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La Commission européenne autorise la « pilule du surlendemain » - PO Arduin 3.9.2009

Publié dans Liberté Politique 3.9.2009

 

 

 

Promoteur du Norlevo, le laboratoire HRA Pharma vient d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché européen d'un contraceptif d'urgence de nouvelle génération, l'Ellaone. Malgré l'échec de la contraception d'urgence pour enrayer la progression de l'avortement chez les jeunes, les affaires continuent...

Pilule du lendemain : dix déjà

Eté 1999, la France est le premier pays au monde à autoriser ses officines à vendre la pilule du lendemain. Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l'Enseignement scolaire, transforme l'essai en dotant notre pays d'un arsenal législatif « révolutionnaire » : la loi du 13 décembre 2000 relative à la contraception d'urgence [1].

Celle-ci pose solennellement que les produits ayant pour but la contraception d'urgence ne seront plus soumis à prescription médicale. Elle précise également que la minorité constitue une condition de dispensation à titre gratuit. Enfin, elle retire le monopole de la délivrance aux pharmaciens en autorisant les infirmières scolaires à l'administrer « dans les cas d'urgence et de détresse caractérisée ». Dans tous les cas, le consentement parental est supprimé.

Aujourd'hui le pharmacien est tenu de délivrer gratuitement la pilule du lendemain sur simple déclaration orale de la jeune fille. Il n'a en effet aucun droit d'exiger la preuve de l'âge de l'intéressée qui a toute latitude pour tricher sur ce point. Ce n'est qu'ensuite qu'il peut se faire rembourser en envoyant à la caisse d'assurance maladie dont il dépend une feuille de soins anonyme sur laquelle est collée la vignette de la boîte délivrée. La Sécurité sociale de son côté ne peut donc pas plus assurer un contrôle sur l'âge de la demandeuse. Il revient en outre au pharmacien, au cours d'un entretien réglementairement prévu, de donner à sa cliente une information exhaustive sur la contraception, de lui remettre un document relatif au sujet et de lui communiquer les coordonnées du centre de planification le plus proche, lesquels ont d'ailleurs le droit de prescrire des IVG médicamenteuses de rattrapage depuis la publication du décret du 6 mai 2009 [2]. La délivrance au sein de l'Éducation nationale est venue compléter le dispositif, que la jeune fille soit mineure ou majeure.

Cette double stratégie vise à toucher les jeunes femmes partout où elles se trouvent, collèges, lycées et universités. Et atteindre l'ensemble de la population féminine dans des lieux disponibles sept jours sur sept : les pharmacies réparties de façon optimale sur l'ensemble du territoire. Tout ceci dans le but officiel affiché de diminuer le recours à l'IVG, objectif des pouvoirs publics qui n'ont cessé de promouvoir la contraception d'urgence depuis dix ans.

Monopole et chantage

Concrètement, l'État permet au laboratoire français HRA Pharma d'engranger un joli pactole puisqu'il détient l'exclusivité de la distribution de la pilule du lendemain, le Norlevo [3]. Avec 1 210 000 boîtes vendues en 2008, soit une progression de plus de 20 % depuis 2006, l'industriel pharmaceutique peut se frotter les mains. Pour fêter les dix ans de sa pilule, HRA Pharma s'est fendu d'un communiqué pour nous expliquer doctement que le Norlevo est cependant encore largement sous-employé. Le fabricant, nullement embarrassé par ses habits de juge et partie qu'il endosse sans états d'âmes, estime en effet à 24 millions le nombre de rapports sexuels « à risques » suite à un raté de la contraception hormonale ou à un échec dans l'utilisation du préservatif. De quoi s'assurer à l'avenir de confortables marges de progression dans la conquête de ce marché très lucratif. Loin de se cantonner à la contraception d'urgence, HRA pharma est également le fabriquant du Gymiso, une prostaglandine indispensable au protocole de l'IVG chimique puisque c'est cette molécule qui permet de finaliser l'acte abortif en expulsant l'enfant décédé in utero après ingestion du RU-486. Encore une bonne affaire pour HRA Pharma quand on sait que l'IVG médicamenteuse représente en France quasiment la moitié des 210 000 avortements annuels et que la procédure est appelée à devenir une pratique courante en ambulatoire, tant dans les pays occidentaux que les pays émergents.

