1989
7 septembre 1989 – Lettre Apostolique de Jean Paul II à tous les Evêques de l’Eglise Catholique sur la situation du Liban
1. Une nouvelle fois, avec la même confiance mais encore plus attristé, je désire solliciter votre fraternelle solidarité pour nos frères du Liban qui continuent à être victimes d'une impitoyable violence qu'aucune cause ne justifie.
Face aux drames répétés que connaît chacun des habitants de cette terre, nous prenons conscience du péril extrême qui menace l'existence même du pays : le Liban ne peut pas être abandonné à sa solitude.
2. Depuis l'année 1975, le Pape Paul VI, le Pape Jean-Paul Ier et moi-même dès le début de mon pontificat n'avons épargné aucun effort pour alerter l'opinion sur la valeur unique du Liban et de son patrimoine humain et spirituel, pour soulager et encourager ses habitants soumis à des violences de toute sorte, pour favoriser une solution négociée aux divergences qui opposent les parties en conflit et pour implorer du Seigneur la grâce d'une paix patiemment édifiée et durable.
3. Ces derniers mois, profondément impressionné par la dégradation de la situation et par la recrudescence de combats meurtriers, j'ai voulu souligner par plusieurs de mes appels le devoir que nous avons tous de ne pas oublier le Liban et de ne pas nous habituer aux tribulations cruelles qu'il supporte depuis trop longtemps. Je n'ai pas hésité non plus à frapper à toutes les portes pour que soit mis un terme à ce qu'il faut bien appeler le massacre de tout un peuple. Il est bon que toute l'Eglise connaisse les efforts entrepris pour le sauvetage d'un pays en perdition.
Le 15 mai dernier, j'ai ainsi adressé un message à de nombreux Chefs d'Etat et aux Responsables d'Organisations internationales. Il m'a semblé nécessaire, en effet, de rappeler certaines exigences éthiques auxquelles la communauté internationale est tenue à l'égard d'un partenaire de plein droit, qui est membre fondateur de l'Organisation des Nations Unies et de la Ligue des Etats Arabes. A cette démarche se sont ajoutés de multiples contacts bilatéraux entre le Saint-Siège et les Gouvernements des pays qui s'affirment amis du Liban ou qui entretiennent traditionnellement avec lui des rapports étroits. Certains de ces échanges de vues se poursuivent encore aujourd'hui.
4. Certes, il n'appartient pas au Pape de proposer des solutions techniques mais, soucieux du bien spirituel et matériel de tout homme sans distinction aucune, il ressent le devoir impératif d'insister sur certaines obligations qui incombent aux Responsables des nations. Les ignorer peut conduire tout simplement à ébranler l'ordre des relations internationales et, une fois encore, à livrer l'homme au seul pouvoir de l'homme. On ne peut mépriser impunément les droits, les devoirs et les mécanismes que les acteurs de la vie internationale ont élaborés et auxquels ils ont souscrit, sans que les rapports entre les peuples en pâtissent, sans que la paix en soit menacée, sans que l'homme finisse par devenir l'otage des ambitions et des intérêts des plus forts. Voilà pourquoi j'ai voulu redire — et je le répète aujourd'hui à l'intention de toute l'Eglise — que le droit des gens et les institutions qui le garantissent constituent des références irremplaçables et défendent l'égale dignité des peuples et des personnes.
5. Mais j'ai surtout parlé en tant que Pasteur de l'Église universelle, en faveur des chrétiens, et tout naturellement en particulier des catholiques, qui, à côté de leurs frères musulmans, vivent et témoignent de leur foi au Liban.
Nous ne pouvons oublier, chers Frères dans l'épiscopat, les liens de communion spirituelle qui nous unissent à ces frères qui, dans l'histoire lointaine et récente, ont dû s'affirmer chrétiens souvent au prix de sacrifices héroïques. Pour eux, aujourd'hui assiégés par la violence des armes et de la parole, l'Eglise tout entière a le devoir de se « mobiliser ».
D'abord pour parler. Face à une information souvent partiale ou superficielle, nous devons faire connaître les riches et séculaires traditions de la collaboration entre chrétiens et musulmans dans ce pays. Il s'agit là d'un des traits caractéristiques de la société libanaise qui, il y a peu de temps encore, constituait un exemple. Une meilleure connaissance mutuelle et l'exercice d'un dialogue mutuel pour le service de l'homme sont des conditions indispensables de la liberté, de la paix et du respect de la dignité de la personne. Ce pluralisme consenti et vécu est une valeur fondamentale qui a présidé à la longue histoire du Liban. C'est pourquoi, si ce pays venait à disparaître, c'est la cause même de la liberté qui subirait un dramatique échec.
Ensuite pour prier. Nous, croyants, n'avons pas d'autre « arme » que la supplication que nous élevons, du fond de notre misère, vers Celui qui « nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9). A Dieu, Père de tous les hommes, en ces instants tragiques où une partie de la famille humaine et chrétienne est menacée et victime de violences injustifiables, nous ne pouvons que présenter les cris de peur et de désespoir de ces frères qui ont trop souvent le sentiment d'avoir été abandonnés au moment même où leur pays est menacé d'anéantissement.
6. C'est pourquoi, chers Frères, je désire vous convier — et par votre intermédiaire également tous les fils de l'Eglise catholique — à une journée de prière universelle pour la paix au Liban. En Italie, elle aura lieu le 4 octobre prochain, fête liturgique de saint François d'Assise, ce saint désarmé et pacificateur, qui continue à inviter tous les hommes à se faire « instruments de paix » pour que « là où se trouve la haine, nous mettions l'amour ». A chaque Eglise locale reviendra le soin de choisir le jour le plus approprié pour cette prière commune, en sachant que le 22 novembre est célébrée la Fête nationale du Liban.
Ainsi c'est toute l'Eglise — et tous ceux qui voudront bien s'associer à notre démarche —, c'est une Eglise en prière qui implorera du Père des cieux la paix et le salut pour le Liban. Moi-même, je continue à confier au Seigneur la réalisation de la visite pastorale que j'ai la ferme intention d'accomplir dans ce pays, comme je l'ai annoncé le 15 août dernier.
En accomplissant cette démarche spirituelle, l'Eglise désire manifester au monde que le Liban est plus qu'un pays : c'est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l'Orient comme pour l'Occident !
