Voyages apostoliques

- Visite au camp d'Auschwitz - 28.5.2006


BENOÎT XVI EN POLOGNE



VISITE AU CAMP DE CONCENTRATION D'AUSCHWITZ

Auschwitz-Birkenau 28 mai 2006




Prendre la parole dans ce lieu d'horreur, d'accumulation de crimes contre Dieu et contre l'homme, lieu qui est sans égal au cours de l'histoire, est presque impossible - et particulièrement difficile et opprimant pour un chrétien, pour un Pape qui vient d'Allemagne. Dans un lieu comme celui-ci, les paroles manquent; en réalité, il ne peut y avoir qu'un silence effrayé - un silence qui est un cri intérieur vers Dieu: Pourquoi, Seigneur, es-tu resté silencieux? Pourquoi as-tu pu tolérer tout cela? C'est dans cette attitude de silence que nous nous inclinons au plus profond de notre être, face à l'innombrable foule de tous ceux qui ont souffert et qui ont été mis à mort; toutefois, ce silence devient ensuite une demande de pardon et de réconciliation, formulée à haute voix, un cri au Dieu vivant, afin de ne plus jamais permettre une chose semblable.

Il y a vingt-sept ans, le 7 juin 1979, le Pape Jean-Paul II était ici; il disait alors: "Je viens ici aujourd'hui en pèlerin. On sait que je suis venu ici bien des fois... Tant de fois! Et bien des fois, je suis descendu dans la cellule où Maximilien Kolbe est mort, et je me suis arrêté devant le mur de la mort et je suis passé entre les ruines des fours crématoires de Birkenau. Je ne pouvais pas ne pas venir ici comme Pape". Le Pape Jean-Paul II était ici comme fils du peuple qui, avec le peuple juif, dut souffrir le plus en ce lieu et, en général, au cours de la guerre: "Six millions de Polonais ont perdu la vie au cours de la Seconde Guerre mondiale: le cinquième de la nation", rappela alors le Pape (cf. ibid.). C'est ici qu'il éleva ensuite l'avertissement solennel au respect des droits de l'homme et des nations qu'avaient élevé avant lui ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, et il ajouta: "Celui qui prononce ces paroles [...] est le fils de la nation qui a subi de la part des autres, au cours de son histoire, de multiples vicissitudes. Il ne le dit pas pour accuser, mais pour rappeler. Il parle au nom de toutes les nations dont les droits sont violés et oubliés..." (cf. Ibid.).

Le Pape Jean-Paul II était venu ici comme un fils du peuple polonais. Aujourd'hui, je suis ici comme fils du peuple allemand, et c'est précisément pourquoi je dois et je peux dire comme lui: je ne pouvais pas ne pas venir ici. Je devais venir. C'était et c'est un devoir face à la vérité et au droit de ceux qui ont souffert, un devoir devant Dieu d'être ici, en tant que Successeur de Jean-Paul II et en tant que fils du peuple allemand - fils du peuple dans lequel un groupe de criminels arriva au pouvoir au moyen de promesses mensongères, au nom de perspectives de grandeur, au nom de l'honneur retrouvé de la nation et de son importance, par des perspectives de bien-être, mais également par la force de la terreur et de l'intimidation, de sorte que notre peuple a pu être utilisé et abusé comme instrument de leur soif de destruction et de domination. Non, je ne pouvais pas ne pas venir ici. Le 7 juin 1979, je me trouvais ici comme Archevêque de Munich-Freising parmi les nombreux Evêques qui accompagnaient le Pape, qui l'écoutaient et qui priaient avec lui. En 1980, je suis ensuite revenu une fois de plus dans ce lieu de l'horreur avec une délégation d'Evêques allemands, bouleversé par tant de mal et plein de reconnaissance parce que sur ces ténèbres avait brillé l'étoile de la réconciliation. Telle est encore la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui: pour implorer la grâce de la réconciliation - avant tout de Dieu, qui seul peut ouvrir et purifier nos coeurs; puis des hommes qui ont souffert, et enfin la grâce de la réconciliation pour tous ceux qui, en cette heure de notre histoire, souffrent à nouveau à cause du pouvoir de la haine et de la violence fomentée par la haine.

