2021
14 octobre 2021 - aux participants au Congrès organisé par la Société italienne de Pharmacie hospitalière
Je remercie le président de la Société italienne de Pharmacie hospitalière et des Services pharmaceutiques des Etablissements sanitaires pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom à tous. Merci ! Vous êtes venus de toute l’Italie pour votre congrès, représentant différentes réalités. Ce congrès est avant tout l’occasion pour vous d’échanger des points de vue, mais c’est également une opportunité pour réaffirmer l’importance du système de santé publique national, élément incontournable pour garantir le bien commun et la croissance sociale d’un pays. Et tout cela dans le contexte de la pandémie, qui a changé et qui changera la façon de planifier, d’organiser et de gérer la salubrité et la santé. A ce propos, je voudrais vous indiquer trois pistes sur lesquelles poursuivre votre engagement.
La première est tirée de la figure de l’aubergiste dans la parabole du bon samaritain : on lui demande d’accueillir l’homme blessé et de prendre soin de lui jusqu’au retour du samaritain (cf. Lc 10, 35). Dans ce personnage, nous pouvons voir deux aspects importants du travail du pharmacien hospitalier : la routine quotidienne et le service caché. Ce sont des aspects communs à beaucoup d’autres métiers qui demandent patience, constance et précision, et qui n’ont pas la gratification des apparences, qui sont peu visibles. La routine quotidienne et le service caché ne sont pas visibles, ou peu, disons qu’ils sont peu visibles. C’est précisément pour cela que, s’ils sont accompagnés de la prière et de l’amour, ils génèrent la « sainteté du quotidien ». Parce que sans prière et sans amour – vous le savez bien – cette routine devient aride. Mais avec amour, faite avec amour et avec la prière elle te conduit à la sainteté « de la porte d’à côté » : les saints anonymes qui sont partout parce qu’ils font bien ce qu’ils doivent faire.
La seconde piste concerne la dimension spécifique du pharmacien hospitalier, à savoir son professionnalisme, sa spécialisation de troisième cycle. Avec le clinicien, c’est le pharmacien hospitalier qui recherche, expérimente, propose de nouvelles voies ; toujours en contact immédiat avec le patient. Cela implique de la capacité de comprendre la maladie et le malade, de personnaliser les médicaments et les dosages, en étant parfois confronté aux situations cliniques les plus complexes. En effet, le pharmacien est en mesure de tenir compte des effets globaux, qui sont plus que la simple somme des médicaments individuels pour les différentes pathologies. Parfois, selon la structure, il y a une rencontre avec la personne malade ; d’autres fois, la pharmacie hospitalière est l’un des départements invisibles qui font fonctionner l’ensemble, mais la personne est toujours le destinataire de vos soins.
La troisième piste concerne la dimension éthique de la profession, sous deux aspects : l’aspect personnel et l’aspect social.
Sur le plan individuel, le pharmacien, chacun d’entre vous, utilise des substances médicinales qui peuvent se transformer en poison. Il s’agit ici d’exercer une vigilance constante, pour que l’objectif soit toujours la vie du patient dans son intégralité. Vous êtes toujours au service de la vie humaine. Et cela peut comporter, dans certains cas, l’objection de conscience, qui n’est pas infidélité, mais au contraire fidélité à votre profession, si elle est valablement motivée. Aujourd’hui, il y a un peu une mode qui consiste à penser que ce pourrait être une bonne chose de supprimer l’objection de conscience. Mais attention, il s’agit de l’intimité éthique de chaque professionnel de la santé et cela ne devrait jamais être négocié, c’est précisément la responsabilité ultime des professionnels de la santé. C’est aussi une dénonciation des injustices commises contre des vies innocentes et sans défense. (1) C’est une question très délicate, qui exige à la fois une grande compétence et une grande rectitude. En particulier, sur l’avortement, j’ai eu l’occasion de revenir récemment sur l’avortement. (2) Vous savez que, sur ce point, je suis très clair : c’est un homicide et il n’est pas permis d’en être complice. Cela dit, notre devoir est la proximité, notre devoir positif : être proche des situations, en particulier des femmes, pour qu’elles n’en viennent pas à penser à la solution de l’avortement, parce qu’en réalité ce n’est pas la solution. Et au bout de dix, vingt, trente ans, la vie te rappelle tout cela. Et il faut être dans un confessionnal pour en comprendre le prix, si dur.