7. Je veux manifester la solidarité priante de tous leurs frères aux Fils de l'Eglise catholique qui sont appelés à vivre leur foi et à donner leur témoignage dans un pays dévasté par de si cruelles épreuves. Pour eux et avec eux, nous ne sollicitons aucun privilège ; nous demandons que continue à leur être assuré le droit non seulement de croire selon la voix de leur conscience, mais encore de pratiquer leur foi et d'être fidèles à leurs traditions culturelles à l'égal de leurs frères musulmans, sans avoir à craindre exclusion ou discrimination dans une même patrie.
Que tous les catholiques partagent ma prière pour demander au Seigneur d'inspirer aux diverses parties dans ce conflit de sincères pensées de paix !
Chers Frères dans l'épiscopat, je confie à votre sollicitude pastorale la préparation et l'organisation de cette grande journée de prière pour le Liban. L'Eglise n'aura pas été silencieuse : le Pape et les fidèles auront prié, parlé et agi pour que ne soient pas coupées les racines de la vie sociale et de la coopération entre les divers groupes du Liban.
La disparition du Liban serait sans aucun doute l'un des grands remords du monde. Sa sauvegarde est l'une des tâches les plus urgentes et les plus nobles que le monde d'aujourd'hui se doit d'assumer.
8. C'est à Notre-Dame de Harissa qu'une fois encore, nous confions nos angoisses et nos espérances. Qu'elle soutienne les affligés ! Qu'elle donne courage à ceux qui travaillent pour la paix ! Qu'elle intercède auprès de son Fils pour que soient trouvées les solutions justes et équitables aux problèmes d'autres peuples du Moyen-Orient, eux aussi en quête d'une vie sûre conforme à leurs aspirations !
En vous donnant rendez-vous, chers Frères dans l'épiscopat, ainsi qu'aux fidèles confiés à vos soins pastoraux, pour la prière communautaire en faveur du Liban et de tous ses fils, je supplie « le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos détresses, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque détresse que ce soit » (2 Co 1, 3-4).
Avec ma Bénédiction Apostolique.
Du Vatican, le 7 septembre 1989.
IOANNES PAULUS PP. II
*A.A.S., vol. LXXXII (1990), n. 1, pp. 60-63
1997
10 mai 1997 – Discours de Jean Paul II à son arrivée au Liban – Beyrouth
Monsieur le Président,
Monsieur le Cardinal,
Béatitudes, Excellences,
Mesdames, Messieurs,
1. Je remercie tout d'abord Monsieur le Président de la République des paroles cordiales de bienvenue qu'il vient de m'adresser au nom de tous les Libanais et je suis particulièrement sensible à l'accueil qui m'est réservé en cette circonstance mémorable.
Ma gratitude va aussi aux plus hautes Autorités de l'Etat, en particulier à Son Excellence Monsieur le Président du Parlement et Son Excellence Monsieur le Président du Conseil des Ministres. Je sais gré de leur accueil chaleureux aux Patriarches et aux Evêques catholiques, ainsi qu'aux autres Chefs religieux chrétiens, musulmans et druze, aux Autorités civiles et militaires, et à tous les amis libanais. Je salue les fils et les filles de cette terre qui ont tenu à s'associer à cette cérémonie par la radio ou par la télévision.
Allah iuberekum! ― (Que Dieu vous bénisse!).
2. Comment ne pas rappeler d'abord l'escale que le Pape Paul VI avait voulu faire à Beyrouth, le 2 décembre 1964, en se rendant à Bombay? Il manifestait ainsi son attention spéciale à l'égard du Liban, montrant que le Saint-Siège estime et aime cette terre et ses habitants. Aujourd'hui, c'est avec une grande émotion que j'ai embrassé la terre libanaise, en signe d'amitié et de respect. Je viens chez vous, chers Libanais, comme un ami qui vient rendre visite à un peuple et qu'il veut soutenir dans sa marche quotidienne. C'est en ami du Liban que je viens encourager les fils et les filles de cette terre d'accueil, ce pays d'antique tradition spirituelle et culturelle, soucieux d'indépendance et de liberté. Au seuil du troisième millénaire, le Liban, tout en conservant ses richesses spécifiques et en restant lui-même, doit être en mesure de s'ouvrir aux réalités nouvelles de la société moderne et de prendre toute sa place dans le concert des nations.
3. Tout au long des années de guerre, avec toute l'Eglise, j'ai suivi attentivement les moments difficiles traversés par le peuple libanais et je me suis associé par la prière aux souffrances qu'il endurait. En de nombreuses circonstances, dès le début de mon pontificat, j'ai alerté la Communauté internationale, pour qu'elle aide les Libanais à retrouver la paix, au sein d'un territoire national reconnu et respecté par tous, et pour qu'elle favorise la reconstruction d'une société de justice et de fraternité. A juger humainement, de nombreuses personnes sont mortes en vain à cause des conflits. Des familles ont été disloquées. Des Libanais ont dû s'exiler loin de leur patrie. Des personnes de culture et de religion différentes, qui vivaient en bonne entente et en bon voisinage, se sont trouvées séparées, voire durement opposées.
Cette période, qui a heureusement pris fin, demeure présente dans toutes les mémoires et laisse de nombreuses blessures dans les c½urs. Cependant, le Liban est appelé à se tourner résolument vers l'avenir, librement déterminé par le choix de ses habitants. Dans cet esprit, je voudrais rendre hommage aux fils et aux filles de cette terre qui, dans les périodes troublées que je viens d'évoquer, ont donné l'exemple de la solidarité, de la fraternité, du pardon et de la charité, au risque même de leur vie. Je salue en particulier l'attitude de nombreuses femmes, et parmi elles des mères de famille, qui ont été des ferments d'unité, des éducatrices à la paix et à la convivialité, et d'inlassables partenaires du dialogue entre les groupes humains et entre les générations.
4. Désormais, chacun est invité à s'engager en faveur de la paix, de la réconciliation et de la vie fraternelle, en posant à son niveau des gestes de pardon et en travaillant au service de la communauté nationale, afin que plus jamais la violence ne l'emporte sur le dialogue, la peur et la méfiance sur la confiance, le ressentiment sur l'amour fraternel.
