2005
20 août 2005 – JMJ Cologne - Veillée avec les jeunes
Les Mages venant d'Orient sont seulement les premiers d'un long cortège d'hommes et de femmes qui, dans leur vie, ont constamment cherché du regard l'étoile de Dieu, qui ont cherché le Dieu qui est proche de nous, les êtres humains, et qui nous indique la route. C'est le grand cortège des saints - connus ou inconnus -, par lesquels le Seigneur, tout au long de l'histoire, a ouvert devant nous l'Evangile et en a fait défiler les pages; c'est la même chose qu'il est en train de faire maintenant. Dans leur vie, comme dans un grand livre illustré, se dévoile la richesse de l'Evangile. Ils sont le sillon lumineux de Dieu, que Lui-même, au long de l'histoire, a tracé et trace encore.
Les bienheureux et les saints ont été des personnes qui n'ont pas cherché obstinément leur propre bonheur, mais qui ont simplement voulu se donner, parce qu'ils ont été touchés par la lumière du Christ. Ils nous montrent ainsi la route pour devenir heureux, ils nous montrent comment on réussit à être des personnes vraiment humaines. Dans les vicissitudes de l'histoire, ce sont eux, les saints, qui ont été les véritables réformateurs qui, bien souvent, ont fait sortir l'histoire des vallées obscures dans lesquelles elle court toujours le risque de s'enfoncer à nouveau; ils l'ont illuminée chaque fois que cela était nécessaire, pour donner la possibilité d'accepter - parfois dans la douleur - la parole prononcée par Dieu au terme de l'½uvre de la création: "Cela est bon".
Les saints, avons-nous dit, sont les vrais réformateurs. Je voudrais maintenant l'exprimer de manière plus radicale encore: c'est seulement des saints, c'est seulement de Dieu que vient la véritable révolution, le changement décisif du monde. Au cours du siècle qui vient de s'écouler, nous avons vécu les révolutions dont le programme commun était de ne plus rien attendre de Dieu, mais de prendre totalement dans ses mains le destin du monde. Et nous avons vu que, ce faisant, un point de vue humain et partial était toujours pris comme la mesure absolue des orientations. L'absolutisation de ce qui n'est pas absolu mais relatif s'appelle totalitarisme. Cela ne libère pas l'homme, mais lui ôte sa dignité et le rend esclave. Ce ne sont pas les idéologies qui sauvent le monde, mais seulement le fait de se tourner vers le Dieu vivant, qui est notre créateur, le garant de notre liberté, le garant de ce qui est véritablement bon et vrai. La révolution véritable consiste uniquement dans le fait de se tourner sans réserve vers Dieu, qui est la mesure de ce qui est juste et qui est, en même temps, l'amour éternel. Qu'est-ce qui pourrait bien nous sauver sinon l'amour ?
28 août 2005 – Angelus
Là où Dieu n'occupe pas la première place, là où il n'est pas reconnu et adoré comme le Bien suprême, la dignité de l'homme est menacée. Il est donc urgent de conduire l'homme d'aujourd'hui à "redécouvrir" le visage authentique de Dieu, qui s'est révélé à nous en Jésus Christ.
20 novembre 2005 - Au terme de l’Angélus – Solennité du Christ Roi
Au nom de toute l'Eglise, j'exprime ma gratitude à tous ceux qui consacrent leur vie à la prière dans la clôture, en offrant un témoignage éloquent du primat de Dieu et de son Royaume. J'exhorte à être proche d'eux à travers notre soutien spirituel et matériel.
2006
1er janvier 2006 – Message pour la Journée Mondiale de la Paix
Je voudrais d'abord rendre un sincère hommage de gratitude à mes Prédécesseurs, les grands Papes Paul VI et Jean-Paul II, artisans de paix éclairés. Animés de l'esprit des Béatitudes, ils ont su lire dans les nombreux événements de l'histoire qui ont marqué leurs Pontificats respectifs l'intervention providentielle de Dieu, qui n'oublie jamais les destinées du genre humain. À plusieurs reprises, en infatigables messagers de l'Évangile, ils ont invité chaque personne à repartir de Dieu afin de pouvoir promouvoir une cohabitation pacifique dans toutes les régions de la terre.
5 février 2006 – Homélie de la Messe
Jésus parle avec le Père, (Mc 1,35) tel est le centre et la source de toutes les activités de Jésus; nous voyons sa prédication, les guérisons, les miracles et enfin la passion, tous sont issus de ce centre, de son être avec le Père. Et ainsi, cet Evangile nous enseigne le centre de la foi et de notre vie, c'est-à-dire le primat de Dieu. Là où Dieu n'est pas présent, l'homme non plus n'est pas respecté. Ce n'est que si la splendeur de Dieu brille sur le visage de l'homme que l'homme, image de Dieu, est protégé par une dignité qui ne doit être ensuite violée par personne.
Le primat de Dieu. Nous voyons dans le "Notre Père" comment les trois premières questions se réfèrent précisément à ce primat de Dieu: que le nom de Dieu soit sanctifié, que le respect du mystère divin soit vivant et anime toute notre vie; que "vienne le royaume de Dieu" et "que soit faite sa volonté" sont deux aspects différents de la même médaille; là où est accomplie la volonté de Dieu le ciel est déjà présent, sur la terre commence aussi un peu du ciel; et là où est accomplie la volonté de Dieu le Royaume de Dieu est présent. Car le Royaume de Dieu n'est pas une série de choses, le Royaume de Dieu est la présence de Dieu, l'union de l'homme avec Dieu. C'est vers cet objectif que Jésus veut nous guider.
Le centre de son annonce est le royaume de Dieu, c'est-à-dire Dieu comme source et centre de notre vie, et il nous dit: Dieu seul est la rédemption de l'homme. Et nous pouvons voir, au cours de l'histoire du siècle dernier, que dans les Etats où Dieu était aboli, non seulement l'économie a été détruite, mais surtout les âmes. Les destructions morales, les destructions de la dignité de l'homme sont les destructions fondamentales, et le renouveau ne peut venir que du retour de Dieu, c'est-à-dire de la reconnaissance du caractère central de Dieu. Ces derniers jours, un évêque du Congo en visite "ad limina" m'a dit: les Européens nous donnent très généreusement de nombreuses choses pour le développement, mais on sent une hésitation dans l'aide pour la pastorale; il semble qu'ils considèrent la pastorale inutile, que seul le développement technique et matériel soit important. Mais c'est le contraire qui est vrai - a-t-il dit -, là où il n'y a pas la Parole de Dieu, le développement ne fonctionne pas, et ne donne pas de résultats positifs. Ce n'est que si avant toute chose se trouve la Parole de Dieu, si l'homme est réconcilié avec Dieu, que les choses matérielles peuvent se dérouler de façon harmonieuse.
L'Evangile lui-même, avec sa continuité, confirme cela avec force. Les Apôtres disent à Jésus: reviens, tout le monde te cherche. Et il répond: non, je dois aller dans les autres pays pour annoncer Dieu et pour chasser les démons, les forces du mal; c'est pour cela que je suis venu (cf. Mc 1, 29-39). Jésus est venu - dans le texte grec, il est écrit: "je suis sorti du père" - non pour apporter les commodités de la vie, mais pour apporter la condition fondamentale de notre dignité, pour apporter l'annonce de Dieu, la présence de Dieu et vaincre ainsi les forces du mal. Il indique cette priorité avec une grande clarté: je ne suis pas venu pour guérir - je le fais également, mais comme un signe - je suis venu pour vous réconcilier avec Dieu. Dieu est notre créateur, Dieu nous a donné la vie, notre dignité: et c'est surtout à lui que nous devons nous adresser.
… Les Evêques italiens ont rappelé dans leur message le devoir prioritaire de "respecter la vie", car il s'agit d'un bien "indisponible": l'homme n'est pas le maître de la vie; il en est plutôt le gardien et l'administrateur. Et sous le primat de Dieu naît automatiquement cette priorité d'administrer, de sauvegarder la vie de l'homme, créée par Dieu. Cette vérité que l'homme est le gardien et l'administrateur de la vie constitue un point fondamental de la loi naturelle, pleinement éclairé par la révélation biblique. Celui-ci se présente aujourd'hui comme "signe de contradiction" par rapport à la mentalité dominante. Nous constatons en effet que, bien qu'il y ait de manière générale une large convergence sur la valeur de la vie, lorsqu'on arrive à ce point, c'est-à-dire à la "disponibilité" ou à l'indisponibilité de la vie, deux mentalités s'opposent toutefois de manière inconciliable. Pour nous exprimer plus simplement, nous pourrions dire: l'une des deux mentalités considère que la vie humaine se trouve entre les mains de l'homme, l'autre reconnaît qu'elle est entre les mains de Dieu. La culture moderne a souligné à juste titre l'autonomie de l'homme et des réalités terrestres, en développant ainsi une perspective chère au christianisme, celle de l'Incarnation de Dieu. Mais comme l'a clairement affirmé le Concile Vatican II, si cette autonomie conduit à penser que "les choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l'homme peut en disposer sans référence au Créateur", on donne alors origine à un profond déséquilibre, car "la créature sans Créateur s'évanouit" (Gaudium et spes, n. 36). Il est significatif qu'un tel document conciliaire, dans le passage cité, affirme que cette capacité de reconnaître la voix et la manifestation de Dieu dans la beauté de la création appartient à tous les croyants, quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent. Nous pouvons en conclure que le plein respect de la vie est lié au sens religieux, à l'attitude intérieure avec laquelle l'homme se situe par rapport à la réalité, comme un patron ou comme un gardien. Du reste, le mot "respect", dérive du verbe latin respicere-regarder, et il indique une façon de regarder les choses et les personnes qui conduit à en reconnaître la consistance, pas à s'en approprier, mais à avoir des égards pour elles, à en prendre soin. En dernière analyse, si l'on enlève aux créatures leur référence à Dieu, comme fondement transcendant, celles-ci risquent de tomber en proie au jugement arbitraire de l'homme qui peut en faire, comme nous le voyons, un usage insensé.
