14 décembre 2000 – Message à l’occasion du 1200ème anniversaire du couronnement de l’Empereur Charlemagne
A mon Vénéré Frère dans l'épiscopat le Cardinal Antonio María Javierre Ortas
C'est avec plaisir que j'ai appris que le 16 décembre prochain, vous présiderez une séance académique consacrée au 1200ème anniversaire du couronnement impérial de Charlemagne, par le Pape Léon III à Noël de l'an 800. En voulant participer, tout au moins spirituellement, à la célébration de cet anniversaire historique, je vous envoie mon Message, à travers lequel j'entends vous faire parvenir, ainsi qu'à l'éminente assemblée, mon salut et mes voeux.
La commémoration de cet événement historique nous invite à tourner le regard non seulement vers le passé, mais également vers l'avenir. En effet, celle-ci coïncide avec la phase décisive de la rédaction de la "Charte des droits fondamentaux" de l'Union européenne. Cette heureuse coïncidence invite à réfléchir sur la valeur que possède également aujourd'hui la réforme culturelle et religieuse promue par Charlemagne: son importance, en effet, est bien plus grande que l'oeuvre qu'il accomplit pour unifier matériellement les diverses réalités politiques européennes de l'époque.
Il s'agit de la synthèse grandiose entre la culture de l'antiquité classique, en majorité romaine, et les cultures des peuples germaniques et celtes, une synthèse effectuée sur la base de l'Evangile de Jésus-Christ, et qui caractérise l'immense contribution offerte par Charlemagne à la formation du continent. En effet, l'Europe, qui ne constituait pas une unité définie du point de vue géographique, ne devint un continent qu'à travers l'acceptation de la foi chrétienne qui, au cours des siècles, réussit à diffuser ses valeurs dans presque toutes les autres parties de la terre, pour le bien de l'humanité. Dans le même temps, on ne peut pas oublier que les idéologies qui ont été la cause de fleuves de larmes et de sang au cours du XX siècle, sont nées d'une Europe qui avait voulu oublier ses fondements chrétiens.
L'engagement pris par l'Union européenne de formuler une "Charte des droits fondamentaux", constitue une tentative de synthétiser à nouveau, au début du nouveau millénaire, les valeurs fondamentales auxquelles doit s'inspirer la coexistence entre les peuples européens. L'Eglise a suivi avec une vive attention l'élaboration de ce document. A ce propos, je ne peux pas cacher ma déception que dans le texte de la Charte n'ait été insérée aucune référence à Dieu, en qui se trouve par ailleurs la source suprême de la dignité de la personne humaine et de ses droits fondamentaux. On ne peut pas ignorer que ce fut la négation de Dieu et de ses commandements qui créa, au siècle passé, la tyrannie des idoles, exprimée à travers la glorification d'une race, d'une classe, de l'Etat, de la nation, du parti, au lieu du Dieu vivant et véritable. C'est précisément à la lumière des événements tragiques du vingtième siècle que l'on comprend comment les droits de Dieu et de l'homme s'affirment ou disparaissent ensemble.
Malgré beaucoup de nobles efforts, le texte élaboré pour la "Charte européenne" n'a pas satisfait aux attentes légitimes d'un grand nombre de personnes. On pouvait, en particulier, défendre de façon plus courageuse les droits de la personne et de la famille. La préoccupation pour de tels droits, qui ne sont pas toujours compris et respectés de façon appropriée, est en effet plus que justifiée. Dans de nombreux Etats européens, ceux-ci sont menacés, par exemple par une politique favorable à l'avortement, presque partout légalisé, par l'attitude toujours plus permissive à l'égard de l'euthanasie et, dernièrement, par certains projets de loi en matière de technologie génétique qui ne respectent pas suffisamment la qualité humaine de l'embryon. Il ne suffit pas de prôner à travers de grands mots la dignité de la personne, si celle-ci est ensuite gravement violée par les normes mêmes de l'ordre juridique.
La grande figure historique de l'empereur Charlemagne réévoque les racines chrétiennes de l'Europe, en ramenant ceux qui l'étudient à une époque qui, malgré les limites humaines toujours présentes, fut caractérisée par une importante floraison culturelle dans presque tous les domaines de l'expérience. A la recherche de son identité, l'Europe ne peut pas manquer d'accomplir un effort énergique pour récupérer le patrimoine culturel laissé par Charlemagne et conservé au cours de plus d'un millénaire.
L'éducation dans l'esprit de l'humanisme chrétien garantit cette formation intellectuelle et morale qui forme et aide la jeunesse à affronter les problèmes sérieux soulevés par le développement scientifique et technique. Dans ce sens, l'étude des langues classiques dans les écoles peut également être une aide précieuse pour introduire les nouvelles générations à la connaissance d'un patrimoine culturel d'une richesse inestimable.
J'exprime donc ma satisfaction à ceux qui ont préparé cette session académique, avec une pensée particulière pour le Président du Comité pontifical pour les Sciences historiques, Mgr Walter Brandmüller. L'initiative historique constitue une contribution précieuse à la redécouverte des valeurs dans lesquelles l'"âme" la plus véritable de l'Europe est reconnaissable. A cette occasion, je voudrais également saluer le choeur des Augsburger Domsingknaben qui, grâce à leur chant, enrichissent dignement ce congrès.