Dans ce nouveau Liban que vous rebâtissez peu à peu, il importe de donner une place à chaque citoyen, en particulier à ceux qui, habités par un légitime sentiment patriotique, désirent s'engager dans l'action politique ou dans la vie économique. De ce point de vue, la condition préalable à toute pratique réellement démocratique est le juste équilibre entre les forces vives de la nation, selon le principe de subsidiarité qui appelle une participation et une responsabilité de chacun dans les décisions. D'autre part, la gestion de la res publica repose sur le dialogue et sur le compromis, non pour faire prévaloir des intérêts particuliers ou encore pour maintenir des privilèges, mais pour que l'action soit un service des frères, indépendamment des différences culturelles ou religieuses.
5. Le 12 juin 1991, j'avais annoncé la convocation de l'Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques. Après de nombreuses étapes de réflexion et de partage au sein de l'Eglise catholique au Liban, elle s'est réunie en novembre et décembre 1995. Aujourd'hui, je suis venu chez vous pour célébrer solennellement la phase conclusive de l'Assemblée synodale. J'apporte aux catholiques, aux chrétiens des autres Eglises et Communautés ecclésiales, et à tous les hommes de bonne volonté, les fruits des travaux des évêques, enrichis par des dialogues cordiaux avec les délégués fraternels: l'Exhortation apostolique post-synodale Une espérance nouvelle pour le Liban. Ce document, que je signerai ce soir en présence des jeunes, n'est pas une conclusion ni un point final à la démarche entreprise. Bien au contraire, il est une invitation à tous les Libanais, pour qu'ils ouvrent avec confiance une page nouvelle de leur histoire. Il est la contribution de l'Eglise universelle à une plus grande unité dans l'Eglise catholique au Liban, au dépassement des divisions entre les différentes Eglises et au développement du pays, auquel tous les Libanais sont appelés à participer.
6. Arrivant pour la première fois sur le sol du Liban, je tiens à vous redire, Monsieur le Président de la République, combien je vous suis reconnaissant pour votre accueil. Je forme des v½ux chaleureux pour votre personne et pour votre mission auprès de vos compatriotes. A travers vous, j'adresse mes salutations cordiales à tous les citoyens libanais. Avec eux tous, je prie pour le Liban, afin qu'il soit tel que le veut le Très-Haut.
Allah iuberekum! ― (Que Dieu vous bénisse!).
10 mai 1997 – Rencontre de Jean Paul II avec les jeunes, au Liban
Chers Jeunes du Liban,
1. Je suis particulièrement heureux de vous rencontrer ce soir, au cours de mon voyage apostolique dans votre pays. Je remercie tout d'abord le Cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, Patriarche d'Antioche des Maronites, pour ses paroles de bienvenue, ainsi que Monseigneur Habib Bacha, Président de la Commission épiscopale pour l'Apostolat des Laïcs, pour sa présentation de la jeunesse du Liban.
Chers jeunes, je suis particulièrement sensible aux paroles que, par l'intermédiaire de vos représentants, vous allez de m'adresser avec franchise et confiance. Je comprends les aspirations qui vous animent et vos impatiences devant la situation quotidienne qui vous semble ne pas pouvoir changer. Je découvre ainsi les visages de garçons et de filles, qui, avec toute l'ardeur et l'élan de leur jeunesse, ont cependant le désir profond de se tourner vers l'avenir, en priant le Seigneur de leur donner force et courage, de leur communiquer son amour et son espérance, comme nous allons le demander dans la prière d'ouverture de notre célébration. Tout au long des années passées, je vous ai soutenus par la prière, demandant au Christ de vous assister dans votre marche vers la paix et dans votre vie personnelle et sociale.
2. Nous allons entendre le récit évangélique des disciples d'Emmaüs. Leur expérience peut vous aider, car elle ressemble à celle de chacun d'entre vous. Attristés par les événements de la Semaine sainte, désorientés par la mort de Jésus et déçus qu'ils ne réalisent pas leurs attentes, les deux disciples décident de quitter Jérusalem le jour de Pâques et de retourner dans leur village. L'espérance apportée par le Christ au cours des trois années passées avec lui sur la Terre sainte semble avoir été anéantie avec sa mort. Cependant, tout en marchant sur la route, les pèlerins d'Emmaüs se rappellent le message du Seigneur, message d'amour et de charité fraternelle, message d'espérance et de salut. Ils gardent dans leur c½ur le souvenir des faits et gestes qu'il avait accomplis au long de sa vie publique, des bords du Jourdain au Golgotha, en passant par Tyr et par Sidon.
Chacun d'eux se souvient de paroles et de rencontres avec le Seigneur, qui manifestait sa tendresse, sa compassion et son amour à l'égard de tout être humain. Tous étaient frappés par son enseignement et par sa bonté. Au-delà de la souillure du péché, le Christ regardait la beauté intérieure de l'être créé à l'image de Dieu. Il savait percevoir le désir profond de vérité et la soif de bonheur qui habitent l'âme de chaque personne. Par son regard, sa main tendue et sa parole de réconfort, Jésus appelait chacun à se relever après la faute, car toute personne a une valeur qui dépasse ce qu'elle a fait et il n'y a pas de péché qui ne puisse être pardonné. En se remémorant tout cela, les disciples commencent ainsi à méditer la Bonne Nouvelle apportée par le Messie.
Au cours de leur marche sur la route d'Emmaüs, alors qu'ils contemplaient la personne du Christ, sa parole et sa vie, les disciples sont rejoints par le Ressuscité lui-même, qui leur dévoile la profondeur des Ecritures et leur fait découvrir le dessein de Dieu. Les événements de Jérusalem, la mort sur la Croix et la résurrection, apportent le salut à tout homme. La mort a été vaincue, le chemin de la vie éternelle est définitivement ouvert. Mais les deux hommes ne reconnaissent pas encore le Seigneur. Leur c½ur est obscurci et troublé. Ce n'est qu'au terme de la route, lorsque Jésus leur partage le pain, lorsqu'il refait le geste de la Cène, mémorial de son sacrifice, que leurs yeux s'ouvrent pour accueillir la vérité: Jésus est ressuscité; il les précède sur les chemins du monde. L'espérance n'est pas morte. Aussitôt, ils retournent à Jérusalem annoncer la Bonne Nouvelle. Fort de ces promesses, nous savons nous aussi que le Christ est vivant et réellement présent au milieu de ses frères, tous les jours et jusqu'à la fin des temps.
