplie d'émerveillement de l'Apôtre Jean: "Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!" (1 Jn 3, 1). Oui, devenir saints signifie réaliser pleinement ce que nous sommes déjà, ayant été élevés, en Jésus Christ, à la dignité de fils adoptifs de Dieu (cf. Ep 1, 5; Rm 8, 14-17). A travers l'incarnation de son Fils, sa mort et sa résurrection, Dieu a voulu réconcilier l'humanité avec Lui et l'ouvrir à la participation à sa propre vie. Celui qui croit dans le Christ Fils de Dieu renaît "d'en-haut", il est comme régénéré par l'½uvre de l'Esprit Saint (cf. Jn 3, 1-8). Ce mystère se réalise dans le sacrement du Baptême, à travers lequel la mère Eglise donne le jour à ses "saints".
La vie nouvelle, reçue dans le Baptême, n'est pas sujette à la corruption et au pouvoir de la mort. Pour celui qui vit dans le Christ, la mort est le passage du pèlerinage terrestre à la patrie du Ciel, où le Père accueille tous ses fils, "de toute nation, race, peuple et langue", comme nous le lisons aujourd'hui dans le Livre de l'Apocalypse (7, 9).
2006
8 janvier 2006 – Homélie Messe Baptêmes – Chapelle Sixtine
Que se passe-t-il lors du Baptême ? Qu'attend-on du Baptême ? Vous avez donné une réponse au seuil de cette Chapelle : nous attendons pour nos enfants la vie éternelle. Tel est le but du Baptême. Mais comment peut-il être réalisé ? Comment le Baptême peut-il donner la vie éternelle ? Qu'est-ce que la vie éternelle ?
On pourrait dire avec des paroles plus simples : nous attendons pour nos enfants une vie bonne ; la vraie vie ; le bonheur même dans un avenir encore inconnu. Nous ne sommes pas en mesure d'assurer ce don pour tout le temps de cet avenir inconnu et, par conséquent, nous nous tournons vers le Seigneur pour obtenir ce don de Lui.
A la question: « Comment cela adviendra-t-il ? » nous pouvons apporter deux réponses. La première : dans le Baptême chaque enfant est introduit dans une compagnie d'amis qui ne l'abandonnera jamais dans la vie ni dans la mort, parce que cette compagnie d'amis est la famille de Dieu, qui porte en elle la promesse de l'éternité. Cette compagnie d'amis, cette famille de Dieu, dans laquelle à présent l'enfant est introduit, l'accompagnera toujours même aux jours de la souffrance, dans les nuits obscures de la vie ; elle lui donnera consolation, réconfort, lumière. Cette compagnie, cette famille lui donnera la parole de vie éternelle. Paroles de lumière qui répondent aux grands défis de la vie et donnent l'indication juste sur la route à prendre. Cette compagnie offre à l'enfant consolation et réconfort, l'amour de Dieu même au seuil de la mort, dans la vallée obscure de la mort. Elle lui donnera l'amitié, elle lui donnera la vie. Et cette compagnie, absolument fiable, ne disparaîtra jamais. Personne d'entre nous ne sait ce qui adviendra sur notre planète, dans notre Europe, dans les cinquante, soixante, soixante-dix années à venir. Mais nous sommes sûrs d'une chose : la famille de Dieu sera toujours présente et celui qui appartient à cette famille ne sera jamais seul, il aura toujours l'amitié sûre de Celui qui est la vie.
Et nous sommes ainsi arrivés à la seconde réponse. Cette famille de Dieu, cette compagnie d'amis est éternelle, parce qu'elle est communion avec Celui qui a vaincu la mort, qui a entre les mains les clés de la vie. Etre dans la compagnie, dans la famille de Dieu, signifie être en communion avec le Christ, qui est vie et donne l'amour éternel au-delà de la mort. Et si nous pouvons dire qu'amour et vérité sont source de vie, qu'ils sont la vie - et une vie sans amour n'est pas la vie - nous pouvons dire que cette compagnie avec Celui qui est réellement la vie, avec Celui qui est le Sacrement de la vie, répondra à votre attente, à votre espérance.
Oui, le Baptême introduit dans la communion avec le Christ et ainsi donne vie, donne la vie. Nous avons ainsi interprété le premier dialogue que nous avons eu ici, sur le seuil de la Chapelle Sixtine. A présent, après la bénédiction de l'eau, suivra un second dialogue d'une grande importance. Son contenu est celui-ci: le Baptême - comme nous l'avons vu - est un don ; le don de la vie. Mais un don doit être accueilli, doit être vécu. Un don d'amitié implique un « oui » à l'ami et implique un « non » à ce qui n'est pas compatible avec cette amitié, à ce qui est incompatible avec la vie de la famille de Dieu, avec la vraie vie dans le Christ. Et ainsi, dans ce second dialogue, sont prononcés trois « non » et trois « oui ». On dit « non » et on renonce aux tentations, au péché, au diable. Ces choses, nous les connaissons bien, mais peut-être justement pour les avoir entendues trop souvent, ces paroles ne nous disent pas grand chose. Alors, nous devons un peu approfondir les contenus de ces « non ». A quoi disons-nous « non » ? C'est le seul moyen de comprendre à quoi nous voulons dire « oui ».
Dans l'Eglise antique, ces « non» étaient résumés en une parole qui pour les hommes de ce temps était bien compréhensible : on renonce - disait-on - à la « pompa diabuli », c'est-à-dire à la promesse de vie en abondance, à cette apparence de vie qui semblait venir du monde païen, de ses libertés, de sa manière de vivre uniquement selon son bon plaisir. C'était donc un « non » à une culture apparemment d'abondance de la vie, mais qui en réalité était une « anticulture » de la mort. C'était un « non » à ces spectacles où la mort, la cruauté, la violence étaient devenus divertissement. Pensons à ce qui était organisé au Colisée ou ici, dans les jardins de Néron, où les hommes étaient brûlés comme des torches vivantes. La cruauté et la violence étaient devenues un motif de divertissement, une vraie perversion de la joie, du vrai sens de la vie. Cette « pompa diabuli », cette « anticulture » de la mort était une perversion de la joie, était amour du mensonge, de la tromperie, était un abus du corps comme marchandise et comme commerce.
Et si nous réfléchissons à présent, nous pouvons dire qu'à notre époque aussi il est nécessaire de dire « non » à la culture largement dominante de la mort. Une « anticulture » qui se manifeste, par exemple, dans la drogue, dans la fuite de la réalité au profit de l'illusion, dans un bonheur faux qui s'exprime dans le mensonge, dans la tromperie, dans l'injustice, dans le mépris de l'autre, de la solidarité, de la responsabilité envers les pauvres et les personnes qui souffrent; qui s'exprime dans une sexualité qui devient un pur divertissement sans responsabilité, qui devient une « chosification » - pour ainsi dire - de l'homme, qui n'est plus considéré comme une personne, digne d'un amour personnel qui exige fidélité, mais devient une marchandise, un simple objet. A cette promesse de bonheur apparent, à cette « pompa » d'une vie apparente qui en réalité est seulement un instrument de mort, à cette « anticulture », nous disons « non », pour cultiver la culture de la vie. C'est pourquoi le « oui » chrétien, des temps antiques jusqu'à aujourd'hui, est un grand « oui » à la vie. C'est notre « oui » au Christ, le « oui » au vainqueur de la mort et le « oui » à la vie dans le temps et dans l'éternité.
Comme dans ce dialogue baptismal, le « non » est articulé autour de trois renonciations, de même le « oui » s'articule autour de trois adhésions: « oui » au Dieu vivant, c'est-à-dire au Dieu créateur, à une raison créatrice qui donne sens au cosmos et à notre vie; « oui » au Christ, c'est-à-dire à un Dieu qui n'est pas resté caché mais qui a un nom, qui a des paroles, qui est fait de corps et de sang; à un Dieu concret qui nous donne la vie et nous montre le chemin de la vie; « oui » à la communion de l'Eglise, dans laquelle le Christ est le Dieu vivant, qui entre dans notre temps, entre dans notre profession, entre dans la vie de chaque jour.
Nous pourrions également dire que le visage de Dieu, le contenu de cette culture de la vie, le contenu de notre grand « oui », s'exprime dans les dix commandements, qui ne sont pas un ensemble d'interdits, de « non », mais qui représentent en réalité une grande vision de vie. Ils sont un « oui » à un Dieu qui donne sens à l'existence (les trois premiers commandements); « oui » à la famille (quatrième commandement); « oui » à la vie (cinquième commandement); « oui » à l'amour responsable (sixième commandement); « oui » à la solidarité, à la responsabilité sociale, à la justice (septième commandement); « oui » à la vérité (huitième commandement); « oui » au respect de l'autre et de ce qui lui est propre (neuvième et dixième commandements). Telle est la philosophie de la vie, telle est la culture de la vie, qui devient concrète, praticable et belle dans la communion avec le Christ, le Dieu vivant, qui marche avec nous dans la compagnie de ses amis, dans la grande famille de l'Eglise. Le Baptême est don de vie. C'est un « oui » au défi de vivre vraiment la vie, en disant « non » à l'attachement de la mort qui se présente sous le masque de la vie; et c'est un « oui » au grand don de la vraie vie qui est présente dans le visage du Christ, qui se donne à nous dans le Baptême, puis dans l'Eucharistie.
J'ai dit cela en guise de bref commentaire aux paroles qui, dans le dialogue baptismal, interprètent ce qui se réalise dans ce Sacrement. Au-delà des paroles, nous avons les gestes et les symboles, mais je serai très bref dans ma présentation. Le premier geste, nous l'avons déjà accompli: c'est le signe de la croix, qui nous est donné comme bouclier qui doit protéger cet enfant dans sa vie ; c'est comme un « indicateur » pour le chemin de la vie, parce que la croix est le résumé de la vie de Jésus. Puis il y a les éléments : l'eau, l'onction avec l'huile, le vêtement blanc et la flamme du cierge. L'eau est le symbole de la vie : le Baptême est une vie nouvelle dans le Christ. L'huile est le symbole de la force, de la santé, de la beauté, parce qu'il est vraiment beau de vivre en communion avec le Christ. Puis le vêtement blanc, comme expression de la culture de la beauté, de la culture de la vie. Et enfin, la flamme du cierge, comme expression de la vérité qui resplendit dans les ténèbres de l'histoire et nous indique qui nous sommes, d'où nous venons et où nous devons aller.
Chers parrains et marraines, chers parents, chers frères, rendons grâce en ce jour au Seigneur, parce que Dieu ne se cache pas derrière les nuages du mystère impénétrable, mais comme l'a dit l'Evangile d'aujourd'hui, il a ouvert les cieux, il s'est montré, il parle avec nous et il est avec nous; il vit avec nous et il nous guide dans notre vie. Rendons grâce au Seigneur pour ce don et prions pour nos enfants, pour qu'ils aient réellement la vie, la vraie vie, la vie éternelle. Amen.
8 janvier 2006 – Méditation de Benoit XVI lors de la prière de l’Angelus
Aujourd'hui, nous portons notre regard sur Jésus qui, à l'âge de trente ans environ, se fit baptiser par Jean dans le fleuve Jourdain. Il s'agissait d'un baptême de pénitence, qui utilisait le symbole de l'eau pour exprimer la purification du c½ur et de la vie. Jean, appelé le "Baptiste", c'est-à-dire "celui qui baptise", prêchait ce baptême à Israël pour préparer la venue imminente du Messie. Et il disait à tous qu'après lui serait venu un autre, plus grand que lui, qui aurait baptisé non pas avec l'eau, mais avec l'Esprit Saint (cf. Mc 1, 7-8). Et voici que lorsque Jésus fut baptisé dans le Jourdain, l'Esprit Saint descendit, se posa sur Lui sous l'apparence physique d'une colombe, et Jean le Baptiste reconnut qu'Il était le Christ, l'"Agneau de Dieu" venu ôter le péché du monde (cf. Jn 1, 29). C'est pourquoi le Baptême au Jourdain est lui aussi une "épiphanie", une manifestation de l'identité messianique du Seigneur et de son ½uvre rédemptrice qui culminera dans un autre "baptême", celui de sa mort et de sa résurrection, pour laquelle le monde entier sera purifié dans le feu de la divine miséricorde (cf. Lc 12, 49-50).
En cette fête, Jean-Paul II avait l'habitude d'administrer le sacrement du Baptême à plusieurs enfants. Pour la première fois, ce matin, j'ai eu moi aussi la joie de baptiser dix nouveau-nés dans la Chapelle Sixtine. À ces petits et à leurs familles, ainsi qu'aux parrains et aux marraines, je renouvelle avec affection mon salut. Le baptême des enfants exprime et accomplit le mystère de la nouvelle naissance à la vie divine dans le Christ. Les parents croyants portent leurs enfants sur les fonts baptismaux, qui représentent le "sein" de l'Église, dans les eaux bénies desquelles sont engendrés les fils de Dieu. Le don reçu par les nouveau-nés exige qu'ils l'accueillent, une fois devenus adultes, de façon libre et responsable. Ce processus de maturation les conduira ensuite à recevoir le sacrement de la Confirmation qui, précisément, confirmera le Baptême et conférera à chacun le "sceau" de l'Esprit Saint.
Chers frères et s½urs, que la solennité d'aujourd'hui soit une occasion propice pour tous les chrétiens de redécouvrir avec joie la beauté de leur Baptême, qui, s'il est vécu avec foi, est une réalité toujours actuelle. Il nous renouvelle continuellement, à l'image de l'homme nouveau, dans la sainteté des pensées et des actions. En outre, le Baptême unit les chrétiens de toute confession. En tant que baptisés, nous sommes tous fils de Dieu en Jésus Christ, notre Maître et Seigneur. Que la Vierge Marie nous obtienne de comprendre toujours plus la valeur de notre Baptême et d'en témoigner à travers une conduite de vie digne.
8 janvier 2006 – Benoit XVI aux francophones, au terme de la prière de l’Angelus
Au jour où nous célébrons le Baptême du Seigneur, que chacun se souvienne de son Baptême, rendant grâce pour ce don de Dieu, faisant de nous ses fils et nous appelant à vivre dans cette nouvelle dignité. Avec mon affectueuse Bénédiction.
2 mars 2006 – Avec les prêtres du Diocèse de Rome
Le programme du Carême: choisir la vie, c'est-à-dire renouveler le "oui" du Baptême, qui est précisément le choix de la vie ;
6 avril 2006 - Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre
Nous avons besoin d'un coeur de chair, d'un coeur véritablement humain. Le Seigneur, dans le Baptême, à travers la foi, "greffe" en nous ce coeur nouveau.
13 avril 2006 – Homélie Messe In Cena Domini
Dieu descend et devient esclave, il nous lave les pieds afin que nous puissions prendre place à sa table. En cela s'exprime tout le mystère de Jésus Christ. En cela devient visible ce que signifie sa rédemption. Le bain dans lequel il nous lave est son amour prêt à affronter la mort. Seul l'amour a cette force purificatrice qui nous ôte notre impureté et nous élève à la hauteur de Dieu. Le bain qui nous purifie c'est Lui-même qui se donne totalement à nous - jusqu'aux profondeurs de sa souffrance et de sa mort. Il est en permanence cet amour qui nous lave; dans les sacrements de la purification - le baptême et le sacrement de la pénitence - Il est sans cesse agenouillé à nos pieds et nous rend le service de l'esclave, le service de la purification, il nous rend aptes à recevoir Dieu. Son amour est intarissable, il va vraiment jusqu'au bout.
15 avril 2006 - Homélie Messe de la Nuit de Pâques
La Résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour, qui a délié le lien jusqu'alors indissoluble du «meurs et deviens». Elle a inauguré une nouvelle dimension de l'être, de la vie, dans laquelle la matière a aussi été intégrée, d'une manière transformée, et à travers laquelle surgit un monde nouveau.
Il est clair que cet événement n'est pas un quelconque miracle du passé, dont l'existence pourrait nous être, en définitive, indifférente. Il s'agit d'un saut qualitatif dans l'histoire de l'évolution et de la vie en général, vers une vie future nouvelle, vers un monde nouveau qui, en partant du Christ, pénètre déjà continuellement dans notre monde, le transforme et l'attire à lui. Mais comment cela se produit-il ? Comment cet événement peut-il effectivement m'arriver et attirer ma vie vers lui et vers le haut ? Dans un premier temps, la réponse pourrait sembler surprenante, mais elle est tout à fait réelle: un tel événement me rejoint à travers la foi et le Baptême. ..Le Baptême signifie précisément ceci, qu'il ne s'agit pas d'un événement du passé, mais qu'un saut qualitatif de l'histoire universelle vient à moi, me saisissant pour m'attirer. Le Baptême est quelque chose de bien différent qu'un acte de socialisation ecclésiale, qu'un rite un peu démodé et compliqué pour accueillir les personnes dans l'Église. Il est encore bien plus que le simple fait d'être lavé, qu'une sorte de purification et d'embellissement de l'âme. Il est vraiment mort et résurrection, renaissance, transformation en une vie nouvelle…
Comment pouvons-nous le comprendre ? Je pense que ce qui advient au Baptême s'éclaire plus facilement pour nous si nous regardons la partie finale de la petite autobiographie spirituelle que saint Paul nous a laissée dans sa Lettre aux Galates. Elle se conclut par les mots qui contiennent aussi le noyau de cette biographie: «Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20). Je vis, mais ce n'est plus moi. Le moi lui-même, l'identité essentielle de l'homme - de cet homme, Paul - a été changée. Il existe encore et il n'existe plus. Il a traversé une négation et il se trouve continuellement dans cette négation: c'est moi, mais ce n'est plus moi. Par ces mots, Paul ne décrit pas une quelconque expérience mystique, qui pouvait peut-être lui avoir été donnée et qui pourrait sans doute nous intéresser du point de vue historique. Non, cette phrase exprime ce qui s'est passé au Baptême. Mon propre moi m'est enlevé et il s'incorpore à un sujet nouveau, plus grand. Alors mon moi existe de nouveau, mais précisément transformé, renouvelé, ouvert par l'incorporation dans l'autre, dans lequel il acquiert son nouvel espace d'existence. De nouveau, Paul nous explique la même chose, sous un autre aspect, quand, dans le troisième chapitre de la Lettre aux Galates, il parle de la «promesse», disant qu'elle a été donnée au singulier - à un seul : au Christ. C'est lui seul qui porte en lui toute la «promesse». Mais alors qu'advient-il pour nous ? Paul répond: «Vous ne faites plus qu'un dans le Christ» (Ga 3, 28). Non pas une seule chose, mais un, un unique, un unique sujet nouveau. Cette libération de notre moi de son isolement, le fait de se trouver dans un nouveau sujet, revient à se trouver dans l'immensité de Dieu et à être entraînés dans une vie qui est dès maintenant sortie du contexte du «meurs et deviens». La grande explosion de la résurrection nous a saisis dans le Baptême pour nous attirer. Ainsi nous sommes associés à une nouvelle dimension de la vie dans laquelle nous sommes déjà en quelque sorte introduits, au milieu des tribulations de notre temps. Vivre sa vie comme une entrée continuelle dans cet espace ouvert : telle est la signification essentielle de l'être baptisé, de l'être chrétien. Telle est la joie de la Veillée pascale. La Résurrection n'est pas passée, la Résurrection nous a rejoints et saisis. Nous nous accrochons à elle, c'est-à-dire au Christ ressuscité, et nous savons que Lui nous tient solidement, même quand nos mains faiblissent. Nous nous accrochons à sa main, et ainsi nous nous tenons la main les uns des autres, nous devenons un unique sujet, et pas seulement une seule chose. C'est moi, mais ce n'est plus moi: voilà la formule de l'existence chrétienne fondée sur le Baptême, la formule de la résurrection à l'intérieur du temps. C'est moi, mais ce n'est plus moi: si nous vivons de cette manière, nous transformons le monde. C'est la formule qui contredit toutes les idéologies de la violence, et c'est le programme qui s'oppose à la corruption et à l'aspiration au pouvoir et à l'avoir.
«Je vis et, vous aussi, vous vivrez», dit Jésus à ses disciples, c'est-à-dire à nous, dans l'Évangile de Jean (14, 19). Nous vivrons par la communion existentielle avec Lui, par le fait d'être incorporés en Lui qui est la vie même. La vie éternelle, l'immortalité bienheureuse, nous ne l'avons pas de nous-mêmes et nous ne l'avons pas en nous-mêmes, mais au contraire par une relation - par la communion existentielle avec Celui qui est la Vérité et l'Amour, et qui est donc éternel, qui est Dieu lui-même. Par elle-même, la simple indestructibilité de l'âme ne pourrait pas donner un sens à une vie éternelle, elle ne pourrait pas en faire une vraie vie. La vie nous vient du fait d'être aimés par Celui qui est la Vie; elle nous vient du fait de vivre-avec Lui et d'aimer-avec Lui. C'est moi, mais ce n'est plus moi: tel est le chemin de la croix, le chemin qui crucifie une existence renfermée seulement sur le moi, ouvrant par-là la route à la joie véritable et durable.
15 avril 2006 - Message de Pâques Urbi et Orbi
Grâce au Baptême qui nous «incorpore» à Lui, sa Résurrection devient notre résurrection.
5 juin 2006 – Au Congrès du Diocèse de Rome
Chers frères et soeurs, cette certitude et cette joie d'être aimés de Dieu doit être rendue d'une certaine façon tangible et concrète pour chacun de nous, et en particulier pour les jeunes générations qui entrent dans le monde de la foi. En d'autres termes: Jésus a déclaré être le "chemin" qui conduit au Père, outre la "vérité" et la "vie" (cf. Jn 14, 5-7). La question qui se pose est donc: comment nos enfants et nos jeunes peuvent-ils trouver en Lui, dans la pratique et dans leur existence, ce chemin de salut et de joie? Telle est précisément la grande mission au service de laquelle l'Eglise existe, comme famille de Dieu et compagnie d'amis dans laquelle nous sommes introduits à travers le Baptême déjà en tant que petits enfants, et dans laquelle doivent croître notre foi et notre joie, ainsi que la certitude d'être aimés du Seigneur. Il est donc indispensable - et telle est la mission confiée aux familles chrétiennes, aux prêtres, aux catéchistes, aux éducateurs, et aux jeunes eux-mêmes à l'égard des jeunes de leur âge, à nos paroisses, associations et mouvements, et en fin de compte à la communauté diocésaine tout entière - que les nouvelles générations puissent faire l'expérience de l'Eglise comme d'une compagnie d'amis véritablement fiable, proche dans tous les moments et toutes les circonstances de la vie, que ceux-ci soient heureux et gratifiants, ou difficiles et sombres, une compagnie qui ne nous abandonnera pas même dans la mort, car elle porte en elle la promesse de l'éternité.
31 août 2006 – Avec les prêtres du diocèse d’Albano
Le Baptême, sa préparation et l'engagement à donner une continuité aux consignes baptismales, nous met …déjà en contact avec ceux qui ne sont pas trop croyants. Ce n'est pas un travail, disons, pour conserver la chrétienté, mais une rencontre avec des personnes qui vont peut-être rarement à l'Eglise. L'engagement de préparer le Baptême, d'ouvrir les âmes des parents, de la famille, des parrains et des marraines, à la réalité du Baptême, peut déjà être et devrait être un engagement missionnaire, qui va bien au-delà des frontières des personnes déjà « fidèles ». En préparant le Baptême, nous essayons de faire comprendre que ce sacrement fait entrer dans la famille de Dieu, que Dieu est vivant, qu'il se préoccupe de nous. Il s'en préoccupe au point d'avoir assumé notre chair et d'avoir institué l'Eglise qui est son Corps, à travers laquelle il peut, pour ainsi dire, à nouveau s'incarner dans notre société. Le Baptême est une nouveauté de vie dans le sens où, outre le don de la vie biologique, nous avons besoin du don d'un sens pour la vie qui soit plus fort que la mort et qui perdure même si nos parents, un jour, ne sont plus là. Le don de la vie biologique se justifie uniquement si nous pouvons ajouter la promesse d'un sens stable, d'un avenir qui, même au cours des crises qui surgiront - et que nous ne pouvons pas connaître -, donnera une valeur à la vie, afin que cela vaille la peine de vivre, d'être des créatures.