En menant une enquête rapide sur son site Internet, on apprend en outre que l'industriel pharmaceutique a fait de la santé reproductive son cheval de bataille (www.actionshrapharma.com). Adopté initialement par les agences onusiennes, le concept de santé sexuelle et reproductive fait désormais partie du vocabulaire commun de toutes les lobbies et organisations non gouvernementales militant en France et dans le monde pour la reconnaissance effective de droits universels à la contraception et à l'avortement. HRA Pharma se présente comme une start-up techno-pharmaceutique commercialisant des produits répondant à cette idéologie d'un contrôle drastique des naissances –le fameux birth control onusien – et à l'instauration de droits reproductifs effectifs partout sur la planète. Autant de revendications véhiculées par exemple par l'institution Population Concil des Nations-unies dont l'industriel français est partenaire officiel. Benoît XVI a stigmatisé explicitement ces politiques sanitaires de contrôle démographique dans sa dernière encyclique Caritas in veritate, osant même rappeler que les aides au développement promises par les pays riches sont parfois fonction de la réponse des pays pauvres à diffuser ces produits en direction de leur population. Le Pape n'a pas craint de dénoncer ce chantage international inadmissible en rappelant que « l'ouverture à la vie est au centre du vrai développement » (n. 28).

En ce domaine, le labo français affirme œuvrer en faveur de « l'humanitaire » dans les pays les plus pauvres de la planète. Cette fois-ci en favorisant la diffusion de son stérilet Mona Lisa NT Cu380, « particulièrement adapté aux pays défavorisés ». Pour cinq dispositifs intra-utérins au cuivre prescrits en France, un est posé gratuitement en Afrique : tel est le slogan accrocheur d'une campagne de mobilisation auprès des médecins et des femmes, complaisamment relayée dans les médias. Sous-entendu, prescrivez et faites-vous prescrire du Mona Lisa, vous faites par-dessus le marché une bonne action en faveur des femmes africaines ! HRA Pharma se targue ainsi à travers son programme Mona Lisa en Afrique d'avoir assuré la pose de 4000 stérilets au Sénégal et au Niger (pays le plus pauvre du monde) tout en veillant à former sur place des médecins et des sages-femmes à cette fin. L'industriel ne tarit d'ailleurs pas d'éloges sur cette opération qui devrait s'étendre à d'autres pays.

Le Norlevo n'est pas en reste. 14 400 boîtes ont été fournies dans des kits d'urgence aux victimes du tsunami en 2004. HRA Pharma a approvisionné gratuitement la Côte d'Ivoire, le Congo, la Guinée, le Mali et le Maroc à hauteur de 10 000 boîtes chacun. But avoué : introduire la contraception d'urgence dans les plannings familiaux locaux et leur permettre de faire de substantiels profits – chaque produit est vendu aux femmes un tiers du prix du privé (900 francs CFA vs 3600 dans les pharmacies) – pour se réapprovisionner ultérieurement en… Norlevo. Plusieurs opérations similaires ont été conduites au Cameroun, au Ghana ou en Angola.

L'échec de la contraception d'urgence

Ce n'est pas tout. Se présentant comme une « société pionnière dans les domaines de la santé reproductive et de l'endocrinologie », HRA Pharma annonce avoir spécifiquement conçu et développé un produit de nouvelle génération pour une indication de contraception d'urgence. Après avoir obtenu l'avis positif en mars dernier du Comité des spécialités pharmaceutiques à usage humain (CHPM) de l'Agence européenne du médicament, la Commission européenne vient de lui délivrer une autorisation de mise sur le marché pour l'ensemble de l'Union européenne, une décision prise à l'unanimité des États membres (15 mai 2009). Commercialisé sous le nom d'Ellaone, il sera d'abord diffusé au Royaume-Uni et en Allemagne. La France suivra à la fin de l'année.