3. Le Christ refait sans cesse cette marche d'Emmaüs, cette marche synodale avec son Eglise; en effet, le mot synode veut dire faire route ensemble. Il l'a refaite avec les pasteurs de l'Eglise catholique au Liban, au cours de l'Assemblée spéciale qui s'est tenue à Rome en novembre et en décembre 1995. Chers jeunes, il veut aussi la refaire avec vous, parce que le synode des évêques pour le Liban était fait pour vous: l'avenir, c'est vous. Lorsque vous accomplissez votre tâche quotidienne, dans l'étude ou le travail, lorsque vous servez vos frères, lorsque vous partagez vos doutes et vos espérances, lorsque vous méditez l'Ecriture, seul ou en Eglise, lorsque vous participez à l'Eucharistie, le Christ vous rejoint; il chemine à vos côtés; il est votre force, votre nourriture et votre lumière.
Chers jeunes, dans votre vie de tous les jours, n'ayez pas peur de vous laisser rejoindre par le Christ à l'image des disciples d'Emmaüs. Dans votre vie personnelle, dans la vie ecclésiale, le Seigneur vous accompagne et met en vous son espérance. Le Christ a confiance en vous, pour être responsables de votre propre existence et de celle de vos frères et s½urs, de l'avenir de l'Eglise au Liban et de l'avenir de votre pays. Aujourd'hui et demain, Jésus vous invite à quitter vos sentiers, pour faire route avec Lui, unis avec tous les fidèles de l'Eglise catholique et avec tout le peuple libanais.
4. Alors acceptez-vous de suivre le Christ? Si vous acceptez de suivre le Christ et de vous laisser saisir par lui, il vous montrera que le mystère de sa mort et de sa résurrection est la clé de lecture par excellence de la vie chrétienne et de la vie humaine. En effet, dans toute existence, il y a des temps où Dieu semble faire silence comme dans la nuit du Jeudi saint; des temps de détresse comme le jour du Vendredi saint où Dieu semble abandonner ceux qu'il aime; des temps de lumière comme à l'aube du matin de Pâques qui a vu la victoire définitive de la vie sur la mort. A l'exemple du Christ qui a remis sa vie entre les mains du Père, c'est en mettant votre confiance en Dieu que vous ferez de grandes choses. Car, si nous comptons uniquement sur nous-mêmes, nos projets font trop souvent apparaître des intérêts particuliers et partisans. Mais tout peut changer lorsque l'on compte d'abord sur le Seigneur, qui vient transformer, purifier et pacifier l'être intérieur. Les changements auxquels vous aspirez sur votre terre nécessitent d'abord et avant tout des changements dans les c½urs.
5. En effet, il vous appartient de faire tomber les murs qui ont pu s'édifier pendant les périodes douloureuses de l'histoire de votre nation; n'élevez pas de nouveaux murs au sein de votre pays. Au contraire, il vous revient de construire des ponts entre les personnes, entre les familles et entre les différentes communautés. Dans votre vie quotidienne, puissiez-vous poser des gestes de réconciliation, pour passer de la méfiance à la confiance! Il vous revient aussi de veiller à ce que chaque Libanais, en particulier chaque jeune, puisse participer à la vie sociale, dans la maison commune. Ainsi naîtra une nouvelle fraternité et se tisseront des liens solides, car pour l'édification du Liban, l'arme principale et déterminante est celle de l'amour. En puisant dans la vie intime avec le Seigneur, source de l'amour et de la paix, vous serez à votre tour des artisans de paix et d'amour. A cela, nous dit l'Apôtre, nous serons reconnus comme ses disciples.
Vous êtes la richesse du Liban, vous qui avez soif de paix et de fraternité, et qui avez le désir de vous engager chaque jour pour cette terre à laquelle vous êtes profondément attachés. Avec vos parents, vos éducateurs et tous les adultes qui ont des fonctions sociales et ecclésiales, vous avez à préparer le Liban de demain, pour en faire un peuple uni, avec sa diversité culturelle et spirituelle. Le Liban est un héritage plein de promesses. Attachez-vous à acquérir une solide éducation civique et morale, pour prendre pleinement conscience de vos responsabilités dans la reconstruction nationale. Parmi les éléments qui créent l'unité au sein d'une nation, il y a le sens du dialogue avec tous ses frères, dans le respect des sensibilités spécifiques et des différentes histoires communautaires. Loin d'éloigner les personnes les unes des autres, cette attitude fondamentale d'ouverture est un des éléments moraux essentiels de la vie démocratique et un des moyens essentiels du développement des solidarités, pour recomposer le tissu social et pour donner un nouvel élan à la vie nationale.
6. Pour vous manifester mon estime et ma confiance, dans un instant à la fin de l'homélie, je signerai devant vous l'Exhortation apostolique post-synodale. Par vos réflexions, vous avez apporté une contribution notable à la préparation de l'Assemblée, où vous avez été représentés et entendus. Aujourd'hui, je vous choisis comme témoins privilégiés et comme dépositaires du message de renouveau dont l'Eglise et votre pays ont besoin. Je vous exhorte à prendre avec ardeur une part active à la mise en ½uvre des orientations de l'Assemblée synodale. Avec les patriarches et les évêques, pasteurs du troupeau, avec les prêtres, les religieux et les religieuses, et l'ensemble du peuple chrétien, vous avez la charge d'être les témoins du Ressuscité, par la parole et par toute votre vie. Dans la communauté chrétienne, chacun de vous est appelé à avoir une part de sa responsabilité. En écoutant le Christ qui vous appelle et qui veut faire réussir votre existence, vous répondrez à votre vocation particulière, dans le sacerdoce, la vie consacrée ou le mariage. Dans chaque état de vie, s'engager à suivre le Seigneur est source de grande joie.
L'église dans laquelle nous sommes se trouve au sommet de la montagne: elle est visible pour les habitants de Beyrouth et de la région, et pour les visiteurs qui arrivent sur votre terre; ainsi, que votre témoignage soit pour vos compagnons un exemple éclairant! N'oubliez pas votre identité chrétienne et votre condition de disciples du Seigneur. C'est votre gloire; c'est votre espérance; c'est votre mission. Recevez l'Exhortation comme un don que l'Eglise universelle fait à l'Eglise au Liban et à votre pays, avec la certitude que votre dynamisme et votre courage seront à l'origine de transformations profondes en vous et dans l'ensemble de la société. Mettez votre foi et votre espérance dans le Christ. En lui, vous ne serez pas déçus.