Combien de questions nous envahissent en ce lieu! La même question revient toujours à nouveau: Où était Dieu en ces jours-là? Pourquoi s'est-il tu? Comment a-t-il pu tolérer cet excès de destruction, ce triomphe du mal? Les paroles du Psaume 44, la lamentation d'Israël qui souffre, nous viennent à l'esprit: "...Tu nous broyas au séjour des chacals, nous couvrant de l'ombre de la mort [...] C'est pour toi qu'on nous massacre tout le jour, qu'on nous traite en moutons d'abattoir. Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur? Réveille-toi, ne rejette pas jusqu'à la fin: Pourquoi caches-tu ta face, oublies-tu notre oppression, notre misère? Car notre âme est effondrée en la poussière, notre ventre est collé à la terre. Debout, viens à notre aide, rachète-nous en raison de ton amour!" (Ps 44, 20.23-27). Ce cri d'angoisse que, dans la souffrance, Israël élève à Dieu dans des périodes d'extrême difficulté, est en même temps le cri d'appel à l'aide de tous ceux qui, au cours de l'histoire - hier, aujourd'hui et demain - souffrent pour l'amour de Dieu, pour l'amour de la vérité et du bien; et ils sont nombreux, aujourd'hui encore.

Nous ne sommes pas en mesure de scruter le secret de Dieu - nous ne voyons que des fragments, et ce serait une erreur que de vouloir juger Dieu et l'histoire. Nous ne défendrions pas l'homme dans ce cas, mais nous ne contribuerions qu'à sa destruction. Non - en définitive, nous devons continuer à élever vers Dieu ce cri humble mais persistant: Réveille-toi! N'oublie pas ta créature, l'homme! Et notre cri vers Dieu doit être en même temps un cri qui pénètre notre coeur lui-même, afin que s'éveille en nous la présence cachée de Dieu - afin que la force qu'il a déposée dans nos coeurs ne soit pas recouverte et étouffée en nous par la boue de l'égoïsme, de la peur des hommes, de l'indifférence et de l'opportunisme. Elevons ce cri vers Dieu, adressons-le à notre coeur lui-même, précisément en cette heure sur laquelle pèsent de nouveaux dangers, dans laquelle semblent naître à nouveau du coeur des hommes toutes les forces obscures: d'une part, l'abus du nom de Dieu pour justifier la violence aveugle contre des personnes innocentes; de l'autre, le cynisme qui ne connaît pas Dieu et qui bafoue la foi en Lui. Nous élevons un cri vers Dieu, afin qu'il pousse les hommes à se repentir, en sorte qu'ils reconnaissent que la violence n'engendre pas la paix, mais ne fait que susciter une autre violence - une spirale de destructions, dans laquelle tous, en fin de compte, ne peuvent être que perdants. Le Dieu auquel nous croyons est un Dieu de la raison - d'une raison, cependant, qui n'est certainement pas une mathématique neutre de l'univers, mais qui ne fait qu'un avec l'amour, avec le bien. Nous prions Dieu et nous élevons un cri vers les hommes afin que cette raison, la raison de l'amour et de la reconnaissance de la force de la réconciliation et de la paix, prévale sur les menaces qui nous entourent de l'irrationalité ou d'une fausse raison, détachée de Dieu.