Je pense que dans la préparation de ce sacrement ou lors des entretiens avec les parents qui se méfient du Baptême, nous sommes dans une situation missionnaire. C'est un message chrétien. Nous devons nous faire des interprètes de la réalité qui commence avec le Baptême. Je ne connais pas suffisamment bien le Rituel italien. Dans le Rituel classique, hérité de l'Eglise antique, le Baptême commence par la question: « Que demandez-vous à l'Eglise de Dieu ? ». Aujourd'hui, tout au moins dans le rituel allemand, l'on répond simplement : « Le Baptême ». Cela n'explicite pas suffisamment ce qu'il y a à désirer. Dans le Rituel antique, l'on disait : « La foi ». C'est-à-dire une relation avec Dieu. Connaître Dieu. « Et pourquoi - continue-t-on - demandez-vous la foi ? ». « Parce que nous voulons la vie éternelle ». C'est-à-dire que nous voulons une vie sûre même au cours des crises à venir, une vie qui a un sens, qui justifie l'être humain. Ce dialogue, quoi qu'il en soit, doit selon moi déjà commencer, avec les parents, avant le Baptême. Uniquement pour dire que le don du sacrement n'est pas une « chose », n'est pas une simple « chosification » comme disent les Français, mais qu'il s'agit d'un travail missionnaire
23 septembre 2006 – Aux Évêques du Tchad en Visite Ad Limina
Une solide formation religieuse, fondée sur de fortes convictions spirituelles, permettra aux fidèles de mener une existence conforme aux engagements de leur Baptême et de témoigner des valeurs chrétiennes dans la société.
19 octobre 2006 – Discours au Congrès de l’Eglise Italienne, à Verona
La Résurrection de Jésus a …été comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour qui brise les chaînes du péché et de la mort. Celle-ci a inauguré une nouvelle dimension de la vie et de la réalité, dont naît un monde nouveau, qui pénètre sans cesse dans notre monde, le transforme et l'attire à soi.
Tout cela a concrètement lieu à travers la vie et le témoignage de l'Eglise ; l'Eglise constitue même les prémisses de cette transformation, qui est l'½uvre de Dieu et non la nôtre. Celle-ci nous parvient à travers la foi et le sacrement du Baptême, qui est réellement mort et résurrection, renaissance, transformation en une vie nouvelle. C'est ce que note Paul dans la Lettre aux Galates : «Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi» (2, 20). C'est ainsi qu'a été transformée mon identité essentielle et je ne continue à exister que dans ce changement. Mon propre «moi» m'est ôté et il est inséré dans un nouveau sujet plus grand, dans lequel mon «moi» se trouve à nouveau, mais transformé, purifié, «ouvert» à travers l'insertion dans l'autre, en qui il acquiert son nouvel espace d'existence. Nous devenons ainsi «un dans le Christ Jésus» (Gal 3, 28), un unique sujet nouveau, et notre moi est libéré de son isolement. «Moi, mais tout en n'étant plus moi» : telle est la formule de l'existence chrétienne fondée sur le Baptême, la formule de la résurrection dans le temps, la formule de la «nouveauté» chrétienne appelée à transformer le monde. C'est là que se trouve notre joie pascale. Notre vocation et notre tâche de chrétiens consistent à coopérer pour que parvienne à son accomplissement effectif, dans la réalité quotidienne de notre vie, ce que l'Esprit Saint à entrepris en nous avec le Baptême : nous sommes en effet appelés à devenir des hommes et des femmes nouveaux, pour pouvoir être de véritables témoins du Ressuscité et, de cette façon, être des porteurs de la joie et de l'espérance chrétienne dans le monde, concrètement, dans cette communauté d'hommes et de femmes dans laquelle nous vivons.
19 octobre 2006 – Homélie de la Messe dans le stade de Verona
«Témoins de Jésus ressuscité» : cette définition des chrétiens dérive directement du passage de l'Evangile de Luc ..., mais également des Actes des Apôtres (cf. Ac 1, 8.22). Témoins de Jésus ressuscité. Ce «de» doit être bien compris ! Il signifie que le témoin est «de» Jésus ressuscité, c'est-à-dire qu'il appartient à Lui, et précisément en tant que tel il peut lui rendre un témoignage valable, il peut parler de Lui, Le faire connaître, conduire à Lui, transmettre sa présence. C'est exactement le contraire de ce qui se produit pour l'autre expression : «espérance du monde». Ici, la préposition «de» n'indique pas du tout l'appartenance, car le Christ n'est pas du monde, de même que les chrétiens ne doivent pas, non plus, être du monde. L'espérance, qui est le Christ, est dans le monde, est pour le monde, mais elle l'est précisément parce que le Christ est Dieu, est «le Saint» (en hébreu Qadosh). Le Christ est espérance pour le monde parce qu'il est ressuscité, et il est ressuscité parce qu'il est Dieu. Les chrétiens aussi peuvent apporter l'espérance au monde, car ils sont au Christ et à Dieu dans la mesure où ils meurent avec Lui au péché et renaissent avec Lui à la vie nouvelle de l'amour, du pardon, du service, de la non-violence. Comme le dit saint Augustin : «Tu as cru, tu as été baptisé : la vieille vie est morte, elle a été tuée sur la Croix, ensevelie dans le Baptême. La vieille vie a été ensevelie, cette vie dans laquelle tu as mal vécu : que la nouvelle vie renaisse» (Sermone Guelf. IX, in M. Pellegrino, Vox Patrum, 177). Ce n'est que si, comme le Christ, je ne suis pas du monde, que les chrétiens peuvent être espérance dans le monde et pour le monde.
1er novembre 2006 –Homélie Messe Toussaint
Notre célébration eucharistique s'est ouverte par l'exhortation "Réjouissons-nous tous dans le Seigneur". La liturgie nous invite à partager l'exultation céleste des saints, à en goûter la joie. Les saints ne constituent pas une caste restreinte d'élus, mais une foule innombrable, vers laquelle la liturgie nous invite aujourd'hui à élever le regard. Dans cette multitude, il n'y a pas seulement les saints officiellement reconnus, mais les baptisés de chaque époque et nation, qui se sont efforcés d'accomplir avec amour et fidélité la volonté divine. Nous ne connaissons pas le visage ni même le nom de la plupart d'entre eux, mais avec les yeux de la foi, nous les voyons resplendir, tels des astres emplis de gloire, dans le firmament de Dieu.
4 novembre 2006 – Homélie Messe pour les Cardinaux défunts
Au terme de la vie, la mort nous prive de tout ce qui est terrestre, mais non de cette Grâce et de ce "caractère" sacramentel en vertu desquels nous avons été associés indissolublement au mystère pascal de notre Seigneur et Sauveur. Dépossédé de tout, mais revêtu du Christ: c'est ainsi que le baptisé passe le seuil de la mort et se présente devant Dieu juste et miséricordieux. Afin que le vêtement blanc, reçu lors du Baptême, soit purifié de tout péché et de toute tache, la communauté des croyants offre le sacrifice eucharistique et d'autres prières d'intention pour ceux que la mort a appelés à passer du temps à l'éternité. Il s'agit d'une noble pratique, que celle de prier pour les défunts, qui présuppose la foi dans la résurrection des morts, selon ce que l'Ecriture Sainte et, de façon parfaite, l'Evangile, nous ont révélé.
2007
7 janvier 2007 – Homélie Messe Baptêmes - Chapelle Sixtine
Nous nous retrouvons, cette année également, pour une célébration très familiale, le Baptême de treize enfants, dans cette magnifique Chapelle Sixtine, où la créativité de Michel-Ange et d'autres éminents artistes a su réaliser des chefs-d'oeuvre qui illustrent les prodiges de l'histoire du salut. Je voudrais immédiatement vous saluer, vous tous ici présents : parents, parrains et marraines, familles et amis qui accompagnent ces nouveau-nés en un moment si important pour leur vie et pour l'Eglise. Chaque enfant qui naît nous apporte le sourire de Dieu et nous invite à reconnaître que la vie est un don venant de lui, un don qu'il faut accueillir avec amour et préserver avec soin toujours et en chaque moment.
Le temps de Noël, qui se termine précisément aujourd'hui, nous a fait contempler l'Enfant Jésus dans l'humble grotte de Bethléem, entouré de l'amour de Marie et de Joseph. Dieu confie chaque enfant qui naît à ses parents : combien est alors importante la famille fondée sur le mariage, berceau de la vie et de l'amour ! La maison de Nazareth, où vit la Sainte Famille, est un modèle et une école de simplicité, de patience et d'harmonie pour toutes les familles chrétiennes. Je prie le Seigneur afin que vos familles soient également des lieux accueillants, où ces petits puissent grandir non seulement en bonne santé, mais aussi dans la foi et dans l'amour pour Dieu, qui, aujourd'hui, à travers le Baptême, fait d'eux ses fils.
Le rite du Baptême de ces enfants se déroule le jour où nous célébrons la fête du Baptême du Seigneur, solennité qui, comme je le disais, marque la fin du temps de Noël. Nous avons écouté tout à l'heure le récit de l'évangéliste Luc, qui présente Jésus mêlé à la foule, alors qu'il se rend auprès de Jean-Baptiste pour être baptisé. Après avoir lui aussi reçu le Baptême, « il se trouvait, nous dit saint Luc, en prière » (3, 21). Jésus parle avec son Père. Et nous sommes certains qu'il a parlé non seulement pour lui-même, mais aussi de nous et pour nous ; il a parlé également de moi, de chacun de nous et pour chacun de nous. Puis, l'évangéliste nous dit que le ciel s'ouvrit au-dessus du Seigneur en prière. Jésus entre en contact avec le Père, le ciel est ouvert sur Lui. En ce moment, nous pouvons penser que le ciel est ouvert également ici, sur nos enfants qui, à travers le sacrement du Baptême, entrent en contact avec Jésus. Le ciel s'ouvre au-dessus de nous dans le Sacrement. Plus nous vivons en contact avec Jésus dans la réalité de notre Baptême, plus le ciel s'ouvre au-dessus de nous. Et du ciel - nous revenons à l'Evangile - ce jour-là, une voix s'éleva qui dit à Jésus : « Tu es mon fils » (Lc 3, 22). Dans le Baptême, le Père céleste répète ces paroles également pour chacun de ces enfants. Il dit : « Tu es mon Fils ». Le Baptême est l'adoption et l'insertion dans la famille de Dieu, dans la communion avec la Très Sainte Trinité, dans la communion avec le Père, avec le Fils et avec l'Esprit Saint. C'est précisément pour cela que le Baptême doit être administré au nom de la Très Sainte Trinité. Ces paroles ne sont pas seulement une formule ; elles sont une réalité. Elles marquent le moment où vos enfants renaissent comme fils de Dieu. De fils de parents humains, ils deviennent également fils de Dieu dans le Fils du Dieu vivant.
Mais nous devons à présent méditer sur une parole de la deuxième lecture de cette liturgie dans laquelle saint Paul nous dit : Nous sommes sauvés « par le bain de la régénération et de la rénovation en l'Esprit Saint » (Tt 3, 5). Un bain de régénération. Le Baptême n'est pas seulement une parole ; ce n'est pas seulement quelque chose de spirituel, mais il implique également la matière. Toute la réalité de la terre est impliquée. Le Baptême ne concerne pas seulement l'âme. La spiritualité de l'homme investit l'homme dans sa totalité, corps et âme. L'action de Dieu en Jésus Christ est une action dont l'efficacité est universelle. Le Christ assume la chair et cela se poursuit dans les sacrements dans lesquels la matière est assumée et fait partie de l'action divine.
A présent, nous pouvons nous demander pourquoi l'eau est précisément le signe de cette totalité. L'eau est l'élément de la fécondité. Sans eau, il n'y a pas de vie. Et ainsi, dans toutes les grandes religions, l'eau est considérée comme le symbole de la maternité, de la fécondité. Pour les Pères de l'Eglise, l'eau devient le symbole du sein maternel de l'Eglise. Chez un écrivain ecclésiastique du IIe-IIIe siècle, Tertullien, nous trouvons une parole surprenante. Il dit : « Le Christ n'est jamais sans eau ». Avec ces paroles, Tertullien voulait dire que le Christ n'est jamais sans l'Eglise. Dans le Baptême, nous sommes adoptés par le Père céleste, mais dans cette famille qu'Il se constitue, il y a également une mère, la mère Eglise. L'homme ne peut avoir Dieu comme Père, disaient déjà les anciens écrivains chrétiens, s'il n'a pas également l'Eglise comme mère. Nous voyons ainsi à nouveau que le christianisme n'est pas une réalité seulement spirituelle, individuelle, une simple décision subjective que je prends, mais qu'elle est quelque chose de réel, de concret, nous pourrions dire également quelque chose de matériel. La famille de Dieu se construit dans la réalité concrète de l'Eglise. L'adoption en tant que fils de Dieu, du Dieu trinitaire, est dans le même temps insertion dans la famille de l'Eglise, insertion comme frères et soeurs dans la grande famille des chrétiens. Et ce n'est que si, en tant que fils de Dieu, nous nous insérons comme frères et soeurs dans la réalité de l'Eglise que nous pouvons dire « Notre Père » à notre Père céleste. Cette prière présuppose toujours le « nous » de la famille de Dieu.
Mais à présent, nous devons retourner à l'Evangile où Jean-Baptiste affirme : « Pour moi je vous baptise avec de l'eau, mais vient le plus fort que moi [...] lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu » (Lc 3, 16). Nous avons vu l'eau ; à présent, cependant, une question se pose : en quoi consiste le feu auquel saint Jean-Baptiste fait allusion ? Pour voir cette réalité du feu, présente dans le Baptême avec l'eau, nous devons comprendre que le Baptême de Jean était un geste humain, un acte de pénitence, un geste de l'homme qui tend vers Dieu pour demander le pardon de ses péchés et la possibilité de commencer une nouvelle existence. Ce n'était qu'un désir humain, un mouvement vers Dieu avec ses propres forces. Or, cela n'est pas suffisant. La distance serait trop importante. En Jésus Christ, nous voyons que Dieu vient à notre rencontre. Dans le Baptême chrétien, institué par le Christ, nous n'agissons pas seulement nous-mêmes avec le désir d'être lavés, avec la prière d'obtenir le pardon. Dans le Baptême, c'est Dieu lui-même qui agit, c'est Jésus qui agit à travers l'Esprit Saint. Dans le Baptême chrétien, est présent le feu de l'Esprit Saint. C'est Dieu qui agit, et pas seulement nous. Dieu est présent ici, aujourd'hui. Il assume et fait de vos enfants ses fils.
Mais, naturellement, Dieu n'agit pas de façon magique. Il n'agit qu'avec notre liberté. Nous ne pouvons renoncer à notre liberté. Dieu interpelle notre liberté, il nous invite à coopérer avec le feu de l'Esprit Saint. Ces deux choses doivent aller de pair. Le Baptême demeurera pour toute la vie un don de Dieu, qui a mis son sceau sur nos âmes. Mais ce sera ensuite notre coopération, la disponibilité de notre liberté qui prononcera ce « oui » qui rend l'action divine efficace.
Vos enfants, que nous baptiserons maintenant, sont encore incapables de collaborer, de manifester leur foi. C'est pourquoi votre présence, chers pères et mères, ainsi que la vôtre, chers parrains et marraines, revêt une valeur et une signification particulières. Veillez toujours sur vos petits, afin qu'ils grandissent et qu'ils apprennent à connaître Dieu, à l'aimer de toutes leurs forces et à le servir fidèlement. Soyez pour eux les premiers éducateurs dans la foi, en offrant avec les enseignements également les exemples d'une vie chrétienne cohérente. Enseignez-leur à prier et à se sentir membres actifs de la famille concrète de Dieu, de la communauté ecclésiale.
L'étude attentive du Catéchisme de l'Eglise catholique ou du Compendium de ce Catéchisme, pourra également vous être d'une grande aide. Celui-ci contient les éléments essentiels de notre foi et pourra constituer un instrument très utile et immédiat pour grandir vous-mêmes dans la connaissance de la foi catholique et pour pouvoir la transmettre intégralement et fidèlement à vos enfants. Surtout, n'oubliez pas que c'est votre témoignage, votre exemple qui influent le plus sur la maturation humaine et spirituelle de la liberté de vos enfants. Même pris par les activités quotidiennes souvent frénétiques, n'oubliez pas de cultiver personnellement et en famille la prière, qui constitue le secret de la persévérance chrétienne.
Nous confions ces enfants et leurs familles à la Vierge Marie, Mère de Jésus, notre Sauveur, présenté dans la liturgie d'aujourd'hui comme le Fils bien-aimé de Dieu : que Marie veille sur eux et qu'elle les accompagne toujours, afin qu'ils puissent réaliser jusqu'au bout le projet de salut que Dieu a pour chacun. Amen.
7 janvier 2007 – Méditation de Benoit XVI lors de la prière de l’Angelus
Nous célébrons aujourd'hui la fête du Baptême du Seigneur, qui clôt le Temps de Noël. La liturgie nous propose le récit du Baptême de Jésus au Jourdain dans la rédaction de saint Luc (cf. 3, 15-16.21-22). L'évangéliste raconte que, tandis que Jésus était en prière, après avoir reçu le Baptême au milieu de tous ceux qui étaient attirés par la prédication du Précurseur, le ciel s'ouvrit et que, sous la forme d'une colombe, l'Esprit Saint descendit sur lui. Une voix résonna d'en haut à ce moment-là : "C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui, je t'ai engendré" (Lc 3, 22).
Le Baptême de Jésus au Jourdain est rappelé et mis en évidence, bien qu'à différents degrés, par tous les Évangélistes. Il faisait en effet partie de la prédication apostolique, puisqu'il constituait le point de départ de tout l'ensemble des faits et des paroles dont les apôtres devaient rendre témoignage (cf. Ac 1, 21-22 ; 10, 37-41). La communauté apostolique le considérait comme très important, non seulement parce qu'en cette circonstance, pour la première fois de l'histoire, s'était manifesté le mystère trinitaire de façon claire et complète, mais aussi parce que le ministère public de Jésus sur les routes de Palestine avait commencé à partir de cet événement. Le Baptême de Jésus au Jourdain est l'anticipation de son baptême de sang sur la croix, et également le symbole de toute l'activité sacramentelle par laquelle le Rédempteur mettra en ½uvre le salut de l'humanité. Voilà pourquoi la tradition patristique a accordé beaucoup d'intérêt à cette fête, qui est la plus ancienne après celle de Pâques. "Dans le Baptême du Christ, chante aujourd'hui la liturgie, le monde est sanctifié, les péchés sont pardonnés, dans l'eau et dans l'Esprit, nous devenons des créatures nouvelles" (Antienne du Benedictus, Off. des Laudes).
Il existe une étroite corrélation entre le Baptême du Christ et notre Baptême. Au Jourdain, les cieux se sont ouverts (cf. Lc 3, 21) pour indiquer que le Sauveur nous a ouvert la voie du salut et que nous pouvons la parcourir précisément grâce à la nouvelle naissance "d'eau et d'esprit" (Jn 3, 5) qui se réalise lors du baptême. Par lui, nous sommes insérés dans le Corps mystique du Christ, qui est l'Église, nous mourons et nous ressuscitons avec Lui, nous nous revêtons de Lui, comme le souligne à plusieurs reprises l'apôtre Paul (cf. 1 Co 12, 13 ; Rm 6, 3-5; Gal 3, 27). L'engagement qui découle du Baptême est donc celui d'"écouter" Jésus : c'est-à-dire de croire en Lui, et de le suivre docilement en faisant sa volonté. C'est de cette façon que chacun peut tendre à la sainteté, un but qui, comme l'a rappelé le Concile Vatican II, constitue la vocation de tous les baptisés. Que Marie, la Mère du Fils bien-aimé de Dieu, nous aide à être toujours fidèles à notre Baptême.
7 janvier 2007 – Benoit XVI, aux francophones, au terme de la prière de l’Angelus
Je vous salue, chers pèlerins francophones, venus vous associer à la prière de l'Angélus. Alors que nous célébrons le Baptême du Seigneur, où nous est révélé qu'il est Fils de Dieu, prenez conscience de la beauté de votre Baptême, pour vivre chaque jour de votre dignité de fils de Dieu, dans le Christ Seigneur. Avec ma Bénédiction apostolique.
17 janvier 2007 – Audience Générale
« Il fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7, 31-37). Il s'agit de paroles tirées de l'Evangile de Marc et elles se réfèrent à la guérison d'un sourd-muet par Jésus. Dans ce bref épisode, l'évangéliste rapporte que le Seigneur, après lui avoir mis les doigts dans les oreilles et après avoir touché la langue du sourd-muet avec de la salive, accomplit le miracle en disant : « Effatà », qui signifie « Ouvre-toi ! ». Ayant retrouvé l'ouïe et récupéré le don de la parole, cet homme suscita l'admiration des autres en racontant ce qui lui était arrivé. Chaque chrétien, spirituellement sourd et muet en raison du péché originel, reçoit avec le Baptême le don du Seigneur qui met ses doigts sur son visage, et ainsi, à travers la grâce du Baptême, devient capable d'écouter la parole de Dieu et de la proclamer à ses frères. Plus encore, à partir de ce moment, sa tâche est de grandir dans la connaissance et dans l'amour du Christ, de manière à annoncer l'Evangile et à en témoigner efficacement.
25 janvier 2007 – Homélie Vêpres St Paul Hors les Murs
« Il fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7, 37)…
Les paroles « Il fait entendre les sourds et parler les muets » constituent une bonne nouvelle, qui annonce la venue du Royaume de Dieu et la guérison de l'incommunicabilité et de la division. Ce message se retrouve dans toute la prédication et l'½uvre de Jésus, qui traversait les villages, les villes et les campagnes, et, partout où il allait, « on mettait les malades sur les places et on le priait de les laisser toucher ne fût-ce que la frange de son manteau, et tous ceux qui le touchaient étaient sauvés » (Mc 6, 56). La guérison du sourd-muet, … a lieu alors que Jésus, ayant quitté la région de Tyr, se dirige vers le lac de Galilée, traversant ce qu'on appelle la « Décapole », territoire multiethnique et multireligieux (cf. Mc 7, 31). Une situation emblématique également pour notre époque. Comme ailleurs, dans la Décapole également, on présente à Jésus un malade, un homme sourd et ayant des difficultés à parler (moghìlalon) et on le prie de lui imposer les mains, car on le considère comme un homme de Dieu. Jésus conduit le sourd-muet loin de la foule et accomplit des gestes qui signifient un contact salvifique - il met ses doigts dans ses oreilles, touche avec sa salive la langue du malade - puis, tournant le regard vers le ciel, commande : « Ouvre-toi ! ». Il prononce ce commandement en araméen (« Ephphata ») vraisemblablement la langue des personnes présentes et du sourd-muet lui-même, une expression que l'évangéliste traduit en grec (dianoìchthti). Les oreilles du sourd s'ouvrirent, le lien de sa langue se dénoua : « et il parlait correctement » (orthos). Jésus recommande que l'on ne dise rien du miracle. Mais, plus il le recommandait, « de plus belle ils le proclamaient ». Et le commentaire émerveillé de ceux qui y avaient assisté reprend la prédication d'Isaïe pour l'avènement du Messie : « Il fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7, 37).