7. Demandons à la Vierge Marie, Notre-Dame du Liban, de veiller sur votre pays et sur ses habitants, et de vous assister de sa tendresse maternelle, pour être les dignes héritiers des saints de votre terre et pour faire refleurir le Liban, ce pays qui fait partie des Lieux saints que Dieu aime, parce qu'il est venu y faire sa demeure et nous rappeler que nous avons à construire la cité terrestre, en ayant les yeux fixés sur les valeurs du Royaume.
Alors, je dois vous dire que vous avez suivi le discours avec attention. Et je dois vous dire que je vous ai suivis aussi: est-ce qu'ils réagissent au moment juste? Est-ce qu'ils applaudisent quand il faut applaudir? Alors, j'ai constaté tout cela. Comme ça votre examen est réussi! Et maintenant on doit retourner dans la basilique, dans l'église pour célébrer la partie liturgique. Vous devez encore y participer et à la fin je reviendrai ici vous voir !
11 mai 1997 – Homélie de Jean Paul II, lors de la Messe célébrée sur l’Esplanade de la base navale, Beyrouth
1. Aujourd'hui, je salue le Liban. Depuis longtemps, je désirais venir, et pour tant de raisons! J'arrive dans votre pays seulement en ce jour, pour conclure l'Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques. Il y a près de deux ans, l'Assemblée synodale a mené ses travaux à Rome. Mais sa partie solennelle, la publication du document post-synodal, a lieu maintenant, au Liban. Ces circonstances me permettent d'être sur votre terre, pour la première fois, et de vous dire l'amour que l'Eglise et le Siège apostolique portent à votre nation, à tous les Libanais: les catholiques des différents rites maronite, melkite, arménien, chaldéen, syrien, latin, les fidèles appartenant aux autres Eglises chrétiennes, ainsi que les musulmans et les druzes, qui croient au Dieu unique. Du fond du c½ur, je vous salue tous, en cette circonstance si importante. Nous voulons maintenant présenter à Dieu les fruits du Synode pour le Liban.
Je remercie Monsieur le Cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, Patriarche maronite, pour les paroles d'accueil qu'il m'a adressées en votre nom à tous. Je remercie aussi les Cardinaux qui m'accompagnent; ils soulignent par leur présence l'attachement du Siège apostolique au Liban. Je salue les Patriarches et les Evêques présents, ainsi que toutes les personnes qui ont pris part aux travaux du Synode pour le Liban.
C'est pour moi une joie de saluer les distingués représentants des autres Eglises et Communautés ecclésiales, les Patriarches et notamment les délégués fraternels au Synode, qui ont bien voulu s'associer à cette fête de leurs frères catholiques. J'adresse aussi aux personnalités musulmanes et druzes un très cordial salut.
Avec déférence, j'exprime ma gratitude à Son Excellence le Président de la République, à Son Excellence le Président du Parlement, à Son Excellence le Président du Conseil des Ministres, ainsi qu'aux Autorités de l'Etat pour leur présence à cette célébration liturgique.
2. Dans cette assemblée exceptionnelle, nous voulons dire au monde l'importance du Liban, sa mission historique, accomplie au long des siècles: pays de nombreuses confessions religieuses, il a montré que ces différentes confessions peuvent vivre ensemble dans la paix, la fraternité et la collaboration; il a montré que l'on peut respecter le droit de tout homme à la liberté religieuse; que tous sont unis dans l'amour pour cette patrie qui a mûri au cours des siècles, gardant l'héritage spirituel de leurs pères, notamment du moine saint Maron.
3. Nous sommes ici dans la région que foulèrent les pieds du Christ, Sauveur du monde, il y a deux mille ans. La sainte Ecriture nous apprend que Jésus alla prêcher au-delà des limites de la Palestine d'alors, qu'il visita aussi le territoire des dix cités de la Décapole, Tyr et Sidon en particulier et qu'il y accomplit des miracles. Libanais et Libanaises, le Fils de Dieu lui-même fut le premier évangélisateur de vos ancêtres. C'est un privilège extraordinaire. Parlant de Tyr et de Sidon, je ne peux pas omettre de mentionner les grandes souffrances que connaissent leurs populations. Je demande aujourd'hui à Jésus de mettre fin à ces douleurs. Et j'implore de Lui la grâce d'une paix juste et permanente au Moyen-Orient, dans le respect des droits et des aspirations de tous.
En écoutant l'Evangile de ce jour, l'Evangile des huit Béatitudes dans le Sermon sur la Montagne, nous ne pouvons pas oublier que l'écho de ces paroles du salut, prononcées un jour en Galilée, était tôt parvenu jusqu'ici. Les auteurs de l'Ancien Testament se tournaient souvent dans leurs écrits vers les monts du Liban et de l'Hermon, qu'ils voyaient à l'horizon. Le Liban est donc un pays biblique. Se trouvant tout proche des lieux où Jésus accomplit sa mission, il fut parmi les premiers pays à recevoir la Bonne Nouvelle que vos ancêtres ont reçue de la bouche du Sauveur.
Assurément, vos ancêtres ont appris par la prédication apostolique, en particulier par les missions de saint Paul, l'histoire du salut, les événements qui se sont succédé du dimanche des Rameaux au Vendredi saint et au Dimanche de Pâques. Le Christ a été crucifié, mis au tombeau, mais il est ressuscité le troisième jour. Le Mystère pascal de Jésus Christ constitue le c½ur même de l'histoire du salut, comme le montre bien, à la Messe, l'acclamation paulinienne après la consécration: « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ». Toute l'Eglise attend sa venue, en Orient et en Occident. Les fils et les filles du Liban attendent son nouvel avènement. Nous vivons tous l'Avent des derniers temps de l'histoire et nous cherchons tous à préparer la venue du Christ, à édifier le Règne de Dieu qu'il a annoncé.
4. La première lecture de cette liturgie, dans les Actes des Apôtres, nous rappelle la période qui a suivi l'Ascension du Christ au ciel, lorsque les Apôtres, selon sa recommandation, retournèrent au Cénacle et y demeurèrent en prière, avec la Mère de Jésus et les frères et Soeurs de la communauté primitive qui fut le premier noyau de l'Eglise (cf. 1, 12-14). Chaque année, après l'Ascension, l'Eglise revit cette première neuvaine, la neuvaine au Saint-Esprit. Les Apôtres, rassemblés au Cénacle, avec la Mère du Christ, prient pour que s'accomplisse la promesse que leur a faite le Christ ressuscité: «Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins» (Ac 1, 8). Cette première neuvaine apostolique à l'Esprit Saint est le modèle de ce que fait l'Eglise chaque année.