Le lieu où nous nous trouvons est un lieu de la mémoire, c'est le lieu de la Shoah. Le passé n'est jamais uniquement le passé. Il nous concerne et nous indique les chemins à ne pas suivre et ceux à suivre. Comme Jean-Paul II, j'ai parcouru le chemin le long des stèles qui rappellent, en différentes langues, les victimes de ce lieu: ce sont des stèles en biélorusse, en tchèque, en allemand, en français, en grec, en hébreu, en croate, en italien, en yiddish, en hongrois, en hollandais, en norvégien, en polonais, en russe, en rom, en roumain, en slovaque, en serbe, en ukrainien, en hébreu hispanique et en anglais. Toutes ces stèles commémoratives nous parlent de souffrance humaine, nous laissent entrevoir le cynisme de ce pouvoir qui traitait les hommes comme des objets, ne les reconnaissant pas comme des personnes, dans lesquelles se reflète l'image de Dieu. Certaines stèles invitent à une commémoration particulière. Celle en hébreu par exemple. Les potentats du Troisième Reich voulaient écraser le peuple juif tout entier; l'éliminer du nombre des peuples de la terre. Alors, les paroles du Psaume: "On nous massacre tout le jour, on nous traite en moutons d'abattoir" se vérifièrent de façon terrible. Au fond, ces criminels violents, au moyen de l'anéantissement de ce peuple, entendaient tuer ce Dieu qui appela Abraham, et qui, parlant sur le Sinaï, établit les critères d'orientation de l'humanité, qui demeurent éternellement valables. Si ce peuple, par le seul fait d'exister, témoigne de ce Dieu qui a parlé à l'homme et qui l'a pris en charge, alors ce Dieu devait finalement mourir et son pouvoir n'appartenir qu'à l'homme - à ceux qui se considéraient comme les puissants et qui avaient su devenir les maîtres du monde. Avec la destruction d'Israël, avec la Shoah, ils voulaient, en fin de compte, extirper également la racine sur laquelle se fonde la foi chrétienne, en la remplaçant définitivement par la foi fabriquée par soi-même, la foi dans le pouvoir de l'homme, du plus fort. Il y a ensuite la stèle en polonais: on voulait avant tout, dans un premier temps, effacer l'élite culturelle et éliminer ainsi le peuple comme sujet historique autonome, pour le réduire, dans la mesure où il continuait d'exister, à un peuple d'esclaves. Une autre stèle, qui invite particulièrement à réfléchir est celle qui est écrite dans la langue des Sinti et des Roms. Ici aussi, on voulait faire disparaître un peuple entier qui vit en migrant parmi les autres peuples. Il figurait au nombre des éléments inutiles de l'histoire universelle, dans une idéologie où ne devait compter désormais que ce dont on pouvait mesurer l'utilité; tout le reste, selon leur conception, était catalogué comme lebensunwertes Leben - une vie indigne d'être vécue. Il y a ensuite la stèle en russe, qui évoque le nombre immense de vies sacrifiées parmi les soldats russes dans la lutte contre le régime de la terreur national-socialiste; toutefois, dans le même temps, elle nous fait réfléchir sur la tragique double signification de leur mission: ils ont libéré les peuples d'une dictature mais tout en soumettant ces mêmes peuples à une nouvelle dictature, celle de Staline et de l'idéologie communiste. Toutes les autres stèles dans les nombreuses langues européennes nous parlent elles aussi de la souffrance des hommes du continent tout entier; elles toucheraient profondément notre coeur, si nous ne faisions pas mémoire des victimes de façon globale, mais si nous pouvions au contraire voir le visage de chacune des personnes qui ont terminé leur vie ici dans les ténèbres de la terreur. J'ai ressenti comme un profond devoir de m'arrêter de façon particulière également devant la stèle en langue allemande. De là apparaît devant nous le visage d'Edith Stein, Thérèse Bénédicte de la Croix: juive et allemande, disparue, avec sa soeur, dans l'horreur de la nuit du camp de concentration allemand-nazi; comme chrétienne et juive, elle accepta de mourir avec son peuple et pour son peuple. Les Allemands qui furent alors déportés à Auschwitz-Birkenau et qui sont morts ici étaient considérés comme Abschaum der Nation - déchet de la nation. Mais aujourd'hui, nous les reconnaissons en revanche avec gratitude comme les témoins de la vérité et du bien, qui, même au sein de notre peuple, n'avaient pas disparu. Remercions ces personnes, car elles ne se sont pas soumises au pouvoir du mal, et elles apparaissent à présent devant nous comme des lumières dans une nuit de ténèbres. Avec profond respect et gratitude, nous nous inclinons devant tous ceux qui, comme les trois jeunes face à la menace des fournaises de Babylone, surent répondre: "Seul notre Dieu est capable de nous délivrer. Mais s'il ne le fait pas, sache, ô roi, que nous ne servirons pas ton Dieu ni n'adorerons la statue d'or que tu as élevée" (cf. Dn 3, 17 sq.).