Le premier enseignement que nous tirons de cet épisode biblique, rappelé également lors du rite du baptême, est que, dans la perspective chrétienne, l'écoute est prioritaire. A cet égard, Jésus affirme de façon explicite : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent ! » (Lc 11, 28). Plus encore, à Marthe, préoccupée par tant de choses, Il dit qu'« il en faut peu, une seule même » (Lc 10, 42). Et du contexte, il apparaît que cette seule chose est l'écoute obéissante de la Parole. C'est pourquoi l'écoute de la parole de Dieu est prioritaire pour notre engagement oecuménique. En effet, ce n'est pas nous qui faisons ou organisons l'unité de l'Eglise. L'Eglise ne se fait pas elle-même et ne vit pas d'elle-même, mais de la parole créatrice qui vient de la bouche de Dieu. Ecouter ensemble la parole de Dieu ; pratiquer la lectio divina de la Bible, c'est-à-dire la lecture liée à la prière ; se laisser surprendre par la nouveauté, qui ne vieillit jamais et qui ne finit jamais, de la parole de Dieu ; surmonter notre surdité face aux paroles qui ne s'accordent pas avec nos préjugés et nos opinions ; écouter et étudier, dans la communion des croyants de tous les temps : tout cela constitue un chemin à parcourir pour atteindre l'unité dans la foi, comme réponse à l'écoute de la Parole.
10 février 2007 - A la Confédération Nationale "Misericordie" et donneurs de sang
Chaque baptisé devrait être un "Evangile vécu".
14 février 2007 – Audience Générale
L'histoire du christianisme aurait eu un développement bien différent s'il n'y avait pas eu le généreux apport de nombreuses femmes. C'est pourquoi, comme l'écrivit mon cher prédécesseur Jean-Paul II dans la Lettre apostolique Mulieris dignitatem, « L'Eglise rend grâce pour toutes les femmes et pour chacune d'elles... L'Eglise rend grâce pour toutes les manifestations du "génie" féminin apparues au cours de l'histoire, dans tous les peuples et dans toutes les nations ; elle rend grâce pour tous les charismes dont l'Esprit Saint a doté les femmes dans l'histoire du Peuple de Dieu, pour toutes les victoires remportées grâce à leur foi, à leur espérance et à leur amour: elle rend grâce pour tous les fruits de la sainteté féminine » (n. 31). Comme on le voit, l'éloge concerne les femmes au cours de l'histoire de l'Eglise et il est exprimé au nom de la communauté ecclésiale tout entière. Nous nous unissons nous aussi à cette appréciation en rendant grâce au Seigneur, car Il conduit son Eglise, génération après génération, en s'appuyant indistinctement sur des hommes et des femmes, qui savent faire fructifier leur foi et leur baptême pour le bien du Corps ecclésial tout entier, pour la plus grande gloire de Dieu
Message pour le Carême 2007
Le sang et l'eau.
« Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé ». Regardons avec confiance le côté transpercé de Jésus, d'où jaillissent « du sang et de l'eau » (Jn 19, 34) ! Les Pères de l'Église ont considéré ces éléments comme les symboles des sacrements du Baptême et de l'Eucharistie. Avec l'eau du Baptême, grâce à l'action du Saint Esprit, se dévoile à nous l'intimité de l'amour trinitaire. Pendant le chemin du Carême, mémoire de notre Baptême, nous sommes exhortés à sortir de nous-mêmes pour nous ouvrir, dans un abandon confiant, à l'étreinte miséricordieuse du Père (cf. saint Jean Chrysostome, Catéchèses 3,14).
5 avril 2007 – Homélie Messe chrismale
Saint Paul, à propos de ce qui se passe lors du Baptême, utilise explicitement l'image du vêtement : « En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Gal 3, 27). Voilà ce qui s'accomplit dans le Baptême : nous nous revêtons du Christ, Il nous donne ses vêtements et ceux-ci ne sont pas quelque chose d'extérieur. Cela signifie que nous entrons dans une communion existentielle avec Lui, que son être et le nôtre confluent, s'interpénètrent réciproquement. « Ce n'est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi » - c'est ainsi que saint Paul décrit l'événement de son baptême dans la Lettre aux Galates (2, 2). Le Christ a mis nos vêtements : la douleur et la joie de l'être humain, la faim, la soif, la fatigue, les espérances et les déceptions, la peur de la mort, toutes nos angoisses jusqu'à la mort. Et il nous a donné ses « vêtements ». Ce qu'il expose dans la Lettre aux Galates comme simple « fait » du Baptême - le don du nouvel être - Paul nous le présente dans la Lettre aux Ephésiens comme un devoir permanent : « Il s'agit de vous défaire de votre conduite d'autrefois, de l'homme ancien qui est en vous... Adoptez le comportement de l'homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l'image de Dieu. Débarrassez-vous donc du mensonge, et dites toute la vérité à votre prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres. Si vous êtes en colère ne tombez pas dans le péché...» (Ep 4, 22-26).
Mais avec le vêtement de lumière que le Seigneur nous a donné lors du Baptême et, de manière nouvelle, lors de l'Ordination sacerdotale, nous pouvons aussi penser au vêtement nuptial, dont Il nous parle dans la parabole du banquet de Dieu. Dans les homélies de saint Grégoire le Grand, j'ai trouvé à ce propos une réflexion digne d'intérêt. Grégoire distingue entre la version de Luc de la parabole et celle de Matthieu. Il est convaincu que la parabole de Luc parle du banquet nuptial eschatologique, alors que - selon lui - la version transmise par Matthieu traiterait de l'anticipation de ce banquet nuptial dans la liturgie et dans la vie de l'Eglise. En effet, chez Matthieu - et seulement chez Matthieu - le roi vient dans la salle remplie de monde pour voir ses hôtes. Et voilà qu'au sein de cette multitude, il trouve aussi un hôte sans habit nuptial, que l'on jette ensuite dehors dans les ténèbres. Alors Grégoire se demande : « Mais quelle espèce d'habit lui manquait-il ? Tous ceux qui sont réunis dans l'Eglise ont reçu l'habit nouveau du baptême et de la foi ; autrement ils ne seraient pas dans l'Eglise. Que manque-t-il donc encore ? Quel habit nuptial doit encore être ajouté ? ». Le Pape répond : « Le vêtement de l'amour. Et, malheureusement, parmi ses hôtes auxquels il avait donné l'habit nouveau, le vêtement blanc de la renaissance, le roi en trouve certains qui ne portent pas le vêtement de couleur pourpre du double amour envers Dieu et envers le prochain. « Dans quelle condition voulons-nous nous approcher de la fête du ciel, si nous ne portons pas l'habit nuptial - c'est-à-dire l'amour, qui seul peut nous rendre beaux ? », demande le Pape. Sans l'amour, une personne est obscure intérieurement. Les ténèbres extérieures, dont parle l'Evangile, ne sont que le reflet de la cécité intérieure du coeur (cf. Hom. 38, 8-13).
15 avril 2007 – Homélie Messe 80 ans du Saint-Père Benoit XVI
Selon une tradition ancienne, ce dimanche s'appelle dimanche in Albis. En ce jour, les néophytes de la veillée pascale revêtaient une fois encore leur vêtement blanc, symbole de la lumière que le Seigneur leur avait donnée au baptême. Ils déposaient ensuite leur vêtement blanc, mais la luminosité nouvelle qui leur avait été communiquée, ils devaient la faire entrer dans leur vie quotidienne. La flamme délicate de la vérité et du bien que le Seigneur avait allumée en eux, il devaient la conserver avec diligence pour apporter ainsi à notre monde quelque chose de la luminosité et de la bonté de Dieu.
La Miséricorde est le vêtement de lumière que le Seigneur nous a donné au baptême. Nous ne devons pas laisser cette lumière s'éteindre. Au contraire, elle doit grandir en nous chaque jour et apporter ainsi au monde la joyeuse annonce de Dieu.
22 avril 2007 – Homélie Messe à Pavie
La ville de Pavie parle de l'un des plus grands convertis de l'histoire de l'Eglise: saint Aurélien Augustin. Il mourut le 28 août 430 dans la ville portuaire d'Hippone, en Afrique, alors encerclée et assiégée par les Vandales. Après la grande confusion d'une histoire agitée, le roi des Lombards fit l'acquisition de sa dépouille pour la ville de Pavie, de sorte qu'aujourd'hui, il appartient de façon particulière à cette ville, et en elle et d'elle, il nous parle à tous, à l'humanité, mais en particulier à nous tous, et ici spécialement.
Dans son livre "Les Confessions", Augustin a illustré de façon touchante le chemin de sa conversion, qui, avec le Baptême qui lui a été administré par l'Evêque Ambroise dans la Cathédrale de Milan, avait atteint son but. Celui qui lit Les Confessions, peut partager le chemin qu'Augustin, dans une longue lutte intérieure, dut parcourir pour recevoir finalement sur les fonts baptismaux, dans la nuit de Pâques 387, le Sacrement qui marqua le grand tournant de sa vie. En suivant attentivement le cours de la vie de saint Augustin, on peut voir que la conversion ne fut pas seulement un événement d'un moment unique, mais précisément un chemin. Et l'on peut voir que ce chemin ne s'est pas arrêté sur les fonts baptismaux. Comme avant le Baptême, de même après celui-ci, la vie d'Augustin est demeurée, bien que de façon diverse, un chemin de conversion - jusque dans la dernière étape de sa maladie, lorsqu'il fit accrocher sur les murs les Psaumes pénitentiels pour qu'il les ait toujours sous les yeux; lorsqu'il s'exclut lui-même du sacrement de l'Eucharistie pour reparcourir encore une fois la voie de la pénitence et recevoir le salut des mains du Christ comme don des miséricordes de Dieu. Ainsi, nous pouvons à juste titre parler des "conversions" d'Augustin qui, de fait, ont été une unique grande conversion dans la recherche du Visage du Christ, puis dans le chemin parcouru avec Lui.
Je voudrais parler brièvement de trois grandes étapes dans ce chemin de conversion, de trois "conversions". La première conversion fondamentale fut le chemin intérieur vers le christianisme, vers le "oui" de la foi et du Baptême. Quel fut l'aspect essentiel de ce chemin? Augustin, d'une part, était le fils de son temps, profondément conditionné par les habitudes et par les passions qui dominaient en lui, ainsi que par toutes les questions et les problèmes d'un jeune homme. Il vivait comme tous les autres et toutefois, il y avait quelque chose de différent en lui: il demeura toujours une personne en recherche. Il ne se contenta jamais de la vie telle qu'elle se présentait et comme tous la vivaient. Il était toujours tourmenté par la question de la vérité. Il voulait trouver la vérité. Il voulait réussir à savoir ce qu'est l'homme; d'où provient le monde; d'où nous venons nous-mêmes, où nous allons et comment nous pouvons trouver la vie véritable. Il voulait trouver une vie droite et pas seulement vivre aveuglément sans sens, ni but. La passion pour la vérité est la véritable parole-clé de sa vie. La passion pour la vérité l'a véritablement guidé. Et il y a encore une particularité. Tout ce qui ne portait pas le nom du Christ ne lui suffisait pas. L'amour pour ce nom - nous dit-il - avait été bu avec le lait même de sa mère (cf. Conf. 3, 4, 8). Et il avait toujours cru, parfois plutôt vaguement, parfois plus clairement - que Dieu existe et qu'il prend soin de nous (cf. Conf. 6, 5, 8). Mais connaître véritablement ce Dieu, se familiariser véritablement avec Jésus Christ et arriver à Lui dire "oui" avec toutes les conséquences que cela comporte - telle était la grande lutte intérieure de ses années de jeunesse. Il nous raconte qu'à travers la philosophie platonicienne, il avait appris et reconnu qu'"au commencement était le Verbe" - le Logos, la raison créatrice. Mais la philosophie, qui lui montrait que le principe de tout est la raison créatrice, cette même philosophie ne lui indiquait aucune voie pour l'atteindre; ce Logos demeurait lointain et intangible. Ce n'est que dans la foi de l'Eglise qu'il trouva ensuite la seconde vérité essentielle: le Verbe, le Logos, s'est fait chair. Et ainsi, il nous touche, nous le touchons. A l'humilité de l'incarnation de Dieu doit correspondre - tel est le grand pas - l'humilité de notre foi, qui abandonne l'orgueil pédant et qui s'incline en entrant dans la communauté du corps du Christ; qui vit avec l'Eglise et seulement ainsi entre dans la communion concrète, et même corporelle, avec le Dieu vivant. Je n'ai pas besoin de dire combien tout cela nous concerne: demeurer des personnes qui cherchent, ne pas se contenter de ce que tous disent et font. Ne pas détacher son regard de Dieu éternel et de Jésus Christ. Apprendre l'humilité de la foi dans l'Eglise corporelle de Jésus Christ, du Logos incarné.
12 mai 2007 – Visite à la Ferme de l’Espérance, à Guaratinguetá, au Brésil
"Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi" (Ap 3, 20). Ce sont des paroles divines qui touchent le plus profond de l'âme et qui la font vibrer jusqu'à ses racines les plus profondes.
A un certain moment de notre vie, Jésus vient et frappe à notre porte, des coups d'une grande douceur, au plus profond des c½urs bien disposés. Avec vous, il l'a fait à travers une personne amie ou un prêtre, ou bien peut-être a-t-il prédisposé une série de coïncidences pour vous faire comprendre que vous êtes objet de la prédilection divine. A travers l'institution qui vous accueille, le Seigneur vous a permis cette expérience de guérison physique et spirituelle d'une importance vitale pour vous et pour vos proches. A la suite de cela, la société attend que vous sachiez transmettre ce bien précieux de la santé à vos amis et aux membres de toute la communauté.
Vous devez être les ambassadeurs de l'espérance! Le Brésil possède des statistiques extrêmement élevées en ce qui concerne la dépendance chimique à l'égard des drogues et des stupéfiants. Et l'Amérique latine dans son ensemble également. C'est pourquoi je dis aux revendeurs de drogue de bien réfléchir au mal qu'ils sont en train de faire à une multitude de jeunes et d'adultes de toutes les couches sociales: Dieu leur demandera compte de ce qu'ils ont fait. La dignité humaine ne peut pas être foulée au pied de cette manière. Le mal provoqué mérite la même réprobation que celle que Jésus exprima à l'égard de ceux qui scandalisaient les "plus petits", les préférés de Dieu (cf. Mt 18, 7-10).
Grâce à une thérapie qui inclut l'assistance médicale, psychologique et pédagogique, mais également beaucoup de prière, de travail manuel et de discipline, nombreuses sont déjà les personnes, en particulier les jeunes, qui ont réussi à se libérer de la dépendance chimique et de l'alcool et à retrouver le sens de la vie.
La réinsertion dans la société constitue, sans aucun doute, une démonstration de l'efficacité de votre initiative. Toutefois, ce qui a attire le plus l'attention, et confirme la validité du travail, ce sont les conversions, le fait de retrouver Dieu et la participation active à la vie de l'Eglise. Il ne suffit pas de soigner le corps, il faut orner l'âme des dons divins les plus précieux reçus avec le Baptême.
Nous rendons grâce à Dieu d'avoir voulu placer de si nombreuses âmes sur la voie d'une espérance renouvelée, avec l'aide du Sacrement du pardon et de la célébration de l'Eucharistie.
7 juin 2007 – Homélie Messe Corpus Domini
L'Eucharistie est la nourriture réservée à ceux qui, dans le Baptême, ont été libérés de l'esclavage et sont devenus ses enfants.
17 juin 2007, avec les jeunes, à Assise ; à l’occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.
Parce qu'il est du Christ, François est également homme de l'Eglise. Du Crucifié de saint Damien, il avait eu l'indication de réparer la maison du Christ, qui est précisément l'Eglise. Entre le Christ et l'Eglise, il y a un lien intime et indissoluble. Etre appelé à la réparer comportait certainement dans la mission de François, quelque chose de personnel et d'original. Dans le même temps, ce devoir n'était rien d'autre au fond, que la responsabilité attribuée par le Christ à chaque baptisé. Et il dit également à chacun de nous: "Va, et répare ma maison". Nous sommes tous appelés à réparer à nouveau à chaque génération la maison du Christ, l'Eglise. Et ce n'est qu'en faisant ainsi que l'Eglise vit et devient belle. Et comme nous le savons, il y a de nombreuses façons de réparer, d'édifier, de construire la maison de Dieu, l'Eglise. Elle s'édifie ensuite à travers les vocations les plus diverses, de celle laïque et familiale à la vie de consécration particulière, à la vocation sacerdotale.
17 juin 2007, avec les prêtres et religieux, à Assise ; à l’occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.
Si nous parlons aujourd'hui de la conversion de François, en pensant au choix radical de vie qu'il fit encore jeune, nous ne pouvons toutefois pas oublier que sa première "conversion" eut lieu à travers le don du Baptême. La réponse totale qu'il donnera une fois adulte ne sera que la maturation du germe de sainteté qu'il reçut alors. Il est important que, dans notre vie et dans la proposition pastorale, nous prenions une conscience plus vive de la dimension baptismale de la sainteté. Celle-ci est le don et la tâche de tous les baptisés. C'est à cette dimension que fit référence mon vénéré et bien-aimé Prédécesseur dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, en écrivant: "Demander à un catéchumène: "Veux-tu recevoir le Baptême?" signifie lui demander en même temps: "Veux-tu devenir saint?"" (n. 31).
24 juillet 2007 – Avec les prêtres du diocèse de Belluno
Jésus a dit: soignez les malades, ceux qui se sont égarés, ceux qui en ont besoin. C'est l'amour de l'Eglise pour ceux qui sont exclus, pour ceux qui souffrent. Les personnes riches peuvent être elles aussi intérieurement exclues et souffrir. "Soignez" se réfère à tous les besoins humains, qui sont toujours des besoins qui vont en profondeur vers Dieu. Il est donc nécessaire, comme on dit, de connaître les brebis, d'avoir des relations humaines avec les personnes qui nous sont confiées, d'avoir un contact humain et ne pas perdre l'humanité, car Dieu s'est fait homme et a ainsi confirmé toutes les dimensions de notre être humain. Mais, comme je l'ai dit, l'humain et le divin vont toujours de pair. A ce terme de "soigner" sous ses multiples formes, appartient également, me semble-t-il, le ministère sacramentel. Le ministère de la réconciliation est un acte de soin extraordinaire, dont l'homme a besoin pour être totalement sain. Il y a donc besoin de ces soins sacramentels, en commençant par le Baptême, qui est le renouvellement fondamental de notre existence, en passant par le sacrement de la réconciliation et par l'onction des malades. Dans tous les autres sacrements, également dans l'Eucharistie, il y a naturellement un grand soin des âmes. Nous devons soigner les corps, mais surtout - tel est notre mandat - les âmes. Nous devons penser aux nombreuses maladies, aux besoins moraux, spirituels qui existent et que nous devons affronter, en guidant les personnes à la rencontre du Christ dans le sacrement, en les aidant à découvrir la prière, la méditation, le fait d'être dans l'Eglise en silence avec cette présence de Dieu.
1er août 2007 – Audience Générale
L'Eucharistie, immense don de Dieu, préserve en chacun de nous le souvenir du sceau baptismal, et permet de vivre en plénitude et dans la fidélité la grâce du Baptême.
9 août 2007 – Aux participants de la « Mission des Jeunes » promue par le diocèse de Madrid
Comme jeunes, vous êtes sur le point de décider de votre avenir. Faites-le à la lumière du Christ, demandez-lui: "Que veux-tu de moi?" et suivez la route qu'Il vous indique avec générosité et confiance, en sachant que, en tant que baptisés, nous sommes tous appelés sans distinction à la sainteté et à être des membres vivants de l'Eglise, quelle que soit la forme de vie que nous choisissons.
5 septembre 2007 – Audience Générale
Le chrétien est quelqu'un qui porte le nom du Christ, et il doit donc s'assimiler à Lui également dans sa vie. A travers le Baptême, nous chrétiens, assumons une grande responsabilité.
5 octobre 2007 – Aux membres de la Commission Théologique Internationale
"L'espérance de salut pour les enfants qui meurent sans baptême". Dans ce document, le thème est traité dans le contexte de la volonté salvifique universelle de Dieu, de l'universalité de la médiation unique du Christ, du primat de la grâce divine et du caractère sacré de l'Eglise. Je suis certain qu'un tel document peut constituer un point de référence utile pour les Pasteurs de l'Eglise et pour les théologiens, et également une aide et une source de réconfort pour les fidèles qui ont souffert dans leurs familles de la mort soudaine d'un enfant, avant qu'il ne reçoive le bain de la régénération. Vos réflexions pourront également constituer des occasions d'approfondissement supplémentaire et de recherches sur l'argument. Il faut en effet pénétrer toujours plus à fond dans la compréhension des diverses manifestations de l'amour de Dieu, qui nous a été révélé dans le Christ, à l'égard de tous les hommes, en particulier des plus petits et des plus pauvres.
19 octobre 2007 – Aux Evêques du Congo en Visite Ad Limina
Dans un réel souci missionnaire pour construire l’Église-Famille, votre action pastorale s’appuie sur les communautés ecclésiales vivantes. Lieux concrets d’annonce de l’Évangile et d’exercice de la charité, notamment envers les plus pauvres, elles mettent en ½uvre une pastorale de proximité et constituent aussi un puissant rempart contre les sectes. Je vous invite à porter un soin attentif à la formation chrétienne initiale et permanente des fidèles, pour qu’ils connaissent le mystère chrétien et qu’ils en vivent, s’appuyant sur la lecture de l’Écriture et la vie sacramentelle. Ainsi, ils découvriront la richesse de leur vocation baptismale et la valeur de leurs engagements chrétiens selon les principes éthiques, en vue d’une présence toujours plus active dans la société.
28 octobre 2007 – Angelus
Le Baptême engage les chrétiens à participer avec courage à la diffusion du Règne de Dieu, en y coopérant si nécessaire avec le sacrifice de leur propre vie.
1er novembre 2007 - Angelus
Aujourd'hui, en la solennité de la Toussaint, notre coeur, franchissant les limites du temps et de l'espace, s'élargit aux dimensions du Ciel. Au début du christianisme, les membres de l'Eglise étaient également appelés les « saints ». Dans la Première Lettre aux Corinthiens, par exemple, saint Paul s'adresse à « vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus, vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 2). En effet, le chrétien est déjà saint, car le Baptême l'unit à Jésus et à son mystère pascal, mais il doit dans le même temps le devenir, en se conformant à Lui toujours plus profondément. On pense parfois que la sainteté est une condition privilégiée réservée à quelques élus. En réalité, devenir saint est la tâche de chaque chrétien, et nous pourrions même dire de chaque homme ! L'Apôtre écrit que Dieu nous a depuis toujours bénis et choisis dans le Christ « pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard » (Ep 1, 3-4). Tous les êtres humains sont donc appelés à la sainteté qui, en dernière analyse consiste à vivre en enfants de Dieu, dans cette « ressemblance » à Lui, à partir de laquelle il nous a créés.
2008
13 janvier 2008 – Homélie Messe Baptêmes Chapelle Sixtine
La célébration d'aujourd'hui est toujours pour moi un motif de joie particulière. Administrer le sacrement du Baptême, le jour de la fête du Baptême du Seigneur, est en effet l'un des moments les plus expressifs de notre foi, où nous pouvons presque voir, à travers les signes de la liturgie, le mystère de la vie. Tout d'abord la vie humaine, représentée en particulier ici par ces 13 enfants qui sont le fruit de votre amour, chers parents, à qui j'adresse mon salut cordial, en l'étendant aux parrains, aux marraines et aux autres parents et amis présents. Il y a ensuite le mystère de la vie divine, que Dieu donne aujourd'hui à ces petits enfants à travers la renaissance de l'eau et de l'Esprit Saint. Dieu est vie, comme cela est aussi merveilleusement représenté par plusieurs fresques qui enrichissent cette Chapelle Sixtine.
