Jean-Paul II de A à Z

Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face

 

1980

 

 

2 juin 1980 – Homélie de Jean Paul II lors de la Messe célébrée au sanctuaire à Lisieux

     1. Je suis très heureux qu'il me soit donné de venir à Lisieux à l’occasion de ma visite dans la capitale de la France. Je suis ici en pèlerinage avec vous tous, chers Frères et S½urs, qui êtes venus vous aussi de bien des régions de France, auprès de celle que nous aimons tant, la « petite Thérèse », dont la voie vers la sainteté est étroitement liée au Carmel de Lisieux. Si les personnes versées dans l’ascèse et la mystique, et ceux qui aiment les saints, ont pris l’habitude d’appeler cette voie de S½ur Thérèse de l’Enfant-Jésus « la petite voie », il est tout à fait hors de doute que l’Esprit de Dieu, qui l’a guidée sur cette voie, la fait avec la même générosité que celle par laquelle il a guidé autrefois sa Patronne la « grande Thérèse » d’Avila, et par laquelle il a guidé ― et continue de guider ― tant d’autres saints dans son Eglise. Gloire Lui soit donc rendue éternellement!

     L’Eglise se réjouit de cette merveilleuse richesse des dons spirituels, si splendides et si variés, comme le sont toutes les ½uvres de Dieu dans l’univers visible et invisible. Chacun d’eux reflète à la fois le mystère intérieur de l’homme, et il correspond aux besoins des temps dans l’histoire de l’Eglise et de l’humanité. Il faut le dire de sainte Thérèse de Lisieux qui, jusqu’à une époque récente, fut en effet notre sainte « contemporaine ». C’est ainsi que je la vois personnellement, dans le cadre de ma vie. Mais est-elle toujours la sainte « contemporaine »? N’a-t-elle pas cessé de l’être pour la génération qui arrive actuellement à maturité dans l’Eglise? Il faudrait le demander aux hommes de cette génération. Qu’il me soit toutefois permis de noter que les saints ne vieillissent pratiquement jamais, qu’ils ne tombent jamais dans la « prescription ». Ils restent continuellement les témoins de la jeunesse de l’Eglise. Ils ne deviennent jamais des personnages du passé, des hommes et des femmes d’« hier ». Au contraire: ils sont toujours les hommes et les femmes du « lendemain », les hommes de l’avenir évangélique de l’homme et de l’Eglise, les témoins « du monde futur ».

     2. « En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier: Abba! Père! » [1].

     Il serait peut-être difficile de trouver paroles plus synthétiques, et en même temps plus saisissantes, pour caractériser le charisme particulier de Thérèse Martin, c’est-à-dire ce qui constitue le don tout à fait spécial de son c½ur, et qui est devenu, par son c½ur, un don particulier pour l’Eglise. Le don merveilleux dans sa simplicité, universel et en même temps unique. De Thérèse de Lisieux, on peut dire avec conviction que l’Esprit de Dieu a permis à son c½ur de révéler directement, aux hommes de notre temps, le mystère fondamental, la réalité de l’Evangile: le fait d’avoir reçu réellement « un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier: Abba! Père! ». La « petite voie » est la voie de la « sainte enfance ». Dans cette voie, il y a quelque chose d’unique, un génie de sainte Thérèse de Lisieux. Il y a en même temps la confirmation et le renouvellement de la vérité la plus fondamentale et la plus universelle. Quelle vérité du message évangélique est en effet plus fondamentale et plus universelle que celle-ci: Dieu est notre Père et nous sommes ses enfants?

Cette vérité la plus universelle qui soit, cette réalité, a été également « relue » de nouveau avec la foi, l’espérance et l’amour de Thérèse de Lisieux. Elle a été en certain sens redécouverte avec l’expérience intérieure de son c½ur et la forme prise par toute sa vie, seulement vingt-quatre années de sa vie. Lorsqu’elle mourut ici, au Carmel, victime de la tuberculose dont elle portait depuis longtemps les bacilles, c’était presque un enfant. Elle a laissé le souvenir de l’enfant: de la sainte enfance. Et toute sa spiritualité a confirmé encore une fois la vérité de ces paroles de l’Apôtre: « Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs... ». Oui. Thérèse fut l’enfant. Elle fut l’enfant « confiant » jusqu’à l’héroïsme, et par conséquent « libre » jusqu’à l’héroïsme. Mais c’est justement parce que ce fut jusqu’à l’héroïsme, qu’elle seule connut la saveur intérieure et aussi le prix intérieur de cette confiance qui empêche de « retomber dans la crainte »; de cette confiance qui, jusque dans les obscurités et les souffrances les plus profondes de l’âme, permet de s’écrier: « Abba! Père! ».