11 février 2006 – Au terme de la Messe des Malades
En se présentant à Bernadette comme l'Immaculée Conception, la Très Sainte Vierge Marie est venue rappeler au monde moderne, qui risquait de l'oublier, le primat de la Grâce divine, plus forte que le péché et la mort.
2 mars 2006 – Avec les prêtres du Diocèse de Rome
Nouveau et Ancien Testament vont de pair. Dans la première Lecture du Deutéronome, la réponse de Dieu est: "Si tu écoutes les commandements de Yahvé ton Dieu, que je te prescris aujourd'hui, et que tu aimes Yahvé ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras" (30, 16). A première vue, cela ne nous plaît pas, mais telle est la voie: l'option pour la vie et l'option pour Dieu sont identiques. Le Seigneur le dit dans l'Evangile de saint Jean: "La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent" (Jn 17, 3). La vie humaine est une relation. Ce n'est qu'au sein d'une relation, et non pas fermés sur nous-mêmes, que nous pouvons avoir la vie. Et la relation fondamentale est la relation avec le Créateur, sinon les autres relations sont fragiles. Choisir Dieu, donc: tel est l'essentiel. Un monde vide de Dieu, un monde qui a oublié Dieu, perd la vie et tombe dans une culture de la mort. Choisir la vie, faire le choix de la vie, signifie donc avant tout choisir l'option-relation avec Dieu. Mais ici, naît aussitôt la question: avec quel Dieu? Ici, à nouveau, l'Evangile nous vient en aide: avec ce Dieu qui nous a montré son visage dans le Christ, avec le Dieu qui a vaincu la haine sur la Croix, c'est-à-dire dans l'amour jusqu'à la fin. Ainsi, en choisissant ce Dieu, nous choisissons la vie.
26 mars 2006 – Homélie Messe dans une paroisse romaine
Dans le Livre des Chroniques de l'Ancien Testament (cf. 2 Ch 36, 14-16.19-23), l'auteur saint propose une interprétation synthétique et significative de l'histoire du peuple élu, qui fait l'expérience de la punition de Dieu comme conséquence de son comportement rebelle: le temple est détruit et le peuple en exil n'a plus de terre; il semble réellement qu'il ait été oublié par Dieu. Mais il se rend ensuite compte qu'à travers les châtiments, Dieu poursuit un dessein de Miséricorde. Ce sera la destruction de la ville Sainte et du Temple - comme on l'a dit -, ce sera l'exil, qui touchera le c½ur du peuple et qui le fera revenir à son Dieu pour le connaître plus profondément. Et alors le Seigneur, démontrant le primat absolu de son initiative sur tout effort purement humain, se servira d'un païen, Cyrus, roi de Perse, pour libérer Israël. Dans le texte que nous venons d'entendre, la colère et la Miséricorde du Seigneur se confrontent au cours d'un épisode à caractère dramatique, mais à la fin, l'amour triomphe, car Dieu est Amour. Comment ne pas recueillir dans le souvenir de ces lointains événements le message qui est valable pour chaque époque, y compris la nôtre ? En pensant aux siècles passés, nous pouvons voir que Dieu continue à nous aimer également à travers les châtiments. Les desseins de Dieu, même lorsqu'ils passent à travers l'épreuve, visent toujours à un résultat de Miséricorde et de pardon.
13 avril 2006 – Homélie de Benoit XVI lors de la Messe In Cena Domini, à Saint Jean de Latran.
"Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, [il] les aima jusqu'à la fin" (Jn 13, 1): Dieu aime sa créature, l'homme; il l'aime même dans sa chute et ne l'abandonne pas à lui-même. Il aime jusqu'au bout. Il va jusqu'au bout avec son amour, jusqu'à l'extrême: il descend de sa gloire divine. Il dépose les habits de sa gloire divine et revêt les vêtements de l'esclave. Il descend jusqu'au degré le plus bas de notre chute. Il s'agenouille devant nous et nous rend le service de l'esclave; il lave nos pieds sales, afin que nous devenions admissibles à la table de Dieu, afin que nous devenions dignes de prendre place à sa table - une chose que par nous-mêmes nous ne pourrions ni ne devrions jamais faire.
Dieu n'est pas un Dieu lointain, trop distant et trop grand pour s'occuper de nos sottises. Puisqu'Il est grand, il peut également s'intéresser aux petites choses. Puisqu'il est grand, l'âme de l'homme - l'homme créé pour l'amour éternel -, n'est pas une petite chose, mais est grand et digne de son amour. La sainteté de Dieu n'est pas seulement un pouvoir incandescent, devant lequel nous devons nous retirer terrifiés; elle est un pouvoir d'amour et donc un pouvoir purificateur et restaurateur.
Dieu descend et devient esclave, il nous lave les pieds afin que nous puissions prendre place à sa table. En cela s'exprime tout le mystère de Jésus Christ. En cela devient visible ce que signifie sa rédemption. Le bain dans lequel il nous lave est son amour prêt à affronter la mort. Seul l'amour a cette force purificatrice qui nous ôte notre impureté et nous élève à la hauteur de Dieu. Le bain qui nous purifie c'est Lui-même qui se donne totalement à nous - jusqu'aux profondeurs de sa souffrance et de sa mort. Il est en permanence cet amour qui nous lave; dans les sacrements de la purification - le baptême et le sacrement de la pénitence - Il est sans cesse agenouillé à nos pieds et nous rend le service de l'esclave, le service de la purification, il nous rend aptes à recevoir Dieu. Son amour est intarissable, il va vraiment jusqu'au bout.
"Vous aussi, vous êtes purs, mais pas tous", nous dit le Seigneur (Jn 13, 10). Dans cette phrase se révèle le grand don de la purification qu'Il nous fait, parce qu'il a le désir d'être à table avec nous, de devenir notre nourriture. "Mais pas tous" - il existe l'obscur mystère du refus, qui apparaît avec l'épisode de Judas et, précisément le Jeudi Saint, le jour où Jésus fait don de lui-même, doit nous faire réfléchir. L'amour du Seigneur ne connaît pas de limites, mais l'homme peut y mettre une limite.
"Vous êtes purs, mais pas tous": qu'est-ce qui rend l'homme impur? C'est le refus de l'amour, ne pas vouloir être aimé, ne pas aimer. C'est l'orgueil qui croit n'avoir besoin d'aucune purification, qui se ferme à la bonté salvatrice de Dieu. C'est l'orgueil qui ne veut pas confesser et reconnaître que nous avons besoin de purification. En Judas nous voyons la nature de ce refus encore plus clairement. Il évalue Jésus selon les catégories du pouvoir et du succès: pour lui, seuls le pouvoir et le succès sont une réalité, l'amour ne compte pas. Et il est avide: l'argent est plus important que la communion avec Jésus, plus important que Dieu et que son amour. Ainsi, il devient aussi un menteur, qui joue un double jeu et se détache de la vérité; une personne qui vit dans le mensonge et perd ainsi le sens de la vérité suprême, de Dieu. De cette façon, il s'endurcit, il devient incapable de conversion, du retour confiant du fils prodigue, et il jette la vie détruite.
"Vous êtes purs, mais pas tous". Le Seigneur nous met aujourd'hui en garde contre cette autosuffisance qui pose une limite à son amour illimité. Il nous invite à imiter son humilité, à nous remettre à celle-ci, à nous laisser "contaminer" par celle-ci. Il nous invite - pour autant que nous puissions nous sentir égarés - à revenir à la maison et à permettre à sa bonté purificatrice de nous réconforter et de nous faire entrer dans la communion du banquet avec Lui, avec Dieu lui-même.