Cela ne doit cependant pas sembler hors propos si nous rapprochons immédiatement l'expérience de la vie de l'expérience opposée, c'est-à-dire la réalité de la mort. Tout ce qui commence sur terre finit tôt ou tard, comme l'herbe des champs, qui naît le matin et se fane le soir. Mais dans le Baptême, le petit être humain reçoit une vie nouvelle, la vie de la grâce, qui le rend capable d'entrer en relation personnelle avec le Créateur, et cela pour toujours, pour toute l'éternité. Malheureusement, l'homme est capable d'éteindre cette vie nouvelle par son péché, se réduisant à une situation que l'Ecriture Sainte appelle "deuxième mort". Alors que chez les autres créatures, qui ne sont pas appelées à l'éternité, la mort ne signifie que la fin de l'existence sur terre, en nous le péché crée un abîme qui risque de nous engloutir pour toujours, si le Père qui est dans les cieux ne nous tend pas la main. Chers frères, voilà le mystère du Baptême: Dieu a voulu nous sauver en allant lui-même jusqu'au fond de l'abîme de la mort, pour que chaque homme, même celui qui est tombé si bas qu'il ne voit plus le ciel, puisse trouver la main de Dieu à laquelle se raccrocher et remonter des ténèbres pour revoir la lumière pour laquelle il est fait. Nous sentons tous, nous percevons tous intérieurement que notre existence est un désir de vie qui invoque une plénitude, un salut. Cette plénitude de vie nous est donnée par le Baptême.
Nous venons d'entendre le récit du Baptême de Jésus dans le Jourdain. Ce fut un baptême différent de celui que ces enfants vont recevoir, mais qui n'est pas privé d'une profonde relation avec celui-ci. Au fond, tout le mystère du Christ dans le monde peut être résumé par ce mot, "baptême", qui en grec signifie "immersion". Le Fils de Dieu, qui partage depuis toute éternité avec le Père et avec l'Esprit Saint la plénitude de la vie, a été "immergé" dans notre réalité de pécheurs, pour nous faire participer à sa vie elle-même: il s'est incarné, il est né comme nous, il a grandi comme nous et, parvenu à l'âge adulte, il a manifesté sa mission en commençant précisément par le "baptême de conversion" donné par Jean Baptiste. Son premier acte public, comme nous venons de l'entendre, a été de descendre au Jourdain, au milieu des pécheurs pénitents, pour recevoir ce baptême. Naturellement Jean ne voulait pas, mais Jésus insista, car telle était la volonté du Père (cf. Mt 3, 13-15).
Pourquoi le Père a-t-il voulu cela ? Pourquoi a-t-il envoyé son Fils unique dans le monde comme Agneau pour prendre sur lui le péché du monde (cf. Jn 1, 29)? L'évangéliste rapporte que, lorsque Jésus sortit de l'eau, l'Esprit Saint descendit sur lui sous la forme d'une colombe, alors que, du ciel, la voix du Père le proclamait : "Fils bien-aimé" (Mt 3, 17). Dès ce moment, Jésus fut révélé comme Celui qui est venu baptiser l'humanité dans l'Esprit Saint : il est venu apporter aux hommes la vie en abondance (cf. Jn 10, 10), la vie éternelle, qui ressuscite l'être humain et le guérit entièrement, corps et esprit, le restituant au projet originel pour lequel il a été créé. Le but de l'existence du Christ a précisément été de donner à l'humanité la vie de Dieu, son Esprit d'amour, afin que chaque homme puisse puiser à cette source intarissable de salut. Voilà pourquoi saint Paul écrit aux Romains que nous avons été baptisés dans la mort du Christ pour avoir sa même vie de Ressuscité (cf. Rm 6, 3-4). Voilà pourquoi les parents chrétiens, comme vous aujourd'hui, conduisent dès que possible leurs enfants sur les fonts baptismaux, sachant que la vie qu'ils leur ont transmise invoque une plénitude, un salut que Dieu seul peut donner. Et, de cette façon, les parents deviennent les collaborateurs de Dieu en transmettant à leurs enfants non seulement la vie physique mais également la vie spirituelle.
Chers parents, je rends grâce avec vous au Seigneur pour le don de ces enfants et j'invoque son assistance pour qu'il vous aide à les éduquer et à les insérer dans le Corps spirituel de l'Eglise. Alors que vous leur offrez ce qui est nécessaire à la croissance et à la santé, aidés par les parrains et marraines, vous êtes engagés à développer en eux la foi, l'espérance et la charité, les vertus théologales qui sont propres à la vie nouvelle qui leur est donnée dans le sacrement du Baptême. Vous réaliserez cela à travers votre présence, votre affection ; vous le réaliserez tout d'abord et surtout à travers la prière, en les offrant quotidiennement à Dieu, en les confiant à Lui à chaque époque de leur existence. Pour grandir sains et forts ces enfants auront naturellement besoin de soins matériels et de beaucoup d'attentions ; mais ce qui leur sera le plus nécessaire, et même indispensable, est de connaître, d'aimer et de servir fidèlement Dieu, pour avoir la vie éternelle. Chers parents, soyez pour eux les premiers témoins d'une foi authentique en Dieu!
Il y a dans le rite du Baptême un signe éloquent, qui exprime précisément la transmission de la foi et il s'agit de la remise, pour chacun des baptisés, d'une bougie allumée à la flamme du cierge pascal : c'est la lumière du Christ ressuscité que vous vous engagez à transmettre à vos enfants. Ainsi, de génération en génération, nous chrétiens, nous transmettons la lumière du Christ, afin que lorsqu'Il reviendra, il puisse nous trouver avec cette flamme ardente entre les mains. Au cours du rite, je vous dirai : "C'est à vous, parents et parrains et marraines, qu'est confié ce signe pascal, une flamme que vous devez toujours alimenter". Chers frères et s½urs, alimentez toujours la flamme de la foi par l'écoute et la méditation de la Parole de Dieu et la communion assidue avec Jésus Eucharistie. Que les saints Protecteurs dont ces treize enfants prendront les noms vous aident dans cette mission merveilleuse, mais difficile. Que ces saints aident notamment les nouveaux baptisés à répondre à votre sollicitude de parents chrétiens. Que ce soit en particulier la Vierge Marie qui les accompagne, ainsi que vous, chers parents, maintenant et toujours. Amen!
13 janvier 2008 – Méditation de Benoit XVI lors de la prière de l’Angelus
Avec la fête du Baptême de Jésus, que nous célébrons aujourd'hui, s'achève le temps liturgique de Noël. L'Enfant que les Mages étaient venus adorer de l'Orient, à Bethléem, en offrant leurs dons symboliques, nous le retrouvons maintenant adulte, au moment où il se fait baptiser dans le fleuve du Jourdain par le grand prophète Jean (cf. Mt 3, 13). L'Évangile fait remarquer que lorsque Jésus sortit de l'eau après avoir reçu le baptême, les cieux s'ouvrirent et l'Esprit Saint descendit sur lui comme une colombe (cf. Mt 3, 16). On entendit alors une voix venue du ciel qui disait : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour" (Mt 3, 17). Ce fut sa première manifestation publique après environ trente ans de vie cachée à Nazareth. Outre Jean Baptiste, ses disciples furent également des témoins oculaires de cet événement singulier. Certains d'entre eux commencèrent à le suivre à partir de ce moment (cf. Jn 1, 35-40). Ce fut dans le même temps une christophanie et une théophanie : tout d'abord Jésus se manifesta en tant que Christ, terme grec traduisant le mot hébreu Messia, qui signifie "oint". Il ne fut pas oint avec de l'huile à la manière des rois et des grands prêtres d'Israël, mais avec l'Esprit Saint. Dans le même temps, aux côtés du Fils de Dieu apparurent les signes de l'Esprit Saint et du Père céleste.
Quelle est la signification de cet acte que Jésus a voulu accomplir - en vainquant la résistance du Baptiste - pour obéir à la volonté du Père (cf. Mt 3, 14-15) ? Son sens profond n'apparaîtra qu'à la fin de l'existence terrestre du Christ, c'est-à-dire dans sa mort et sa résurrection. En se faisant baptiser par Jean en même temps que les pécheurs, Jésus a commencé à prendre sur lui le poids de la faute de l'humanité tout entière, comme Agneau de Dieu qui "enlève" le péché du monde (cf. Jn 1, 29). Une ½uvre qu'Il a accomplie pleinement sur la croix, lorsqu'il a reçu également son "baptême" (cf. Lc 12, 50). En effet, en mourant il s'"immerge" dans l'amour du Père et répand l'Esprit Saint, afin que ceux qui croient en Lui puissent renaître de cette source intarissable de vie nouvelle et éternelle. Toute la mission du Christ se résume ainsi: nous baptiser dans l'Esprit Saint, pour nous libérer de l'esclavage de la mort et "nous ouvrir le ciel", c'est-à-dire l'accès à la vie véritable et pleine, qui sera "une immersion toujours nouvelle dans l'immensité de l'être, tandis que nous sommes simplement comblés de joie" (Spe salvi, n. 12).
C'est également ce qui s'est produit pour les treize enfants auxquels j'ai administré le sacrement du Baptême, ce matin dans la Chapelle Sixtine. Invoquons pour eux et pour leurs familles, la protection maternelle de la Très Sainte Vierge Marie. Et prions pour tous les chrétiens afin qu'ils comprennent toujours mieux le don du Baptême et s'engagent à le vivre avec cohérence, en témoignant de l'amour du Père, du Fils et du Saint Esprit.
13 janvier 2008 – Benoit XVI aux francophones, au terme de la prière de l’Angelus
Je vous salue, chers pèlerins francophones, venus pour la prière de l'Angélus. Aujourd'hui, avec la fête du Baptême du Seigneur s'achève le temps de Noël. Fortifiés par les célébrations que nous venons de vivre, puissiez-vous développer chaque jour les grâces de votre Baptême, pour annoncer au monde la Bonne Nouvelle du Salut. Je vous invite tout spécialement à porter une attention renouvelée aux jeunes, qui attendent que les adultes leur transmettent l'Évangile qui seul donne le sens véritable à leur existence. Avec ma Bénédiction apostolique.
17 juillet 2008 – Accueil des jeunes à Sydney
Il y a presque deux mille ans, les Apôtres, réunis à l’étage de la maison, avec Marie (cf. Ac 1, 14) et avec quelques femmes fidèles, furent remplis de l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 4). En cet instant extraordinaire, qui manifesta la naissance de l’Église, le trouble et la peur qui avaient saisi les Disciples du Christ, se sont transformées en une vigoureuse conviction, et en une prise de conscience d’un objectif. Ils se sentirent poussés à parler de leur rencontre avec Jésus ressuscité, que désormais, ils appelaient affectueusement le Seigneur. À bien des égards, les Apôtres étaient des personnes ordinaires. Aucun d’eux ne pouvait prétendre qu’il était un disciple parfait. Ils n’avaient pas su reconnaître le Christ (cf. Lc 24, 13-32), ils avaient dû rougir de leur ambition (cf. Lc 22, 24-27), ils l’avaient même renié (cf. Lc 22, 54-62). Et pourtant, quand ils furent remplis de l’Esprit Saint, ils furent transpercés par la vérité de l’Évangile du Christ et ils se sentirent poussés à le proclamer sans crainte. Rassurés, ils s’écrièrent : repentez-vous, faites-vous baptiser, recevez l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 37-38) ! Fondée sur l’enseignement des Apôtres et y adhérant, rompant le pain et priant (cf. Ac 2, 42), la jeune communauté chrétienne se leva pour s’opposer à la perversité de la culture qui l’entourait (cf. Ac 2, 40), pour prendre soin de ses propres membres (cf. Ac 2, 44-47), pour défendre sa foi en Jésus face aux oppositions (cf. Ac, 4, 33) et pour guérir les malades (cf. Ac 5, 12-16). Et, obéissant au commandement du Christ lui-même, ils partirent, rendant témoignage à la plus grande histoire de tous les temps : que Dieu s’est fait l’un de nous, que le divin est entré dans l’histoire humaine pour la transformer, et que nous sommes appelés à nous immerger dans l’amour salvifique du Christ qui triomphe du mal et de la mort. Dans son célèbre discours à l’aréopage, saint Paul introduisit ainsi le message : Dieu donne toute chose à chacun, y compris le souffle et la vie, afin que toutes les Nations puissent le chercher, si jamais, marchant à tâtons, elles arrivent à le trouver. En effet, il n’est pas loin de chacun de nous, puisque en lui il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d’exister (cf. Ac 17, 25-28).
Je désire rappeler brièvement quelques aspects de notre compréhension du Baptême. Le jour de votre Baptême, Dieu vous a introduits dans sa sainteté (cf. 2 Pt 1, 4). Vous avez été adoptés comme fils et filles du Père et vous avez été incorporés en Christ. Vous êtes devenus la demeure de son Esprit (cf. 1 Co 6, 19). C’est pourquoi, vers la fin du rite du Baptême, le prêtre s’est tourné vers vos parents et vers les participants, et, en vous appelant par votre nom, il a dit : « Tu es devenu une créature nouvelle » (Rite du Baptême, 99).
18 juillet 2008 – rencontre ½cuménique dans la crypte de la cathédrale de Sydney
Nous célébrons le bimillénaire anniversaire de la naissance de saint Paul, inlassable bâtisseur de l’unité au sein de l’Église primitive. Paul nous rappelle la grâce insigne que nous avons reçue en devenant membres du Corps du Christ par notre Baptême. Ce Sacrement, qui est la porte qui nous fait entrer dans l’Église, ainsi que le « lien de l’unité » pour ceux qui, grâce à lui, sont nés de nouveau (cf. Unitatis redintegratio, 22), est, par conséquent, le point de départ du mouvement ½cuménique tout entier.
6 octobre 2008 – Réflexion de Benoit XVI à l’ouverture du Synode
"Tuus sum ego : salvum me fac". Le texte italien traduit : "Je suis tien". La Parole de Dieu est comme une échelle sur laquelle nous pouvons monter et, avec le Christ, également descendre dans la profondeur de son amour. C'est une échelle pour arriver à la Parole dans les paroles. "Je suis tien". La parole a un visage, est une personne, le Christ. Avant que nous puissions dire "Je suis tien", il nous a déjà dit "Je suis tien". La Lettre aux Hébreux, citant le Psaume 39, dit : "Mais tu m'as façonné un corps (...) Alors j'ai dit : Voici, je viens". Le Seigneur s'est fait façonner un corps pour venir. Il a dit par son incarnation : je suis tien. Et dans le baptême, il m'a dit : je suis tien. Dans la sainte Eucharistie, il le dit toujours de nouveau : je suis tien, afin que nous puissions répondre : Seigneur, je suis tien. Dans le chemin de la Parole, en entrant dans le mystère de son incarnation, de son être avec nous, nous voulons nous approprier son être, nous voulons nous exproprier de notre existence, en Lui donnant ce qui nous a été donné.
"Je suis tien". Prions le Seigneur de pouvoir apprendre par toute notre existence à dire cette parole. Ainsi serons-nous au c½ur de la Parole. Ainsi serons-nous sauvés
11 décembre 2008 – Discours de Benoit XVI lors de la rencontre avec les Universitaires de Rome.
Le bimillénaire de la naissance de l'Apôtre des nations aide toute l'Eglise à redécouvrir sa vocation missionnaire fondamentale et, dans le même temps, à puiser à pleines mains au trésor théologique et spirituel intarissable des Lettres de saint Paul. Moi-même, comme vous le savez, je développe chaque semaine un cycle de catéchèses sur ce thème. Je suis convaincu que pour vous aussi, tant sur le plan personnel que sur celui de l'expérience communautaire, et de l'apostolat dans l'Université, la confrontation avec la figure et le message de saint Paul constitue une occasion très enrichissante. Pour cette raison, je vous remettrai d'ici peu la Lettre aux Romains, expression suprême de la pensée paulinienne et signe de sa considération particulière pour l'Eglise de Rome, ou, - pour utiliser les paroles du salut initial de la Lettre - pour "tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, aux saints par vocation" (Rm 1, 7).
La Lettre aux Romains - certains des professeurs ici présents le savent bien - est sans aucun doute l'un des textes les plus importants de la culture de tous les temps. Mais elle est et demeure principalement un message vivant pour l'Eglise vivante, et en tant que tel, je le remets ce soir entre vos mains. Puisse ce texte, jailli du c½ur de l'Apôtre, devenir une nourriture substantielle pour votre foi, en vous conduisant à croire davantage et mieux, et également à réfléchir sur vous-mêmes, pour arriver à une foi "pensée" et, dans le même temps, pour vivre cette foi, la mettant en pratique selon la vérité du commandement du Christ. Ce n'est qu'ainsi que la foi que l'on professe devient "crédible" également pour les autres, qui sont conquis par le témoignage éloquent des faits. Laissez Paul vous parler, professeurs et étudiants de la Rome d'aujourd'hui, et vous faire participer à l'expérience qu'il a faite personnellement: c'est-à-dire que l'Evangile de Jésus Christ est "une force de Dieu pour le salut de tout homme qui croit" (Rm 1, 16).
L'annonce chrétienne, qui fut révolutionnaire dans le contexte historique et culturel de Paul, eut la force d'abattre le "mur de séparation" qui existait entre juifs et païens (cf. Ep 2, 14; Rm 10, 12). Elle conserve une force de nouveauté toujours actuelle, en mesure d'abattre d'autres murs qui recommencent à s'élever dans tous les contextes et à toutes les époques. La source de cette force réside dans l'Esprit du Christ, auquel Paul fait appel de façon consciente. Aux chrétiens de Corinthe, il déclare ne pas compter, dans sa prédication, "sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu" (1 Co 2, 4). Et quel était le noyau de son discours? Il s'agissait de la nouveauté du salut apporté par le Christ à l'humanité: dans sa mort et sa résurrection, le salut est offert à tous les hommes sans distinction.
Offert, pas imposé. Le salut est un don qui demande toujours à être accueilli personnellement. Tel est, chers jeunes, le contenu essentiel du Baptême qui vous est proposé cette année comme Sacrement à redécouvrir, et, pour certains d'entre vous, à recevoir ou à confirmer par un choix libre et conscient. Précisément dans la Lettre aux Romains, au chapitre 6, se trouve une formulation géniale de la signification du Baptême chrétien. "Ou bien ignorez-vous - écrit Paul - que, baptisés dans le Christ, Jésus, c'est dans sa mort que tous nous avons été baptisés?" (Rm 6, 3). Comme vous pouvez facilement le comprendre, il s'agit d'une idée très profonde, qui contient toute la théologie du mystère pascal: la mort du Christ, par la puissance de Dieu, est source de vie, source inépuisable de renouveau dans l'Esprit Saint. Etre "baptisés dans le Christ" signifie être plongés spirituellement dans la mort qui est l'acte d'amour infini et universel de Dieu, capable de racheter chaque personne et chaque créature de l'esclavage du péché et de la mort. Saint Paul, en effet, poursuit ainsi: "Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle" (Rm 6, 4).
L'Apôtre, dans la Lettre aux Romains, nous communique toute sa joie pour ce mystère, lorsqu'il écrit: "Qui nous séparera de l'amour du Christ? (...) Oui, j'en ai l'assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur" (Rm 8, 35.38-39). Et ce même amour est ce en quoi consiste la vie nouvelle du chrétien. Ici aussi, saint Paul réalise une synthèse impressionnante, toujours fruit de son expérience personnelle: "Celui qui aime autrui - écrit-il - a de ce fait accompli la Loi (...) La charité est donc la Loi dans sa plénitude" (Rm 13, 8.10).
Voici, chers amis, ce que je vous confie ce soir. Il s'agit d'un message de foi, certes, mais dans le même temps une vérité qui illumine l'esprit, l'élargissant selon les horizons de Dieu; il s'agit d'une vérité qui oriente la vie réelle, car l'Evangile est le chemin pour parvenir à la plénitude de la vie. Jésus a déjà parcouru ce chemin, et ce chemin est d'ailleurs lui-même, qui du Père est venu jusqu'à nous afin que nous puissions à travers lui arriver au Père.
2009
11 janvier 2009 – Homélie Messe Baptêmes Chapelle Sixtine
Les paroles que l'évangéliste Marc rapporte au début de son Evangile: "C'est toi mon Fils bien-aimé; en toi j'ai mis tout mon amour" (1, 11) nous introduisent aujourd'hui au c½ur de la fête du Baptême du Seigneur, avec laquelle se conclut le temps de Noël. Le cycle des solennités de Noël nous fait méditer sur la naissance de Jésus annoncée par les anges enveloppés de la splendeur lumineuse de Dieu; le temps de Noël nous parle de l'étoile qui guide les rois mages de l'Orient jusqu'à la maison de Bethléem, et nous invite à regarder le ciel qui s'ouvre sur le Jourdain alors que retentit la voix de Dieu. Il s'agit de signes à travers lesquels le Seigneur ne se lasse pas de nous répéter: "Je suis ici. Je vous connais. Je vous aime. Il y a une route qui, à partir de moi, vient vers vous. Et il y a une route qui, de vous, monte vers moi". Le Créateur a assumé en Jésus les dimensions d'un enfant, d'un être humain comme nous, pour pouvoir se rendre visible et se laisser toucher. Dans le même temps, en se faisant ainsi petit, Dieu a fait resplendir la lumière de sa grandeur. Car, précisément en s'abaissant jusqu'à l'impuissance sans défense de l'amour, Il démontre ce qu'est la véritable grandeur, et même ce que signifie être Dieu.
La signification de Noël, et plus généralement, le sens de l'année liturgique, est précisément celui de nous rapprocher de ces signes divins, pour les reconnaître imprimés dans les événements de chaque jour, afin que notre c½ur s'ouvre à l'amour de Dieu. Et si Noël et l'Epiphanie servent surtout à nous rendre capables de voir, à nous ouvrir les yeux et le c½ur au mystère d'un Dieu qui vient pour être avec nous, la fête du Baptême de Jésus nous introduit, pourrions-nous dire, dans le quotidien d'une relation personnelle avec Lui. En effet, à travers l'immersion dans les eaux du Jourdain, Jésus s'est uni à nous. Le Baptême est pour ainsi dire le pont qu'Il a construit entre lui et nous, la route par laquelle il se rend accessible à nous; il est l'arc-en-ciel divin sur notre vie, la promesse du grand oui de Dieu, la porte de l'espérance et, dans le même temps, le signe qui nous indique le chemin à parcourir de manière active et joyeuse pour le rencontrer et nous sentir aimés de Lui.
Chers amis, je suis vraiment content que cette année aussi, en ce jour de fête, me soit donnée l'opportunité de baptiser des enfants. Sur eux, se pose aujourd'hui l'"amour" de Dieu. Depuis que le Fils unique du Père s'est fait baptiser, le ciel est réellement ouvert et continue à s'ouvrir, et nous pouvons confier chaque nouvelle vie qui apparaît entre les mains de Celui qui est plus puissant que les pouvoirs obscurs du mal. C'est en effet cela que comporte le Baptême: nous restituons à Dieu ce qui est venu de Lui. L'enfant n'est pas la propriété des parents, mais il est confié par le Créateur à leur responsabilité, librement et de manière toujours nouvelle, afin qu'ils l'aident à être un fils de Dieu libre. Ce n'est que si les parents mûrissent cette conscience qu'ils réussissent à trouver le juste équilibre entre la prétention de pouvoir disposer des enfants comme s'ils étaient un bien privé en les façonnant à partir de leurs idées et désirs, et l'attitude libertaire qui s'exprime en les laissant grandir de manière totalement autonome, en satisfaisant chacun de leurs désirs et aspirations, considérant cela comme une juste manière de cultiver leur personnalité. Si, avec ce sacrement, le nouveau baptisé devient un fils adoptif de Dieu, objet de son amour infini qui le protège et le défend des forces obscures du malin, il faut lui enseigner à reconnaître Dieu comme son Père et à savoir se mettre en relation avec Lui, avec une attitude filiale. Et donc, lorsque selon la tradition chrétienne, comme nous le faisons aujourd'hui, on baptise les enfants en les introduisant dans la lumière de Dieu et de ses enseignements, on ne leur porte pas atteinte, mais on leur donne la richesse de la vie divine dans laquelle s'enracine la véritable liberté qui est propre aux fils de Dieu; une liberté qui devra être éduquée et formée au fil des années, pour devenir capable de choix personnels responsables.
