Monseigneur Franz-Josef Bode aux XXe Journées mondiales de la Jeunesse 2005 à Bonn, le 16 août 2005
1e lecture : 1 Sam 3,1-10
2e lecture : 1 Co 12,12-27
Évangile selon Saint-Matthieu : Mt 2,1-2a
"La lampe de Dieu n'était pas encore éteinte et Samuel était couché dans le sanctuaire de Yahvé." - "Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage."
Mes chers jeunes amis, la lumière de Dieu nous parvient de façons biens différentes. Samuel la reçoit à un moment où il n'y a pas grand-chose à attendre. Éli, le grand prêtre, est âgé et ses forces l'ont abandonné, les mots de Yahvé sont rares, les visions peu fréquentes. Une époque similaire en ce sens à celle que nous vivons aujourd'hui en Europe : peu de mots qui enthousiasment, peu de visions synonymes de véritables défis, peu de personnalités qui se démarquent et tracent une perspective, peu de lumière pour éclairer la suite du chemin. Ceci vaut pour la vie de l'Église et de la société comme pour la vie de beaucoup d'être humains. Et les perspectives de vie des jeunes justement, ces perspectives sont faussées par le chômage et une crainte profonde de l'avenir. A cela vient s'ajouter le fait que, dans tout le vacarme régnant sur le marché bigarré des possibilités, la voix de Dieu se laisse difficilement discerner des autres voix.
Et pourtant : en cette Europe où l'Église semble vieillir, Dieu nous appelle sans cesse, répétitivement. Il ne nous laisse pas dormir lorsque, épuisés par une kyrielle d'expériences négatives, nous fermons les yeux ou lorsque, submergés par des offres en surnombre, nous baissons les paupières et nous endormons. Il ne cesse pas d'appeler, de nous appeler par notre nom comme il le fait avec Samuel, de nous appeler au fil de notre biographie unique en son genre par les dons et les aptitudes qui la composent, mais aussi par les faiblesses et les erreurs qui l'émaillent :
Il nous appelle dans l'aspiration des jeunes gens à réaliser de grandes choses ;
Il nous appelle par ces gens dont la crédibilité de leur conduite éveille notre attention ;
Il nous appelle par des rencontres comme les JMJ ;
Il nous appelle par l'étonnement que sa création nous inspire ;
Il nous appelle par le silence et l'intimité dans lesquelles nous nous ouvrons entièrement à lui ;
Il nous appelle par les contrariétés et obstacles ponctuant notre vie ;
Il nous appelle par sa parole que nous lisons et entendons à maintes reprises ;
Il nous appelle surtout pendant la fête de l'Eucharistie et par les sacrements, par le sacrement de réconciliation.
Il faut parfois beaucoup de temps jusqu'à ce que nous trouvions des gens capables de nous aider à interpréter cet appel. Même Éli sur ses vieux jours a tardé avant de reconnaître la voix du Seigneur qui ne s'adressait pas à lui, homme habitué à Dieu, mais à un autre homme, plus jeune, Samuel en l'occurrence.
Mais il y a d'autres personnes, âgées et expérimentées, qui nous ouvrent et nous ont ouvert à la voix de Dieu. C'est le cas du Pape Jean Paul II qui, n'étant lui-même plus tout jeune, à éveillé les jeunes à la voix de Dieu et ne s'est pas lassé d'attirer leur attention sur elle. Aujourd'hui encore, ce pape nous parle depuis un autre lieu : lorsqu'IL vous appelle, levez-vous et répondez : parle, Seigneur, Ton serviteur T'écoute.
Laissons-nous encourager aussi par son successeur, le Pape Benoît XVI, précisément à ne pas répondre comme nous l'aimerions tant : "Écoute Seigneur, Ton serviteur parle !" mais à nous ouvrir en toute franchise à la voix souvent ténue, discrète et néanmoins infatigable de Dieu.
N'est-ce pas une belle chose que Dieu nous donne toutes ces chances, qu'il reste patient même si plusieurs fois nous nous endormons, et nous permette de rencontrer des gens qui nous aident à écouter SA voix et à lui répondre ?!
Chers jeunes, vous êtes ces Samuels, ces "auditeurs de Dieu" au sein de notre bonne vieille Église. Grâce à vous, l'Église conserve sa jeunesse. Le Pape Benoît dit : "L'Église vit. Et l'Église est jeune. Elle porte l'avenir du monde en elle-même et montre donc à chacun sa voie le conduisant vers l'avenir. L'Église vit - nous le voyons bien et nous sentons la joie que le Seigneur ressuscité a promis aux siens. L'Église vit, elle vit parce que le Christ vit, parce qu'il est vraiment ressuscité" (Pape Benoît XVI dans la prédication accompagnant son entrée en fonctions le 24 avril 2005).
La lampe de Dieu n'est pas encore éteinte, et en ces journées vous montrez à toute l'Église et au monde entier qu'elle vit et que les jeunes sont prêts à écouter Dieu : parle Seigneur, Ton serviteur écoute !
Et puis il y a ces trois mages partis de l'Est pour une longue marche, en quête du Seigneur. La tradition veut qu'ils soient rois et capables, malgré tous leurs biens, toutes leurs possessions et toute leur puissance, de lever le camp et de partir en recherche. Car ils guettent les signes de leur temps, les signes que Dieu leur offre dans leur vie.