Ajoutons un dernier mot à propos de ce passage évangélique fécond: "C'est un exemple que je vous ai donné" (Jn 13, 15); "Vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres" (Jn 13, 14). En quoi consiste le fait de "nous laver les pieds les uns les autres"? Qu'est-ce que cela signifie concrètement? Voilà, toute oeuvre de bonté pour l'autre - en particulier pour ceux qui souffrent et pour ceux qui sont peu estimés - est un service de lavement des pieds. Le Seigneur nous appelle à cela: descendre, apprendre l'humilité et le courage de la bonté et également la disponibilité à accepter le refus, mais toutefois se fier à la bonté et persévérer en elle. Mais il existe une dimension encore plus profonde. Le Seigneur ôte notre impureté avec la force purificatrice de sa bonté. Nous laver les pieds les uns les autres signifie surtout nous pardonner inlassablement les uns les autres, recommencer toujours à nouveau ensemble, même si cela peut paraître inutile. Cela signifie nous purifier les uns les autres en nous supportant mutuellement et en acceptant d'être supportés par les autres; nous purifier les uns les autres en nous donnant mutuellement la force sanctifiante de la Parole de Dieu et en nous introduisant dans le Sacrement de l'amour divin.
Le Seigneur nous purifie, et c'est pour cette raison que nous osons prendre place à sa table. Prions-le de nous donner à tous la grâce de pouvoir un jour être pour toujours des hôtes de l'éternel banquet nuptial. Amen!
19 octobre 2006 – Homélie de la Messe dans le stade de Verona
Qu'en est-il de notre foi ? Dans quelle mesure savons-nous aujourd'hui la communiquer ? La certitude que le Christ est ressuscité nous assure qu'aucune force adverse ne pourra jamais détruire l'Eglise. Nous sommes également animés par la conscience que seul le Christ peut satisfaire les attentes profondes de chaque c½ur humain et répondre aux interrogations les plus troublantes sur la douleur, l'injustice et le mal, sur la mort et l'au-delà. Notre foi est donc fondée, mais il faut que cette foi devienne vie en chacun de nous. Un vaste effort capillaire à accomplir se présente alors, pour que chaque chrétien se transforme en «témoin» capable et prêt à assumer l'engagement de rendre compte à tous et toujours de l'espérance qui l'anime (cf. 1 P 3, 15). C'est pourquoi il faut recommencer à annoncer avec vigueur et joie l'événement de la mort et de la Résurrection du Christ, c½ur du christianisme, ligne directrice de notre foi, puissant levier de nos certitudes, vent impétueux qui balaye toute peur et indécision, tout doute et calcul humain. Ce n'est que de Dieu que peut venir le changement décisif du monde.
3 novembre 2006 – A l’Université Pontificale Grégorienne
Privé de sa référence à Dieu, l'homme ne peut pas répondre aux questions fondamentales qui agitent et agiteront toujours son c½ur à propos du but et donc du sens de son existence. En conséquence, il n'est pas non plus possible d'introduire dans la société ces valeurs éthiques qui seules peuvent garantir une coexistence digne de l'homme. Le destin de l'homme sans sa référence à Dieu ne peut être que la désolation de l'angoisse qui conduit au désespoir. Ce n'est qu'en référence au Dieu-Amour, qui s'est révélé en Jésus Christ, que l'homme peut trouver le sens de son existence et vivre dans l'espérance, même dans l'expérience des maux qui blessent son existence personnelle et la société dans laquelle il vit. L'espérance a pour effet que l'homme ne se referme pas dans un nihilisme paralysant et stérile, mais qu'il s'ouvre à un engagement généreux dans la société dans laquelle il vit afin de pouvoir l'améliorer. C'est la tâche que Dieu a confiée à l'homme en le créant à son image et à sa ressemblance, une tâche qui remplit chaque homme de la plus grande dignité, mais également d'une immense responsabilité.
7 novembre 2006 – Homélie de la Messe avec les Evêques de Suisse- Chapelle Redemptoris Mater, au Vatican
Précisément à notre époque, nous connaissons très bien le "non" prononcé par ceux qui ont été invités en premier. En effet, les chrétiens d'Occident, c'est-à-dire les nouveaux "premiers invités", se dérobent aujourd'hui en grand nombre, ils n'ont pas le temps d'aller vers le Seigneur. Nous connaissons bien les Eglises qui se vident toujours plus, les séminaires qui continuent de se vider, les maisons religieuses qui se vident toujours plus ; nous connaissons toutes les formes sous lesquelles se présente ce "non, j'ai d'autres choses importantes à faire". Et cela nous fait peur et nous bouleverse d'être témoins de ces invités qui s'excusent et se dérobent, et qui en réalité, devraient comprendre la grandeur de l'invitation et devraient se presser dans cette direction. Mais que devons-nous faire ?
Nous devons avant tout nous poser une question : pourquoi cela a-t-il précisément lieu ? Dans sa parabole, le Seigneur cite deux raisons : la possession et les relations humaines, qui absorbent tellement les personnes qu'elles considèrent qu'elles n'ont plus besoin de rien d'autre pour remplir totalement leur temps et donc leur existence intérieure. Saint Grégoire le Grand, dans sa présentation de ce texte, a tenté d'aller plus loin et s'est demandé: mais comment est-il possible qu'un homme dise "non" à ce qu'il y a de plus grand; qu'il n'ait pas de temps pour ce qui est plus important, qui contient en soi sa propre existence ? Et il répond : En réalité, les hommes n'ont jamais fait l'expérience de Dieu ; ils n'ont jamais "goûté" à Dieu, ils n'ont jamais ressenti combien il est délicieux d'être "touché" par Dieu ! Il leur manque ce "contact" et, à travers cela, le "goût de Dieu". Ce n'est que si, pour ainsi dire, nous le goûtons que nous venons alors au banquet. Saint Grégoire cite le Psaume, … : goûtez et dégustez, et voyez ; goûtez, et alors, vous verrez et vous serez illuminés ! Notre devoir est d'aider les personnes à pouvoir goûter, afin qu'elles puissent sentir à nouveau le goût de Dieu. Dans une autre homélie, saint Grégoire le Grand a approfondi plus encore la même question, et s'est demandé : Comment se fait-il que l'homme ne veuille pas même "goûter" Dieu ? Et il répond : lorsque l'homme est occupé entièrement par son monde, par les choses matérielles, par ce qu'il peut faire, par tout ce qu'il peut réaliser pour connaître le succès, par tout ce qu'il peut produire ou comprendre, alors, sa capacité de perception à l'égard de Dieu s'affaiblit, l'organe qui perçoit Dieu dépérit, devient incapable de percevoir et insensible. Il ne perçoit plus le Divin, car l'organe correspondant en lui s'est desséché, il ne n'est plus développé. Lorsqu'il utilise trop les autres organes, ceux empiriques, alors, il peut advenir que précisément le sens de Dieu s'affaiblisse ; que cet organe meure ; et que l'homme, comme le dit saint Grégoire, ne perçoive plus le regard de Dieu, le fait d'être regardé par Lui - cette chose précieuse qu'est son regard qui se pose sur moi !
Je pense que saint Grégoire le grand a décrit exactement la situation de notre époque - en effet, il s'agissait d'une époque très semblable à la nôtre. Et la question se pose encore : que devons-nous faire ? Je pense que la première chose est …: "Ayez en vous les mêmes sentiments qui sont dans Jésus Christ ! - Touto phroneite en hymin ho kai en Christo Iesou". Apprenez à penser comme a pensé le Christ, apprenez à penser avec Lui ! Et cette façon de penser n'est pas seulement celle de l'esprit, mais également une pensée du c½ur. Nous apprenons les sentiments de Jésus Christ lorsque nous apprenons à penser avec Lui et donc, lorsque nous apprenons à penser également à son échec et à sa façon de traverser l'échec, à l'accroissement de son amour dans l'échec. Si nous entrons dans ses sentiments, si nous commençons à nous exercer à penser comme Lui et avec Lui, alors se réveille en nous la joie à l'égard de Dieu, la certitude qu'Il est de toute façon le plus fort ; oui, nous pouvons le dire, l'amour pour Lui se réveille en nous. Nous ressentons combien il est beau qu'Il soit là et que nous puissions Le connaître - que nous le connaissions dans le Visage de Jésus Christ, qui a souffert pour nous. Je pense que c'est la première chose : que nous entrions nous-mêmes dans un contact vivant avec Dieu, avec le Seigneur Jésus, le Dieu vivant ; que se renforce en nous l'organe qui perçoit Dieu; que nous portions en nous la perception de son "goût exquis". Cela encourage également notre action ; car nous aussi, nous courons un risque : on peut faire beaucoup, tant de choses, dans le domaine ecclésial, tout pour Dieu... et ce faisant, se tenir totalement à l'écart, sans jamais rencontrer Dieu. L'engagement se substitue à la foi, mais ensuite, se vide de l'intérieur. Je pense donc que nous devrions nous engager surtout dans l'écoute du Seigneur, dans la prière, dans la participation intime aux sacrements, dans l'apprentissage des sentiments de Dieu sur le visage et dans les souffrances des hommes, pour être ainsi contaminés par sa joie, par son zèle, par son amour, et pour regarder avec Lui, et à partir de Lui, le monde. Si nous réussissons à faire cela, alors même au milieu de tant de "non", nous trouverons à nouveau les hommes qui L'attendent et qui sont souvent peut-être insolites - la parabole le dit clairement - mais qui sont tout de même appelés à entrer dans sa salle.