     Oui, elle a connu cette saveur et ce prix. Pour qui lit attentivement son Histoire d’une âme, il est évident que cette saveur de la confiance filiale provient, comme le parfum des roses, de la tige qui porte aussi des épines. Si en effet « nous sommes enfants, nous sommes donc héritiers; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec Lui pour être aussi glorifiés avec Lui » [2]. C’est pour cela, précisément, que la confiance filiale de la petite Thérèse, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus mais aussi « de la Sainte-Face », est si « héroïque », parce qu'elle provient de la fervente communion aux souffrances du Christ.

     Et quand je vois devant moi tous ces malades et infirmes, je pense qu’ils sont associés eux aussi, comme Thérèse de Lisieux, à la passion du Christ, et que, grâce à leur foi en l’amour de Dieu, grâce a leur propre amour, leur offrande spirituelle obtient mystérieusement pour l’Eglise, pour tous les autres membres du Corps mystique du Christ, un surcroît de vigueur. Qu’ils n’oublient jamais cette belle phrase de sainte Thérèse: « Dans le c½ur de l’Eglise ma Mère je serai l’amour ». Je prie Dieu de donner à chacun de ces amis souffrants, que j’aime avec une affection toute spéciale, le réconfort et l’espérance.

     3. Avoir confiance en Dieu comme Thérèse de Lisieux veut dire suivre la « petite voie » où nous guide l’Esprit de Dieu: il guide toujours vers la grandeur à laquelle participent les fils et les filles de l’adoption divine. Déjà comme enfant, comme enfant de douze ans, le Fils de Dieu a déclaré que sa vocation était de s’occuper des choses de son Père [3]. Etre enfant, devenir comme un enfant, veut dire entrer au centre même de la plus grande mission à laquelle l’homme ait été appelé par le Christ, une mission qui traverse le c½ur même de l'homme. Elle le savait parfaitement, Thérèse.

Cette mission tire son origine de l’amour éternel du Père. Le Fils de Dieu comme homme, d’une manière visible et « historique », et l’Esprit Saint, de façon invisible et « charismatique », l’accomplissent dans l’histoire de l’humanité.

     Lorsque, au moment de quitter le monde, le Christ dit aux Apôtres: « Allez dans le monde entier, et enseignez l’Evangile à toute créature » [4], il les insère, par la force de son mystère pascal, dans le grand courant de la Mission éternelle. A partir du moment où il les a laissés pour aller vers le Père, il commence en même temps à venir « de nouveau dans la puissance de l’Esprit Saint » que le Père envoie en son nom. Plus profondément que toutes les vérités sur l’Eglise, cette vérité a été mise en relief dans la conscience de notre génération par le Concile Vatican II. Grâce à cela, nous avons tous beaucoup mieux compris que l’Eglise est constamment « en état de mission », ce que veut dire le fait que toute l’Eglise est missionnaire. Et nous avons également mieux compris ce mystère particulier du c½ur de la petite Thérèse de Lisieux, laquelle, à travers sa « petite voie », a été appelée à participer aussi pleinement et aussi fructueusement à la mission la plus élevée. C’est justement cette « petitesse » qu’elle aimait tant, la petitesse de l’enfant, qui lui a ouvert largement toute la grandeur de la Mission divine du salut, qui est la mission incessante de l’Eglise.