C’était le niveau éthique personnel. Il y a aussi le niveau de la justice sociale, qui est très important : « Les stratégies sanitaires, destinées à la poursuite de la justice et du bien commun, doivent être économiquement et éthiquement durables ». (3) Certes, dans le Service de santé national italien, une grande place est donnée à l’universalité de l’accès aux soins, mais le pharmacien – même dans les hiérarchies de gestion et d’administration – n’est pas un simple exécutant. C’est pourquoi les critères de gestion et financiers ne sont pas le seul élément à prendre en considération. La culture du rebut ne doit pas porter atteinte à votre profession. Et sur ce point également il faut toujours être vigilant. « Dieu notre Père a confié la tâche de prendre soin de la terre non pas à l’argent, mais à nous : aux hommes et aux femmes. C’est notre tâche ! Au contraire, des hommes et des femmes sont sacrifiés aux idoles du profit et de la consommation : c’est la « culture du rebut » ». (4) Chez les personnes âgées aussi : donner la moitié des médicaments et ainsi, on écourte la vie… C’est une mise au rebut, oui. Cette observation qui, à l’origine, se référait à l’environnement, vaut à plus forte raison pour la santé de l’être humain.
La gestion des ressources et l’attention à ne pas gaspiller ce qui est confié aux mains de chaque pharmacien revêtent une signification non seulement économique mais éthique, ou plutôt, humaine, très humaine. Pensons à l’attention aux détails, à l’acquisition et au stockage des produits, à leur utilisation correcte et à leur acheminement vers ceux qui en ont un besoin urgent. Pensons à la relation avec les différents acteurs – les chefs de service, les infirmiers, les médecins et les anesthésistes – et avec toutes les structures impliquées.
Je vous remercie pour cette visite et je souhaite que vous puissiez continuer votre métier si humain, si digne, si grand et bien souvent tellement silencieux que personne ne s’en aperçoit. Merci beaucoup ! Que Dieu vous bénisse tous. Et priez pour moi. Merci !
______________
[1] Cf. Conseil pontifical pour la Pastorale de la Santé, Nouvelle Charte des Personnels de la Santé (2017), n. 60.
[2] Cf. Conférence de presse pendant le vol de retour de Bratislava (15 septembre 2021).
[3] Cf. Conseil pontifical pour la Pastorale de la Santé, Nouvelle Charte des Personnels de la Santé (2017), n. 92.
[4] Audience générale, 5 juin 2013.
18 octobre 2021 – A des représentants de la Biomedical University Foundation de Rome (extraits)
Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie pour votre présence et votre don. Je suis reconnaissant envers le professeur Paolo Arullani, président de la Fondation, pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom. C’est beau de vous connaître personnellement en ce jour où nous fêtons saint Luc, que l’apôtre Paul appelle « le médecin bien-aimé » (Col 4, 14).
J’ai accepté avec plaisir la proposition de vous rencontrer en raison de ce que je connais du Campus Bio-Medico de Rome. Je sais combien il est difficile aujourd’hui de mener à bien un travail dans le domaine de la santé, surtout lorsque, comme dans votre hôpital, l’accent est mis non seulement sur l’assistance, mais aussi sur la recherche pour offrir aux patients les thérapies les plus adaptées, et surtout lorsque c’est fait avec amour pour la personne. Faire passer le patient avant la maladie est essentiel dans tous les domaines de la médecine ; c’est fondamental pour un traitement qui soit vraiment complet, vraiment humain. La personne malade avant la maladie. Le bienheureux Alvaro del Portillo vous a encouragés à le faire : vous mettre chaque jour au service de la personne humaine dans son intégralité. Je vous en remercie, c’est très agréable à Dieu.