L'Eglise prie: Veni, Creator Spiritus!
«Viens, ô Esprit créateur! Visite les âmes de tes fidèles;
Emplis de la grâce d'en haut les c½urs qui sont tes créatures... »
Je redis avec émotion cette prière de l'Eglise universelle avec vous, chers Frères et S½urs, fils et filles du Liban. Nous avons confiance: l'Esprit Saint renouvellera le visage de votre terre. « Et renovabis faciem terrae ».
5. Dans la Lettre que nous lisons aujourd'hui, saint Pierre écrit: « Puisque vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d'être dans la joie et l'allégresse quand sa gloire se révélera. Si l'on vous insulte au nom du Christ, heureux êtes-vous, puisque l'Esprit de gloire, l'Esprit de Dieu, repose sur vous» (1 P 4, 13-14).
On a souvent parlé du « Liban martyr », surtout dans la période de guerre qui a marqué votre pays voici plus de dix ans. Dans ce contexte historique, les paroles de saint Pierre concernent tous ceux qui ont souffert sur cette terre. L'Apôtre écrit: « Puisque vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous », parce que l'Esprit de Dieu repose sur vous, et c'est l'Esprit de gloire (cf. ibid.). Je n'oublie pas que nous sommes rassemblés près du c½ur historique de Beyrouth, la Place des Martyrs; mais vous l'avez nommée aussi Place de la Liberté et Place de l'Unité. J'en suis sûr, les souffrances des années passées ne seront pas vaines; elles fortifieront votre liberté et votre unité.
Aujourd'hui, la parole de Jésus inspire notre prière. Nous prions pour que ceux qui pleurent soient consolés, pour que les miséricordieux obtiennent miséricorde (cf. Mt 5, 5.7), pour que, recevant le pardon du Père, tous acceptent de pardonner les offenses à leur tour. Prions pour que les fils et les filles de cette terre soient heureux d'être des artisans de paix et d'être appelés fils de Dieu (cf. Mt 5, 9). Si, par la souffrance, nous participons à la passion du Christ, nous aurons aussi part à sa gloire.
6. L'Esprit Saint, l'Esprit de Jésus Christ, est un Esprit de gloire. Prions aujourd'hui pour que cette gloire divine enveloppe tous ceux qui connaissent la souffrance sur la terre libanaise. Prions pour qu'elle devienne un germe de force spirituelle pour vous tous, pour l'Eglise et pour la nation, afin que le Liban puisse remplir son rôle au Proche-Orient, parmi les nations voisines et avec toutes les nations du monde.
Esprit de Dieu, mets ta lumière et ton amour dans les c½urs pour achever la réconciliation entre les personnes, au sein des familles, entre voisins, dans les villes et les villages et au sein des institutions de la société civile!
Esprit de Dieu, que ta force réunisse tous les fils de cette terre pour qu'ils marchent ensemble avec courage et ténacité sur le chemin de la paix, de la convivialité, dans le respect mutuel de la dignité et de la liberté des personnes, pour l'épanouissement de chacun et pour le bien du pays tout entier!
Esprit de Dieu, donne aux familles libanaises de développer les dons de grâce du mariage! Donne aux jeunes de bâtir leur personnalité avec confiance et de prendre conscience de leurs responsabilités dans l'Eglise et dans la cité!
Esprit de Dieu, accorde aux fidèles du Liban d'affermir l'unité de chacune des Eglises patriarcales, de toute l'Eglise catholique au Liban! Aide-les à faire de nouveaux pas sur les chemins de la pleine unité de tous ceux qui ont reçu le don de la foi au Christ Sauveur!
Esprit de Dieu, « Toi qu'on appelle Conseiller, Source vive, Feu, Charité », manifeste en ce peuple les fruits attendus de l'Assemblée synodale! Esprit de lumière et d'amour, sois pour les fils et les filles du Liban source de force, de force spirituelle, spécialement à cette heure, au seuil du troisième millénaire du christianisme!
Viens Esprit de Dieu. Veni, Sancte Spiritus! Amen.
11 mai 1997 – Méditation de Jean Paul II lors de la prière mariale du Regina Caeli à Beyrouth
u terme de cette célébration, à l'heure de la prière mariale, nous invoquons aussi les saints qui ont vécu sur cette terre. Avec vous, je prie saint Maron, saint Charbel et la bienheureuse Rafka. Ma pensée va aussi au vénérable Al-Hardini, que j'espère avoir la joie d'inscrire prochainement au nombre des bienheureux.
Avec vous, je confie à Notre-Dame du Liban tous les fils et les filles du pays. Que la Mère du Seigneur, présente au pied de la Croix et au Cénacle à la Pentecôte, rassemble dans la foi, l'espérance et l'amour ses enfants présents dans le pays ou dispersés dans le monde! Qu'elle assiste vos pasteurs dans leur ministère! Qu'elle soutienne la fidélité dans la prière et le service charitable des moines et des moniales, des religieux et des religieuses! Qu'elle accompagne les laïcs dans leur vie ecclésiale et dans leur service de la société! Qu'elle affermisse les familles dans l'unité de l'amour et dans leur dévouement à leur mission éducative! Qu'elle guide les jeunes sur les chemins de la vie!
Que Marie, dans sa tendresse maternelle, réconforte les plus pauvres, ceux qui souffrent dans leur corps ou dans leur c½ur, les prisonniers et les réfugiés! Notre-Dame du Liban, veille sur le peuple tout entier qui vit sur cette terre si éprouvée! Le Successeur de Pierre, venu ici pour porter à tous un message de foi et d'espérance, te le confie. Au seuil du nouveau millénaire, puissions-nous voir se réaliser le message prophétique d'Isaïe: « Encore un peu du temps, très peu de temps, et le Liban se changera en verger, et le verger sera pareil à une grande forêt » (29, 17)!
O Vierge très sainte, accorde à ce peuple d'antique origine mais toujours jeune, de rester le digne héritier de son illustre histoire et de bâtir avec dynamisme son avenir dans le dialogue entre tous, le respect mutuel des groupes différents, la concorde fraternelle!
Reine de la Paix, protège le Liban!
Reine de la Paix, nous te prions, écoute-nous!