Une fois de plus, en d'autres termes: il s'agit de la place centrale de Dieu, et précisément non pas d'un dieu quelconque, mais du Dieu qui a le visage de Jésus Christ. Cela est important aujourd'hui. Il y a tant de problèmes que l'on pourrait énumérer mais qui - tous - ne peuvent être résolus si Dieu n'est pas placé au centre, si Dieu ne devient pas à nouveau visible dans le monde, s'il ne devient pas déterminant dans notre vie et s'il n'entre pas également à travers nous de façon déterminante dans le monde. C'est en cela, je pense, que se décide aujourd'hui le destin du monde dans cette situation dramatique : si Dieu - le Dieu de Jésus Christ - existe et est reconnu comme tel, ou s'il disparaît. Nous faisons en sorte qu'il soit présent. Que devrions-nous faire ? En ultime analyse ? Nous nous adressons à Lui ! Nous célébrons cette Messe votive de l'Esprit Saint, en L'invoquant : … afin qu'il irrigue, réchauffe, redresse, afin qu'il nous entoure de la force de sa flamme sacrée et qu'il renouvelle la terre
2007
Le 7 février 2007 - Audience Générale
Chaque maison peut se transformer en une petite Eglise. Non seulement dans le sens où le typique amour chrétien fait d'altruisme et d'attention réciproque doit y régner, mais plus encore dans le sens où toute la vie familiale sur la base de la foi, est appelée à tourner autour de l'unique domination de Jésus Christ. Ce n'est pas par hasard que dans la Lettre aux Ephésiens, Paul compare la relation matrimoniale à la communion sponsale qui existe entre le Christ et l'Eglise (cf. Ep 5, 25-33). Nous pourrions même considérer que l'Apôtre façonne indirectement la vie de l'Eglise tout entière sur celle de la famille. Et en réalité, l'Eglise est la famille de Dieu.
11 juin 2007, au congrès annuel du Diocèse de Rome, Basilique Saint Jean de Latran
Pour l'éducation et la formation chrétienne, donc, la prière et notre amitié personnelle avec Jésus sont fondamentales: seul celui qui connaît et aime Jésus peut introduire ses frères dans une relation vitale avec Lui. Et c'est précisément soutenu par cette nécessité que j'ai pensé qu'il serait utile d'écrire un livre qui aide à connaître Jésus. N'oublions jamais la parole de Jésus: "Je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi; mais c'est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure" (Jn 15, 15-16). C'est pourquoi nos communautés pourront travailler de manière fructueuse et éduquer à la foi et à suivre le Christ, en étant elles mêmes d'authentiques "écoles" de prière (cf. Novo millennio ineunte, n. 33), dans lesquelles se vit le primat de Dieu.
17 juin 2007, avec les prêtres et religieux, à Assise ; à l’occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.
En Saint François, tout part de Dieu et retourne à Dieu.
9 août 2007 – Aux participants de la « Mission des Jeunes » promue par le diocèse de Madrid
Ne cessez pas de cultiver vous-mêmes la rencontre personnelle avec le Christ, de le garder toujours au centre de votre c½ur, car ainsi, toute votre vie deviendra une mission et vous laisserez transparaître le Christ qui vit en vous.
7 septembre 2007 – Avec les journalises, dans l’avion vers l’Autriche
Mon voyage veut être avant tout un pèlerinage. Il veut être un signe de la confiance que nous avons en Dieu, de la priorité de Dieu, que Dieu existe, que nous avons besoin de l'aide de Dieu.
Je voudrais simplement confirmer les personnes dans la foi, leur dire que vraiment, aujourd'hui aussi, nous avons besoin de Dieu, nous avons besoin d'une orientation qui donne une direction à notre vie. On voit qu'une vie sans orientation, sans Dieu, ne parvient pas à son accomplissement: elle demeure vide. Le relativisme relativise tout et, à la fin, on n'arrive plus à distinguer le bien du mal. Je voudrais donc simplement confirmer cette conviction, qui devient toujours plus évidente, de notre besoin de Dieu, du Christ et de la grande communion de l'Eglise qui unit les peuples et les réconcilie.
9 septembre 2007 – Homélie Messe Cathédrale Saint Etienne, à Vienne
"Sine dominico non possumus!". Sans le don du Seigneur, sans le Jour du Seigneur, nous ne pouvons pas vivre: c'est ainsi que répondirent, en l'an 304, plusieurs chrétiens d'Abitène, dans l'actuelle Tunisie, lorsque, surpris au cours de la Célébration eucharistique dominicale qui était interdite, ils furent conduits devant le juge et on leur demanda pourquoi ils avaient célébré le Dimanche la fonction religieuse chrétienne, alors qu'ils savaient bien que cela était puni par la mort. "Sine dominico non possumus". Dans le mot dominicum/dominico sont liées de façon indissoluble deux significations, dont nous devons à nouveau apprendre à percevoir l'unité. Il y a tout d'abord le don du Seigneur - ce don est Lui-même: le Ressuscité, au contact et à la proximité duquel les chrétiens doivent se trouver pour être eux-mêmes. Cela n'est cependant pas seulement un contact spirituel, intérieur, subjectif: la rencontre avec le Seigneur s'inscrit dans le temps à travers un jour précis. Et, de cette façon, elle s'inscrit dans notre existence concrète, physique et communautaire, qui est temporalité. Elle donne à notre temps, et donc à notre vie dans son ensemble, un centre, un ordre intérieur. Pour ces chrétiens, la Célébration eucharistique dominicale n'était pas un précepte, mais une nécessité intérieure. Sans Celui qui soutient notre vie, la vie elle-même est vide. Abandonner ou trahir ce centre ôterait à la vie elle-même son fondement, sa dignité intérieure et sa beauté.
Cette attitude des chrétiens de l'époque a-t-elle également de l'importance pour nous, chrétiens d'aujourd'hui? Oui, elle vaut également pour nous, qui avons besoin d'une relation qui nous soutienne et donne une orientation et un contenu à notre vie. Nous aussi avons besoin du contact avec le Ressuscité, qui nous soutient jusqu'au-delà de la mort. Nous avons besoin de cette rencontre qui nous réunit, qui nous donne un espace de liberté, qui nous fait regarder au-delà de l'activisme de la vie quotidienne vers l'amour créateur de Dieu, dont nous provenons et vers lequel nous sommes en marche.
"Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera. Que sert donc à l'homme de gagner le monde entier, s'il se perd ou se ruine lui-même?" (Lc 9, 24sq). Qui veut posséder seulement sa propre vie, la prendre seulement pour soi-même, la perdra. Seul celui qui se donne reçoit sa vie. En d'autres termes: seul celui qui aime trouve la vie. Et l'amour exige toujours de sortir de soi-même, exige toujours de se quitter soi-même. Celui qui se tourne en arrière pour se chercher et veut avoir l'autre seulement pour soi, se perd précisément de cette manière lui-même et l'autre. Sans cette perte plus profonde de soi-même, il n'y a pas de vie. La soif fébrile de vie qui aujourd'hui ne laisse pas les hommes en paix finit dans le vide de la vie perdue. "Qui perdra sa vie à cause de moi...", dit le Seigneur: une manière de se quitter soi-même de manière plus radicale n'est possible que si à travers cela, en fin de compte, nous ne tombons pas dans le vide, mais dans les mains de l'Amour éternel. Seul l'amour de Dieu, qui s'est perdu lui-même pour nous en se remettant à nous, nous permet à nous aussi de devenir libres, de nous laisser aller et ainsi de trouver véritablement la vie. Il est vrai que tout le savoir du monde ne nous sert à rien, si nous n'apprenons pas à vivre, si nous n'apprenons pas ce qui compte vraiment dans la vie.
8 octobre 2007 – Aux membres du Chapitre de la Basilique du Vatican
Rien ne doit être placé avant Dieu.
21 novembre 2007 – Enseignement de Benoit XVI lors de l’Audience Générale
Dans notre parcours dans le monde des Pères de l'Eglise, je voudrais aujourd'hui vous guider dans une partie peu connue de cet univers de la foi, c'est-à-dire dans les territoires où fleurirent les Eglises de langue sémitique, qui n'étaient pas encore influencées par le pensée grecque. Ces Eglises, durant le IV siècle, se développent au proche Orient, de la Terre Sainte au Liban et à la Mésopotamie. Au cours de ce siècle, qui est une période de formation au niveau ecclésial et littéraire, ces communautés voient l'affirmation du phénomène ascétique et monastique avec des caractéristiques autochtones, qui ne subissent pas l'influence du monachisme égyptien. Les communautés syriaques du IV siècle représentent donc le monde sémite, dont la Bible elle-même est née, et elles sont l'expression d'un christianisme dont la formulation théologique n'est pas encore entrée en contact avec des courants culturels différents, mais qui vit sa propre forme de pensée. Ce sont des Eglises où l'ascétisme sous diverses formes érémitiques (ermites dans le désert, dans les grottes, reclus, stylites), et le monachisme sous des formes de vie communautaire, exercent un rôle d'importance vitale dans le développement de la pensée théologique et spirituelle.