Chers parents, chers parrains et marraines, je vous salue tous avec affection et je m'unis à votre joie pour ces petits qui, aujourd'hui, renaissent à la vie éternelle. Soyez conscients du don reçu et ne cessez pas de rendre grâces à Dieu qui, avec le sacrement d'aujourd'hui, introduit vos enfants dans une nouvelle famille, plus grande et plus stable, plus ouverte et nombreuse que la vôtre: je me réfère à la famille des croyants, à l'Eglise, une famille qui a Dieu pour Père et dans laquelle tous se reconnaissent frères en Jésus Christ. Vous confiez donc aujourd'hui vos enfants à la bonté de Dieu, qui est puissance de lumière et d'amour; et ceux-ci, malgré les difficultés de la vie, ne se sentiront jamais abandonnés, s'ils restent unis à Lui. Souciez-vous donc de les éduquer dans la foi, de leur enseigner à prier et à grandir comme le faisait Jésus et avec son aide "en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes" (cf. Lc 2, 52).
En revenant à présent au passage évangélique, cherchons à comprendre encore davantage ce qui se passe ici aujourd'hui. Saint Marc rapporte que, alors que Jean Baptiste prêche sur les rives du fleuve Jourdain, en proclamant l'urgence de la conversion en vue de la venue désormais proche du Messie, voilà que Jésus, caché au milieu de la foule, se présente pour être baptisé. Le baptême de Jean est assurément un baptême de pénitence, bien différent du sacrement que Jésus instituera. A ce moment, toutefois, on entrevoit déjà la mission du Rédempteur car, lorsqu'il sort de l'eau, une voix retentit du ciel et l'Esprit Saint descend sur lui (cf. Mc 1, 10): le Père céleste le proclame son fils bien-aimé et en atteste publiquement la mission salvifique universelle, qui s'accomplira pleinement avec sa mort sur la croix et sa résurrection. Ce n'est qu'alors, avec le sacrifice pascal, que la rémission des péchés deviendra universelle et totale. Avec le Baptême, nous ne nous plongeons pas simplement dans les eaux du Jourdain pour proclamer notre engagement de conversion, mais le sang rédempteur du Christ qui nous purifie et qui nous sauve se répand sur nous. C'est le Fils bien-aimé du Père, dans lequel Il a mis tout son amour, qui nous fait acquérir à nouveau la dignité et la joie de nous appeler "fils" de Dieu et de l'être réellement.
Dans quelques instants, nous revivrons ce mystère évoqué par la solennité d'aujourd'hui; les signes et les symboles du sacrement du Baptême nous aideront à comprendre ce que le Seigneur accomplit dans le c½ur de nos petits, en les faisant "siens" pour toujours, demeure choisie de son Esprit et "pierres vivantes" pour la construction de l'édifice spirituel qui est l'Eglise. Que la Vierge Marie, Mère de Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, veille sur eux et sur leurs familles, les accompagne toujours, afin qu'ils puissent réaliser jusqu'au bout le projet de salut qui s'accomplit dans leur vie avec le Baptême. Et nous, chers frères et s½urs, nous les accompagnons par notre prière; nous prions pour les parents, pour les parrains et les marraines et pour leurs proches, afin qu'ils les aident à grandir dans la foi; nous prions pour nous tous ici présents afin que, en participant pieusement à cette célébration, nous renouvelions les promesses de notre Baptême et que nous rendions grâce au Seigneur pour son assistance constante. Amen
11 janvier 2009 – Méditation de Benoit XVI lors de la prière de l’Angelus
En ce dimanche qui suit la solennité de l'Épiphanie, nous célébrons le Baptême du Seigneur. Ce fut le premier acte de sa vie publique, rapporté par les quatre Évangiles. Parvenu à l'âge d'environ trente ans, Jésus quitta Nazareth, se rendit au fleuve Jourdain, et, au milieu de nombreuses personnes, il se fit baptiser par Jean. L'évangéliste Marc écrit : "En sortant de l'eau, il vit les cieux s'ouvrir et l'Esprit descendre sur lui comme une colombe. Et une voix vint du ciel : Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j'ai mis ma complaisance" (Mc 1, 10-11). Ces paroles : "Tu es mon Fils bien-aimé" nous révèlent ce qu'est la vie éternelle : c'est la relation filiale avec Dieu, telle que Jésus l'a vécue, et nous l'a révélée et donnée.
Ce matin, comme c'est la tradition, j'ai conféré, dans la chapelle Sixtine, le sacrement du Baptême à treize nouveau-nés. Aux parents, aux parrains et marraines, le célébrant demande habituellement : "Que demandez-vous à l'Église de Dieu pour vos enfants ?" ; à leur réponse - "le baptême" - il reprend : "Et que nous donne le baptême ?". Ils répondent : "La vie éternelle". Telle est la réalité merveilleuse : à travers le baptême, la personne humaine est greffée sur la relation unique et singulière de Jésus avec son Père, si bien que les paroles qui ont retenti du Ciel sur son fils unique, deviennent vraies pour tout homme et toute femme qui renaît de l'eau et de l'Esprit Saint : Tu es mon Fils bien-aimé.
Chers amis, que le don du Baptême est grand ! Si nous nous en rendions pleinement compte, notre vie deviendrait un remerciement perpétuel. Quelle joie pour les parents chrétiens, qui ont vu une nouvelle créature naître de leur amour, de la porter sur les fonts baptismaux et de la voir renaître dans le sein de l'Église, pour une vie qui n'aura jamais de fin ! Don, joie, mais aussi responsabilité ! En effet, les parents, avec les parrains et marraines, doivent éduquer leurs enfants selon l'Évangile. Cela me fait penser au thème de la VIe Rencontre mondiale des familles, qui aura lieu au cours des prochains jours à Mexico : "La famille formatrice aux valeurs humaines et chrétiennes". Cette grande rencontre familiale, organisée par le Conseil pontifical pour la famille, se déroulera en trois moments : d'abord, le congrès théologique et pastoral, au cours duquel on approfondira le thème également par un échange d'expériences significatives; puis le moment de fête et de témoignage, qui fera ressortir la beauté d'une rencontre entre familles de toutes les parties du monde, unies par la même foi, et par le même engagement ; et enfin, la célébration eucharistique solennelle, comme action de grâce au Seigneur pour les dons du mariage, de la famille et de la vie. J'ai chargé le cardinal-secrétaire d'État, Tarcisio Bertone de me représenter, mais je suivrai moi-même avec une vive participation cet événement extraordinaire, en l'accompagnant par la prière et en intervenant par vidéoconférence. Dès maintenant, chers frères et s½urs, je vous invite à implorer sur cette importante rencontre mondiale des familles l'abondance des grâces divines. Nous le faisons en invoquant l'intercession maternelle de la Vierge Marie, Reine de la Famille.
11 janvier 2009 – Benoit XVI, aux francophones, au terme de la prière de l’Angelus
Chers pèlerins de langue française, avec la célébration du Baptême du Seigneur, nous sommes invités à reconnaître en Jésus le Fils Bien-aimé en qui le Père a mis tout son amour. Il nous convie à recevoir la Parole de Dieu, afin de vivre l'engagement pris à notre baptême. Nés de l'eau et de l'Esprit, nous sommes tous invités à annoncer avec assurance la Bonne Nouvelle de son amour et à en témoigner par notre vie entière. Avec ma Bénédiction apostolique.
2010
10 janvier 2010 – Homélie Baptêmes Chapelle Sixtine
En la fête du Baptême du Seigneur, cette année également, j'ai la joie d'administrer le sacrement du baptême à quelques nouveau-nés, que leurs parents présentent à l'Eglise. Soyez les bienvenus, chers pères et mères de ces petits, et vous, parrains et marraines, amis et membres de la famille, qui les entourez. Nous rendons grâce à Dieu qui appelle aujourd'hui ces sept petits garçons et sept petites filles à devenir ses enfants dans le Christ. Nous les entourons de notre prière et de notre affection et nous les accueillons avec joie dans la communauté chrétienne, qui à partir d'aujourd'hui, devient également leur famille.
Avec la fête du Baptême de Jésus se poursuit le cycle des manifestations du Seigneur, qui a commencé à Noël par la naissance à Bethléem du Verbe incarné, contemplé par Marie, Joseph et les pasteurs dans l'humilité de la crèche, et qui a connu une étape importante dans l'Epiphanie, lorsque le Messie, à travers les mages, s'est manifesté à toutes les nations. Aujourd'hui, Jésus se révèle, sur les rives du Jourdain, à Jean et au peuple d'Israël. C'est la première occasion au cours de laquelle, devenu un homme mûr, il entre sur la scène publique, après avoir quitté Nazareth. Nous le trouvons aux côtés de Jean-Baptiste, auprès duquel se rendent un grand nombre de personnes, au cours d'une scène inhabituelle. Dans le passage évangélique, qui vient d'être proclamé, saint Luc observe avant tout que le peuple "était dans l'attente" (3, 15). Il souligne ainsi l'attente d'Israël, il perçoit, chez ces personnes qui avaient quitté leur maison et leurs engagements habituels, le désir profond d'un monde différent et de paroles nouvelles, qui semblent trouver une réponse précisément dans les paroles sévères, exigeantes, mais pleines d'espérance du Précurseur. Son baptême est un baptême de pénitence, un signe qui invite à la conversion, à changer de vie car s'approche Celui qui "vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu" (3, 16). En effet, on ne peut aspirer à un monde nouveau en demeurant plongé dans l'égoïsme et dans les habitudes liées au péché. Jésus aussi abandonne sa maison et ses occupations habituelles pour se rendre au Jourdain. Il arrive au milieu de la foule qui écoute Jean-Baptiste et se met dans la file comme tous, dans l'attente d'être baptisé. Dès qu'il le voit s'approcher, Jean perçoit qu'il y a quelque chose d'unique dans cet Homme, qui est l'Autre mystérieux qu'il attendait et vers lequel sa vie tout entière était orientée. Il comprend qu'il se trouve face à Quelqu'un de plus grand que lui et dont il n'est pas même digne de délier la courroie de ses sandales.
Sur les rives du Jourdain, Jésus se présente avec une extraordinaire humilité, qui rappelle la pauvreté et la simplicité de l'Enfant déposé dans la crèche, et anticipe les sentiments avec lesquels, au terme de ses jours terrestres, il arrivera à laver les pieds des disciples et subira l'humiliation terrible de la croix. Le Fils de Dieu, Celui qui est sans péché, se place parmi les pécheurs, montre la proximité de Dieu sur le chemin de conversion de l'homme. Jésus assume sur ses épaules le poids de la faute de l'humanité tout entière, commence sa mission en se mettant à notre place, à la place des pécheurs, dans la perspective de la croix.
Tandis que, recueilli en prière, après le baptême, il sort de l'eau, les cieux s'ouvrent. C'est le moment attendu par la foule des prophètes. "Ah! si tu déchirais les cieux et descendais", avait invoqué Isaïe (63, 19). A ce moment, semble suggérer saint Luc, cette prière est exaucée. En effet, "le ciel s'ouvrit et l'Esprit Saint descendit sur lui" (3, 21-22); on entendit des paroles jamais entendues auparavant: "Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur" (cf. v. 22). Jésus, en remontant des eaux, comme l'affirme saint Grégoire de Nazianze, "voit se déchirer et s'ouvrir les cieux, ces cieux qu'Adam avait fermés pour lui et pour toute sa descendance" (Discours 39 pour le Baptême du Seigneur, pg 36). Le Père, le Fils et le Saint Esprit descendent parmi les hommes et nous révèlent leur amour qui sauve. Si ce sont les anges qui apportent aux pasteurs l'annonce de la naissance du Sauveur, et l'Etoile aux mages venus d'Orient, à présent, c'est la voix elle-même du Père qui indique aux hommes la présence dans le monde de son Fils et qui invite à se tourner vers la résurrection, vers la victoire du Christ sur le péché et sur la mort.
L'annonce joyeuse de l'Evangile est l'écho de cette voix qui vient d'En Haut. C'est pourquoi, comme nous l'avons écouté dans la seconde lecture, Paul écrit à juste titre à Tite: "Car la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, s'est manifestée" (2, 11). En effet, l'Evangile est pour nous une grâce qui apporte la joie et donne un sens à notre vie. Celle-ci, poursuit l'apôtre, "nous enseigne à renoncer à l'impiété et aux convoitises de ce monde, pour vivre en ce siècle présent dans la réserve, la justice et la piété" (v. 12); c'est-à-dire qu'il nous conduit à une vie plus heureuse, plus belle, plus solidaire, à une vie selon Dieu.
Nous pouvons dire que pour ces enfants aussi, aujourd'hui, les cieux s'ouvrent. Ils recevront en don la grâce du baptême et l'Esprit Saint habitera en eux comme dans un temple, transformant leur c½ur en profondeur. A partir de ce moment, le voix du Père les appellera eux aussi à être ses fils dans le Christ et, dans sa famille qui est l'Eglise, donnera à chacun le don sublime de la foi. Ce don, qu'ils n'ont pas à présent la pleine capacité de comprendre, sera déposé dans leur c½ur comme une semence pleine de vie, qui attend de se développer et de porter du fruit. Aujourd'hui, ils sont baptisés dans la foi de l'Eglise, professée par leurs parents, leurs parrains et leurs marraines et par les chrétiens présents, qui les conduiront ensuite par la main à la suite du Christ. Dès le début, le rite du baptême rappelle avec insistance le thème de la foi, lorsque le concélébrant rappelle aux parents qu'en demandant le baptême pour leurs enfants, ils assument l'engagement de les "éduquer dans la foi". Ce devoir est rappelé de manière encore plus forte aux parents et aux parrains et marraines dans la troisième partie de la célébration, qui commence par des paroles qui leur sont adressées: "C'est à vous que revient la tâche de les éduquer dans la foi pour que la vie divine qu'ils reçoivent en don soit préservée du péché et croisse jour après jour. Si donc, en vertu de votre foi, vous êtes prêts à assumer cet engagement... faites votre profession en Jésus Christ. C'est la foi de l'Eglise dans laquelle vos enfants sont baptisés". Ces paroles du rite suggèrent que, d'une certaine manière, la profession de foi et le renoncement au péché des parents, des parrains et des marraines représentent les prémisses nécessaires pour que l'Eglise confère le baptême à leurs enfants.
Ensuite, immédiatement avant l'infusion de l'eau sur la tête du nouveau-né, se trouve un rappel supplémentaire à la foi. Le célébrant pose une dernière question : "Voulez-vous que votre enfant reçoive le baptême dans la foi de l'Eglise, que tous ensemble nous avons professée ? Ce n'est qu'après leur réponse affirmative que le sacrement est administré. Même dans les rites explicatifs - onction avec le chrême, remise de la robe blanche et du cierge allumé, geste de l'"epheta" - la foi représente le thème central. "Ayez soin - dit la formule qui accompagne la remise du cierge - que vos enfants... vivent toujours comme des fils de la lumière ; et en persévérant dans la foi, aillent à la rencontre du Seigneur qui vient"; "Que le Seigneur Jésus - affirme encore le célébrant lors du rite de l'"epheta" - t'accorde d'écouter au plus vite sa parole, et de professer ta foi, pour la louange et la gloire de Dieu le Père". Tout est ensuite couronné par la bénédiction finale qui rappelle encore aux parents leurs engagements d'être pour les enfants "les premiers témoins de la foi".
Chers amis, c'est aujourd'hui un grand jour pour ces enfants. Avec le baptême, ceux-ci, devenus participants de la mort et de la résurrection du Christ, commencent avec lui l'aventure joyeuse et exaltante du disciple. La liturgie la présente comme une expérience de lumière. En effet, en remettant à chacun le cierge pascal, l'Eglise affirme : "Recevez la lumière du Christ !". C'est le baptême qui illumine avec la lumière du Christ, qui ouvre les yeux à sa splendeur et introduit au mystère de Dieu à travers la lumière divine de la foi. C'est dans cette lumière que les enfants qui vont être baptisés devront marcher toute leur vie, aidés par les paroles et par l'exemple de leurs parents, de leurs parrains et de leurs marraines. Ceux-ci devront s'engager à nourrir par les mots et le témoignage de leur vie les flammes de la foi des enfants, afin qu'elle puisse resplendir dans notre monde, qui tâtonne souvent dans les ténèbres du doute, et apporter la lumière de l'Evangile qui est vie et espérance. Ce n'est qu'ainsi que, lorsqu'ils seront adultes, ils pourront prononcer avec une pleine conscience la formule placée à la fin de la profession de foi présente dans le rite: "Telle est notre foi. Telle est la foi de l'Eglise. Et nous nous glorifions de la professer en Jésus Christ notre Seigneur".
De nos jours aussi, la foi est un don à redécouvrir, à cultiver et dont il faut témoigner. Par cette célébration du baptême, que le Seigneur accorde à chacun de nous de vivre la beauté et la joie d'être chrétiens, afin que nous puissions introduire les enfants baptisés à la plénitude de l'adhésion au Christ. Nous confions ces petits enfants à l'intercession maternelle de la Vierge Marie. Nous lui demandons que, revêtus de la robe blanche, signe de leur nouvelle dignité d'enfants de Dieu, ils soient tout au long de leur vie de fidèles disciples du Christ et de courageux témoins de l'Evangile. Amen.
10 janvier 2010 – Méditation lors de la prière de l’Angelus
Ce matin, au cours de la Messe célébrée dans la Chapelle Sixtine, j'ai administré le sacrement du baptême à plusieurs nouveau-nés. Cette coutume est liée à la fête du Baptême du Seigneur par laquelle se termine le temps liturgique de Noël. Le baptême suggère très bien le sens global des fêtes de Noël, dans lesquelles le thème devenir fils de Dieu grâce à la venue du Fils unique dans notre humanité, constitue un élément dom nant. Il s'est fait homme afin que nous puissions devenir fils de Dieu. Dieu est né afin que nous puissions renaître. Ces concepts reviennent sans cesse dans les textes liturgiques de Noël et constituent un motif de réflexion et d'espérance enthousiasmant. Pensons à ce que saint Paul écrit aux Galates : "Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l'adoption filiale" (Ga 4, 4-5) ; ou encore saint Jean dans le Prologue de son Évangile : "À tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu" (Jn 1, 12). Ce merveilleux mystère de notre "deuxième naissance" - la renaissance d'un être humain d'en "haut", de Dieu (cf. Jn 3, 1-8) - s'accomplit et se résume dans le signe sacramentel du baptême.
Avec ce sacrement, l'homme devient réellement fils, fils de Dieu. À partir de ce moment, le but de son existence consiste à atteindre de façon libre et consciente, ce qui était et est le destin de l'homme. "Deviens ce que tu es" représente le principe éducatif de base de la personne humaine sauvée par la grâce. Ce principe a de nombreuses analogies avec la croissance humaine, dans laquelle la relation parents-enfants passe à travers des détachements et des crises, de la dépendance totale à la conscience d'être fils, à la reconnaissance pour le don de la vie reçue et à la maturité et la capacité de donner la vie. Engendré par le baptême à une vie nouvelle, le chrétien aussi entame son chemin de croissance dans la foi qui le conduira à invoquer consciemment Dieu comme "Abba - Père", à s'adresser à Lui avec reconnaissance et vivre la joie d'être son fils.
Du baptême dérive aussi un modèle de société : celle des frères. On ne peut pas établir la fraternité avec une idéologie, encore moins avec un décret d'un quelconque pouvoir constitué. On se reconnaît frères à partir de la conscience humble mais profonde d'être enfants de l'unique Père céleste. En tant que chrétiens, grâce à l'Esprit Saint reçu dans le baptême, nous reviennent le don et l'engagement de vivre en fils de Dieu et en frères, pour être comme le "levain" d'une humanité nouvelle, solidaire et riche de paix et d'espérance. La conscience d'avoir non seulement un Père dans les cieux, mais aussi une mère, l'Église, dont la Vierge Marie est l'éternel modèle, nous aide en cela. Nous lui confions les enfants qui viennent d'être baptisés, ainsi que leurs familles, et nous demandons pour tous la joie de renaître chaque jour "d'en haut", de l'amour de Dieu, qui fait de nous ses enfants et entre nous des frères.
10 janvier 2010 – Benoit XVI aux francophones, au terme de la prière de l’Angelus
Chers frères et s½urs de langue française, soyez les bienvenus pour la prière de l'Angélus. Ce matin, rendons grâce à Dieu pour notre baptême. Écoutons nous aussi le Père nous redire "Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j'ai mis tout mon amour". L'Esprit de Dieu fait route avec nous, et il remplit notre vie de lumière et de sainteté. En prenant conscience de la splendeur de notre Baptême, soyons les serviteurs et les témoins de cette Bonne Nouvelle pour notre monde ! Que la Vierge Marie, nous aide à demeurer toujours fidèles à notre Baptême ! Bon dimanche et bonne semaine à tous !
1er avril 2010 – Homélie de la Messe chrismale
Le Sacrement est le centre du culte de l’Eglise. Sacrement signifie que, en premier lieu, ce ne sont pas nous les hommes qui faisons quelque chose, mais c’est d’abord Dieu, qui, par son agir, vient à notre rencontre, nous regarde et nous conduit vers Lui. Et il y a aussi autre chose de particulier: Dieu nous touche par le moyen des réalités matérielles, à travers des dons de la création qu’Il met à son service, en en faisant des instruments de la rencontre entre nous et Lui-même. Les éléments de la création avec lesquels le monde des Sacrements est construit sont au nombre de quatre : l’eau, le pain de froment, le vin et l’huile d’olive. L’eau, comme élément de base et condition fondamentale de toute vie, est le signe essentiel de l’acte par lequel dans le Baptême, on devient chrétien, le signe de la naissance à la vie nouvelle. Tandis que l’eau est l’élément vital en général et représente donc l’accès commun de tous à la nouvelle naissance comme chrétiens, les trois autres éléments appartiennent à la culture du monde méditerranéen. Ils renvoient ainsi au contexte historique concret dans lequel le christianisme s’est développé. Dieu a agi dans un lieu bien déterminé de la terre, Il a vraiment fait histoire avec les hommes. Ces trois éléments, d’une part, sont des dons de la création et d’autre part, ils renvoient cependant aussi à des lieux de l’histoire de Dieu avec nous. Ils sont une synthèse entre la création et l’histoire: dons de Dieu qui nous rattachent toujours à ces lieux du monde dans lesquels Dieu, dans le temps de l’histoire, a voulu agir avec nous, devenir un de nous.
Dans ces trois éléments, il y a de nouveau une graduation. Le pain renvoie à la vie quotidienne. Il est le don fondamental de la vie, jour après jour. Le vin renvoie à la fête, à la suavité de la création dans laquelle la joie des sauvés peut, en même temps, s’exprimer d’une manière particulière. L’huile d’olive a une vaste signification. Elle est nourriture, elle est médicament; elle donne beauté, entraîne pour la lutte et procure vigueur. Les rois et les prêtres sont oints avec l’huile qui est ainsi signe de dignité et de responsabilité, comme aussi de la force qui vient de Dieu. Dans notre nom ‘chrétiens’, est présent le mystère de l’huile. En effet, le mot ‘chrétiens’, par lequel les disciples du Christ venus du paganisme ont été appelés, dès la naissance de l’Eglise, vient du mot ‘Christ’ (Ac 11, 20-21) - traduction grecque du mot ‘Messie’ -, qui signifie ‘oint’. Être chrétiens signifie: provenir du Christ, appartenir à Christ, à l’Oint de Dieu, à Celui auquel Dieu a donné la royauté et le sacerdoce; signifie appartenir à Celui que Dieu Lui-même a oint – non par une huile matérielle, mais par Celui qui est représenté par l’huile: par son Saint Esprit. L’huile d’olive est ainsi, d’une manière toute particulière, symbole de l’imprégnation de l’Homme Jésus par l’Esprit Saint.