I     ci, dans son Carmel, dans la clôture du couvent de Lisieux, Thérèse s’est sentie spécialement unie à toutes le missions et aux missionnaires de l’Eglise dans le monde entier. Elle s’est sentie elle-même « missionnaire », présente par la force et la grâce particulières de l’Esprit d’amour à tous le postes missionnaires, proche de tous les missionnaires, hommes et femmes, dans le monde. Elle a été proclamée par l’Eglise la patronne des missions, comme saint François Xavier, qui voyagea inlassablement en Extrême-Orient: oui, elle, la petite Thérèse de Lisieux, enfermée dans la clôture carmélitaine, apparemment détachée du monde.

     Je suis heureux de pouvoir venir ici peu de temps après ma visite dans le continent africain, et, face à cette admirable « missionnaire », de rendre au Père de la vérité et de l’amour éternels tout ce qui, dans la puissance du Fils et de l’Esprit Saint, est déjà le fruit du travail missionnaire de l’Eglise parmi les hommes et les peuples du continent noir. Je voudrais en même temps, si je puis m’exprimer ainsi, me faire prêter par Thérèse de Lisieux, le regard perspicace de sa foi, sa simplicité et sa confiance, en un mot la « petitesse » juvénile de son c½ur, pour proclamer devant toute l’Eglise combien la moisson est abondante, et pour demander comme elle, pour demander au Maître de la moisson d’envoyer, avec une générosité plus grande encore, des ouvriers dans sa moisson [5]. Qu’Il les envoie malgré tous les obstacles et toutes le difficultés qu’Il rencontre dans le c½ur de l’homme, dans l’histoire de l’homme.

     En Afrique, j’ai bien souvent pensé: quelle foi, quelle énergie spirituelle avaient donc ces missionnaires du siècle dernier ou de la première moitié de ce siècle, et tous ces Instituts missionnaires qui se sont fondés, pour partir sans hésiter dans ces pays alors inconnus, dans le seul but de faire connaître l’Evangile, de faire naître l’Eglise! Ils y voyaient avec raison une ½uvre indispensable au salut. Sans leur audace, sans leur sainteté, les Eglises locales dont nous venons de célébrer le centenaire, et qui sont désormais guidées surtout par des évêques africains, n'auraient jamais existé. Chers Frères et S½urs, ne perdons pas cet élan!

En fait, je sais que vous ne voulez pas vous y résoudre. Je salue parmi vous les anciens évêques missionnaires, témoins du zèle dont je parlais. La France a encore beaucoup de missionnaires de par le monde, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, et certains Instituts se sont ouverts à la mission.

     Je vois ici les membres du chapitre des Missions Etrangères de Paris, et j’évoque le bienheureux Théophane Vénard dont le martyre en Extrême-Orient fut une lumière et un appel pour Thérèse. Je pense aussi à tous les prêtres français qui consacrent au moins quelques années au service des jeunes Eglises, dans le cadre de Fidei donum. Aujourd’hui, on comprend d’ailleurs mieux la nécessité d’un échange fraternel entre les jeunes et les vieilles Eglises, au bénéfice des deux. Je sais par exemple que les ¼uvres pontificales missionnaires, en liaison avec la Commission épiscopale des Missions à l’extérieur, ne visent pas seulement à susciter l’entraide matérielle, mais à former l’esprit missionnaire des chrétiens de France, et je m’en réjouis. Cet élan missionnaire ne peut surgir et porter des fruits qu’à partir d’une plus grande vitalité spirituelle, du rayonnement de la sainteté.

     4. « Le beau existe afin qu’il nous enchante pour le travail », a écrit Cyprian Norwid, l’un des plus grands poètes et penseurs qu'ait donné la terre polonaise, et qu’a reçu ― et conservé au cimetière de Montmorency ― la terre française...

     Rendons grâces au Père, au Fils et au Saint-Esprit pour les saints. Rendons grâces pour sainte Thérèse de Lisieux. Rendons grâces pour la beauté profonde, simple et pure, qui s’est manifestée en elle à l’Eglise et au monde. Cette beauté enchante. Et Thérèse de Lisieux a un don particulier pour enchanter par la beauté de son âme. Même si nous savons tous que cette beauté fut difficile et qu’elle a grandi dans la souffrance, elle ne cesse de réjouir de son charme particulier les yeux de nos âmes.