Je voudrais présenter ce monde à travers la grande figure d'Aphraate, également connu sous le nom de "Sage", un des personnages les plus importants, et dans le même temps les plus énigmatiques, du christianisme syriaque du IV siècle. Originaire de la région de Ninive-Mossoul, aujourd'hui en Irak, il vécut dans la première moitié du IV siècle. Nous ne possédons que peu d'informations sur sa vie; il entretint cependant des rapports étroits avec les milieux ascétiques et monastiques de l'Eglise syriaque, dont il nous a transmis des informations dans son ½uvre et auxquels il consacre une partie de sa réflexion. Selon certaines sources, il fut même responsable d'un monastère et, pour finir, il fut également consacré Evêque. Il écrivit 23 discours, connus sous le nom d'Expositions ou Démonstrations, dans lesquels il traite de divers thèmes de vie chrétienne, comme la foi, l'amour, le jeûne, l'humilité, la prière, la vie ascétique elle-même, et également le rapport entre judaïsme et christianisme, entre Ancien et Nouveau Testament. Il écrit dans un style simple, en employant des phrases brèves et en utilisant des parallélismes parfois contrastants ; il réussit toutefois à formuler un discours cohérent avec un développement bien articulé des divers thèmes qu'il traite.
Aphraate était originaire d'une communauté ecclésiale qui se trouvait à la frontière entre le judaïsme et le christianisme. C'était une communauté profondément liée à l'Eglise-mère de Jérusalem, et ses Evêques étaient traditionnellement choisis parmi ceux qu'on appelle "les proches" de Jacques, le "frère du Seigneur" (cf. Mc 6, 3): il s'agissait en fait de personnes liées par le sang et par la foi à l'Eglise hyérosolimitaine. La langue d'Aphraate est la langue syriaque, une langue donc sémitique comme l'hébreu de l'Ancien Testament et comme l'araraméen parlé par Jésus lui-même. La communauté ecclésiale dans laquelle se déroule la vie d'Aphraate était une communauté qui cherchait à rester fidèle à la tradition judéo-chrétienne, dont elle se sentait la fille. Celle-ci conservait donc un lien étroit avec le monde juif et avec ses Livres sacrés. Aphraate se définit de manière significative "disciple de l'Ecriture Sainte" de l'Ancien et du Nouveau Testament (Démonstrations 22, 26), qu'il considère comme son unique source d'inspiration, ayant recours à celle-ci d'une manière si fréquente qu'il en fait le centre de sa réflexion.
Aphraate développe plusieurs arguments dans ses Démonstrations. Fidèle à la tradition syriaque, il présente souvent le salut accompli par le Christ comme une guérison et, donc, le Christ lui-même comme un médecin. En revanche, le péché est vu comme une blessure, que seule la pénitence peut guérir : "Un homme qui a été blessé lors d'une bataille, dit Aphraate, n'a pas honte de se remettre entre les mains d'un sage médecin...; de la même façon, celui qui a été blessé par Satan ne doit pas avoir honte de reconnaître sa faute et de s'éloigner d'elle, en demandant le remède de la pénitence" (Démonstrations 7, 3). Un autre aspect important de l'½uvre d'Aphraate est son enseignement sur la prière, et en particulier sur le Christ comme maître de prière. Le chrétien prie en suivant l'enseignement de Jésus et son exemple d'orant : "Notre Sauveur nous a enseigné à prier ainsi, en disant : "Prie dans le secret Celui qui est caché, mais qui voit tout"; et encore: "Entre dans ta chambre et prie ton Père dans le secret, et le Père qui voit dans le secret te récompensera" (Mt 6, 6)... Ce que notre Sauveur veut montrer, c'est que Dieu connaît les désirs et les pensées du coeur" (Démonstrations 4, 10).
Pour Aphraate, la vie chrétienne est centrée sur l'imitation du Christ, sur le fait de prendre son joug et de le suivre sur la voie de l'Evangile. Une des vertus qui s'adapte le mieux au disciple du Christ est l'humilité. Celle-ci n'est pas un aspect secondaire dans la vie spirituelle du chrétien: la nature de l'homme est humble, et c'est Dieu qui l'exalte pour sa propre gloire. L'humilité, observe Aphraate, n'est pas une valeur négative : "Si la racine de l'homme est plantée dans la terre, ses fruits croissent devant le Seigneur de la grandeur" (Démonstrations 9, 14). En restant humble, même au sein de la réalité terrestre dans laquelle il vit, le chrétien peut entrer en relation avec le Seigneur : "L'humble est humble, mais son coeur s'élève à des hauteurs éminentes. Les yeux de son visage observent la terre et les yeux de l'esprit, les hauteurs éminentes" (Démonstrations 9, 2).
La vision qu'Aphraate a de l'homme et de sa réalité corporelle est très positive : le corps de l'homme, à l'exemple du Christ humble, est appelé à la beauté, à la joie, à la lumière : "Dieu s'approche de l'homme qu'il aime, et il est juste d'aimer l'humilité et de rester dans la condition d'humilité. Les humbles sont simples, patients aimés, intègres, droits, experts dans le bien, prudents, sereins, sages, calmes, pacifiques, miséricordieux, prêts à se convertir, bienveillants, profonds, pondérés, beaux et désirables" (Démonstrations 9, 14). Chez Aphraate, la vie chrétienne est souvent présentée dans une claire dimension ascétique et spirituelle : la foi en est la base, le fondement ; elle fait de l'homme un temple où le Christ lui-même demeure. La foi rend donc possible une charité sincère, qui s'exprime dans l'amour envers Dieu et envers le prochain. Un autre aspect important chez Aphraate est le jeûne, qu'il entend au sens large. Il parle du jeûne de la nourriture comme d'une pratique nécessaire pour être charitable et vierge, du jeûne constitué par la continence en vue de la sainteté, du jeûne des paroles vaines ou détestables, du jeûne de la colère, du jeûne de la propriété des biens en vue du ministère, du jeûne du sommeil pour s'appliquer à la prière.
Chers frères et soeurs, revenons encore - pour conclure - à l'enseignement d'Aphraate sur la prière. Selon cet antique "Sage", la prière se réalise lorsque le Christ demeure dans le coeur du chrétien, et il l'invite à un engagement cohérent de charité envers son prochain. Il écrit en effet :
"Apporte le réconfort aux accablés, visite les malades,
sois plein de sollicitude envers les pauvres : telle est la prière.
La prière est bonne,
et ses ½uvres sont belles.
La prière est acceptée lorsqu'elle apporte le réconfort au prochain.
La prière est écoutée
lorsque dans celle-ci se trouve également le pardon des offenses.
La prière est forte
lorsqu'elle est remplie de la force de Dieu" (Démonstrations 4, 14-16).
Avec ces paroles, Aphraate nous invite à une prière qui devient vie chrétienne, vie réalisée, vie pénétrée par la foi, par l'ouverture à Dieu et, ainsi, par l'amour pour le prochain.
13 décembre 2007 – Discours de Benoit XVI aux Etudiants des Universités de Rome
Au XVII siècle, l'Europe a connu un authentique changement d'époque et, à partir de ce moment-là, une mentalité selon laquelle le progrès humain est l'½uvre de la science et de la technique n'a cessé de s'affirmer, alors qu'à la foi ne reviendrait que le salut de l'âme. Les deux grandes idées-force de la modernité, la raison et la liberté, se sont comme détachées de Dieu pour devenir autonomes et coopérer ensemble à la construction du "royaume de l'homme", pratiquement opposé au Royaume de Dieu. C'est ainsi que se diffuse une conception matérialiste, alimentée par l'espérance que, en transformant les structures économiques et politiques, l'on pourra finalement donner vie à une société juste, où règnent la paix, la liberté et l'égalité. Ce processus, qui n'est privé ni de valeurs ni de raisons historiques, contient cependant une erreur de fond : de fait, l'homme n'est pas seulement le produit de situations économiques ou sociales déterminées; le progrès technique ne coïncide pas avec la croissance morale des personnes, au contraire, sans principes éthiques la science, la technique et la politique peuvent être utilisées - comme cela s'est produit et se produit malheureusement - non pour le bien mais pour le mal des individus et de l'humanité.
2008
21 janvier 2008 – Lettre aux Romains sur l’éducation
Je ne peux donc pas terminer cette lettre sans une chaleureuse invitation à placer en Dieu notre espérance. Lui seul est l'espérance qui résiste à toutes les déceptions; seul son amour ne peut pas être détruit par la mort; seules sa justice et sa miséricorde peuvent panser les injustices et récompenser les souffrances subies. L'espérance qui s'adresse à Dieu n'est jamais une espérance pour moi seul, c'est toujours aussi une espérance pour les autres: elle ne nous isole pas, mais nous rend solidaires dans le bien, nous stimule à nous éduquer réciproquement à la vérité et à l'amour.
