Le nouveau rapport Léonetti
par Tugdual Derville
paru dans France Catholique
lundi 8 décembre 2008
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Le député Jean Léonetti (UMP) a une fois de plus conduit de main de maître un débat difficile, lui qui présidera bientôt les états-généraux de la bioéthique. Deux nouveaux tomes de travail parlementaire sont venus s'ajouter à ceux qui avaient précédé le vote unanime de « sa » loi fin de vie, en 2005. Cette fois, c'est un travail d'évaluation de cette loi qui fait l'objet d'une nouvelle publication. Entre temps, quelques décès emblématiques, instrumentalisés par le lobby de l'euthanasie, ont nourri le débat. Jean Leonetti n'y voit pas le motif de sa démarche d'évaluation, prévue dès l'origine de sa loi. Mais il n'a pu les ignorer. Affaire Sébire, affaire Pierra, à chaque coup de boutoir d'une dialectique marquée par l'exploitation de l'émotion publique, le député UMP répond par la réflexion et la consultation.
Certes, sa loi ne fait que rassembler, pour l'essentiel, des éléments anciens de la déontologie médicale (liberté du patient de refuser un traitement, refus des soins disproportionnés, droit d'être soigné jusqu'au terme de la vie) et le nouveau rapport propose surtout d'en renforcer la mise en oeuvre. Cela suppose un travail d'explication d'autant plus ardu que les leaders de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité de Jean-Luc Roméro ou de « Faut qu'on s'active », n'ont de cesse de saper l'image des services de soins palliatifs qu'ils présentent comme de sordides mouroirs.
La majorité présidentielle leur résiste dans un contexte médiatique difficile, le nouveau rapport Léonetti jouant le rôle d'amortisseur de pression. Ses vingt propositions sont dans la logique des promesses présidentielles de renforcer les soins palliatifs. L'idée d'un « congé » pour les proches d'un patient est reçue comme une innovation. Les opposants à l'euthanasie se réjouissent d'y voir renouvelé un « non » explicite à l'euthanasie, tandis que Jean-Luc Roméro proteste avec véhémence, parlant d'une « souris avortée ».
Tout en soutenant les mesures du rapport, le député socialiste Gaëtan Gorce s'en est partiellement désolidarisé puisqu'il les considère comme une étape pour « aller plus loin ». Du même camp, Manuel Vals (PS) a annoncé le dépôt d'une proposition de loi socialiste « visant à encadrer l'aide active à mourir » initiative aussitôt taxée de « folie » par Philippe Juvin, secrétaire national de l'UMP qui pointe les dérives de l'euthanasie aux Pays-Bas.
Une autre passe d'armes oppose le député Nouveau Centre Olivier Jardé qui voudrait rendre possible l'euthanasie de certains grands prématurés, à Jacques Remillé (UMP). Ce dernier lui reproche d'avoir écrit qu'un enfant né prématurément est « une vie qui n'est même pas commencée ».
Malgré la fermeté de ton de Jean Leonetti, le risque d'une dérive euthanasique reste contenu dans la façon dont il aborde certains cas difficiles. Pour Xavier Mirabel, président de l'Alliance pour les droits de la vie : « C'est encore la question de l'alimentation et de l'hydratation qui pose problème, cette fois avec la sédation : nous soutenons la possibilité de certaines sédations terminales, visant, quand on ne peut faire autrement, à soulager les personnes en fin de vie ; mais nous sommes en désaccord avec l'idée qu'on puisse masquer de cette façon les agonies délibérément provoquées par arrêt des soins vitaux que constituent alimentation et hydratation sur des personnes lourdement dépendantes ou dans un coma prolongé. » Et le cancérologue de déceler « un glissement vers le faire-mourir » dans la proposition n°12 du député.
En toile de fond, la douloureuse affaire Pierra, du nom d'un jeune homme dont les parents avaient obtenu l'arrêt de l'alimentation et d'hydratation, avant de protester contre le caractère spectaculaire de son agonie. En toile de fond également la question du suicide. Jean Léonetti croit devoir rappeler que c'est une liberté. Mais n'est-ce pas surtout un drame contre lequel la société continue heureusement à se mobiliser ? En cautionnant le suicide comme une liberté, on risque d'oublier l'importance de la prévention du passage à l'acte des personnes désespérées, voire d'encourager l'idée d'un droit au suicide assorti de moyens pour ceux qui ne peuvent mettre eux-mêmes fin à leurs jours.
De son côté, c'est un cri de protestation qu'Emmanuel Hirch a lancé dans Le Figaro, contre la promotion de l'euthanasie. Le directeur de l'espace éthique des hôpitaux de Paris en appelle à la solidarité vis-à-vis des personnes malades ou handicapées, comme d'un choix de société.