Oui, derrière ces stèles se cache le destin d'innombrables êtres humains. Ceux-ci ébranlent notre mémoire, ébranlent notre coeur. Ils ne veulent pas provoquer la haine en nous: ils nous démontrent au contraire combien l'oeuvre de la haine est terrible. Ils veulent conduire la raison à reconnaître le mal comme mal et à le rejeter; ils veulent susciter en nous le courage du bien, de la résistance contre le mal. Ils veulent nous conduire à ces sentiments qui s'expriment dans les paroles que Sophocle fait prononcer à Antigone, face à l'horreur qui l'entoure: "Je ne suis pas ici pour haïr avec toi, mais pour aimer avec toi".

Grâce à Dieu, avec la purification de la mémoire à laquelle nous pousse ce lieu d'horreur, se développent autour de ce lieu même de multiples initiatives qui veulent mettre un terme au mal et conférer une force au bien. Il y a quelques instants, j'ai pu bénir le Centre pour le Dialogue et la Prière. Tout près d'ici se déroule la vie cachée des soeurs carmélites, qui se savent particulièrement unies au mystère de la croix du Christ et qui nous rappellent la foi des chrétiens, qui affirme que Dieu lui-même est descendu dans l'enfer de la souffrance et souffre avec nous. A Oswiecim se trouve le Centre Saint-Maximilien et le Centre international de Formation sur Auschwitz et l'Holocauste. Il y a également la Maison internationale pour les Rencontres de la Jeunesse. Auprès de l'une des anciennes Maisons de Prière se trouve le Centre juif. Enfin, l'Académie pour les Droits de l'Homme est en cours de réalisation. Nous pouvons ainsi espérer que du lieu de l'horreur naisse et croisse une réflexion constructive et que le souvenir aide à résister au mal et à faire triompher l'amour.

L'humanité a traversé à Auschwitz-Birkenau un "ravin de la mort". C'est pourquoi je voudrais, précisément en ce lieu, conclure par une prière de confiance - avec un Psaume d'Israël qui est également une prière de tous les chrétiens: "Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre; il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi; ton bâton me guide et me rassure [...] J'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours" (Ps 23, 1-4. 6).









Prendere la parola in questo luogo di orrore, di accumulo di crimini contro Dio e contro l'uomo che non ha confronti nella storia, è quasi impossibile - ed è particolarmente difficile e opprimente per un cristiano, per un Papa che proviene dalla Germania. In un luogo come questo vengono meno le parole, in fondo può restare soltanto uno sbigottito silenzio - un silenzio che è un interiore grido verso Dio: Perché, Signore, hai taciuto? Perché hai potuto tollerare tutto questo? È in questo atteggiamento di silenzio che ci inchiniamo profondamente nel nostro intimo davanti alla innumerevole schiera di coloro che qui hanno sofferto e sono stati messi a morte; questo silenzio, tuttavia, diventa poi domanda ad alta voce di perdono e di riconciliazione, un grido al Dio vivente di non permettere mai più una simile cosa.

Ventisette anni fa, il 7 giugno 1979, era qui Papa Giovanni Paolo II; egli disse allora: "Vengo qui oggi come pellegrino. Si sa che molte volte mi sono trovato qui... Quante volte! E molte volte sono sceso nella cella della morte di Massimiliano Kolbe e mi sono fermato davanti al muro della morte e sono passato tra le macerie dei forni crematori di Birkenau. Non potevo non venire qui come Papa". Papa Giovanni Paolo II stava qui come figlio di quel popolo che, accanto al popolo ebraico, dovette soffrire di più in questo luogo e, in genere, nel corso della guerra: "Sono sei milioni di Polacchi, che hanno perso la vita durante la seconda guerra mondiale: la quinta parte della nazione", ricordò allora il Papa. Qui egli elevò poi il solenne monito al rispetto dei diritti dell'uomo e delle nazioni, che prima di lui avevano elevato davanti al mondo i suoi Predecessori Giovanni XXIII e Paolo VI, e aggiunse: "Pronuncia queste parole [...] il figlio della nazione che nella sua storia remota e più recente ha subito dagli altri un molteplice travaglio. E non lo dice per accusare, ma per ricordare. Parla a nome di tutte le nazioni, i cui diritti vengono violati e dimenticati...".