22 juin 2008 – Angelus avec Benoit XVI
Dans l'évangile de ce dimanche nous trouvons deux invitations de Jésus : d'une part "ne craignez pas les hommes", de l'autre "craignez" Dieu (cf. Mt 10, 26.28). Nous sommes ainsi encouragés à réfléchir sur la différence qui existe entre les peurs humaines et la crainte de Dieu. La peur est une dimension naturelle de la vie. Dès l'enfance on expérimente des formes de peur qui se révèlent par la suite imaginaires et qui disparaissent ; ensuite naissent d'autres peurs, qui ont des fondements précis dans la vie réelle : celles-ci doivent être affrontées et surmontées avec l'engagement humain et la confiance en Dieu. Mais il y a ensuite, surtout aujourd'hui, une forme de peur plus profonde, de type existentiel, qui touche parfois à l'angoisse : elle naît d'un sentiment de vide lié à une certaine culture imprégnée d'un nihilisme théorique et pratique diffus.
Face à l'éventail large et diversifié des peurs humaines, la Parole de Dieu est claire : qui "craint" Dieu "n'a pas peur". La crainte de Dieu, que les Écritures définissent comme "le principe de la vraie sagesse", coïncide avec la foi en Lui, avec le respect sacré de son autorité sur la vie et sur le monde. "Ne pas craindre Dieu" équivaut à se mettre à sa place, à se sentir maître du bien et du mal, de la vie et de la mort. Qui craint Dieu éprouve en revanche la sécurité de l'enfant dans les bras de sa mère (cf. Ps 130, 2) : qui craint Dieu est tranquille même au c½ur de la tempête, car Dieu, comme Jésus nous l'a révélé, est un Père plein de miséricorde et de bonté. Qui l'aime n'a pas peur : "Il n'y a pas de crainte dans l'amour - écrit l'apôtre Jean -, au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n'est point parvenu à la perfection de l'amour" (1 Jn 4, 18). Le croyant ne s'effraye donc devant rien, car il sait qu'il est dans les mains de Dieu, il sait que le mal et l'irrationnel n'ont pas le dernier mot, mais que le seul Seigneur du monde et de la vie, c'est le Christ, le Verbe de Dieu incarné, qui nous a aimés jusqu'à se sacrifier lui-même, en mourant sur la croix pour notre salut.
Plus nous grandissons dans cette intimité avec Dieu, imprégnée d'amour, plus nous surmontons toute forme de peur avec facilité. Dans le passage de l'évangile d'aujourd'hui, Jésus exhorte à plusieurs reprises à ne pas avoir peur. Il nous rassure, comme il le fit avec les apôtres, comme il le fit avec saint Paul en lui apparaissant une nuit dans une vision, à un moment particulièrement difficile de sa prédication : "Sois sans crainte, lui dit-il, car je suis avec toi! (Ac 18, 9). Fort de la présence du Christ et réconforté par son amour, l'Apôtre des nations, dont nous nous apprêtons à célébrer le bimillénaire de la naissance par une année jubilaire spéciale, ne craignit même pas le martyre. Que ce grand événement spirituel et pastoral suscite aussi en nous une confiance renouvelée en Jésus Christ qui nous appelle à annoncer et témoigner de son Evangile, sans aucune crainte.
2010
1er avril 2010 – Homélie de la Messe chrismale
Sacrement signifie que, en premier lieu, ce ne sont pas nous les hommes qui faisons quelque chose, mais c’est d’abord Dieu, qui, par son agir, vient à notre rencontre, nous regarde et nous conduit vers Lui.
À travers l’histoire de la colombe avec le rameau d’olivier, qui annonçait la fin du déluge et ainsi la nouvelle paix de Dieu avec le monde des hommes, non seulement la colombe, mais aussi le rameau d’olivier et l’huile même sont devenus symbole de la paix. Les chrétiens des premiers siècles aimaient orner les tombes de leurs défunts avec la couronne de la victoire et le rameau d’olivier, symbole de la paix. Ils savaient que le Christ a vaincu la mort et que leurs défunts reposaient dans la paix du Christ. Ils se savaient, eux-mêmes, attendus par le Christ qui leur avait promis la paix que le monde n’est pas en mesure de donner. Ils se rappelaient que la première parole du Ressuscité aux siens avait été: «La paix soit avec vous» (Jn 20,19)! Il porte lui-même, pour ainsi dire, le rameau d’olivier, il fait entrer sa paix dans le monde. Il annonce la bonté salvifique de Dieu. Il est notre paix. Les chrétiens devraient donc être des personnes de paix, des personnes qui reconnaissent et vivent le mystère de la Croix comme mystère de la réconciliation. Le Christ ne triomphe pas par l’épée, mais par la Croix. Il triomphe en dépassant la haine. Il triomphe par la force de son plus grand amour. La Croix du Christ exprime le ‘non’ à la violence. Et c’est bien ainsi qu’elle est le signe de la victoire de Dieu qui annonce le nouveau chemin de Jésus. Celui qui souffre a été plus fort que les détenteurs du pouvoir. Dans le don de lui-même sur la Croix, le Christ a vaincu la violence. Comme prêtres, nous sommes appelés à être, dans la communion avec Jésus Christ, des hommes de paix, nous sommes appelés à nous opposer à la violence et à avoir confiance au plus grand pouvoir de l’amour.
Le fait que l’huile rende fort pour le combat appartient aussi à son symbolisme. Cela ne s’oppose pas au thème de la paix, mais en fait partie. Le combat des chrétiens consistait et consiste, non dans l’usage de la violence, mais dans le fait qu’ils étaient et sont toujours prêts à souffrir pour le bien, pour Dieu. Il consiste dans le fait que les chrétiens, en bons citoyens, respectent le droit et font ce qui est juste et bon. Il consiste dans le fait qu’ils refusent de faire ce qui, dans les dispositions juridiques en vigueur, n’est pas un droit, mais une injustice. Le combat des martyrs résidait dans leur ‘non’ concret à l’injustice: rejetant toute participation au culte idolâtre, à l’adoration de l’empereur, ils ont refusé de se plier au mensonge, à l’adoration de personnes humaines et de leur pouvoir. Avec leur ‘non’ au mensonge et à toutes ses conséquences, ils ont porté haut le pouvoir du droit et de la vérité. Ainsi, ils ont servi la véritable paix. Aujourd’hui encore, il est important pour les chrétiens de suivre le droit qui est le fondement de la paix. Aujourd’hui encore, il est important pour les chrétiens de ne pas accepter une injustice qui est élevée au rang de droit – par exemple, quand il s’agit du meurtre d’enfants innocents qui ne sont pas encore nés. C’est ainsi que nous servons la paix et c’est ainsi que nous nous mettons à suivre les traces de Jésus Christ dont saint Pierre dit: «Couvert d’insultes, il n’insultait pas; accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec justice. Dans son corps, il a porté nos péchés sur le bois de la croix, afin que nous puissions mourir à nos péchés et vivre dans la justice» (1 P 2, 23ss).
1er décembre 2010 – Enseignement de Benoit XVI sur Ste Julienne de Norwich, lors de l’Audience Générale. Fête liturgique est le 14 mai.
Les femmes et les hommes qui se retirent pour vivre en compagnie de Dieu, précisément grâce à leur choix, acquièrent un sens élevé de compassion pour les peines et les faiblesses des autres. Amies et amis de Dieu, ils disposent d’une sagesse que le monde, dont ils s’éloignent, ne possède pas et, avec bonté, ils la partagent avec ceux qui frappent à leur porte. Je pense donc avec admiration et reconnaissance aux monastères de clôture féminins et masculins qui, aujourd’hui plus que jamais, sont des oasis de paix et d’espérance, précieux trésor pour toute l’Eglise, en particulier en rappelant le primat de Dieu et l’importance d’une prière constante et intense pour le chemin de foi.
2011
10 juillet 2011 - Angelus
(Mt 13, 1-23), Jésus s’adresse à la foule avec la célèbre parabole du semeur. À la lumière de cet Évangile, regardons vers lui comme un maître de l’écoute de la Parole de Dieu, une écoute profonde et persévérante. Nous devons toujours apprendre du grand patriarche du monachisme occidental à donner à Dieu la place qui lui revient, la première place, en lui offrant, par la prière du matin et du soir, les activités quotidiennes.
17 juillet 2011 - Angelus
Les paraboles de l'Évangile sont de brefs récits que Jésus utilise pour annoncer les mystères du Royaume des cieux. En utilisant des images et des situations de la vie quotidienne, le Seigneur « veut nous indiquer le véritable fondement de toute chose. Il nous montre... le Dieu qui agit, qui entre dans notre vie et qui veut nous prendre par la main » (Jésus de Nazareth, première partie, 2007). Par ce genre de discours, le divin Maître nous invite à reconnaître d'abord le primat de Dieu le Père : là où Il est absent, il ne peut rien y avoir de bon. C'est une priorité décisive pour tout. Royaume des cieux signifie justement seigneurie de Dieu et cela veut dire que sa volonté doit être considérée comme le critère guidant notre vie.