La centralité de la personne, qui sous-tend votre engagement dans les soins, mais également dans l’enseignement et la recherche, vous aide à renforcer une vision unifiée, synergique. Une vision qui met au premier plan non pas des idées, des techniques et des projets, mais l’homme concret, le patient, qu’il faut soigner en rencontrant son histoire, en connaissant son vécu, en établissant des relations amicales, qui guérissent le c½ur. L’amour pour l’homme, surtout dans sa condition de fragilité, dans laquelle transparaît l’image de Jésus crucifié, est spécifique d’une réalité chrétienne et ne doit jamais être perdu.
La Fondation et le Campus Bio-Medico, et le monde de la santé catholique en général, sont appelés à témoigner par les faits qu’il n’y a pas de vies indignes ou à écarter parce qu’elles ne répondent pas à un critère d’utilité ou aux exigences du profit. Nous vivons une véritable culture du rebut ; c’est un peu l’air que l’on respire et nous devons réagir contre cette culture de la mise au rebut. Chaque établissement de santé, en particulier d’inspiration chrétienne, devrait être le lieu où l’on pratique les soins de la personne et dont on puisse dire : « Ici, on ne voit pas que des médecins et des malades, mais des personnes qui s’accueillent et qui s’entraident ; ici on touche du doigt la thérapie de la dignité humaine ». Et celle-ci ne doit jamais être négociée ; elle doit toujours être défendue.
L’accent doit donc être mis sur les soins à la personne, sans oublier l’importance de la science et de la recherche. Parce que les soins sans la science sont vains, comme la science sans les soins est stérile. Cela va ensemble et c’est seulement ensemble qu’ils font de la médecine un art, un art qui implique la tête et le c½ur, qui conjugue connaissance et compassion, professionnalisme et pitié, compétence et empathie.
Chers amis, merci parce que vous favorisez un développement humain de la recherche. Souvent, malheureusement, on suit les chemins de la rentabilité, en oubliant que les besoins des malades passent avant les opportunités de profit. Ils évoluent continuellement et il faut donc être prêt à faire face à des pathologies et des problèmes toujours nouveaux. Je pense, entre autres, aux besoins de nombreuses personnes âgées et à ceux qui sont liés à toutes les maladies rares, dont nous ne savons pas ce qu’elles sont, parce qu’il n’y a pas encore eu de recherches pour bien les comprendre… En plus de promouvoir la recherche, vous aidez ceux qui n’ont pas les moyens financiers de payer les frais universitaires et vous faites face à des coûts importants qu’un budget ordinaire ne peut pas soutenir. Je pense notamment aux efforts déjà consentis pour le Centre Covid, les urgences et pour le récent projet de soins palliatifs.
… Les soins de santé, catholiques en particulier, ont et auront toujours plus besoin de cela, d’être en réseau, ce qui est une façon d’exprimer que l’on est ensemble. Il n’est plus temps de suivre son propre charisme de manière isolée. La charité exige le don : il faut partager le savoir, il faut participer avec ses compétences et il faut mettre la science en commun.
La science, dis-je, et pas seulement les produits de la science qui, s’ils sont proposés seuls, restent des pansements en mesure de couvrir la blessure mais pas de la soigner en profondeur. Cela vaut par exemple pour les vaccins : il est urgent d’aider les pays qui en ont moins, mais il faut le faire dans le cadre de plans à long terme, et non motivés uniquement par la hâte des nations riches de se sentir en sécurité. Les remèdes doivent être distribués en respectant la dignité, non comme des aumônes faites par pitié. Pour vraiment faire du bien, il faut promouvoir la science et son application intégrale : comprendre les contextes, adapter les soins, faire grandir la culture de la santé. Ce n’est pas facile, c’est une véritable mission et j’espère que les soins de santé catholiques seront en ce sens toujours plus actifs, expression d’une Eglise extravertie, d’une Eglise en sortie.