Baptisée d'ores et déjà pilule du surlendemain pour la distinguer du Norlevo, l'Ellaone peut en effet être absorbée en une seule prise d'un comprimé dans les cinq jours qui suivent un rapport sexuel non protégé avec un taux d'efficacité qui avoisine les 95%. Contre 48 heures pour la pilule du lendemain classique et un taux d'efficacité qui décroissait assez rapidement. Le principe actif, l'ulipristal acétate, se fixe sur les récepteurs auxquels se lie normalement la progestérone, l'hormone de la grossesse. Si une des conséquences peut être le blocage de l'ovulation, le mécanisme d'action possiblement abortif ne laisse planer aucun doute : en cas de fécondation, l'embryon ne pourra s'implanter dans une muqueuse utérine rendue impropre à la nidation. On remarquera d'ailleurs que ses propriétés moléculaires le font ressembler au RU-486 lui-même qui est chimiquement un analogue structural de la progestérone, capable également de piéger ses récepteurs.

Raison de cette fièvre dans la recherche pharmaceutique ? Faire baisser à travers le monde le nombre de « grossesses non désirées ». En France, force est pourtant de constater que la diffusion de la contraception d'urgence s'est soldée par un échec retentissant sur le terrain. Sa consommation a explosé, passant de 1 million de boîtes vendues en 2006 à 1 million 200 mille l'année passée. Ce sont près de 33 % des 15-24 ans entre 2005 et 2006 qui déclarent y avoir eu recours via les pharmacies ou les infirmeries scolaires du second degré [4]. Or on a enregistré de manière concomitante une augmentation de 9 % des IVG chez les moins de 18 ans au cours de la même période ! Même le député UMP Bérengère Poletti, fervente défenseur de son usage, a été obligée de l'écrire noir sur blanc dans son rapport d'information sur l'application de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'IVG et à la contraception : « Le développement de la contraception d'urgence n'a pas eu d'impact significatif sur le recours à l'IVG [5]. » Mêmes conclusions au Royaume-Uni ou au Chili.

L'inefficacité de la pilule du lendemain n'aurait pas dû surprendre la mission parlementaire et les acteurs de la santé publique. Une méta-étude internationale de très belle facture conduite dans dix pays avait déjà démontré fin 2007, statistiques à l'appui, que la contraception d'urgence n'avait strictement aucun effet pour infléchir le nombre d'avortements [6]. L'Ellaone a beau être présenté comme un contraceptif d'urgence de nouvelle génération, il ne changera rien à ce constat accablant.

 

 


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[1] Loi n. 2000-1209 du 13 décembre 2000 relative à la contraception d'urgence et ses décrets d'application n. 2001-258 du 27 mars 2001 et n. 2002-39 du 9 janvier 2002 (relatif à la délivrance aux mineures des médicaments ayant pour but la contraception d'urgence).
[2] Décret n. 2009-516 du 6 mai 2009 relatif aux interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse. Le texte stipule que le président du Conseil général peut passer convention avec un centre de planification ou d'éducation familiale, un centre de santé ou un praticien pour organiser la pratique d'IVG médicamenteuses. Les centres de planification ou d'éducation familiale peuvent s'approvisionner en médicaments nécessaires à la réalisation d'une IVG même si le centre ne dispose pas de pharmacie.
[3] Norlevo (lévonorgestrel), prise d'un comprimé de 1,5 mg dans un délai de 72 heures après un rapport sexuel non protégé ou en cas d'échec d'une méthode contraceptive. L'efficacité ne dépasse pas les 85 % dans les meilleures cohortes. Pour l'étude de son mécanisme d'action, en partie anti-nidatoire, dont abortif, voir notre précédent article Pilule du lendemain : mensonges, mensonges, Décryptage du 9 janvier 2009.
[4] 14 268 élèves des collèges et lycées de 29 académies ont eu recours à la pilule du lendemain entre septembre 2005 et juin 2006, in Berengère Poletti (UMP), Rapport d'information sur l'application de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'IVG et à la contraception, Assemblée nationale, 22 octobre 2008.
[5] Berengère Poletti (UMP), Rapport d'information sur l'application de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'IVG et à la contraception, Assemblée nationale, 22 octobre 2008, p. 9.
[6] Élisabeth Raymond, James Trussel and Chelsea Polis, “Population effect of increased access to emergency contraceptive pills”, Obstetrics and Gynecology 2007; 109 : 181-188.
 

publié le : 04 septembre 2009

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