Très différemment de la situation impliquant un Samuel endormi où Dieu se laisse entendre dans le silence du temple, Dieu se manifeste aux Rois Mages par une étoile qui n'échappe pas à leur attention ouverte sur la réalité, et à leur aspiration vers de plus grandes choses.
Mais les Rois Mages eux aussi ne trouvent pas tout de suite, il leur faut parcourir un long chemin, franchir des cimes et des vallées, des mers et des déserts, et y faire maintes rencontres pour retrouver la trace de ce qui est plus grand. C'est leur authentique intention de quitter leurs attaches et leur volonté tenace de ne pas abandonner la recherche qui leur servent de moteur. Où est-il cet être nouveau dont nous avons vu la lumière, dont nous avons vu l'étoile ? Où est-il dans notre monde, dans notre vie ? Où et comment pouvons-nous le trouver au milieu des images, grandes et séduisantes de ce monde, mais aussi au milieu des situations de souffrance et de détresse que les hommes doivent traverser ? Où est-IL ?
C'est pour cette raison qu'ils se mettent en chemin, qu'ils quittent l'environnement auquel ils étaient accoutumés, prennent sur eux de grandes incertitudes et viennent à Bethléem. Ils viennent tels quels, avec leurs dons et leurs aptitudes, avec leurs trésors mais aussi avec leurs incertitudes et leurs peurs, avec leurs questions et leur quête. Ils viennent. Et c'est ce que vous, mes chers jeunes amis, avez fait vous aussi en grand nombre : vous êtes venus pour rechercher l'Être entièrement nouveau, l'Être entièrement différent, pour rechercher et trouver le Christ. Vous êtes venus de plus de 160 pays du monde, avez convergé vers notre continent européen, vers notre pays, un pays où le Christ est parfois difficile à trouver et d'où l'on peut perdre l'étoile de vue, parce que le ciel y est très lumineux, illuminé qu'il est par toutes les enseignes publicitaires et les éclairages des marchés, parce que souvent nous éclairons la nuit au point de masquer les étoiles.
Néanmoins, nous ici en Allemagne, nous ne serons pas pour vous 'Jérusalem', nous ne serons pas le roi Hérode, nous ne serons pas les docteurs de la loi qui savent certes où trouver le Christ mais ne se mettent pas en route, préférant rester chez eux, près de leur pouvoir, près de leur savoir. Non, nous ici en Allemagne, nous voulons marcher avec vous, nous voulons lever le camp avec vous, nous voulons chercher et trouver avec vous, nous voulons avec vous nous orienter sur l'étoile que Dieu a faite apparaître et voulons nous rendre avec vous à Bethléem pour trouver le Christ, le Dieu qui s'est fait homme, le Dieu qui ne reste pas distant et étranger, mais qui au contraire s'approche de nous au point de devenir lui-même un enfant, un être humain.
Avec vous nous voulons épier les signes lumineux que Dieu nous envoie aujourd'hui, dans notre Église et dans notre vie. Avec vous, nous ne voulons pas cesser de nous interroger et de chercher. Où est-IL ? Et ceci même si nous rencontrons des gens qui ne nous veulent pas du bien. Avec vous nous allons au cours de ces journées rencontrer le Christ, pendant les grands services religieux et pendant les rencontres, mais aussi au sein des petits groupes, et dans le secret de la rencontre individuelle et intensive avec LUI.
Nous vous remercions d'être venus, d'avoir suivi l'étoile de l'invitation émise par le Saint-Père, de vous être laissés appeler comme Samuel et, après cet appel, tels les Rois Mages, d'avoir rompu vos amarres et de vous être mis en pareil chemin.
Ainsi au cours de ces journées, vous pourrez vivre et voir ce que l'Église est : le peuple de Dieu en chemin et le corps du Christ, comme la 2e lecture l'a décrit de façon prégnante.
Le corps du Christ : dans l'unité du corps et pluralité des membres ;
Le corps du Christ : dans la diversité des vocations et des mouvements à la recherche de Dieu ;
Le corps du Christ : dans la fraîcheur et l'authenticité des jeunes
Nous tous dépendons les uns des autres car personne ne peut parcourir seul son chemin avec le Christ et avec Dieu, et parce qu'il faut une grande communauté pour emprunter le chemin de la foi et de la vocation. Car, pour reprendre l'une des prières dites en Allemagne "Dieu n'a tout donné à personne, et n'a privé personne de tout."
Là où les réseaux de la haine, de la violence, de la terreur, du malheur, mais aussi les réseaux d'une mondialisation purement économique deviennent trop puissants, le réseau du salut et de la paix n'est que plus nécessaire, ce réseau que l'Église tisse dans le monde entier, relié avec tous les chrétiens (y compris ceux d'autres confessions) et tous les hommes de bonne volonté qui, au sein des religions et parfois en dehors de celles-ci sont sur le chemin menant vers le Dieu plus grand.
Mes chers jeunes amis, nous avons besoins les uns des autres, nous avons besoin de notre petit monde personnel et du monde entier de l'Église. Et l'Église mondiale a besoin, elle, des dons et des aptitudes de chacun. Fortifions-nous mutuellement dans notre foi, dans l'espérance et dans l'amour. Car la lampe de Dieu ne s'est pas éteinte, SON étoile brille aujourd'hui encore et IL permet aujourd'hui encore de le trouver à ceux qui rompent avec leurs habitudes et viennent LE chercher et LE trouvent, Lui, le Christ, Dieu fait homme et présent parmi nous.
Je vous le renouvelle : une cordiale bienvenue à tous en cette grande fête de la foi.
Amen.