Je vous encourage à continuer dans cette direction, en accueillant votre travail comme un service des inspirations et des surprises de l’Esprit qui vous fait rencontrer, sur votre chemin, de nombreuses situations nécessitant proximité et compassion. Je prie pour vous, je vous redis ma gratitude et vous donne la bénédiction. Et s’il vous plaît, je vous demande de continuer à prier pour moi. Merci.
5 novembre 2021 – Homélie de la Messe à l’occasion du soixantième anniversaire de l’inauguration de la Faculté de médecine et de chirurgie de l’Université catholique du Sacré-C½ur, à Rome (extraits)
Alors que nous commémorons avec gratitude le don de ce siège de l’Université catholique, je voudrais vous faire partager quelques réflexions à propos de son nom. Elle est dédiée au Sacré-C½ur de Jésus, à qui est consacré ce jour, premier vendredi du mois. En contemplant le C½ur du Christ, nous pouvons nous laisser guider par trois mots : souvenir, passion et réconfort.
Souvenir. Se souvenir (ri-cordare, en italien, ndr) signifie « revenir au c½ur, revenir avec son c½ur ». Se souvenir. A quoi nous fait revenir le C½ur de Jésus ? A ce qu’il a fait pour nous : le C½ur du Christ nous montre Jésus s’offrant lui-même : c’est le résumé de sa miséricorde. En le regardant – comme le fait Jean dans l’Evangile (19,31-37) – il est naturel de faire mémoire de sa bonté, qui est gratuite, elle ne s’achète pas et ne se vend pas, elle est inconditionnelle, elle ne dépend pas de nos ½uvres, elle est souveraine. Et cela nous touche. Dans la hâte d’aujourd’hui, entre mille courses et soucis continuels, nous perdons notre capacité de nous émouvoir et d’éprouver de la compassion, parce que nous perdons ce retour au c½ur, c’est-à-dire le souvenir, la mémoire, le retour au c½ur. Sans mémoire, nous perdons le souvenir de ceux qui nous ont aimé, qui ont pris soin de nous, nous ont soulagé. …
…Je m’interroge : comment fonctionne notre mémoire ? En simplifiant, nous pourrions dire que nous nous souvenons de quelqu’un ou de quelque chose lorsque notre c½ur est touché, lorsque nous sommes liés par une affection particulière ou par un manque d’affection. Eh bien, le C½ur de Jésus guérit notre mémoire parce qu’il la ramène à l’affection fondatrice. Il l’enracine sur la base la plus solide. Il nous rappelle que, quoi qu’il nous arrive dans la vie, nous sommes aimés. Oui, nous sommes des êtres aimés, des enfants que le Père aime toujours et de toute façon, des frères pour qui bat le C½ur du Christ. Chaque fois que nous scrutons ce c½ur, nous nous découvrons « enracinés et fondés dans la charité », comme l’a dit l’apôtre Paul dans la première Lecture de ce jour (Eph 3, 17).
Cultivons cette mémoire, qui se fortifie quand nous sommes face à face avec le Seigneur, surtout quand nous nous laissons regarder et aimer par lui dans l’adoration. Mais nous pouvons également cultiver entre nous l’art du souvenir, en gardant précieusement les visages que nous rencontrons. Je pense aux journées difficiles à l’hôpital, à l’université, au travail. Nous risquons de tout laisser passer sans laisser de trace ou de ne garder que la lassitude et la fatigue. Cela fait du bien, le soir, de passer en revue les visages de ceux que nous avons rencontrés, les sourires reçus, les bonnes paroles. Ce sont des souvenirs d’amour qui aident notre mémoire à se retrouver. Puisse-t-elle se retrouver ! Comme ils sont importants, ces souvenirs dans les hôpitaux ! Ils peuvent donner un sens à la journée d’une personne malade. Un mot fraternel, un sourire, une caresse sur le visage : ce sont des souvenirs qui guérissent intérieurement, qui font du bien au c½ur. N’oublions pas la thérapie par la mémoire : cela fait tellement de bien !