Papa Giovanni Paolo II era qui come figlio del popolo polacco. Io sono oggi qui come figlio del popolo tedesco, e proprio per questo devo e posso dire come lui: Non potevo non venire qui. Dovevo venire. Era ed è un dovere di fronte alla verità e al diritto di quanti hanno sofferto, un dovere davanti a Dio, di essere qui come successore di Giovanni Paolo II e come figlio del popolo tedesco - figlio di quel popolo sul quale un gruppo di criminali raggiunse il potere mediante promesse bugiarde, in nome di prospettive di grandezza, di ricupero dell'onore della nazione e della sua rilevanza, con previsioni di benessere e anche con la forza del terrore e dell'intimidazione, cosicché il nostro popolo poté essere usato ed abusato come strumento della loro smania di distruzione e di dominio. Sì, non potevo non venire qui. Il 7 giugno 1979 ero qui come Arcivescovo di Monaco-Frisinga tra i tanti Vescovi che accompagnavano il Papa, che lo ascoltavano e pregavano con lui. Nel 1980 sono poi tornato ancora una volta in questo luogo di orrore con una delegazione di Vescovi tedeschi, sconvolto a causa del male e grato per il fatto che sopra queste tenebre era sorta la stella della riconciliazione. È ancora questo lo scopo per cui mi trovo oggi qui: per implorare la grazia della riconciliazione - da Dio innanzitutto che, solo, può aprire e purificare i nostri cuori; dagli uomini poi che qui hanno sofferto, e infine la grazia della riconciliazione per tutti coloro che, in quest'ora della nostra storia, soffrono in modo nuovo sotto il potere dell'odio e sotto la violenza fomentata dall'odio.

Quante domande ci si impongono in questo luogo! Sempre di nuovo emerge la domanda: Dove era Dio in quei giorni? Perché Egli ha taciuto? Come poté tollerare questo eccesso di distruzione, questo trionfo del male? Ci vengono in mente le parole del Salmo 44, il lamento dell'Israele sofferente: "...Tu ci hai abbattuti in un luogo di sciacalli e ci hai avvolti di ombre tenebrose... Per te siamo messi a morte, stimati come pecore da macello. Svégliati, perché dormi, Signore? Déstati, non ci respingere per sempre! Perché nascondi il tuo volto, dimentichi la nostra miseria e oppressione? Poiché siamo prostrati nella polvere, il nostro corpo è steso a terra. Sorgi, vieni in nostro aiuto; salvaci per la tua misericordia!" (Sal 44,20.23-27). Questo grido d'angoscia che l'Israele sofferente eleva a Dio in periodi di estrema angustia, è al contempo il grido d'aiuto di tutti coloro che nel corso della storia - ieri, oggi e domani - soffrono per amor di Dio, per amor della verità e del bene; e ce ne sono molti, anche oggi.