     Elle enchante, donc, cette beauté, cette fleur de la sainteté qui a grandi sur ce sol; et son charme ne cesse de stimuler nos c½urs à travailler: « Le beau existe afin qu’il nous enchante pour le travail ». Pour le travail le plus important, dans lequel l’homme apprend à fond le mystère de son humanité. Il découvre en lui-même ce que signifie avoir reçu « un esprit de fils adopti », radicalement différent d’« un esprit d’esclave », et il commence à s’écrier de tout son être: « Abba! Père! » [6].

     Par les fruits de ce magnifique travail intérieur se construit l’Eglise, le Règne de Dieu sur la terre, dans sa substance la plus profonde et la plus fondamentale. Et le cri « Abba! Père! », qui résonne largement dans tous les continents de notre planète, revient aussi par son écho dans la clôture carmélitaine silencieuse, à Lisieux, vivifiant toujours de nouveau le souvenir de la petite Thérèse, laquelle, par sa vie brève et cachée mais si riche, a prononcé avec une force particulière: « Abba! Père! ». Grâce à elle, l’Eglise entière a retrouvé toute la simplicité et toute la fraîcheur de ce cri, qui a son origine et sa source dans le c½ur du Christ lui-même.


[1] Rom. 8, 14-15.

[2] Rom. 8, 17.

[3] Cfr. Luc. 2, 49.

[4] Marc. 16, 15.

[5] Cfr. Matth. 9, 37-38.

[6] Rom. 8, 15.

 

 

1997

 

 

 

 

19 octobre 19997 – homélie de Jean Paul II lors de la Messe proclamant Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, Docteur de l’Eglise

1. « Cammineranno i popoli alla tua luce » (Is 60,3). Nelle parole del profeta Isaia già risuona, come fervida attesa e luminosa speranza, l'eco dell'Epifania. Proprio il collegamento con questa solennità ci permette di meglio percepire il carattere missionario dell'odierna domenica. La profezia di Isaia, infatti, allarga all'intera umanità la prospettiva della salvezza, e in tal modo anticipa il gesto profetico dei Magi dell'Oriente che, recandosi ad adorare il Bimbo divino nato a Betlemme (cfr. Mt 2, 1- 12), annunciano ed inaugurano l'adesione dei popoli al messaggio di Cristo.

Tutti gli uomini sono chiamati ad accogliere nella fede il Vangelo che salva. A tutti i popoli, a tutte le terre e le culture, la Chiesa è inviata: « Andate... e ammaestrate tutte le nazioni, battezzandole nel nome del Padre e del Figlio e dello Spirito Santo, insegnando loro ad osservare tutto ciò che vi ho comandato » (Mt 28, 19-20). Queste parole, pronunciate da Cristo prima di salire al cielo, unitamente alla promessa fatta agli Apostoli ed ai successori di essere con loro sino alla fine del mondo (cfr. Mt 28,20), costituiscono l'essenza del mandato missionario: nella persona dei suoi ministri è Cristo stesso ad andare ad gentes, verso quanti non hanno ancora ricevuto l'annuncio della fede.

2. Teresa Martin, Carmelitana scalza di Lisieux, desiderava ardentemente di essere missionaria. E lo è stata, al punto da poter essere proclamata Patrona delle Missioni. Gesù stesso le mostrò in quale modo avrebbe potuto vivere tale vocazione: praticando in pienezza il comandamento dell'amore, si sarebbe immersa nel cuore stesso della missione della Chiesa, sostenendo con la forza misteriosa della preghiera e della comunione gli annunciatori del Vangelo. Ella realizzava così quanto è sottolineato dal Concilio Vaticano II, allorché insegna che la Chiesa è, per sua natura, missionaria (cfr. Ad gentes, 2). Non solo coloro che scelgono la vita missionaria, ma tutti i battezzati, sono in qualche modo inviati ad gentes.

Per questo ho voluto scegliere l'odierna domenica missionaria per proclamare Dottore della Chiesa universale Santa Teresa di Gesù Bambino e del Volto Santo: una donna, una giovane, una contemplativa.