Le second mot est passion. Passion. Le premier est la mémoire, se souvenir ; le second est passion. Le C½ur du Christ n’est pas une pieuse dévotion pour ressentir un peu de chaleur intérieure, ce n’est pas une image tendre qui suscite de l’affection, non, ce n’est pas cela. C’est un c½ur passionné – il suffit de lire l’Evangile -, un c½ur blessé d’amour, écartelé pour nous sur la Croix. Nous avons entendu comment l’Evangile en parle : « mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19, 34). Transpercé, il donne ; mort, il nous donne la vie. Le Sacré-C½ur est l’icône de la Passion : il nous montre la tendresse viscérale de Dieu, sa passion amoureuse pour nous et, en même temps, il est surmonté de la Croix et entouré d’épines, il montre combien notre Salut lui a coûté de souffrance. Dans la tendresse et dans la douleur, ce C½ur révèle quelle est la passion de Dieu. Quelle est-elle ? L’homme, nous. Et quel est le style de Dieu ? La proximité, la compassion et la tendresse. Voilà le style de Dieu : la proximité, la compassion et la tendresse.
Qu’est-ce que cela suggère ? Que, si nous voulons vraiment aimer Dieu, nous devons nous passionner pour l’homme, pour tous les hommes, surtout ceux qui vivent la condition dans laquelle le C½ur de Jésus s’est manifesté, c’est-à-dire la douleur, l’abandon, le rejet ; surtout dans cette culture du rejet que nous vivons aujourd’hui. Lorsque nous servons ceux qui souffrent, nous consolons et nous réjouissons le c½ur du Christ. Un passage de l’Évangile est frappant. L’évangéliste Jean, au moment même où il parle du côté transpercé, d’où coulent le sang et l’eau, rend témoignage pour que nous croyions (cf. v. 35). Saint Jean écrit qu’à ce moment-là, le témoignage a lieu. Parce que le c½ur déchiré de Dieu est éloquent. Il parle sans mots, parce qu’il est la Miséricorde à l’état pur, l’amour blessé qui donne la vie. C’est Dieu, avec proximité, compassion et tendresse. Combien de paroles disons-nous sur Dieu sans laisser transparaître l’amour ! Mais l’amour parle sans paroles, ce n’est pas de lui qu’il parle. Demandons la grâce de nous passionner pour l’homme qui souffre, de nous passionner pour le service, afin que l’Église, avant d’avoir des mots à dire, garde un c½ur qui batte d’amour. Avant de parler, qu’elle apprenne à garder son c½ur dans l’amour.
Le troisième mot est réconfort. Le premier était le souvenir, le second la passion, le troisième le réconfort. Il indique une force qui ne vient pas de nous, mais de celui qui est avec nous. Jésus, le Dieu-avec-nous, nous donne cette force, son C½ur nous donne le courage dans l’adversité. Tant d’incertitudes nous effraient : en cette période de pandémie, nous nous sommes découverts plus petits, plus fragiles. Malgré tant de progrès merveilleux, nous le voyons aussi dans le domaine médical : toutes ces maladies rares et inconnues ! Quand je rencontre des personnes lors les audiences – surtout des enfants, des garçons ou des filles – et que je demande : « Vous êtes malades ? » – [ils répondent] « Une maladie rare ». Il y en a tellement aujourd’hui ! Comme il est difficile de suivre des pathologies, des structures de traitement, des soins de santé qui soient vraiment ce qu’ils devraient être, pour tout le monde. Nous pourrions nous décourager. C’est pourquoi nous avons besoin de réconfort – le troisième mot. Le C½ur de Jésus bat pour nous, répétant toujours ces mots : « Courage, courage, n’aie pas peur, je suis là ». Courage, ma s½ur, courage, mon frère, ne perds pas courage, le Seigneur ton Dieu est plus grand que tes maux, il te prend par la main et te caresse, il est proche de toi, il est compatissant, il est tendre. Il est ton réconfort.