Noi non possiamo scrutare il segreto di Dio - vediamo soltanto frammenti e ci sbagliamo se vogliamo farci giudici di Dio e della storia. Non difenderemmo, in tal caso, l'uomo, ma contribuiremmo solo alla sua distruzione. No - in definitiva, dobbiamo rimanere con l'umile ma insistente grido verso Dio: Svégliati! Non dimenticare la tua creatura, l'uomo! E il nostro grido verso Dio deve al contempo essere un grido che penetra il nostro stesso cuore, affinché si svegli in noi la nascosta presenza di Dio - affinché quel suo potere che Egli ha depositato nei nostri cuori non venga coperto e soffocato in noi dal fango dell'egoismo, della paura degli uomini, dell'indifferenza e dell'opportunismo. Emettiamo questo grido davanti a Dio, rivolgiamolo allo stesso nostro cuore, proprio in questa nostra ora presente, nella quale incombono nuove sventure, nella quale sembrano emergere nuovamente dai cuori degli uomini tutte le forze oscure: da una parte, l'abuso del nome di Dio per la giustificazione di una violenza cieca contro persone innocenti; dall'altra, il cinismo che non conosce Dio e che schernisce la fede in Lui. Noi gridiamo verso Dio, affinché spinga gli uomini a ravvedersi, così che riconoscano che la violenza non crea la pace, ma solo suscita altra violenza - una spirale di distruzioni, in cui tutti in fin dei conti possono essere soltanto perdenti. Il Dio, nel quale noi crediamo, è un Dio della ragione - di una ragione, però, che certamente non è una neutrale matematica dell'universo, ma che è una cosa sola con l'amore, col bene. Noi preghiamo Dio e gridiamo verso gli uomini, affinché questa ragione, la ragione dell'amore e del riconoscimento della forza della riconciliazione e della pace prevalga sulle minacce circostanti dell'irrazionalità o di una ragione falsa, staccata da Dio.

Il luogo in cui ci troviamo è un luogo della memoria, è il luogo della Shoa. Il passato non è mai soltanto passato. Esso riguarda noi e ci indica le vie da non prendere e quelle da prendere. Come Giovanni Paolo II ho percorso il cammino lungo le lapidi che, nelle varie lingue, ricordano le vittime di questo luogo: sono lapidi in bielorusso, ceco, tedesco, francese, greco, ebraico, croato, italiano, yiddish, ungherese, neerlandese, norvegese, polacco, russo, rom, rumeno, slovacco, serbo, ucraino, giudeo-ispanico, inglese. Tutte queste lapidi commemorative parlano di dolore umano, ci lasciano intuire il cinismo di quel potere che trattava gli uomini come materiale non riconoscendoli come persone, nelle quali rifulge l'immagine di Dio. Alcune lapidi invitano ad una commemorazione particolare. C'è quella in lingua ebraica. I potentati del Terzo Reich volevano schiacciare il popolo ebraico nella sua totalità; eliminarlo dall'elenco dei popoli della terra. Allora le parole del Salmo: "Siamo messi a morte, stimati come pecore da macello" si verificarono in modo terribile. In fondo, quei criminali violenti, con l'annientamento di questo popolo, intendevano uccidere quel Dio che chiamò Abramo, che parlando sul Sinai stabilì i criteri orientativi dell'umanità che restano validi in eterno. Se questo popolo, semplicemente con la sua esistenza, costituisce una testimonianza di quel Dio che ha parlato all'uomo e lo prende in carico, allora quel Dio doveva finalmente essere morto e il dominio appartenere soltanto all'uomo - a loro stessi che si ritenevano i forti che avevano saputo impadronirsi del mondo. Con la distruzione di Israele, con la Shoa, volevano, in fin dei conti, strappare anche la radice, su cui si basa la fede cristiana, sostituendola definitivamente con la fede fatta da sé, la fede nel dominio dell'uomo, del forte. C'è poi la lapide in lingua polacca: In una prima fase e innanzitutto si voleva eliminare l'élite culturale e cancellare così il popolo come soggetto storico autonomo per abbassarlo, nella misura in cui continuava ad esistere, a un popolo di schiavi. Un'altra lapide, che invita particolarmente a riflettere, è quella scritta nella lingua dei Sinti e dei Rom. Anche qui si voleva far scomparire un intero popolo che vive migrando in mezzo agli altri popoli. Esso veniva annoverato tra gli elementi inutili della storia universale, in una ideologia nella quale doveva contare ormai solo l'utile misurabile; tutto il resto, secondo i loro concetti, veniva classificato come lebensunwertes Leben - una vita indegna di essere vissuta. Poi c'è la lapide in russo che evoca l'immenso numero delle vite sacrificate tra i soldati russi nello scontro con il regime del terrore nazionalsocialista; al contempo, però, ci fa riflettere sul tragico duplice significato della loro missione: hanno liberato i popoli da una dittatura, ma sottomettendo anche gli stessi popoli ad una nuova dittatura, quella di Stalin e dell'ideologia comunista. Anche tutte le altre lapidi nelle molte lingue dell'Europa ci parlano della sofferenza di uomini dell'intero continente; toccherebbero profondamente il nostro cuore, se non facessimo soltanto memoria delle vittime in modo globale, ma se invece vedessimo i volti delle singole persone che sono finite qui nel buio del terrore. Ho sentito come intimo dovere fermarmi in modo particolare anche davanti alla lapide in lingua tedesca. Da lì emerge davanti a noi il volto di Edith Stein, Theresia Benedicta a Cruce: ebrea e tedesca scomparsa, insieme con la sorella, nell'orrore della notte del campo di concentramento tedesco-nazista; come cristiana ed ebrea, ella accettò di morire insieme con il suo popolo e per esso. I tedeschi, che allora vennero portati ad Auschwitz-Birkenau e qui sono morti, erano visti come Abschaum der Nation - come il rifiuto della nazione. Ora però noi li riconosciamo con gratitudine come i testimoni della verità e del bene, che anche nel nostro popolo non era tramontato. Ringraziamo queste persone, perché non si sono sottomesse al potere del male e ora ci stanno davanti come luci in una notte buia. Con profondo rispetto e gratitudine ci inchiniamo davanti a tutti coloro che, come i tre giovani di fronte alla minaccia della fornace babilonese, hanno saputo rispondere: "Solo il nostro Dio può salvarci. Ma anche se non ci liberasse, sappi, o re, che noi non serviremo mai i tuoi dèi e non adoreremo la statua d'oro che tu hai eretto" (cfr Dan 3,17s.).