3. A nessuno sfugge, pertanto, che oggi si sta realizzando qualcosa di sorprendente. Santa Teresa di Lisieux non ha potuto frequentare una Università e neppure studi sistematici. Morì in giovane età: e tuttavia da oggi in poi sarà onorata come Dottore della Chiesa, qualificato riconoscimento che la innalza nella considerazione dell'intera comunità cristiana ben al di là di quanto possa farlo un « titolo accademico ».

Quando, infatti, il Magistero proclama qualcuno Dottore della Chiesa, intende segnalare a tutti i fedeli, e in modo speciale a quanti rendono nella Chiesa il fondamentale servizio della predicazione o svolgono il delicato compito della ricerca e dell'insegnamento teologico, che la dottrina professata e proclamata da una certa persona può essere un punto di riferimento, non solo perché conforme alla verità rivelata, ma anche perché porta nuova luce sui misteri della fede, una più profonda comprensione del mistero di Cristo. Il Concilio ci ha ricordato che, sotto l'assistenza dello Spirito Santo, cresce continuamente nella Chiesa la comprensione del « depositum fidei », e a tale processo di crescita contribuisce non solo lo studio ricco di contemplazione cui sono chiamati i teologi, né solo il Magistero dei Pastori, dotati del « carisma certo di verità », ma anche quella « profonda intelligenza delle cose spirituali » che è data per via di esperienza, con ricchezza e diversità di doni, a quanti si lasciano guidare docilmente dallo Spirito di Dio (cfr. Dei Verbum, 8). La Lumen gentium, da parte sua, insegna che nei Santi « Dio stesso ci parla » (n. 50) E' per questo che, al fine dell'approfondimento dei divini misteri, che rimangono sempre più grandi dei nostri pensieri, va attribuito speciale valore all'esperienza spirituale dei Santi, e non a caso la Chiesa sceglie unicamente tra essi quanti intende insignire del titolo di « Dottore ».

4. Parmi les « Docteurs de l'Église », Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face est la plus jeune, mais son itinéraire spirituel ardent montre tant de maturité et les intuitions de la foi exprimées dans ses écrits sont si vastes et si profondes, qu'ils lui méritent de prendre place parmi les grands maîtres spirituels.

Dans la Lettre apostolique que j'ai écrite à cette occasion, j'ai souligné quelques aspects saillants de sa doctrine. Mais comment ne pas rappeler ici ce que l'on peut en considérer comme le sommet, à partir du récit de la découverte bouleversante qu'elle fit de sa vocation particulière dans l'Église? « La Charité — écrit-elle — me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l'Église avait un corps, composé de différents membres, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l'Église avait un C½ur, et que ce C½ur était brûlant d'Amour. Je compris que l'Amour seul faisait agir les membres de l'Église, que si l'Amour venait à s'éteindre, les Apôtres n'annonceraient plus l'Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang... Je compris que l'Amour renfermait toutes les Vocations... Alors dans l'excès de ma joie délirante je me suis écriée: Ô Jésus mon Amour... ma vocation enfin je l'ai trouvée, ma vocation, c'est l'Amour! » (Ms B, 3 v°). C'est là une page admirable qui suffit à elle seule à montrer que l'on peut appliquer à sainte Thérèse le passage de l'Évangile que nous avons entendu dans la liturgie de la Parole: « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange: ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits » (Mt 11,25).

5. Thérèse de Lisieux n'a pas seulement saisi et décrit la vérité profonde de l'Amour comme le centre et le c½ur de l'Église, mais elle l'a vécu intensément dans sa brève existence. C'est justement cette convergence entre la doctrine et l'expérience concrète, entre la vérité et la vie, entre l'enseignement et la pratique, qui resplendit avec une particulière clarté dans cette sainte, et qui en fait un modèle attrayant spécialement pour les jeunes et pour ceux qui sont à la recherche du vrai sens à donner à leur vie.

Devant le vide de tant de mots, Thérèse présente une autre solution, l'unique Parole du salut qui, comprise et vécue dans le silence, devient une source de vie renouvelée. À une culture rationaliste et trop souvent envahie par un matérialisme pratique, elle oppose avec une désarmante simplicité la « petite voie » qui, en revenant à l'essentiel, conduit au secret de toute existence: l'Amour divin qui enveloppe et pénètre toute l'aventure humaine. En un temps comme le nôtre, marqué bien souvent par la culture de l'éphémère et de l'hédonisme, ce nouveau Docteur de l'Église se montre doué d'une singulière efficacité pour éclairer l'esprit et le c½ur de ceux qui ont soif de vérité et d'amour.