Si nous regardons la réalité à partir de la grandeur de son C½ur, la perspective change, notre connaissance de la vie change parce que, comme nous le rappelait saint Paul, nous connaissons « l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance » (Ep 3,19). Encourageons-nous avec cette certitude, avec le réconfort de Dieu. Et demandons au Sacré-C½ur la grâce de pouvoir consoler à notre tour. C’est une grâce qu’il faut demander, en s’engageant courageusement à s’ouvrir, à s’entraider, à porter les fardeaux les uns des autres. Cela est aussi valable pour l’avenir des soins de santé, en particulier des soins de santé « catholiques » : partager, se soutenir mutuellement, avancer ensemble.
Que Jésus ouvre le c½ur des personnes qui s’occupent des malades à la collaboration et à la cohésion. A ton C½ur, Seigneur, nous confions notre vocation aux soins ; fais-nous aimer chaque personne qui s’approche de nous et qui est dans le besoin. Amen.
6 novembre 2021 – Aux membres de l’Association Retrouvailles (extraits)
Je suis heureux que durant cette « Année de la Famille Amoris Laetitia » il y ait aussi cette rencontre, dédiée aux conjoints qui vivent une crise, une crise sérieuse dans leur couple. C’est très important, nous ne devons pas nous effrayer d’une crise. La crise nous aide à grandir, et ce à quoi nous devons veiller, c’est de ne pas tomber dans le conflit, car quand tu tombes dans le conflit tu fermes ton c½ur et il n’y a pas de solution au conflit ou difficilement. En revanche, la crise te chamboule un peu, elle te fait parfois ressentir des choses désagréables, mais on peut sortir de la crise, à condition de d’en sortir meilleurs. Nous ne pouvons pas en sortir pareils : soit nous en sortons meilleurs, soit nous en sortons pires. C’est important. Et nous pouvons difficilement sortir de la crise tout seuls, nous devons toujours tous sortir de la crise. …. Ne pas avoir peur de la crise, avoir peur du conflit !
Le premier mot que je voudrais partager avec vous est justement crise. …Je me retrouve dans votre expérience, qui invite à considérer la crise comme une opportunité, oui, une opportunité douloureuse mais une opportunité, en l’occurrence une opportunité de faire un saut qualitatif dans la relation. Dans l’Exhortation Amoris Laetitia, une partie est consacrée aux crises familiales (cf. 232-238). Et ici, je voudrais immédiatement ajouter un autre mot : blessures. Parce que les crises des gens produisent des blessures, elles produisent des plaies dans le c½ur et dans la chair. « Blessures » est un mot clé pour vous, il fait partie du vocabulaire quotidien de Retrouvaille. Cela fait partie de votre histoire : en effet, vous êtes des couples blessés qui ont traversé la crise et qui sont guéris ; et c’est précisément pour cette raison que vous êtes en mesure d’aider d’autres couples blessés. Vous n’êtes pas partis vous ne vous êtes pas éloignés dans la crise – « cela ne va pas… je retourne chez maman » – ; vous avez pris la crise en main et vous avez cherché la solution.