Dans la Messe chrismale du Jeudi Saint, les saintes huiles sont au centre de l’action liturgique. Elles sont consacrées dans la cathédrale par l’Évêque pour toute l’année. Ainsi, expriment-elles aussi l’unité de l’Église garantie par l’Épiscopat, et renvoient-elles au Christ, le vrai «pasteur et gardien de nos âmes», comme l’appelle saint Pierre (cf. 1 P 2,25). Et elles font en même temps l’unité de toute l’année liturgique ancrée dans le mystère du Jeudi Saint. Enfin, elles renvoient au Jardin des Oliviers, dans lequel Jésus a accepté intérieurement sa Passion. Le Jardin des Oliviers est cependant aussi le lieu à partir duquel il est monté vers le Père, il est donc le lieu de la Rédemption: Dieu n’a pas laissé Jésus dans la mort. Jésus vit pour toujours auprès du Père, et c’est bien pour cela qu’il est omniprésent, toujours auprès de nous. Ce double mystère du Mont des Oliviers est aussi toujours ‘actif’ dans l’huile sacramentelle de l’Église. Dans quatre sacrements, l’huile est signe de la bonté de Dieu qui nous touche: dans le Baptême, dans la Confirmation comme Sacrement de l’Esprit Saint, dans les divers degrés du Sacrement de l’Ordre et enfin, dans l’Onction des malades, dans laquelle l’huile nous est offerte, pour ainsi dire, comme remède de Dieu – comme le remède qui, dès à présent, nous rend certains de sa bonté, doit nous fortifier et nous consoler, mais qui, en même temps, renvoie au-delà du moment de la maladie, à la guérison définitive, à la résurrection (cf. Jc 5, 14). Ainsi, l’huile, sous ses différentes formes, nous accompagne tout au long de la vie: à commencer par le catéchuménat et le Baptême jusqu’au moment où nous nous préparons à la rencontre avec le Dieu Juge et Sauveur. Enfin, la Messe chrismale, dans laquelle le signe sacramentel de l’huile nous est présenté comme langage de la création de Dieu, s’adresse de façon particulière à nous, prêtres: elle nous parle du Christ, que Dieu a oint Roi et Prêtre – de Lui qui nous rend participants de son sacerdoce, de son «onction», dans notre Ordination sacerdotale.
2011
9 janvier 2011 – Homélie Messe baptêmes Chapelle Sixtine
Je suis heureux de vous souhaiter cordialement la bienvenue, en particulier à vous, parents, parrains et marraines, des 21 nouveau-nés auxquels je vais bientôt avoir la joie de conférer le sacrement du baptême. Comme c'est désormais la tradition, ce rite a lieu cette année aussi au cours de l’Eucharistie à travers laquelle nous célébrons le Baptême du Seigneur. C'est une fête qui, le premier dimanche après l'Epiphanie, clôt le temps de Noël par la manifestation du Seigneur au Jourdain.
Selon le récit de l'évangéliste Matthieu (3, 13-17), Jésus va de la Galilée au fleuve du Jourdain pour se faire baptiser par Jean; en effet, on accourait de toute la Palestine pour écouter la prédication de ce grand prophète, l'annonce de l'avènement du Royaume de Dieu, et pour recevoir le baptême, c'est-à-dire se soumettre à ce signe de pénitence qui appelait à la conversion du péché. En dépit de son nom de «baptême», il n'avait pas la valeur sacramentelle du rite que nous célébrons aujourd'hui; comme vous le savez, c'est en effet par sa mort et sa résurrection que Jésus institue les sacrements et donne naissance à l'Eglise. Celui qui était conféré par Jean était plutôt un acte pénitentiel, un geste qui invitait à l'humilité devant Dieu, pour un nouveau commencement: en se plongeant dans l'eau, le pénitent reconnaissait avoir péché, implorait de Dieu la purification de ses fautes et était invité à changer ses comportements erronés en mourant pour ainsi dire dans l'eau et en ressuscitant à une vie nouvelle.
C'est pourquoi, lorsque Jean-Baptiste voit Jésus, qui, dans la file avec les pécheurs, vient se faire baptiser, il est stupéfait; reconnaissant en Lui le Messie, le Saint de Dieu, Celui qui est sans péché, Jean manifeste sa perplexité: lui-même, Jean-Baptiste, aurait voulu se faire baptiser par Jésus. Mais Jésus l'exhorte à ne pas opposer de résistance, à accepter de faire ce geste, pour faire ce qui est nécessaire pour «accomplir parfaitement ce qui est juste». Par cette expression, Jésus montre qu'il est venu dans le monde pour faire la volonté de Celui qui l'a envoyé, pour accomplir tout ce que le Père lui demande; c'est pour obéir au Père qu'il a accepté de se faire homme. Ce geste révèle avant tout qui est Jésus: il est le Fils de Dieu, vrai Dieu comme le Père; il est Celui qui «s'est abaissé» pour se faire l'un de nous; Celui qui s'est fait homme et a accepté de s'humilier jusqu'à la mort de la croix (cf. Ph 2, 7). Le baptême de Jésus, que nous célébrons aujourd'hui, se situe dans cette logique de l'humilité: c'est le geste de celui qui veut se faire en tout l'un de nous et se mettre dans la file avec les pécheurs; Lui, qui est sans péché, se laisse traiter comme un pécheur (cf. 2 Co 5, 21), pour porter sur ses épaules le poids de la faute de l'humanité tout entière. Il est le «Serviteur du Seigneur » dont le prophète Isaïe nous a parlé dans la première lecture (cf. 42, 1). Son humilité est dictée par sa volonté d'établir une communion plénière avec l'humanité, par le désir de réaliser une véritable solidarité avec l'homme et avec sa condition. Le geste de Jésus anticipe la Croix, l'acceptation de la mort pour les péchés de l'homme. Cet acte d'abaissement par lequel Jésus veut se conformer totalement au dessein d'amour du Père, manifeste la pleine harmonie de volonté et d'intention qu'il y a entre les personnes de la Très Sainte Trinité. Par cet acte d'amour, l'Esprit de Dieu se manifeste comme une colombe et vient au-dessus de Lui, et à ce moment-là, l'amour qui unit Jésus au Père est témoigné à ceux qui assistent au baptême par une voix d'en-haut, que tous entendent. Le Père manifeste ouvertement aux hommes la communion profonde qui le lie au Fils: la voix qui résonne d'en-haut atteste que Jésus est obéissant en tout au Père, et que cette obéissance est l'expression de l'amour qui les unit entre eux. C'est pourquoi le Père place sa complaisance en Jésus, parce qu'il reconnaît dans l'action du Fils le désir de suivre en tout sa volonté: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé; en lui j'ai mis tout mon amour» (Mt 3, 17). Et cette parole du Père fait allusion aussi, de façon anticipée, à la victoire de la résurrection et nous dit comment nous devons vivre pour plaire au Père, en nous comportant comme Jésus.
Chers parents, le baptême que vous demandez aujourd'hui pour vos enfants les insère dans cet échange d'amour réciproque qui existe en Dieu entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit; par ce geste que je m'apprête à accomplir, l'amour de Dieu se déverse sur eux, les inondant de ses dons. A travers l'eau, vos enfants sont immergés dans la vie même de Jésus qui est mort sur la croix pour nous libérer du péché et, en ressuscitant, a vaincu la mort. C'est pourquoi, plongés spirituellement dans sa mort et sa résurrection, ils sont libérés du péché originel et commence en eux la vie de la grâce, qui est la vie même de Jésus ressuscité. «Il s'est livré pour nous, affirme saint Paul, afin de nous racheter de toute iniquité et de purifier un peuple qui lui appartienne en propre, zélé pour le bien» (Tt 2, 14).
Chers amis, en nous donnant la foi, le Seigneur nous a donné ce qui est le plus précieux dans la vie, à savoir la raison de vivre la plus vraie et la plus belle: c'est par grâce que nous avons cru en Dieu, que nous avons connu son amour, par lequel il veut nous sauver et nous libérer du mal. A présent, chers parents, parrains et marraines, vous demandez à l'Eglise d'accueillir ces enfants en son sein, de leur donner le baptême; et cette demande vous la faites en raison du don de la foi que vous-mêmes vous avez reçue à votre tour. Avec le prophète Isaïe, chaque chrétien aime à répéter: «Le Seigneur m'a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur» (cf. 49, 5); ainsi, chers parents, vos enfants sont un don précieux du Seigneur, qui a réservé leur c½ur pour lui, afin de pouvoir le combler de son amour. Par le sacrement du baptême, il les consacre aujourd'hui et il les appelle à suivre Jésus, par la réalisation de leur vocation personnelle selon ce dessein d'amour particulier que le Père a à l'esprit pour chacun d'eux; le but de ce pèlerinage terrestre sera la pleine communion avec Lui dans le bonheur éternel.
En recevant le Baptême, ces enfants obtiennent le don d'un sceau spirituel indélébile, le «caractère» qui marque pour toujours leur appartenance au Seigneur, et fait d'eux des membres vivants de son corps mystique qui est l'Eglise. En commençant à faire partie du Peuple de Dieu, ces enfants commencent aujourd'hui un chemin de sainteté et de configuration à Jésus, une réalité qui est placée en eux comme la semence d'un arbre magnifique que l'on doit faire grandir. C'est pourquoi, en comprenant la grandeur de ce don, dès les premiers siècles, on a pris soin de conférer le Baptême aux enfants à peine nés. Il y aura assurément ensuite besoin d'une adhésion libre et consciente à cette vie de foi et d'amour et c'est pour cela qu'il est nécessaire qu'après le Baptême les enfants soient éduqués dans la foi, instruits selon la sagesse de l’Ecriture Sainte, et des enseignements de l'Eglise, de façon à ce que grandisse en eux le germe de la foi qu'ils reçoivent aujourd'hui et qu'ils puissent atteindre la pleine maturité chrétienne. L'Eglise qui les accueille parmi ses enfants doit se charger, avec leurs parents et les parrains, de les accompagner sur ce chemin de croissance. La collaboration entre la communauté chrétienne et la famille est d'autant plus nécessaire dans le contexte social actuel où l'institution familiale est menacée de différents côtés, et doit faire face à des difficultés nombreuses dans sa mission d'éduquer à la foi. La disparition de références culturelles stables et la transformation rapide à laquelle la société est continuellement soumise rendent vraiment difficile l'engagement pour l'éducation. Il est par conséquent nécessaire que les paroisses agissent toujours en vue du soutien des familles, petites Eglises domestiques, dans leur rôle de transmission de la foi.
Très chers parents, avec vous je remercie le Seigneur pour le don du Baptême de vos petits enfants; en élevant pour eux notre prière nous invoquons un don abondant de l'Esprit Saint, qui les consacre aujourd'hui à l'image du Christ prêtre, roi et prophète. En les confiant à l'intercession maternelle de la Très Sainte Vierge Marie, nous demandons pour eux la vie et la santé, afin qu'ils puissent grandir et mûrir dans la foi, et porter, à travers leur vie, des fruits de sainteté et d'amour. Amen!
9 janvier 2011 – Méditation de Benoit XVI lors de la prière de l’Angelus
L'Église célèbre aujourd'hui le Baptême du Seigneur, fête qui conclut le temps liturgique de Noël. Ce mystère de la vie du Christ montre visiblement que sa venue dans la chair est l'acte sublime d'amour des Trois Personnes divines. Nous pouvons dire qu'à partir de cet événement solennel, l'action créatrice, rédemptrice et sanctificatrice de la Très Sainte Trinité, sera toujours plus manifeste dans la mission publique de Jésus, dans son enseignement, dans ses miracles, dans sa passion, sa mort et sa résurrection. Nous lisons en effet dans l'Évangile selon saint Matthieu que « dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l'eau ; voici que les cieux s'ouvrirent, et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour” » (3, 16-17). L'Esprit Saint « demeure » sur le Fils et témoigne de sa divinité, alors que la voix du Père, venant des cieux, exprime la communion d'amour. « Dans la conclusion de la scène du baptême, il nous est dit que Jésus a reçu la véritable “onction”, qu'Il est l'Oint attendu » (Benoît XVI, Jésus de Nazareth , Flammarion, 2007, p. 45), ce qui confirme la prophétie d'Isaïe : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui j'ai mis toute ma joie » (Is 42, 1). C'est vraiment le Messie, le Fils du Très-Haut qui, en sortant des eaux du Jourdain, institue la régénération dans l'Esprit et ouvre à ceux qui le veulent la possibilité de devenir fils de Dieu. Ce n'est pas en effet par hasard que chaque baptisé acquiert le « caractère » de fils à partir du nom de chrétien, signe indubitable que l'Esprit Saint fait naître « de nouveau » l'homme du sein de l'Église. Le bienheureux Antonio Rosmini affirme que « le baptisé subit une opération secrète mais très puissante par laquelle il est élevé à l'ordre surnaturel, il est mis en communication avec Dieu » (Du principe suprême de la Méthode, [Del principio supremo della metodica], Turin 1857, n. 331). Tout cela s'est réalisé à nouveau ce matin, au cours de la célébration eucharistique, dans la chapelle Sixtine, où j'ai conféré le sacrement du baptême à 21 nouveau-nés.
Chers amis, le baptême est le début de la vie spirituelle, qui trouve sa plénitude grâce à l'Église. À l'heure propice du sacrement, alors que la communauté ecclésiale prie et confie à Dieu un nouvel enfant, les parents et les parrains s'engagent à accueillir le nouveau-baptisé en le soutenant dans la formation et dans l'éducation chrétienne. Et c'est une grande responsabilité, qui découle d'un grand don ! C'est pourquoi je désire encourager tous les fidèles à redécouvrir la beauté d'être baptisés et à donner un joyeux témoignage de leur foi, afin qu'elle porte des fruits de bien et de concorde.
Nous le demandons par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie, Auxiliaire des chrétiens, à laquelle nous confions les parents qui se préparent au baptême de leurs enfants, ainsi que les catéchistes. Que toute la communauté participe à la joie de la renaissance de l'eau et de l'Esprit Saint !
9 janvier 2011 – Benoit XVI aux francophones, au terme de l’Angelus
Je vous salue cordialement, chers pèlerins francophones ! Le Baptême du Seigneur que nous célébrons aujourd'hui clôt le cycle de Noël et nous introduit dans le temps ordinaire. Nous revivons notre propre naissance en Jésus Christ qui fait de nous ses frères, et nous comble de l'amour de son Père. Ouvrons nos c½urs au souffle de l'Esprit Saint pour rester fidèles à notre vocation de fils de Dieu. Que la Vierge Marie intercède pour nous ! Bon dimanche à tous !
2012
8 janvier 2012 – Homélie Messe Baptêmes Chapelle Sixtine
C’est toujours une joie de célébrer cette Messe pendant laquelle ont lieu les baptêmes des enfants, en la fête du Baptême du Seigneur. Je vous salue tous avec affection, chers parents, parrains et marraines, ainsi que vous tous parents et amis ! Vous êtes venus — vous l’avez dit à haute voix — afin que vos enfants nouveau-nés reçoivent le don de la grâce de Dieu, la semence de la vie éternelle. Vous, parents, avez voulu cela. Vous avez pensé au baptême avant encore que votre petit garçon ou votre petite fille ne vienne au monde. Votre responsabilité de parents chrétiens vous a fait penser immédiatement au sacrement qui marque l’entrée dans la vie divine, dans la communauté de l’Eglise. Nous pouvons dire que cela a été votre premier choix éducatif comme témoins de la foi envers vos enfants : le choix est fondamental !
La tâche des parents, aidés par le parrain et par la marraine, est celle d’éduquer son fils ou sa fille. Eduquer requiert un grand engagement, cela est parfois difficile pour nos capacités humaines, toujours limitées. Mais éduquer devient une mission merveilleuse si on l’accomplit en collaboration avec Dieu, qui est le premier et véritable éducateur de chaque homme.
Dans la première lecture que nous avons écoutée, tirée du livre du prophète Isaïe, Dieu s’adresse à son peuple précisément comme un éducateur. Il met en garde les Israélites contre le danger de chercher à étancher sa soif et à se nourrir à des sources erronées : « Pourquoi — dit-il — dépenser de l'argent pour autre chose que du pain, et ce que vous avez gagné, pour ce qui ne rassasie pas ? » (Is 55, 2). Dieu veut nous donner de bonnes choses à boire et à manger, des choses qui nous font du bien ; alors que parfois, nous utilisons mal nos ressources, nous les utilisons pour des choses qui ne servent pas, et qui sont même au contraire nocives. Dieu veut en particulier nous donner sa Personne et sa Parole : il sait qu’en nous éloignant de Lui, nous nous trouverions très vite en difficulté, comme le fils prodigue de la parabole, et surtout, nous perdrions notre dignité humaine. Et c’est pour cela qu’il nous assure qu’Il est la miséricorde infinie, que ses pensées et ses voies ne sont pas comme les nôtres — heureusement pour nous ! — et que nous pouvons toujours revenir à Lui, à la maison du Père. Il nous assure ensuite que si nous accueillons sa Parole, celle-ci portera de bons fruits dans notre vie, comme la pluie qui irrigue la terre (cf. Is 55, 10-11).
A cette parole que le Seigneur nous a adressée à travers le prophète Isaïe, nous avons répondu avec le refrain du Psaume : « Nous puiserons avec joie aux sources du salut ». En tant que personnes adultes, nous nous sommes engagés à puiser à de bonnes sources, pour notre bien et pour celui de ceux qui sont confiés à notre responsabilité, en particulier vous, chers parents, parrains et marraines, pour le bien de ces enfants. Et quelles sont « les sources du salut » ? Ce sont la Parole de Dieu et les sacrements. Les adultes sont les premiers à devoir se nourrir à ces sources, pour pouvoir guider les plus jeunes dans leur croissance. Les parents doivent beaucoup donner, mais pour pouvoir donner, ils ont à leur tour besoin de recevoir, autrement ils se vident, ils s’assèchent. Les parents ne sont pas la source, de même que nous, prêtres, ne sommes pas la source: nous sommes plutôt comme des canaux, à travers lesquels doit couler la sève vitale de l’amour de Dieu. Si nous nous détachons de la source, nous sommes les premiers à en ressentir les effets négatifs et nous ne sommes plus en mesure d’éduquer les autres. C’est pourquoi nous nous sommes engagés en disant : « Nous puiserons avec joie aux sources du salut ».
Et venons-en à présent à la deuxième lecture et à l’Evangile. Ces derniers nous disent que la première et principale éducation a lieu à travers le témoignage. L’Evangile nous parle de Jean le Baptiste. Jean a été un grand éducateur de ses disciples, car il les a conduits à la rencontre de Jésus, auquel il a rendu témoignage. Il ne s’est pas exalté lui-même, il n’a pas voulu garder les disciples liés à lui. Et pourtant, Jean était un grand prophète, sa renommée était très grande. Lorsque Jésus est arrivé, il s’est retiré et c’est Lui qu’il a indiqué : « Vient derrière moi celui qui est plus fort que moi [...] Moi, je vous ai baptisés avec de l'eau, mais lui vous baptisera avec l'Esprit Saint » (Mc 1, 7-8). Le véritable éducateur ne lie pas les personnes à lui, il n’est pas possessif. Il veut que son fils ou son disciple apprenne à connaître la vérité, et établisse avec celle-ci une relation personnelle. L’éducateur accomplit son devoir jusqu’au bout, il ne fait pas manquer sa présence attentive et fidèle ; mais son objectif est que celui qu’il éduque écoute la voix de la vérité parler à son c½ur et la suive le long d’un chemin personnel.
Revenons encore au témoignage. Dans la deuxième lecture, l’apôtre Jean écrit : « C'est l'Esprit qui rend témoignage » (1 Jn 5, 6). Il se réfère à l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu, qui rend témoignage à Jésus, en attestant qu’il est le Christ, le Fils de Dieu. On le voit également dans la scène du Baptême dans le fleuve Jourdain : l’Esprit Saint descend sur Jésus comme une colombe pour lui révéler qu’Il est le Fils unique du Père éternel (cf. Mc 1, 10). Jean souligne également cet aspect dans son Evangile, là où Jésus dit aux disciples : « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage. Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement » (Jn 15, 26-27). Cela est pour nous un grand réconfort dans l’engagement d’éduquer à la foi, car nous savons que nous ne sommes pas seuls et que notre témoignage est soutenu par l’Esprit Saint.
Il est très important pour vous parents, et également pour les parrains et les marraines, de croire fortement dans la présence et dans l’action de l’Esprit Saint, de l’invoquer et de l’accueillir en vous, à travers la prière et sacrements. C’est Lui, en effet, qui illumine l’esprit, qui réchauffe le c½ur de l’éducateur pour qu’il sache transmettre la connaissance et l’amour de Jésus. La prière est la première condition pour éduquer, car en priant, nous nous mettons dans la disposition de laisser à Dieu l’initiative, de Lui confier nos enfants, à Lui qui les connaît avant nous et mieux que nous, et qui sait parfaitement quel est leur bien véritable. Et, dans le même temps, quand nous prions, nous nous mettons à l’écoute des inspirations de Dieu pour bien accomplir notre part, qui nous revient quoi qu’il en soit et que nous devons réaliser. Les sacrements, en particulier l’Eucharistie et la Pénitence, nous permettent d’accomplir l’action éducative en union avec le Christ, en communion avec Lui et en étant sans cesse renouvelés par son pardon. La prière et les sacrements nous permettent d’obtenir cette lumière de vérité, grâce à laquelle nous pouvons être dans le même temps tendres et forts, faire usage de douceur et de fermeté, nous taire et parler lorsqu’il le faut, faire des remontrances et corriger de la juste manière.
Chers amis, invoquons donc tous ensemble l’Esprit Saint, afin qu’il descende en abondance sur ces enfants, qu’il les consacre à l’image de Jésus Christ, et qu’il les accompagne toujours sur le chemin de leur vie. Nous les confions à la direction maternelle de la Très Sainte Vierge, afin qu’ils grandissent en âge, en sagesse et en grâce et qu’ils deviennent de véritables chrétiens, témoins fidèles et joyeux de l’amour de Dieu. Amen.
8 janvier 2012 – Méditation de Benoit XVI lors de la prière de l’Angelus
Aujourd’hui, nous célébrons la fête du Baptême du Seigneur. Ce matin, j’ai conféré le sacrement du baptême à 16 enfants. C’est pourquoi je voudrais proposer une brève réflexion sur notre nature d’enfants de Dieu. Mais partons d’abord simplement de notre nature de fils : c’est la condition fondamentale que nous partageons tous. Nous ne sommes pas tous parents, mais nous sommes tous assurément enfants. Venir au monde n’est jamais un choix, il ne nous a pas été demandé avant si nous voulions naître. Mais durant la vie, nous pouvons développer un comportement libre face à la vie : nous pouvons l’accueillir comme un don et, en un certain sens, « devenir » ce que nous sommes déjà : devenir enfants. Ce passage marque un tournant de maturité dans notre être et dans le rapport avec nos parents, qui se remplit de reconnaissance. C’est un passage qui nous rend aussi capables d’être à notre tour parents — non pas biologiquement, mais moralement.