6. Sainte Thérèse est présentée comme Docteur de l'Église le jour où nous célébrons la Journée mondiale des Missions. Elle eut l'ardent désir de se consacrer à l'annonce de l'Évangile et elle aurait voulu couronner son témoignage par le sacrifice suprême du martyre (cf. Ms B, 3 r°). On sait aussi avec quel intense engagement personnel elle soutint le travail apostolique des Pères Maurice Bellière et Adolphe Roulland, missionnaires l'un en Afrique et l'autre en Chine. Dans son élan d'amour pour l'évangélisation, Thérèse avait un seul idéal, comme elle le dit elle-même: « Ce que nous Lui demandons, c'est de travailler pour sa gloire, c'est de l'aimer et de le faire aimer » (Lettre 220).

Le chemin qu'elle a parcouru pour arriver à cet idéal de vie n'est pas celui des grandes entreprises réservées au petit nombre, mais c'est au contraire une voie à la portée de tous, la « petite voie », chemin de la confiance et de la remise totale de soi-même à la grâce du Seigneur. Ce n'est pas une voie à banaliser, comme si elle était moins exigeante. Elle est en réalité exigeante, comme l'est toujours l'Évangile. Mais c'est une voie où l'on est pénétré du sens de l'abandon confiant à la miséricorde divine, qui rend léger même l'engagement spirituel le plus rigoureux.

Par cette voie, où elle reçoit tout comme « grâce », par le fait qu'elle met au centre de tout son rapport avec le Christ et son choix de l'amour, par la place qu'elle donne aussi aux élans du c½ur dans son itinéraire spirituel, Thérèse de Lisieux est une sainte qui reste jeune, malgré les années qui passent, et elle se propose comme un modèle éminent et un guide sur la route des chrétiens pour notre temps qui arrive au troisième millénaire.

(Italien)

7. Grande è perciò la gioia della Chiesa, in questa giornata che corona le attese e le preghiere di tanti che hanno intuito, con la richiesta del Dottorato, questo speciale dono di Dio e ne hanno favorito il riconoscimento e l'accoglienza. Desideriamo renderne grazie al Signore tutti insieme, e particolarmente con i professori e gli studenti delle Università ecclesiastiche romane, che proprio in questi giorni hanno iniziato il nuovo Anno Accademico.

Sì, o Padre, ti benediciamo, insieme con Gesù (cfr. Mt 11,25), perché hai nascosto i tuoi segreti « ai sapienti e agli intelligenti », e li hai rivelati a questa « piccola », che oggi nuovamente proponi alla nostra attenzione e alla nostra imitazione.

Grazie per la sapienza che le hai donato, facendone per tutta la Chiesa una singolare testimone e maestra di vita!

Grazie per l'amore che hai riversato in lei, e che continua ad illuminare e riscaldare i cuori, spingendoli alla santità!

Il desiderio che Teresa espresse di « passare il suo Cielo a far del bene sulla terra » (Opere Complete, p. 1050), continua a compiersi in modo meraviglioso.

Grazie, o Padre, perché oggi a nuovo titolo ce la rendi vicina, a lode e gloria del tuo nome nei secoli. Amen!

 

 

 

- le 20 octobre 1997. ORLF 28.10.1997

     Pour notre temps, Thérèse est un témoin puissant et proche d’une expérience de la foi en Dieu  en Dieu fidèle et Miséricordieux, en Dieu juste par son Amour même. Elle vivait profondément son appartenance à l’Église, Corps du Christ. Je crois que les jeunes trouvent effectivement en elle une inspiratrice pour les guider dans la foi et dans la vie ecclésiale, à une époque où le chemin peut être traversé d’épreuves et de doutes. Thérèse a connu maintes formes d’épreuves, mais il lui a été donné de demeurer fidèle et confiante ; elle en porte témoignage. Elle soutient ses frères et soeurs sur toutes les routes du monde.


 

 

publié le : 01 octobre 2024

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