Le thème contenu dans l'Évangile de ce dimanche est justement le Royaume des cieux. Le « ciel » ne doit pas être vu seulement dans le sens de la hauteur qui nous domine, car cet espace infini possède aussi la forme de l'intériorité de l'homme. Jésus compare le Royaume des cieux à un champ de blé, pour nous faire comprendre qu'en nous a été semé quelque chose de petit et de caché qui possède toutefois une force vitale irrépressible. En dépit de tous les obstacles, la graine se développera et le fruit mûrira. Ce fruit sera bon uniquement si la terre de la vie est cultivée selon la volonté de Dieu. C'est pour cela que dans la parabole du bon grain et de l'ivraie (Mt 13, 24-30), Jésus nous avertit qu'après l'ensemencement fait par le maître, « pendant que les gens dormaient », « son ennemi » est intervenu et a semé l'ivraie. Cela signifie que nous devons être disposés à préserver la grâce reçue le jour de notre baptême, en continuant à nourrir notre foi dans le Seigneur qui empêche le mal de s'enraciner. En commentant cette parabole, saint Augustin fait observer que « au départ, beaucoup sont de l'ivraie puis ils deviennent du bon grain », et il ajoute : « s'ils n'étaient pas tolérés patiemment, quand ils sont mauvais, ils n'arriveraient pas à ce changement louable » (Quaest. septend. in Ev. sec. Matth., 12, 4 : PL 35, 1371).
2012
26 mai 2012 – Audience au Renouveau charismatique
Vous avez affirmé de différentes façons le primat de Dieu auquel nous devons notre adoration, toujours et par-dessus tout. Et vous avez cherché à proposer cette expérience aux nouvelles générations, en manifestant la joie de la vie nouvelle dans l’Esprit, grâce à une vaste opération de formation et de multiples activités liées à la nouvelle évangélisation et à la missio ad gentes.
31 mai 2012 – Au terme de la Veillée mariale à la Grotte de Lourdes, dans les Jardins du Vatican.
Marie, a placé Dieu au centre de sa vie, et s’est abandonnée confiante à sa volonté, dans une attitude d’humble docilité à son dessein d’amour.
11 juin 2012 – au Congrès du Diocèse de Rome.
La priorité, le caractère central de Dieu dans notre vie est une première conséquence du baptême.
1er juillet 2012 – Aux pélerins francophones, au terme d el’Angelus
Pendant cette période estivale, je vous invite à savoir prendre du temps pour Dieu.
15 juillet 2012 – Aux francophones, au terme de l’Angelus
Cette période estivale permet à certains d’entre nous de prendre du repos. Ce temps peut être pour chacun un moment favorable pour réfléchir sur sa propre vie et pour rendre son c½ur disponible aux autres et à Dieu.
10 août 2012 – Message au Congrès de Rimini
Parler de l’homme et de son désir d’infini signifie avant tout reconnaître sa relation constitutive avec le Créateur. L’homme est une créature de Dieu. Aujourd’hui, ce mot — créature — semble presque passé de mode: on préfère penser à l’homme comme à un être accompli en soi et artisan absolu de son propre destin. La considération de l’homme comme créature apparaît «dérangeante», car elle implique une référence essentielle à quelque chose d’autre ou de mieux, à Quelqu’un d’autre — non gérable par l’homme — qui définit de façon essentielle son identité; une identité de relation, dont la première donnée est la dépendance originelle et ontologique de Celui qui nous a voulus et qui nous a créés. Pourtant, cette dépendance, dont l’homme moderne et contemporain tente de s’affranchir, non seulement ne cache pas ou ne diminue pas, mais révèle de façon lumineuse la grandeur et la dignité suprême de l’homme, appelé à la vie pour entrer en rapport avec la Vie elle-même, avec Dieu.
Dire que «la nature de l’homme est le rapport avec l’infini» signifie alors dire que chaque personne est créée afin qu’elle puisse entrer en dialogue avec Dieu, avec l’Infini. Au début de l’histoire du monde, Adam et Eve sont le fruit d’un acte d’amour de Dieu, faits à son image et ressemblance, et leur vie et leur relation avec le Créateur coïncidaient: «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa» (Gn 1, 27). Et le péché originel trouve sa racine ultime précisément dans le fait que nos ancêtres se sont soustraits à cette relation constitutive, ont voulu se mettre à la place de Dieu, en croyant pouvoir se passer de Lui. Même après le péché, toutefois, demeure dans l’homme le désir brûlant de ce dialogue, presque comme une signature marquée par le feu dans son âme et dans sa chair par le Créateur lui-même. Le Psaume 63 [62] nous aide à entrer au c½ur de ce discours: «Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau» (v. 2). Non seulement mon âme, mais chaque fibre de ma chair est faite pour trouver sa paix, sa réalisation en Dieu. Et cette tension est indélébile dans le c½ur de l’homme: même lorsqu’il refuse ou nie Dieu, la soif d’infini qui habite l’homme ne disparaît pas. Commence en revanche une recherche effrénée et stérile, de «faux infinis», qui puissent satisfaire au moins pour un temps. La soif de l’âme et le désir de la chair dont parle le Psalmiste ne peuvent être éliminés, ainsi l’homme, sans le savoir, se lance à la recherche de l’Infini, mais dans de mauvaises directions: dans la drogue, dans une sexualité vécue de façon désordonnée, dans les technologies toutes puissantes, dans le succès à tout prix, jusque dans des formes trompeuses de religiosité. Même les choses bonnes, que Dieu a créées comme voies qui conduisent à Lui, courent souvent le risque d’être érigées en absolu et devenir ainsi des idoles qui se substituent au Créateur.
Reconnaître d’être faits pour l’infini signifie parcourir un chemin de purification de ce que nous avons appelé «faux infinis», un chemin de conversion du c½ur et de l’esprit. Il faut déraciner toutes les fausses promesses d’infini qui séduisent l’homme et le rendent esclave. Pour se retrouver véritablement soi-même ainsi que sa propre identité, pour vivre à la hauteur de son être, l’homme doit se reconnaître à nouveau comme créature, dépendante de Dieu. A la reconnaissance de cette dépendance — qui au fond d’elle est la joyeuse découverte d’être fils de Dieu — est liée la possibilité d’une vie véritablement libre et pleine. Il est intéressant de noter que saint Paul, dans la Lettre aux Romains, voit le contraire de l’esclavage non pas tant dans la liberté, mais dans le fait d’être fils, d’avoir reçu l’Esprit Saint qui fait de nous des fils adoptifs et qui nous permet de crier à Dieu: «Abba! Père!» (cf. 8, 15). L’apôtre des nations parle d’un esclavage «mauvais»: celui du péché, de la loi, des passions de la chair. Mais à celui-ci il n’oppose pas l’autonomie, mais l’«esclavage du Christ» (cf. 6, 16-22), il se définit même comme «Paul, serviteur du Christ Jésus» (1, 1). Le point fondamental n’est donc pas d’éliminer la dépendance, qui est constitutive de l’homme, mais de l’orienter vers Celui qui seul peut nous rendre véritablement libres.
Mais ici naît une question. N’est-il pas structurellement impossible pour l’homme de vivre à la hauteur de sa nature? Ce désir d’infini qu’il ressent sans jamais pouvoir l’assouvir pleinement n’est-il pas une condamnation? Cette interrogation nous conduit directement au c½ur du christianisme. En effet, l’infini lui-même, pour devenir une réponse que l’homme puisse expérimenter, a pris une forme finie. Depuis l’Incarnation, à partir du moment où le Verbe s’est fait chair, s’est effacée la distance impossible à combler entre fini et infini: le Dieu éternel et infini a quitté son Ciel et est entré dans le temps, il s’est plongé dans la finitude humaine. Rien alors n’est banal ou insignifiant sur le chemin de la vie et du monde. L’homme est fait pour un Dieu infini qui est devenu chair, qui a revêtu notre humanité pour l’attirer vers les hauteurs de son être divin.
Chaque chose, chaque relation, chaque joie et chaque difficulté trouvent leur raison ultime dans le fait d’être une occasion de relation avec l’Infini, voix de Dieu qui nous appelle continuellement et nous invite à élever le regard, à découvrir dans notre adhésion à Lui la pleine réalisation de notre humanité. «Tu nous a faits pour toi — écrivait Augustin — et notre c½ur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi» (Confessions, I, 1).