Devant Dieu également, nous sommes tous enfants. Dieu est à l’origine de l’existence de toute créature, et il est Père, de façon particulière, de chaque être humain : il a avec lui ou avec elle une relation unique, personnelle. Chacun de nous est voulu, est aimé de Dieu. Et même dans cette relation avec Dieu nous pouvons, pour ainsi dire, « renaître », c’est-à-dire devenir ce que nous sommes. Ceci a lieu au moyen de la foi, au moyen d’un « oui » profond et personnel à Dieu comme origine et fondement de notre existence. Avec ce « oui », j’accueille la vie comme don du Père qui est aux cieux, un géniteur que je ne vois pas, mais en qui je crois et que je sens, au plus profond de mon c½ur, comme mon père et celui de tous mes frères en humanité, un Père immensément bon et fidèle. Sur quoi se fonde cette foi en Dieu le Père ? Elle se fonde sur Jésus Christ : sa personne et son histoire nous révèlent le Père, nous le font connaître, autant qu’il est possible en ce monde. Croire que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, permet de « renaître d’en haut », c’est-à-dire de Dieu, qui est Amour (cf. Jn 3, 3). Gardons à l’esprit une fois de plus que personne ne se fait homme : nous sommes tous nés sans action de notre part. Le passif de la naissance précède l’actif de notre agir. C’est la même chose au niveau de la vie chrétienne : personne ne peut se faire chrétien par sa seule volonté, être chrétien est également un don qui précède notre action : nous devons renaître à travers une nouvelle naissance. Saint Jean dit : « Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 12). C’est le sens du sacrement du baptême, le baptême est cette nouvelle naissance, qui précède notre action. Par la foi, nous pouvons aller à la rencontre du Christ, mais lui seul peut faire de nous des chrétiens et donner à notre volonté, à notre désir, la réponse, la dignité, le pouvoir — que nous n’avons pas par nous-mêmes — de devenir enfants de Dieu.
Chers amis, ce dimanche du Baptême du Seigneur conclut le temps de Noël. Rendons grâces à Dieu pour ce grand mystère, qui est source de régénération pour l’Église et pour le monde entier. Dieu s’est fait enfant de l’homme, pour que l’homme devienne enfant de Dieu. Par conséquent, renouvelons la joie d’être fils : en tant qu’hommes et en tant que chrétiens ; nés et re-nés à une nouvelle existence divine. Nés de l’amour d’un père et d’une mère, et re-nés de l’amour de Dieu, par le baptême. À la Vierge Marie, Mère du Christ et de tous ceux qui croient en lui, demandons qu’elle nous aide à vivre réellement en enfants de Dieu, non en paroles, ou non seulement en paroles, mais en actes. Saint Jean écrit encore : « Or, voici son commandement : croire au nom de son Fils Jésus Christ et nous aimer les uns les autres, comme il nous en a donné le commandement » (1 Jn 3, 23).
8 janvier 2012 – Benoit XVI aux francophones, au terme de la prière de l’Angelus
Je vous salue cordialement, chers pèlerins de langue française. Alors que dans nombreux pays est célébrée, aujourd’hui, la fête de l’Épiphanie, ici, à Rome, se célèbre, celle du Baptême du Seigneur. Souvenons-nous de notre propre baptême, de ce jour où le regard du Père s’est posé sur chacun de nous, nous inondant de son Esprit et de sa vie. Le Père, désormais, nous appelle par notre nom et nous invite à témoigner de son amour infini pour tout homme. Que la Vierge Marie nous aide à offrir notre vie pour l’annonce de la Bonne Nouvelle ! Avec ma Bénédiction apostolique !
7 avril 2012 – Homélie de la Messe de la Nuit de Pâques
Pâques est la fête de la nouvelle création. Jésus est ressuscité et ne meurt plus. Il a enfoncé la porte vers une vie nouvelle qui ne connaît plus ni maladie ni mort. Il a pris l’homme en Dieu lui-même. « La chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu » avait dit Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens (15, 50). L’écrivain ecclésiastique Tertullien, au IIIe siècle, en référence à la résurrection du Christ et à notre résurrection avait l’audace d’écrire : « Ayez confiance, chair et sang, grâce au Christ vous avez acquis une place dans le Ciel et dans le royaume de Dieu » (CCL II 994). Une nouvelle dimension s’est ouverte pour l’homme. La création est devenue plus grande et plus vaste. Pâques est le jour d’une nouvelle création, c’est la raison pour laquelle en ce jour l’Église commence la liturgie par l’ancienne création, afin que nous apprenions à bien comprendre la nouvelle. C’est pourquoi, au début de la Liturgie de la Parole durant la Vigile pascale, il y a le récit de la création du monde. En relation à cela, deux choses sont particulièrement importantes dans le contexte de la liturgie de ce jour. En premier lieu, la création est présentée comme un tout dont fait partie le phénomène du temps. Les sept jours sont une image d’une totalité qui se déroule dans le temps. Ils sont ordonnés en vue du septième jour, le jour de la liberté de toutes les créatures pour Dieu et des unes pour les autres. La création est donc orientée vers la communion entre Dieu et la créature ; elle existe afin qu’il y ait un espace de réponse à la grande gloire de Dieu, une rencontre d’amour et de liberté. En second lieu, durant la Vigile pascale, du récit de la création, l’Église écoute surtout la première phrase : « Dieu dit : ‘Que la lumière soit’ ! » (Gen 1, 3). Le récit de la création, d’une façon symbolique, commence par la création de la lumière. Le soleil et la lune sont créés seulement le quatrième jour. Le récit de la création les appelle sources de lumière, que Dieu a placées dans le firmament du ciel. Ainsi il leur ôte consciemment le caractère divin que les grandes religions leur avaient attribué. Non, ce ne sont en rien des dieux. Ce sont des corps lumineux, créés par l’unique Dieu. Ils sont en revanche précédés de la lumière par laquelle la gloire de Dieu se reflète dans la nature de l’être qui est créé.
Qu’entend par là le récit de la création ? La lumière rend possible la vie. Elle rend possible la rencontre. Elle rend possible la communication. Elle rend possible la connaissance, l’accès à la réalité, à la vérité. Et en rendant possible la connaissance, elle rend possible la liberté et le progrès. Le mal se cache. La lumière par conséquent est aussi une expression du bien qui est luminosité et créé la luminosité. C’est le jour dans lequel nous pouvons ½uvrer. Le fait que Dieu ait créé la lumière signifie que Dieu a créé le monde comme lieu de connaissance et de vérité, lieu de rencontre et de liberté, lieu du bien et de l’amour. La matière première du monde est bonne, l’être même est bon. Et le mal ne provient pas de l’être qui est créé par Dieu, mais existe seulement en vertu de la négation. C’est le « non ».
A Pâques, au matin du premier jour de la semaine, Dieu a dit de nouveau : « Que la lumière soit ! ». Auparavant il y avait eu la nuit du Mont des Oliviers, l’éclipse solaire de la passion et de la mort de Jésus, la nuit du sépulcre. Mais désormais c’est de nouveau le premier jour la création recommence entièrement nouvelle. « Que la lumière soit ! », dit Dieu, « et la lumière fut ». Jésus se lève du tombeau. La vie est plus forte que la mort. Le bien est plus fort que le mal. L’amour est plus fort que la haine. La vérité est plus forte que le mensonge. L’obscurité des jours passés est dissipée au moment où Jésus ressuscite du tombeau et devient, lui-même, pure lumière de Dieu. Ceci, toutefois, ne se réfère pas seulement à lui ni à l’obscurité de ces jours. Avec la résurrection de Jésus, la lumière elle-même est créée de façon nouvelle. Il nous attire tous derrière lui dans la nouvelle vie de la résurrection et vainc toute forme d’obscurité. Il est le nouveau jour de Dieu, qui vaut pour nous tous.
Mais comment cela peut-il arriver ? Comment tout cela peut-il parvenir jusqu’à nous de façon que cela ne reste pas seulement parole, mais devienne une réalité dans laquelle nous sommes impliqués ? Par le sacrement du Baptême et la profession de foi, le Seigneur a construit un pont vers nous, par lequel le nouveau jour vient à nous. Dans le Baptême, le Seigneur dit à celui qui le reçoit : Fiat lux que la lumière soit. Le nouveau jour, le jour de la vie indestructible vient aussi à nous. Le Christ te prend par la main. Désormais tu seras soutenu par lui et tu entreras ainsi dans la lumière, dans la vraie vie. Pour cette raison, l’Église primitive a appelé le Baptême « photismos » illumination.
Pourquoi ? L’obscurité vraiment menaçante pour l’homme est le fait que lui, en vérité, est capable de voir et de rechercher les choses tangibles, matérielles, mais il ne voit pas où va le monde et d’où il vient. Où va notre vie elle-même. Ce qu’est le bien et ce qu’est le mal. L’obscurité sur Dieu et sur les valeurs sont la vraie menace pour notre existence et pour le monde en général. Si Dieu et les valeurs, la différence entre le bien et le mal restent dans l’obscurité, alors toutes les autres illuminations, qui nous donnent un pouvoir aussi incroyable, ne sont pas seulement des progrès, mais en même temps elles sont aussi des menaces qui mettent en péril nous et le monde. Aujourd’hui nous pouvons illuminer nos villes d’une façon tellement éblouissante que les étoiles du ciel ne sont plus visibles. N’est-ce pas une image de la problématique du fait que nous soyons illuminés ? Sur les choses matérielles nous savons et nous pouvons incroyablement beaucoup, mais ce qui va au-delà de cela, Dieu et le bien, nous ne réussissons plus à l’identifier. C’est pourquoi, c’est la foi qui nous montre la lumière de Dieu, la véritable illumination, elle est une irruption de la lumière de Dieu dans notre monde, une ouverture de nos yeux à la vraie lumière
16 avril 2012 – Homélie de la Messe de son 85ème anniversaire
Le jour même où je suis né, grâce à la bienveillance de mes parents, je suis aussi rené par l’eau et par l’Esprit. En premier lieu, il y a le don de la vie que mes parents m’ont fait à une époque très difficile, et pour lequel je dois les remercier. Mais il n’est pas évident que la vie de l’homme soit un don en soi. Peut-elle vraiment être un beau don? Savons-nous ce qui pèse sur l’homme à cette époque sombre qui s’ouvre à lui — également à l’époque plus lumineuse qui pourra venir? Pouvons-nous prévoir quelles difficultés, quels événements terribles il affrontera? Est-il juste de donner la vie ainsi, simplement? Cela est-il responsable ou trop incertain? Il s’agit d’un don problématique, s’il reste tel quel. La vie biologique en soi est un don, et pourtant elle est entourée par une profonde question. Elle ne devient un vrai don que si, avec celle-ci, on peut donner une promesse qui est plus forte que toute mésaventure qui peut nous menacer, si celle-ci est plongée dans une force qui garantit que cela est un bien d’être homme, que pour cette personne, tout ce que l’avenir apporte est un bien. Ainsi, à la naissance doit être associée la renaissance, la certitude que, en vérité, c’est un bien d’être là, car la promesse est plus forte que les menaces. Tel est le sens de la renaissance de l’eau et de l’Esprit: être plongés dans la promesse que Dieu seul peut faire: c’est un bien que tu sois là, et tu peux en être certain, quoi qu’il arrive. J’ai pu vivre de cette certitude, rené de l’eau et de l’esprit. Nicodème demande au Seigneur: «Un vieux peut-il renaître?». Or, la renaissance nous est donnée dans le baptême, mais nous devons sans cesse croître dans celle-ci, nous devons toujours à nouveau nous laisser plonger par Dieu dans sa promesse, pour être vraiment renés dans la nouvelle grande famille de Dieu qui est plus forte que toutes les faiblesses et que toutes les puissances négatives qui nous menacent. C’est pourquoi aujourd’hui est un jour de grande action de grâces.
Le jour où j’ai été baptisé, comme je l’ai dit, c’était le Samedi Saint. On avait encore l’usage à cette époque d’anticiper la Veillée pascale dans la matinée, qui serait encore suivie par l’obscurité du Samedi Saint, sans l’Alléluia. Il me semble que ce singulier paradoxe, cette singulière anticipation de la lumière en un jour obscur, peut presque convenir comme image de l’histoire de notre époque. D’un côté, il y a encore le silence de Dieu et son absence, mais dans la Résurrection du Christ, il y a déjà l’anticipation du «oui» de Dieu, et en s’appuyant sur cette anticipation nous vivons et, à travers le silence de Dieu, nous entendons ses paroles, et à travers l’obscurité de son absence nous entrevoyons sa lumière. L’anticipation de la Résurrection à mi-chemin d’une histoire qui se développe est la force qui nous indique la route et nous aide à aller de l’avant.
Nous rendons grâce au bon Dieu parce qu’il nous a donné cette lumière et nous le prions afin qu’elle puisse demeurer toujours. Et en ce jour, j’ai de bonnes raisons de Lui rendre grâce ainsi qu’à tous ceux qui, toujours à nouveau, m’ont fait percevoir la présence du Seigneur, qui m’ont accompagné afin que je ne perde pas la lumière.
3 juin 2012 – Homélie de la Messe lors de la Rencontre Mondiale des Familles à Milan
l’apôtre Paul nous a rappelé qu’au baptême nous avons reçu l’Esprit Saint, qui nous unit au Christ en tant que frères et nous met en relation avec le Père en tant qu’enfants, de sorte que nous pouvons crier : « Abbà Père ! » (cf. Rm 8, 15.17). En cet instant, il nous a été donné un germe de vie nouvelle, divine, pour le faire grandir jusqu’à son accomplissement définitif dans la gloire céleste ; nous sommes devenus membres de l’Église, la famille de Dieu, « sacrarium Trinitatis » - ainsi la définit saint Ambroise -, « peuple qui – comme l’enseigne le Concile Vatican II – tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint » (Const. Lumen gentium, 4). La solennité liturgique de la Sainte Trinité, que nous célébrons aujourd’hui, nous invite à contempler ce mystère, mais elle nous pousse aussi à nous engager à vivre la communion avec Dieu et entre nous sur le modèle de la communion trinitaire. Nous sommes appelés à accueillir et à transmettre d’un commun accord les vérités de la foi ; à vivre l’amour réciproque et envers tous, en partageant joies et souffrances, en apprenant à demander et à accorder le pardon, en valorisant les différents charismes sous la conduite des pasteurs. En un mot, nous est confiée la tâche d’édifier des communautés ecclésiales qui soient toujours plus famille, capables de refléter la beauté de la Trinité et d’évangéliser non seulement par la parole mais, je dirais même, par « irradiation », par la force de l’amour vécu.
11 juin 2012 – au Congrès du Diocèse de Rome.
Nous avons déjà entendu que les dernières paroles du Seigneur sur cette terre à ses disciples, ont été : « Allez, de toutes les nations faites des disciples et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » (cf. Mt 28, 19). Faîtes des disciples et baptisez-les. Pourquoi n’est-il pas suffisant pour devenir un disciple de connaître les doctrines de Jésus, de connaître les valeurs chrétiennes ? Pourquoi est-il nécessaire d’être baptisés ? Tel est le thème de notre réflexion, pour comprendre la réalité, la profondeur du sacrement du baptême.
Une première porte s’ouvre si nous lisons attentivement ces paroles du Seigneur. Le choix du mot « au nom du Père » dans le texte grec est très important: le Seigneur dit « eis » et non « en », c’est-à-dire qu’il ne dit pas « au nom » de la Trinité — comme nous disons qu’un vice-préfet parle « au nom » du préfet, qu’un ambassadeur parle « au nom » du gouvernement : non. Il dit : « eis to onoma », c’est-à-dire qu’il s’agit d’une immersion dans le nom de la Trinité, d’être insérés dans le nom de la Trinité, d’une interpénétration de l’être de Dieu et de notre être, d’être plongés dans le Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit Saint, de même que dans le mariage, par exemple, deux personnes deviennent une chair, deviennent une nouvelle, unique réalité, avec un nom nouveau, unique.
Le Seigneur nous a aidés à comprendre encore mieux cette réalité dans son entretien avec les Sadducéens à propos de la résurrection. Les Sadducéens ne reconnaissaient dans le canon de l’Ancien Testament que les cinq Livres, de Moïse et, dans ceux-ci, la résurrection n’apparaît pas ; c’est pourquoi ils la niaient. Le Seigneur, précisément à partir de ces cinq Livres, démontre la réalité de la résurrection et dit : Vous ne savez pas que Dieu s’appelle Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? (cf. Mt 22, 31-32). Dieu prend donc ces trois personnes et, précisément dans son nom, celles-ci deviennent le nom de Dieu. Pour comprendre qui est ce Dieu, on doit voir ces personnes qui sont devenues le nom de Dieu, un nom de Dieu, qui sont plongées en Dieu. Et ainsi, nous voyons que celui qui est dans le nom de Dieu, qui est plongé en Dieu, est vivant, parce que Dieu — dit le Seigneur — est un Dieu non pas des morts, mais des vivants, et s’il est le Dieu de ceux-ci, il est le Dieu des vivants ; les vivants sont vivants parce qu’ils sont dans la mémoire, dans la vie de Dieu. C’est précisément ce qui arrive dans notre condition de baptisés : nous devenons insérés dans le nom de Dieu, de sorte que nous appartenons à ce nom et Son nom devient notre nom et nous aussi nous pourrons, avec notre témoignage — comme les trois personnages de l’Ancien Testament —, être des témoins de Dieu, signe de qui est ce Dieu, nom de ce Dieu.
Être baptisés signifie donc être unis à Dieu ; dans une unique, nouvelle existence, nous appartenons à Dieu, nous sommes plongés en Dieu lui-même. En pensant à cela, nous pouvons immédiatement en voir certaines conséquences.
La première est que Dieu n’est plus très éloigné pour nous, il n’est pas une réalité dont débattre — s’il existe ou s’il n’existe pas —, mais nous sommes en Dieu et Dieu est en nous. La priorité, le caractère central de Dieu dans notre vie est une première conséquence du baptême. À la question : « Dieu existe-t-il ? », la réponse est : « Il existe et il est avec nous ; cette proximité de Dieu touche notre vie, cet être en Dieu lui-même, qui n’est pas une étoile lointaine, mais qui le lieu de ma vie ». Cela serait la première conséquence et devrait donc nous dire que nous devons nous-mêmes tenir compte de cette présence de Dieu, vivre réellement dans sa présence.
Une deuxième conséquence de ce que j’ai dit est que nous ne nous faisons pas nous-mêmes chrétiens. Devenir chrétiens n’est pas quelque chose qui dépend de ma décision : « Maintenant, je me fais chrétien ». Naturellement, ma décision est nécessaire, mais c’est surtout une action de Dieu avec moi : ce n’est pas moi qui me fait chrétien, je suis appelé par Dieu, pris en main par Dieu et ainsi, en disant « oui » à cette action de Dieu, je deviens chrétien. Devenir chrétiens, dans un certain sens, est passif : je ne me fais pas chrétien, mais Dieu me fait devenir l’un de ses hommes, Dieu me prend en main et réalise ma vie dans une nouvelle dimension. De même que je ne me fais pas vivre, mais que la vie m’a été donnée ; je ne suis pas né parce que je me suis fait homme, mais je suis né parce que l’être humain m’est donné. Ainsi, être chrétien m’est donné, c’est un passif pour moi, qui devient un actif dans notre vie, dans ma vie. Et ce fait du passif, de ne pas se faire soi-même chrétiens, mais d’être faits chrétiens par Dieu, implique déjà un peu le mystère de la Croix : ce n’est qu’en mourant à mon égoïsme, en sortant de moi-même, que je peux être chrétien.
Un troisième élément qui apparaît immédiatement dans cette vision est que, naturellement, étant plongé en Dieu, je suis uni à mes frères et à mes s½urs, parce que tous les autres sont en Dieu et que si je suis tiré hors de mon isolement, si je suis plongé dans Dieu, je suis plongé dans la communion avec les autres. Etre baptisés n’est jamais un acte solitaire à « moi », mais c’est toujours nécessairement être uni avec tous les autres, être dans l’unité et la solidarité avec tout le Corps du Christ, avec toute la communauté de nos frères et s½urs. Ce fait que le baptême m’insère dans une communauté, rompt mon isolement, nous devons le garder à l’esprit dans notre condition de chrétiens.
Et enfin, revenons à la Parole du Christ aux Sadducéens : « Dieu est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (cf. Mt 22, 32), et ces derniers ne sont donc pas morts ; s’ils sont à Dieu, ils sont vivants. Cela veut dire qu’avec le baptême, avec l’immersion dans le nom de Dieu, nous sommes nous aussi déjà plongés dans la vie immortelle, nous sommes vivants pour toujours. En d’autres termes, le baptême est une première étape de la résurrection : plongés en Dieu, nous sommes déjà plongés dans la vie indestructible, la Résurrection commence. De même qu’Abraham, Isaac et Jacob étant le « nom de Dieu » sont vivants, nous aussi, insérés dans le nom de Dieu, nous sommes vivants dans la vie immortelle. Le baptême est le premier pas de la Résurrection, l’entrée dans la vie indestructible de Dieu.
Ainsi, dans un premier temps, avec la formule baptismale de saint Matthieu, avec la dernière parole du Christ, nous avons déjà un peu vu l’essence du baptême. À présent, voyons le rite sacramentel, pour pouvoir comprendre encore plus précisément ce qu’est le baptême.
Ce rite, comme le rite de presque tous les sacrements, se compose de deux éléments : de la matière — l’eau — et de la parole. Cela est très important. Le christianisme n’est pas une chose purement spirituelle, une chose uniquement subjective, du sentiment, de la volonté, des idées, mais c’est une réalité universelle. Dieu est le Créateur de toute la matière, la matière concerne le christianisme, et ce n’est que dans ce grand contexte de matière et d’esprit à la fois que nous sommes chrétiens. Il est donc très important que la matière fasse partie de notre foi, que le corps fasse partie de notre foi ; la foi n’est pas purement spirituelle, mais Dieu nous insère ainsi dans toute la réalité de l’univers et transforme l’univers, l’attire à lui. Et cet élément matériel — l’eau — n’est pas seulement un élément fondamental de l’univers, une matière fondamentale créée par Dieu, mais il a aussi à voir avec tout le symbolisme des religions, car dans toutes les religions, l’eau a quelque chose à dire. Le chemin des religions, cette recherche de Dieu de différentes manières — parfois erronées, mais qui sont toujours une recherche de Dieu — est assumée dans le sacrement. Les autres religions, avec leur chemin vers Dieu, sont présentes, sont assumées, et c’est ainsi que l’on accomplit la synthèse du monde ; toute la recherche de Dieu qui s’exprime dans les symboles des religions, et surtout — naturellement — le symbolisme de l’Ancien Testament, qui ainsi, avec toutes ses expériences de salut et de bonté de Dieu, devient présent. Nous reviendrons sur ce point.
L’autre élément est la parole, et cette parole se présente sous trois éléments : renoncements, promesses, invocations. Il est important que ces paroles ne soient donc pas seulement des paroles, mais soient un chemin de vie. Dans celles-ci se réalise une décision, dans ces paroles est présent tout notre chemin baptismal — tant pré-baptismal que post-baptismal — à travers ces paroles et également à travers les symboles, le baptême s’étend à toute notre vie. Cette réalité des promesses, des renoncements, des invocations, est une réalité qui dure toute notre vie, car nous sommes toujours en chemin baptismal, en chemin catéchuménal, à travers ces paroles et la réalisation de ces paroles. Le sacrement du baptême n’est pas un acte d’une heure, mais une réalité de toute notre vie, c’est un chemin de toute notre vie. En réalité, derrière cela, il y a également la doctrine des deux voies, qui était fondamentale au début du christianisme : une voie à laquelle nous disons « non » et une voie à laquelle nous disons « oui ».