Merci pour votre participation si nombreuse, joyeuse et affectueuse.
Que Dieu bénisse le Liban !
11 mai 1997 – Jean Paul II rencontre les Patriarches et les Evêques - Résidence patriarcale maronite de Bkerké
On a évoqué beaucoup de personnes. Je voudrais souligner que la conclusion actuelle de l'Assemblée synodale pour le Liban va marquer un pas ultérieur dans le chemin synodal, si l'on peut dire, de ce Synode, pas seulement traditionnel, mais aussi Synode régional. Synode pour le Liban et Synode régional, pas seulement pour le pays, mais un peu pour l'Asie mineure. Et ici, je dois rappeler la personnalité de mon compatriote W. Rubin qui a été le premier prédécesseur du Cardinal Schotte. Je le rappelle d'autant plus que j'étais très lié avec lui. Il a étudié ici, à l'Université Saint-Joseph, et il est toujours resté très lié, très attaché au Liban. J'espère qu'il a bien servi le Synode des Evêques dans cette période décisive, parce que première, et que l'idée synodale gagnera toujours plus de sens, fera un très grand progrès. Cela veut dire que si l'Eglise de Rome n'est pas une Eglise synodale, on attache de plus en plus d'importance, une valeur plus grande au Synode des Evêques. Alors c'est une Eglise synodale dans un sens différent, mais en tous cas une Eglise synodale où le Synode des Evêques joue un rôle important. Cela peut nous rapprocher, je pense, de nos frères orthodoxes. Dans cet esprit, j'attends Vos Béatitudes cet après-midi. On va se rencontrer et parler avec les patriarches orthodoxes qui ont voulu participer à cette solennité et participer aussi au Synode, du moins à travers leurs représentants, et je me réjouis beaucoup de cette rencontre.
Merci pour tout.
11 mai 1997 – Discours de Jean Paul II au moment de quitter le Liban, pour Rome
Monsieur le Président de la République,
1. Au terme de ma visite pastorale dans votre pays, vous avez tenu à venir me saluer avec la délicatesse et le sens de l'accueil qui font partie de la tradition libanaise. Je tiens à vous dire à nouveau ma gratitude pour l'accueil que vous m'avez réservé, pour les dispositions qui ont été prises et qui ont facilité le déroulement des différentes rencontres qu'il m'a été donné de vivre.
Mes remerciements s'étendent aux Autorités civiles et militaires, aux responsables des différentes Eglises et Communautés ecclésiales, pour leurs prévenances au cours des deux journées passées dans ce beau pays, si cher à mon c½ur. J'exprime aussi ma vive gratitude et ma reconnaissance aux membres des services de sécurité et à tous les bénévoles qui, avec générosité, efficacité et discrétion, ont contribué à la réussite de ma visite.
2. Au cours des célébrations et des différentes entrevues que j'ai pu avoir, j'ai constaté l'amour profond que les catholiques Libanais et tous leurs compatriotes portent à leur patrie et leur attachement à sa culture et à ses traditions. Ils sont restés fidèles à leur terre et à leur patrimoine en de nombreuses circonstances, et ils continuent à manifester la même fidélité aujourd'hui. Je les exhorte à poursuivre dans cette voie, en donnant dans la région et dans le monde un exemple de convivialité entre les cultures et entre les religions, dans une société où toutes les personnes et où les diverses communautés sont considérées à parité.
3. Avant de quitter votre sol, je renouvelle mon appel aux Autorités et au peuple libanais tout entier, pour que se développe un nouvel ordre social, fondé sur les valeurs morales essentielles, avec le souci de garantir la place primordiale de la personne et des groupes humains dans la vie nationale et dans les décisions communautaires; une telle attention à l'homme, qui appartient naturellement à l'âme libanaise, portera des fruits de paix dans le pays et dans la région. J'exhorte les Dirigeants des Nations au respect du droit international, tout particulièrement au Moyen-Orient, pour que soient garanties la souveraineté, l'autonomie légitime et la sécurité des Etats et que soient respectés le droit et les aspirations compréhensibles des peuples. En saluant les efforts de la Communauté internationale dans la région, je souhaite que le processus pour rechercher une paix juste et durable continue à être soutenu avec détermination, courage et cohérence. Je souhaite aussi que les efforts soient poursuivis et intensifiés, afin de soutenir la croissance du pays, la marche des Libanais vers une société toujours plus démocratique, dans une totale indépendance de ses institutions et dans la reconnaissance de ses frontières, conditions indispensables pour garantir son intégrité. Mais rien ne pourra se faire si tous les citoyens du pays ne s'engagent pas, chacun en ce qui le concerne, sur la voie de la justice, de l'équité et de la paix, dans la vie politique, économique et sociale, ainsi que dans le partage des responsabilités au sein de la vie sociale.
4.Je tiens à exprimer à nouveau ma vive gratitude aux Patriarches, aux Evêques libanais, au clergé, aux religieux et religieuses, ainsi qu'aux laïcs de l'Eglise catholique qui ont préparé intensément ma venue. A eux tous, j'ai confié l'Exhortation apostolique post-synodale, pour qu'elle les guide et les soutienne dans leur marche spirituelle et dans leurs engagements aux côtés de leurs frères. Sensible à l'accueil des catholiques libanais, dont j'ai pu apprécier la vitalité pastorale, je voudrais les assurer de mon affection et de ma profonde communion spirituelle, les invitant à être des témoins miséricordieux de l'amour de Dieu et des messagers de paix et de fraternité.
Mon salut respectueux s'adresse aussi aux Chefs des autres Eglises et Communautés ecclésiales, à tous les chrétiens des autres confessions, aux croyants de l'Islam, en souhaitant que tous poursuivent le dialogue religieux et la collaboration, pour manifester que les convictions religieuses sont sources de fraternité et pour témoigner qu'une vie conviviale est possible, par amour pour Dieu, pour ses frères et pour sa patrie.
A travers votre personne, Monsieur le Président, je salue et je remercie tous les Libanais, en leur offrant mes v½ux fervents de paix et de prospérité. Que votre nation, dont les montagnes sont comme un phare au bord de la mer, offre aux pays de la région un témoignage de cohésion sociale et de bonne entente entre toutes ses composantes culturelles et religieuses!
En vous renouvelant ma gratitude, j'appelle sur tous vos compatriotes l'abondance des Bénédictions divines.