29 août 2012 – Audienge Gérérale
En ce dernier mercredi du mois d’août, est célébrée la mémoire liturgique du martyre de saint Jean-Baptiste, le précurseur de Jésus. Dans le calendrier romain, il s’agit de l’unique saint dont on célèbre tant la naissance, le 24 juin, que la mort survenue par le martyre. La fête d’aujourd’hui remonte à la dédicace d’une crypte de Sébaste, en Samarie, dans laquelle, dès le milieu du ive siècle, on vénérait sa tête. Le culte s’étendit ensuite à Jérusalem, dans les Églises d’Orient, sous le titre de Décollation de saint Jean-Baptiste. Dans le Martyrologe romain, il est fait référence à une deuxième découverte de la précieuse relique, transportée, pour l’occasion, dans l’église Saint-Sylvestre au campo Marzio, à Rome.
Ces petites références historiques nous aident à comprendre combien la vénération de saint Jean-Baptiste est ancienne et profonde. Les Évangiles mettent très bien en évidence son rôle en référence à Jésus. En particulier, saint Luc raconte sa naissance, sa vie dans le désert, sa prédication, et saint Marc nous parle de sa mort dramatique dans l’Évangile d’aujourd’hui. Jean-Baptiste commence sa prédication sous le règne de l’empereur Tibère, en 27-28 après Jésus Christ, et la claire invitation qu’il adresse à la foule venue l’écouter est celle de préparer le chemin pour accueillir le Seigneur, de rendre droits les sentiers tortueux de sa vie à travers une conversion radicale du c½ur (cf. Lc 3, 4). Mais Jean-Baptiste ne se limite pas à prêcher la pénitence, la conversion, mais, en reconnaissant Jésus comme « l’Agneau de Dieu » venu ôter le péché du monde (Jn 1, 29), il a l’humilité profonde de montrer en Jésus le véritable Envoyé de Dieu, se mettant de côté afin que le Christ puisse grandir, être accueilli et suivi. Comme dernier acte, Jean-Baptiste témoigne par le sang de sa fidélité aux commandements de Dieu, sans céder ni faire marche arrière, en accomplissant jusqu’au bout sa mission. Saint Bède, moine du ixe siècle, dit dans ses homélies : « Saint Jean donna sa vie pour [le Christ], même si l’on ne lui ordonna pas de renier Jésus Christ, on lui ordonna uniquement de taire la vérité » (cf. Hom. 23 : ccl 122, 354). Et il ne taisait pas la vérité et ainsi, il mourut pour le Christ qui est la Vérité. Précisément pour l’amour de la vérité, il ne fit pas de compromis et n’eut pas peur d’adresser des paroles fortes à ceux qui avaient égaré la voie de Dieu.
Nous voyons cette grande figure, cette force dans la passion, dans la résistance contre les puissants. Nous nous demandons : d’où naît cette vie, cette intériorité si forte, si droite, si cohérente, consacrée de façon si totale à Dieu et à préparer la voie pour Jésus ? La réponse est simple : de la relation avec Dieu, de la prière, qui est le fil conducteur de toute son existence. Jean est le don divin longuement invoqué par ses parents, Zacharie et Elisabeth (cf. Lc 1, 13) ; un don grand, humainement impensable, car tous deux avaient un certain âge et Élisabeth était stérile (cf. Lc 1, 7) ; mais rien n’est impossible à Dieu (cf. Lc 1, 36). L’annonce de cette naissance a lieu précisément dans le lieu de la prière, au temple de Jérusalem, elle a même lieu lorsque Zacharie reçoit le grand privilège d’entrer dans le lieu le plus sacré du temple pour faire l’offrande de l’encens au Seigneur (cf. Lc 1, 8-20). La naissance de Jean-Baptiste est marquée elle aussi par la prière : le chant de joie, de louange et d’action de grâce que Zacharie élève au Seigneur et que nous récitons chaque matin dans les Laudes, le Benedictus, exalte l’action de Dieu dans l’histoire et indique de façon prophétique la mission du fils Jean : précéder le Fils de Dieu qui s’est fait chair pour lui préparer les routes (cf. Lc 1, 67-79). L’existence tout entière du Précurseur de Jésus est nourrie par la relation avec Dieu, en particulier la période passée dans des régions désertes (cf. Lc 1, 80) ; les régions désertes qui sont le lieu de la tentation, mais également le lieu où l’homme sent sa pauvreté car privé d’appuis et de sécurités matérielles, et comprend que l’unique point de référence solide demeure Dieu lui-même. Mais Jean-Baptiste n’est pas seulement un homme de prière, du contact permanent avec Dieu, mais également un guide pour cette relation. L’évangéliste Luc, en rapportant la prière que Jésus enseigne aux disciples, le « Notre Père », souligne que la demande est formulée par les disciples à travers ces paroles : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples » (cf. Lc 11, 1).
Chers frères et s½urs, célébrer le martyre de saint Jean-Baptiste nous rappelle également à nous, chrétiens de notre temps, qu’aucun compromis n’est possible avec l’amour du Christ, avec sa Parole, avec sa Vérité. La Vérité est Vérité, il n’existe pas de compromis. La vie chrétienne exige, pour ainsi dire, le « martyre » de la fidélité quotidienne à l’Évangile, c’est-à-dire le courage de laisser le Christ grandir en nous et de le laisser orienter notre pensée et nos actions. Mais cela ne peut avoir lieu dans notre vie que si notre relation avec Dieu est solide. La prière n’est pas du temps perdu, elle ne vole pas de place aux activités, même apostoliques, mais elle est exactement le contraire : ce n’est que si nous sommes capables d’avoir une vie de prière fidèle, constante, confiante que Dieu lui-même nous donnera la capacité et la force de vivre de façon heureuse et sereine, de surmonter les difficultés et de témoigner de Lui avec courage. Que saint Jean-Baptiste intercède pour nous, afin que nous sachions toujours conserver le primat de Dieu dans notre vie. Merci.
19 décembre 2012 – Enseignement de Benoit XVI lors de l’Audience Générale
L’ouverture de l’âme à Dieu et à son action dans la foi inclut aussi l’élément de l’obscurité. La relation de l’être humain avec Dieu n’efface pas la distance entre le Créateur et la créature, n’élimine pas ce qu’affirme l’apôtre Paul face aux profondeurs de la sagesse de Dieu : « Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles ! » (Rm 11, 33). Mais justement celui qui — comme Marie — est ouvert de façon totale à Dieu, parvient à accepter le vouloir divin, même s’il est mystérieux, même si souvent il ne correspond pas à notre propre volonté et qu’il est une épée qui transperce l’âme, comme le dira prophétiquement le vieux Syméon à Marie, au moment où Jésus est présenté au Temple (cf. Lc 2, 35). Le chemin de foi d’Abraham comprend le moment de joie pour le don de son fils Isaac, mais aussi le moment de l’obscurité, lorsqu’il doit monter sur le mont Moriah pour accomplir un geste paradoxal : Dieu lui demande de sacrifier le fils qu’il vient de lui donner. Sur le mont, l’ange lui ordonne : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22, 12) ; la pleine confiance d’Abraham dans le Dieu fidèle aux promesses ne manque pas non plus lorsque sa parole est mystérieuse et difficile, presque impossible à accueillir. Ainsi en est-il pour Marie, sa foi vit la joie de l’Annonciation mais passe aussi à travers l’obscurité de la crucifixion de son Fils, pour pouvoir atteindre la lumière de la Résurrection.
Il en est de même aussi pour le chemin de foi de chacun de nous : nous rencontrons des moments de lumière, mais nous rencontrons aussi des passages où Dieu semble absent, son silence pèse dans notre c½ur et sa volonté ne correspond pas à la nôtre, à ce que nous voudrions. Mais plus nous nous ouvrons à Dieu, plus nous accueillons le don de la foi, plus nous plaçons totalement en Lui notre confiance — comme Abraham et comme Marie — alors plus Il nous rend capables, par sa présence, de vivre toute situation de la vie dans la paix et dans la certitude de sa fidélité et de son amour. Mais cela signifie sortir de soi et de nos projets, afin que la Parole de Dieu soit la lampe qui guide nos pensées et nos actions.
… Marie et Joseph portent leur fils à Jérusalem, au Temple, pour le présenter et le consacrer au Seigneur comme le prescrit la loi de Moïse : «Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur » (cf. Lc 2, 22-24). Ce geste de la Sainte Famille acquiert un sens encore plus profond si nous le lisons à la lumière de la science évangélique de Jésus à douze ans qui, après trois jours de recherche, est retrouvé au Temple en train de discuter parmi les docteurs. Aux paroles pleines d’inquiétude de Marie et Joseph : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés », correspond la mystérieuse réponse de Jésus : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 48-49). C’est-à-dire dans la propriété du Père, dans la maison du Père, comme l’est un fils. Marie doit renouveler la foi profonde avec laquelle elle a dit « oui » lors de l’Annonciation ; elle doit accepter que la priorité soit donnée au Père véritable et propre de Jésus ; elle doit savoir laisser libre ce Fils qu’elle a engendré pour qu’il suive sa mission. Et le « oui » de Marie à la volonté de Dieu, dans l’obéissance de la foi, se répète tout au long de sa vie, jusqu’au moment le plus difficile, celui de la Croix.