Commençons par la première partie, les renoncements. Ils sont au nombre de trois et je prends avant tout le deuxième : « Renoncez-vous aux séductions du mal pour ne pas vous laisser dominer par le péché ? ». Que sont ces séductions du mal ? Dans l’Église antique, et encore pendant des siècles, il y avait l’expression : « Renoncez-vous aux pompes du diable ? », et aujourd’hui, nous savons ce que l’on entendait par cette expression « pompes du diable ». Les pompes du diable étaient surtout les grands spectacles sanglants, où la cruauté devient divertissement, où tuer des hommes devient quelque chose de spectaculaire : le spectacle devient la vie et la mort d’un homme. Ces spectacles sanglants, ce divertissement du mal sont les « pompes du diable », où il apparaît sous une apparente beauté mais en réalité, il apparaît sous toute sa cruauté. Mais au-delà de cette signification immédiate de la parole « pompes du diable », on voulait parler d’un type de culture, d’un way of life, d’un mode de vivre où ne compte plus la vérité mais l’apparence, où l’on ne recherche pas la vérité, mais l’effet, la sensation, et, sous le prétexte de la vérité, en réalité, on détruit les hommes, on veut détruire et ne se créer que soi-même comme vainqueurs. Ce renoncement était donc très réel : c’était le renoncement à un type de culture qui est une anti-culture, contre le Christ et contre Dieu. On décidait contre une culture qui, dans l’Évangile de saint Jean, est appelée « kosmos houtos », « ce monde ». Avec « ce monde », naturellement, Jean et Jésus ne parlent pas de la Création de Dieu, de l’homme en tant que tel, mais parlent d’une certaine créature qui est dominante, qui s’impose comme si c’était cela le monde, et comme si c’était cela la façon de vivre qui s’impose. Je laisse à présent à chacun de vous le soin de réfléchir sur ces « pompes du diable », sur cette culture à laquelle nous disons « non ». Être baptisés signifie précisément en substance s’émanciper, se libérer de cette culture. Nous connaissons également aujourd’hui un type de culture dans laquelle la vérité ne compte pas; même si apparemment, on veut faire apparaître toute la vérité, seule la sensation compte et l’esprit de calomnie et de destruction. Une culture qui ne recherche pas le bien, dont le moralisme est, en réalité, un masque pour tromper, créer la confusion et la destruction. Contre cette culture, dans laquelle le mensonge se présente sous la forme de la vérité et de l’information, contre cette culture qui ne recherche que le bien-être matériel et nie Dieu, nous disons « non ». Nous connaissons bien également à partir de nombreux Psaumes cette opposition entre une culture dans laquelle on semble intouchable contre tous les maux du monde, on se place au-dessus de tous, en particulier de Dieu, alors qu’au contraire, c’est une culture du mal, une domination du mal. Et ainsi, la décision du baptême, cette partie du chemin néocatéchuménal qui dure toute notre vie, est précisément ce « non », prononcé et réalisé à nouveau chaque jour, même à travers les sacrifices qu’exige le fait de s’opposer à la culture dominante en grande partie dominante, même si elle s’imposait comme si elle était le monde, ce monde : ce n’est pas vrai. Et il y a également de nombreuses personnes qui désirent vraiment la vérité.
Ainsi, nous arrivons au premier renoncement : « Renoncez-vous au péché pour vivre dans la liberté des fils de Dieu ? ». Aujourd’hui, liberté et vie chrétienne, observance des commandements de Dieu, vont dans des directions opposées; être chrétiens serait comme un esclavage; la liberté signifie s’émanciper de la foi chrétienne, s’émanciper — en fin de compte — de Dieu. Le terme de péché apparaît à de nombreuses personnes presque ridicule, car elles disent : « Mais comment! Nous ne pouvons pas offenser Dieu ! Dieu est si grand, cela ne l’intéresse pas si je commets une petite erreur ! Nous ne pouvons pas offenser Dieu, son intérêt est trop grand pour que nous l’offensions ». Cela semble vrai, mais ce n’est pas vrai. Dieu s’est fait vulnérable. Dans le Christ crucifié, nous voyons que Dieu s’est fait vulnérable, il s’est fait vulnérable jusqu’à la mort. Dieu s’intéresse à nous parce qu’il nous aime et l’amour de Dieu est vulnérabilité, l’amour de Dieu est intérêt de l’homme, l’amour de Dieu signifie que notre première préoccupation doit être ne pas blesser, ne pas détruire son amour, ne rien faire contre son amour car sinon, nous vivons aussi contre nous-mêmes et contre notre liberté. Et, en réalité, cette apparente liberté dans l’émancipation de Dieu devient immédiatement un esclavage de nombreuses dictatures du temps, qui doivent être suivies pour être considérées à la hauteur du temps.
Et enfin : « Renoncez-vous à Satan ? ». Cela nous dit qu’il y a un « oui » à Dieu et un « non » au pouvoir du Malin qui coordonne toutes ces activités et veut se faire le dieu de ce monde, comme nous le dit encore saint Jean. Mais il n’est pas Dieu, il n’est que l’adversaire, et nous ne nous soumettons pas à son pouvoir ; nous disons «non» parce que nous disons « oui », un « oui » fondamental, le « oui » de l’amour et de la vérité. Ces trois renoncements, dans le rite du baptême, dans l’antiquité, étaient accompagnés de trois immersions : immersion dans l’eau comme symbole de la mort, d’un « non » qui est réellement la mort d’un type de vie et la résurrection à une autre vie. Nous y reviendrons. Puis la confession en trois questions : « Croyez-vous en Dieu le Père tout-puissant, Créateur ; en Jésus Christ et, enfin, en l’Esprit Saint et en l’Église ?» Cette formule, ces trois parties, ont été développées à partir de la Parole du Seigneur « baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » ; ces paroles sont concrétisées et approfondies : que veut dire Père, que veut dire Fils — toute la foi dans le Christ, toute la réalité du Dieu fait homme — et que veut dire croire, être baptisés dans l’Esprit Saint, c’est-à-dire toute l’action de Dieu dans l’histoire, dans l’Église, dans la communion des saints. Ainsi, la formule positive du baptême est aussi un dialogue : elle n’est pas simplement une formule. Surtout, la confession de la foi n’est pas seulement une chose à comprendre, une chose intellectuelle, une chose à mémoriser — même si c’est aussi cela, bien sûr — elle touche aussi à l’intelligence, elle touche aussi avant tout à notre existence. Et cela me semble très important. Ce n’est pas quelque chose d’intellectuel, une pure formule. C’est un dialogue de Dieu avec nous, une action de Dieu avec nous, et notre réponse, c’est un chemin. La vérité du Christ ne peut se comprendre que si sa voie est comprise. Ce n’est que si nous acceptons le Christ comme une voie en commençant réellement à être dans la voie du Christ que nous pouvons aussi comprendre la vérité du Christ. La vérité qui n’est pas vécue ne s’ouvre pas; seule la vérité vécue, la vérité acceptée comme mode de vie, comme chemin, s’ouvre aussi comme vérité dans toute sa richesse et sa profondeur. Cette formule est donc une voie, c’est une expression de notre conversion, d’une action de Dieu. Et nous voulons réellement que cela soit présent dans toute notre vie également: que nous sommes en communion de chemin avec Dieu, avec le Christ. Et ainsi, nous sommes en communion avec la vérité : en vivant la vérité, la vérité devient la vie et en vivant cette vie, nous trouvons aussi la vérité.
À présent, passons à l’élément matériel: l’eau. Il est très important de voir les deux significations de l’eau. D’une part, l’eau fait penser à la mer, et surtout à la Mer Rouge, à la mort dans la Mer Rouge. À travers la mer est représentée la force de la mort, la nécessité de mourir pour arriver à une nouvelle vie. Cela me semble très important. Le baptême n’est pas seulement une cérémonie, un rituel introduit il y a longtemps, et il ne consiste pas non plus seulement à se laver, ce n’est pas une opération cosmétique. C’est bien plus que se laver: il est mort et vie, il est mort d’une certaine existence et renaissance, résurrection à une vie nouvelle. C’est la profondeur de l’être chrétien, non seulement c’est quelque chose qui s’ajoute, mais c’est une nouvelle naissance. Après avoir traversé la Mer Rouge, nous sommes renouvelés. Ainsi la mer, dans toutes les expériences de l’Ancien Testament, est-elle devenue pour les chrétiens le symbole de la Croix. Parce que c’est uniquement à travers la mort, un renoncement radical dans lequel on meurt à un certain type de vie, que l’on peut réaliser la renaissance et qu’il peut réellement y avoir une nouvelle vie. C’est une partie de la symbolique de l’eau: elle symbolise — surtout dans les immersions de l’antiquité — la Mer Rouge, la mort, la Croix. Ce n’est qu’à partir de la Croix que l’on parvient à la nouvelle vie et cela se réalise chaque jour. Sans cette mort toujours renouvelée, nous ne pouvons pas renouveler la vraie vitalité de la nouvelle vie du Christ.
Mais l’autre symbole est celui de la source. L’eau est l’origine de toute la vie; au-delà de la symbolique de la mort, elle est aussi le symbole de la nouvelle vie. Toute vie vient aussi de l’eau, de l’eau qui vient du Christ comme la vraie vie nouvelle qui nous accompagne vers l’éternité.
Enfin, il reste une question — quelques mots seulement — du baptême des enfants. Est-il juste de le faire, ou serait-il plus nécessaire de faire d’abord le chemin catéchuménal pour arriver à un baptême vraiment réalisé ? Et l’autre question qui se pose toujours est : « Mais pouvons-nous imposer à un enfant quelle religion il veut vivre ou non ? Ne devons-nous pas laisser le choix à cet enfant ? ». Ces questions montrent que nous ne voyons plus dans la foi chrétienne la vie nouvelle, la vraie vie, mais que nous voyons un choix parmi d’autres, plus encore, un poids qu’il ne faudrait pas imposer sans avoir eu l’assentiment du sujet. La réalité est différente. La vie elle-même nous est donnée sans que nous puissions choisir si nous voulons vivre au non ; on ne peut demander à personne : « Veux-tu être né ou pas ? ». La vie elle-même nous est donnée par nécessité sans assentiment préalable, elle nous est donnée ainsi et nous ne pouvons pas décider avant « oui ou non, je veux vivre ou non ». Et, en réalité, la vraie question est : « Est-il juste de donner la vie dans ce monde sans avoir eu un assentiment — veux-tu vivre ou non ? Peut-on réellement anticiper la vie, donner la vie sans que le sujet ait eu la possibilité de décider ? ». Je dirais : cela est possible et cela est juste uniquement si, avec la vie, nous pouvons donner aussi la garantie que la vie, avec tous les problèmes du monde, est bonne, qu’il est bon de vivre, qu’il y a une garantie que cette vie est bonne, qu’elle est protégée par Dieu et qu’elle est un don véritable. Seule l’anticipation du sens justifie l’anticipation de la vie. Et par conséquent, le baptême, comme garantie du bien de Dieu, comme anticipation du sens, du « oui » de Dieu qui protège cette vie, justifie aussi l’anticipation de la vie. Par conséquent, le baptême des enfants n’est pas contre la liberté; il est précisément nécessaire de donner cela, pour justifier aussi le don — autrement discutable — de la vie. Seule la vie qui est entre les mains de Dieu, entre les mains du Christ, immergée dans le nom du Dieu trinitaire, est assurément un bien que l’on peut donner sans scrupule. Et ainsi sommes-nous reconnaissants à Dieu qui nous a donné ce don, qui lui-même s’est donné à nous. Et notre défi est de vivre ce don, de vivre réellement, dans un chemin post-baptismal, tout autant les renoncements que le «oui» et de vivre toujours dans le grand «oui» de Dieu, et ainsi de vivre bien.
2013
13 janvier 2013 – Homélie de Benoit XVI lors de la Messe célébrée Chapelle Sixtine
La joie qui naît de la célébration du Saint Noël trouve aujourd’hui son accomplissement dans la fête du baptême du Seigneur. À cette joie vient s’ajouter un motif supplémentaire pour nous qui sommes réunis ici : dans le sacrement du baptême, que j’administrerai dans quelques instants à ces nouveau-nés, se manifeste en effet la présence vivante et agissante de l’Esprit Saint qui, enrichissant l’Église de nouveaux enfants, la vivifie et la fait croître, et nous ne pouvons que nous réjouir de cela. Je désire adresser un salut particulier à vous, chers parents, parrains et marraines, qui témoignez aujourd’hui de votre foi en demandant le baptême pour ces enfants, pour qu’ils soient engendrés à la vie nouvelle dans le Christ et entrent dans la communauté des croyants.
Le récit évangélique du baptême de Jésus, que nous avons écouté aujourd’hui selon la version de saint Luc, montre la voie de l’abaissement et de l’humilité, que le Fils de Dieu a choisie librement pour adhérer au dessein du Père, pour être obéissant à sa volonté d’amour envers l’homme en tout, jusqu’au sacrifice sur la croix. Désormais devenu adulte, Jésus commence son ministère public en se rendant au fleuve Jourdain pour recevoir de Jean un baptême de pénitence et de conversion. Il se produit ce qui à nos yeux pourrait apparaître paradoxal. Jésus a-t-il besoin de pénitence et de conversion ? Assurément pas. Et pourtant, c’est précisément Celui qui est sans péché qui se place parmi les pécheurs pour se faire baptiser, pour accomplir ce geste de pénitence ; le Saint de Dieu s’unit à ceux qui se reconnaissent comme ayant besoin de pardon et demandent à Dieu le don de la conversion, c’est-à-dire la grâce de revenir à Lui de tout leur c½ur, pour lui appartenir complètement. Jésus veut se mettre du côté des pécheurs, devenant solidaire avec eux, exprimant la proximité de Dieu. Jésus se montre solidaire avec nous, avec notre difficulté à nous convertir, à abandonner nos égoïsmes, à nous détacher de nos péchés, pour nous dire que si nous l’acceptons dans notre vie, Il est capable de nous relever et de nous conduire à la hauteur de Dieu le Père. Et cette solidarité de Jésus n’est pas, pour ainsi dire, un simple exercice de l’esprit et de la volonté. Jésus s’est réellement plongé dans notre condition humaine, il l’a vécue jusqu’au bout, en dehors du péché, et il est en mesure d’en comprendre la faiblesse et la fragilité. C’est pourquoi il ressent de la compassion, il choisit de « souffrir avec » les hommes, de devenir pénitent avec nous. Telle est l’½uvre de Dieu que Jésus veut accomplir: la mission divine de panser celui qui est blessé et de soigner celui qui est malade, de prendre sur lui le péché du monde.
Que se passe-t-il au moment où Jésus se fait baptiser par Jean ? Face à cet acte d’amour humble de la part du Fils de Dieu, les cieux s’ouvrent et l’Esprit Saint se manifeste de manière visible sous la forme d’une colombe, alors qu’une voix d’en-haut exprime la satisfaction du Père, qui reconnaît le Fils unique, le Bien-aimé. Il s’agit d’une véritable manifestation de la Très Sainte Trinité, qui rend témoignage de la divinité de Jésus, du fait qu’il est le Messie promis, Celui que Dieu a envoyé libérer son peuple, pour qu’il soit sauvé (cf. Is 40, 2). C’est ainsi que se réalise la prophétie d’Isaïe que nous avons écoutée dans la première Lecture : le Seigneur Dieu vient avec puissance pour détruire les ½uvres du péché et son bras exerce sa domination pour désarmer le Malin ; mais gardons à l’esprit que ce bras est le bras étendu sur la croix et que la puissance du Christ est la puissance de Celui qui souffre pour nous : tel est le pouvoir de Dieu, différent du pouvoir du monde ; ainsi, Dieu vient avec puissance pour détruire le péché. Jésus agit vraiment comme le Bon Pasteur qui fait paître le troupeau et le rassemble, pour qu’il ne se disperse pas (cf. Is 40, 10-11), et il offre sa propre vie pour qu’il ait la vie. C’est par sa mort rédemptrice que l’homme est libéré de la domination du péché et qu’il est réconcilié avec le Père ; c’est par sa résurrection que l’homme est sauvé de la mort éternelle et qu’il vainc le Malin.
Chers frères et s½urs, que se passe-t-il dans le baptême que j’administrerai d’ici peu à vos enfants ? C’est précisément cela qui se passe : ils seront unis de manière profonde et pour toujours avec Jésus, plongés dans le mystère de sa puissance, de son pouvoir, c’est-à-dire dans le mystère de sa mort, qui est source de vie, pour participer à sa résurrection, pour renaître à une vie nouvelle. Voilà le prodige qui se répète aujourd’hui aussi pour vos enfants : en recevant le baptême, ils renaissent comme fils de Dieu, participant à la relation filiale que Jésus a avec le Père, capables de s’adresser à Dieu en l’appelant avec une familiarité et une confiance totales : « Abbà, Père ». Sur vos enfants aussi le ciel est ouvert, et Dieu dit : ce sont mes enfants, les enfants en qui je me complais. Insérés dans cette relation et libérés du péché originel, ils deviennent des membres vivants de l’unique corps qui est l’Église et ils sont en mesure de vivre en plénitude leur vocation à la sainteté, de manière a pouvoir ainsi hériter la vie éternelle, qui nous a été obtenue par la résurrection de Jésus.
Chers parents, en demandant le baptême pour vos enfants, vous manifestez et vous témoignez votre foi, la joie d’être chrétiens et d’appartenir à l’Église. C’est la joie qui naît de la conscience d’avoir reçu un grand don de Dieu, la foi précisément, un don que personne de nous n’a pu mériter, mais qui nous a été donné gratuitement et auquel nous avons pu répondre avec notre « oui ». C’est la joie de nous reconnaître comme fils de Dieu, de découvrir que nous sommes placés entre ses mains, de nous sentir accueillis dans une étreinte d’amour, de la même manière qu’une mère soutient et embrasse son enfant. Cette joie, qui oriente le chemin de chaque chrétien, se fonde sur le rapport personnel avec Jésus, un rapport qui oriente toute l’existence humaine. C’est Lui, en effet, le sens de notre vie, Celui sur qui il vaut la peine de garder le regard fixé, pour être illuminés par sa Vérité et pour pouvoir vivre en plénitude. Le chemin de la foi qui commence aujourd’hui pour ces enfants, se fonde donc sur une certitude, sur l’expérience qu’il n’y a rien de plus grand que connaître le Christ et communiquer aux autres l’amitié avec Lui; ce n’est que dans cette amitié que s’ouvrent réellement les grandes potentialités de la condition humaine et que nous pouvons expérimenter ce qui est beau et ce qui libère (cf. Homélie lors de la Messe pour le début du pontificat, 24 avril 2005). Celui qui a fait cette expérience n’est pas disposé à renoncer à sa foi pour rien au monde.
À vous, chers parrains et marraines, revient la tâche importante de soutenir et d’aider l’½uvre éducative des parents, en les soutenant dans la transmission de la vérité de la foi et dans le témoignage des valeurs de l’Évangile, en les aidant à faire grandir ces enfants dans une amitié toujours plus profonde avec le Seigneur. Sachez toujours leur offrir votre bon exemple, à travers l’exercice des vertus chrétiennes. Il n’est pas facile de manifester ouvertement et sans compromis ce en quoi l’on croit, en particulier dans le contexte dans lequel nous vivons, face à une société qui considère souvent démodés et dépassés ceux qui vivent de la foi en Jésus. Suivant cette mentalité, il peut exister également chez les chrétiens le risque de concevoir la relation avec Jésus comme limitante, comme quelque chose qui freine la propre réalisation personnelle ; « Dieu est vu comme la limite à notre liberté, une limite à éliminer afin que l’homme puisse être totalement lui-même » (L’enfance de Jésus). Mais il n’en est pas ainsi ! Cette vision montre ne rien avoir compris de la relation avec Dieu, car c’est précisément à mesure que l’on avance sur le chemin de la foi que l’on comprend que Jésus exerce sur nous l’action libératrice de l’amour de Dieu, qui nous fait sortir de notre égoïsme, de notre repli sur nous-mêmes, pour nous conduire à une vie en plénitude, en communion avec Dieu et ouverte aux autres. « “Dieu est amour: celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui” (1 Jn 4, 16). Ces paroles de la Première Lettre de saint Jean expriment avec une clarté particulière ce qui fait le centre de la foi chrétienne : l’image chrétienne de Dieu, ainsi que l'image de l'homme et de son chemin, qui en découle » (Enc. Deus caritas est, n. 1).
L’eau avec laquelle ces enfants seront marqués au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, les plongera dans cette « source » de vie qui est Dieu lui-même et qui fera d’eux ses véritables enfants. Et la semence des vertus théologales, transmise par Dieu, la foi, l’espérance et la charité, une semence qui est aujourd’hui placée dans leur c½ur par la puissance de l’Esprit Saint, devra toujours être alimentée par la Parole de Dieu et par les Sacrements, de manière à ce que ces vertus du chrétien puissent croître et parvenir à leur pleine maturité, jusqu’à faire de chacun de nous un véritable témoin du Seigneur. Alors que nous invoquons sur ces petits enfants l’effusion de l’Esprit Saint, nous les confions à la protection de la Sainte Vierge ; qu’elle les garde toujours avec sa présence maternelle et les accompagne à chaque moment de leur vie. Amen.
13 janvier 2013 – Méditation de Benoit XVI lors de la prière de l’Angelus
Avec ce dimanche après l’Epiphanie se conclut le Temps liturgique de Noël : temps de lumière, la lumière du Christ qui, comme nouveau soleil apparu sur l’horizon de l’humanité, disperse les enfant, fils de la Vierge, que nous avons contemplé dans le mystère de sa naissance, nous le voyons aujourd’hui adulte s’immergeant dans les eaux du fleuve du Jourdain, et sanctifier ainsi toutes les eaux de l’univers tout entier — comme le met en évidence la tradition orientale. Mais pourquoi Jésus, en qui il n’y avait pas l’ombre du péché, est-il allé se faire baptiser par Jean ? Parce qu’il voulait accomplir ce geste de pénitence et de conversion, avec toutes les personnes qui ainsi voulaient se préparer à la venue du Messie ? Ce geste — qui marque le commencement de la vie publique du Christ — est dans la même ligne que l’Incarnation, la descente de Dieu du plus haut des cieux jusqu’à l’abîme des enfers. Le sens de ce mouvement d’abaissement divin se résume en un seul mot : amour, qui est le nom même de Dieu. L’apôtre Jean écrit : « Voici comment Dieu a manifesté son amour parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui », et il l’a envoyé « comme la victime offerte pour nos péchés » (1 Jn 4, 9-10). Voici pourquoi le premier acte public de Jésus fut de recevoir le baptême de Jean, qui a dit, en le voyant arriver : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29).
L’évangéliste Luc raconte qu’alors que Jésus priait, après avoir reçu le baptême, « le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre : “C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré” » (3, 21-22). Ce Jésus est le Fils de Dieu qui est totalement plongé dans la volonté d’amour du Père. Ce Jésus est Celui qui mourra sur la croix et ressuscitera par la puissance de l’Esprit qui aujourd’hui descend sur Lui et le consacre. Ce Jésus est l’homme nouveau qui veut vivre en fils de Dieu, c’est-à-dire dans l’amour ; l’homme qui, en face du mal du monde, choisit la voie de l’humilité et de la responsabilité, choisit non pas de se sauver lui-même, mais d’offrir sa vie pour la vérité et la justice. Être chrétiens signifie vivre ainsi, mais ce genre de vie comporte une renaissance : renaître d’en-haut, de Dieu, de la Grâce. Cette renaissance est le baptême, que le Christ a donné à l’Église pour régénérer les hommes à une vie nouvelle. Un texte ancien attribué à saint Hippolyte l’affirme : « Qui descend avec foi dans ce bain de régénération, renonce au diable et se range avec le Christ, renie l’ennemi et reconnaît que le Christ est Dieu, se déshabille de l’esclavage et revêt l’adoption filiale » (Discours sur l’Épiphanie, 10 : pg 10, 862).
Selon la tradition, ce matin, j’ai eu la joie de baptiser un bon groupe d’enfants qui sont nés ces derniers trois ou quatre mois. À cette occasion, je voudrais étendre ma prière et ma bénédiction à tous les nouveau-nés ; mais surtout inviter tous à nous rappeler de notre baptême, de cette renaissance spirituelle qui nous a ouvert le chemin de la vie éternelle. Que chaque chrétien puisse, en cette Année de la foi, redécouvrir la beauté d’être renés d’en-haut, de l’amour de Dieu, et de vivre comme fils de Dieu.
13 janvier 2013 – Benoit XVI aux francophones, au terme de l’Angelus
Chers pèlerins francophones, la fête du baptême de Jésus nous fait nous souvenir de notre baptême. Ce jour-là, nous sommes devenus enfants de Dieu, appelés à être dans le monde des témoins de l’amour de Dieu pour chaque personne.