2000
10 février 2000 – Discours de Jean Paul II à l’église maronite de Rome.
1. Je vous souhaite la bienvenue dans la maison du Successeur de Pierre et dans la Ville Eternelle, qui conserve les tombes des Apôtres Pierre et Paul, et de tant d’autres saints martyrs et confesseurs. Vous êtes venus du Liban, d’autres pays du Proche-Orient et de la diaspora, pour célébrer en ces jours le grand Jubilé, avec Sa Béatitude le Cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, Patriarche d’Antioche, "Père et Chef" (cf. C.C.E.O. can.55) de l’Eglise Maronite. Votre pèlerinage à Rome inaugure celui des Eglises catholiques orientales. En effet, au cours des prochains mois, arriveront à Rome les Patriarches, les Evêques et des fidèles des autres traditions orientales.
2. Voulant donner une nouvelle preuve de votre adhésion indéfectible et pluri-séculaire au Siège apostolique romain, vous êtes venus à Rome pour la fête de saint Maron, pierre milliaire de votre Eglise, dont la mémoire est célébrée, selon votre calendrier liturgique, le 9 février. En ce jour, vous avez participé dans la Basilique Sainte-Marie Majeure à une célébration eucharistique solennelle, présidée par votre bien-aimé Patriarche. La célébration d’hier, tout comme l’audience d’aujourd’hui, renforce le lien étroit qui existe entre le Siège de Rome et celui d’Antioche, cette ville très ancienne où "les disciples furent pour la première fois appelés chrétiens" (Ac 11, 26) et où saint Pierre lui-même a vécu. Attirés donc par "un impératif intérieur" venant de votre foi, vous êtes venus "rendre visite à Pierre" (Ga 1,18), pour vivre avec lui la communion ecclésiale. Votre pleine communion avec l’Eglise de Rome est en effet une manifestation tangible de la conscience que vous avez de l’unité: "L’unité est une caractéristique primordiale de l’Eglise et elle est requise par sa nature profonde" (exhort. apost. post-synodale Une espérance nouvelle pour le Liban, n. 84; cf. Lettre apost. Orientale lumen, n.19). Cette unité ecclésiale, que vous expérimentez avec force ces jours-ci, vous aidera à son tour à vous engager toujours davantage dans l’évangélisation du monde, la tradition maronite étant aussi "une occasion privilégiée pour raviver le dynamisme et l’élan missionnaires auxquels chaque fidèle doit participer" (exhortation apost. post-synodale Une espérance nouvelle pour le Liban, n.84).
3. Consciente et fière de l’importance de l’unité avec Rome, votre Eglise, fille spirituelle de saint Maron, a vu fleurir de nombreux saints et saintes au cours des siècles. Le 9 octobre 1977, mon Prédécesseur le Pape Paul VI a canonisé Charbel Maklouf, moine ermite et prêtre de l’Ordre libanais maronite, et moi-même j’ai eu la joie de procéder le 17 novembre 1985 à la béatification de Rafqa (Rebecca), moniale maronite de l’Ordre libanais maronite et, le 10 mai 1998, à celle de Nimatullah Al-Hardini, moine et prêtre du même Ordre et père spirituel de saint Charbel.
4. La béatification de Nimatullah Al-Hardini a eu lieu exactement un an après mon pèlerinage de 1997 en terre libanaise. C’est pourquoi il m’est agréable d’évoquer ici les heures que j’ai passées au Liban, où l’Eglise Maronite a ses racines et son centre effectif.
L’espérance nouvelle pour le Liban, exprimée dans l’exhortation post-synodale, document qui fait suite aux travaux de l’Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, a été "mon cri de résurrection et de paix", par lequel j’ai "présenté à nouveau la terre biblique des cèdres à la conscience du monde" ("Osservatore Romano", 12-13 mai 1997, p.1). J’encourage tous les pasteurs et fidèles des communautés catholiques du Liban à accueillir et à assimiler toujours davantage les propositions et les suggestions de cette exhortation. Je suis heureux de savoir qu’il y a déjà des premiers signes encourageants d’une mise en ½uvre concrète, comme il ressort aussi des travaux de la dernière Assemblée des Patriarches et Evêques catholiques du Liban (A.P.E.C.L.), qui s’est tenue en novembre dernier à Bkerké.
5. J’ai aussi le plaisir d’annoncer que, hier, après une très longue fermeture, due à la seconde guerre mondiale, puis à la situation difficile du Liban, le Collège pontifical maronite a rouvert officiellement ses portes grâce surtout aux efforts inlassables de Son Excellence Monseigneur Emile Eid, Procureur patriarcal à Rome. Cet Institut, voulu par le Pape Grégoire XIII, remonte au XVIe siècle. Il eut d’innombrables et illustres élèves, dont les plus renommés furent le futur patriarche maronite Stéphane Douaihi et le grand savant Joseph S. Assemani, Premier Custode de la Bibliothèque Vaticane, célèbre orientaliste et canoniste qui eut, entre autres, un rôle important au Synode libanais maronite de 1736.
Je forme le v½u que les jeunes maronites qui vivront désormais dans ce Collège historique contribuent efficacement, comme leurs prédécesseurs, à la vie ecclésiale maronite, dans la fidélité à l’esprit de l’Eglise universelle.
6. Et quant à la terre bien-aimée du Liban, vers laquelle se tourne avec nostalgie le c½ur des croyants, je lui souhaite de continuer à rester fidèle à sa vocation de "Message": un lieu où les chrétiens peuvent vivre en paix et en fraternité avec les adeptes d’autres croyances, et où ils soient capables de promouvoir une telle convivialité (cf. exhort. post-synodale Une espérance nouvelle pour le Liban, n. 92). Je veux aussi vous dire aujourd’hui, avec la force de l’amour: "Le Pape est toujours proche de vous tous". Je suis à vos côtés comme un père et un frère dans cette période où l’intolérance conduit parfois à raviver les fantasmes de haine que nous voudrions voir disparaître pour toujours.
Par l’intercession de la Mère de Dieu, des saints Apôtres Pierre et Paul, de saint Maron, de saint Charbel, de la bienheureuse Rafqa, du bienheureux Nimatullah Al-Hardini et de tous les saints de votre terre, je demande au Seigneur que ce soit là le premier fruit du grand Jubilé que vous célébrez à Rome. Je vous accorde de grand c½ur la Bénédiction apostolique.