Voilà votre don, l’expérience que vous avez vécue et que vous mettez au service des autres. Je vous remercie beaucoup pour cela. C’est un don précieux tant sur le plan personnel qu’ecclésial. On a aujourd’hui un grand besoin de personnes, de conjoints qui sachent témoigner que la crise n’est pas une malédiction, qu’elle fait partie du chemin, et constitue une opportunité. Et nous aussi, prêtres et évêques, nous devons nous engager dans cette voie, montrer que la crise est une opportunité. Sinon, nous serions des prêtres ou des évêques repliés sur nous-mêmes, sans réel dialogue avec les autres. Il y a toujours une crise dans le dialogue réel. Mais pour être crédible, il faut l’avoir vécu. Cela ne peut pas être un discours théorique, une « pieuse exhortation » ; ce ne serait pas crédible. En revanche, vous portez un témoignage de vie. Vous avez été en crise, vous avez été blessés ; grâce à Dieu et avec l’aide de vos frères et s½urs vous êtes guéris ; et vous avez décidé de partager votre expérience, de la mettre au service des autres. Merci pour cela car c’est un geste qui fait grandir et mûrir d’autres couples.
J’ai été frappé – dans votre « bagage » expérientiel – par la juxtaposition des deux textes bibliques : celui du Bon Samaritain et celui de Jésus ressuscité qui montre ses blessures à ses disciples (Lc 10, 25-37 ; Jn 20, 19 -29). Je vous remercie de m’aider à mieux voir le lien qui existe entre le Bon Samaritain et le Christ ressuscité ; et de voir que ce lien passe par les blessures, les plaies. Dans le personnage du Bon Samaritain, on a toujours reconnu Jésus, dès les écrits des Pères de l’Église. Votre expérience nous aide à voir que ce Samaritain c’est le Christ ressuscité, qui conserve ses plaies dans son corps glorieux et pour cette raison même – comme le dit la Lettre aux Hébreux (cf. 5, 2) – il éprouve de la compassion pour cet homme blessé abandonné au bord de la route, pour nos blessures à tous.
Après le binôme « crises-blessures », je voudrais partager un autre mot, qui est une « clé » de la pastorale familiale : accompagner. … Accompagner. Cela concerne naturellement les pasteurs, cela fait partie de leur ministère ; mais elle implique aussi les époux en première personne, comme protagonistes d’une communauté qui « accompagne ». Votre expérience en donne un témoignage précis. Une expérience née « d’en bas », comme cela arrive souvent lorsque l’Esprit Saint suscite de nouvelles réalités dans l’Église qui répondent à de nouveaux besoins. Il en a été ainsi pour « Retrouvaille ». Face à la réalité de tant de couples en difficulté ou déjà divisés, la réponse est d’abord d‘accompagner.
Et ici, une autre icône biblique nous aide : Jésus ressuscité avec les disciples d’Emmaüs. Jésus n’apparaît pas d’en haut, du ciel, pour dire d’une voix tonitruante : « Vous deux, où allez-vous ? Retournez! » Non. Il se met à marcher à leurs côtés le long de la route, sans être reconnu. Il écoute leur crise. Il les invite à raconter, à s’exprimer. Et puis il secoue leur sottise, les surprend en leur révélant une perspective différente, qui existait déjà, était déjà écrite, mais ils ne l’avaient pas compris : ils n’avaient pas compris que le Christ devait souffrir et mourir sur la Croix, que la crise fait partie de l’histoire du Salut… C’est important : la crise fait partie de l’histoire du salut. Et la vie humaine n’est pas une vie de laboratoire ou une vie aseptisée… comme si elle était plongée dans l’alcool pour qu’il n’y ait pas de choses étranges… La vie humaine est une vie en crise, une vie avec tous les problèmes qui surviennent chaque jour. Et puis cette personne, qui était Jésus, ce Voyageur s’arrête pour manger avec eux, reste avec eux : il perd son temps avec eux. Pour accompagner, perdre du temps et ne pas continuellement regarder sa montre. Accompagner, c’est « perdre du temps » pour rester au plus près des situations de crise. Et souvent cela prend du temps, cela demande de la patience, du respect, de la disponibilité… Tout cela c’est accompagner. Et vous le savez bien.
Chers amis, je vous remercie pour votre engagement et je vous encourage à le poursuivre. Je le confie à la protection de la Vierge Marie et de Saint Joseph. Je vous bénis tous, vos familles et je prie pour les couples que vous accompagnez.