Sì, dietro queste lapidi si cela il destino di innumerevoli esseri umani. Essi scuotono la nostra memoria, scuotono il nostro cuore. Non vogliono provocare in noi l'odio: ci dimostrano anzi quanto sia terribile l'opera dell'odio. Vogliono portare la ragione a riconoscere il male come male e a rifiutarlo; vogliono suscitare in noi il coraggio del bene, della resistenza contro il male. Vogliono portarci a quei sentimenti che si esprimono nelle parole che Sofocle mette sulle labbra di Antigone di fronte all'orrore che la circonda: "Sono qui non per odiare insieme, ma per insieme amare".

Grazie a Dio, con la purificazione della memoria, alla quale ci spinge questo luogo di orrore, crescono intorno ad esso molteplici iniziative che vogliono porre un limite al male e dar forza al bene. Poco fa ho potuto benedire il Centro per il Dialogo e la Preghiera. Nelle immediate vicinanze si svolge la vita nascosta delle suore carmelitane, che si sanno particolarmente unite al mistero della croce di Cristo e ricordano a noi la fede dei cristiani, che afferma che Dio stesso e sceso nell'inferno della sofferenza e soffre insieme con noi. A Oświęcim esiste il Centro di san Massimiliano e il Centro Internazionale di Formazione su Auschwitz e l'Olocausto. C'è poi la Casa Internazionale per gli Incontri della Gioventù. Presso una delle vecchie Case di Preghiera esiste il Centro Ebraico. Infine si sta costituendo l'Accademia per i Diritti dell'Uomo. Così possiamo sperare che dal luogo dell'orrore spunti e cresca una riflessione costruttiva e che il ricordare aiuti a resistere al male e a far trionfare l'amore.

L'umanità ha attraversato a Auschwitz-Birkenau una "valle oscura". Perciò vorrei, proprio in questo luogo, concludere con una preghiera di fiducia - con un Salmo d'Israele che, insieme, è una preghiera della cristianità: "Il Signore è il mio pastore: non manco di nulla; su pascoli erbosi mi fa riposare, ad acque tranquille mi conduce. Mi rinfranca, mi guida per il giusto cammino, per amore del suo nome. Se dovessi camminare in una valle oscura, non temerei alcun male, perché tu sei con me. Il tuo bastone e il tuo vincastro mi danno sicurezza ... Abiterò nella casa del Signore per lunghissimi anni" (Sal 23, 1-4. 6).



Sommaire documents

t>