Avec ces sentiments, je vous envoie volontiers, Monsieur le Cardinal, ainsi qu'aux rapporteurs, aux participants et aux pueri cantores, une Bénédiction apostolique spéciale.
- le 13 février 2001, au nouvel Ambassadeur d’Autriche. ORLF 10.4.2001
Doit prévaloir dans nos sociétés une « culture de la vie ». Quiconque affirme à juste titre que cette dignité personnelle est une possession inaliénable de chaque être humain ne peut avoir aucun doute sur le fait que cette dignité personnelle trouve son expression première et fondamentale dans le caractère inviolable de la vie humaine. Lorsque le droit à la vie n’est pas fermement défendu comme condition de tous les autres droits, toutes les autres références aux droits humains - à la santé, au logement, au travail, à la famille - demeurent vains et illusoires.
Nous ne pouvons nous résigner face aux nombreuses atteintes portées à la personne humaine en ce qui concerne son droit à la vie...
L’homme possède un droit à la vie à toutes les étapes de son existence, du moment de sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Il conserve ce droit dans toutes les conditions dans lesquelles il se trouve : dans la santé ou la maladie, dans la perfection physique ou le handicap, dans la richesse et la pauvreté. C’est pourquoi, le fait que l’avortement soit autorisé au cours des trois premiers mois de la grossesse dans de nombreux pays européens, demeure une blessure sanglante dans mon coeur.
Ce qui s’applique au début de la vie s’applique également à sa fin : malheureusement, il semble que dans le débat croissant sur l’euthanasie, l’affirmation selon laquelle l’homme a reçu la vie comme un don devient de moins en moins répandue. Il devient donc toujours plus difficile de défendre le droit humain à mourir lorsque Dieu l’a décidé. La mort également fait partie de la vie. Quiconque prive une personne du droit à la vie au terme de son existence terrestre, se prive, en ultime analyse, lui-même de sa vie, même s’il tente de dissimuler le crime de l’euthanasie sous le masque d’une « mort digne ».
Enfin, c’est avec une profonde préoccupation que je voudrais mentionner la responsabilité qui découle de l’immense développement dans le domaine des sciences biologiques et médicales ainsi que des étonnants progrès technologiques qui y sont liés : aujourd’hui, l’homme est en mesure non seulement d’« observer » la vie humaine dès son commencement et au cours des premières étapes de son développement, mais également de la « manipuler » et de la « cloner ».
A la lumière de ces immenses défis, j’encourage des « actions concertées » dans le but de « rappeler la culture aux principes d’un authentique humanisme, afin que la promotion et la défense des droits de l’homme puissent trouver un fondement dynamique et solide dans son essence même » (CFL,38).
Un jardin est en fleur lorsque plusieurs fleurs s’épanouissent ensemble. Cette image s’applique également aux personnes dans le jardin de la société. La société est le signe que les personnes sont appelées à vivre en communauté. Cette dimension sociale de l’existence humaine trouve son expression première et primordiale dans le mariage et la famille. En tant que berceau de la vie dans lequel les êtres humains naissent et grandissent, la famille représente la cellule de base de la société.
A travers ses initiatives pastorales, l’Église s’allie avec enthousiasme à tous ceux qui, à travers des décisions politiques, des mesures législatives ou des moyens financiers, soutiennent le mariage et la famille comme le lieu privilégié pour « l’humanisation » de l’individu et de la société. L’objectif de l’édification d’une « civilisation de l’amour » allant de pair avec une « culture de la vie », à travers le renforcement du mariage et de la famille, doit être poursuivi avec urgence, car les atteintes à la stabilité et à la fécondité du mariage deviennent de plus en plus diffuses, de même que les tentatives visant à relativiser le statut légal de cette cellule fondamentale de la société.
L’expérience montre que la stabilité des nations est encouragée avant tout par des familles florissantes. De plus, « l’avenir de l’humanité passe par la famille » (FC,86). C’est pourquoi la famille exige un respect et une protection particulière de la part des autorités publiques. Le jardin de notre société redeviendra luxuriant lorsque les familles fleuriront à nouveau.
De plus, la famille représente un lieu particulier d’apprentissage. Elle n’est pas seulement le « sanctuaire de la vie » (EV,94), mais également une école de « charité sociale » miniature. (CA,10), qui, à grande échelle, est appelée « solidarité ». Il ne s’agit « donc pas d’un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c’est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun ; c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables (SRC,38). A cet égard, je voudrais rappeler un principe qui sous-tend tout ordre politique stable : plus les personnes sont sans défense dans la société, plus elles dépendent de la sollicitude et du soin des autres, en particulier de l’intervention de l’autorité de l’État.
C’est pourquoi je salue toutes les initiatives visant à promouvoir la famille et les politiques caractérisées par l’allocation d’aides appropriées et des formes actives de soutien aux enfants et d’assistance aux personnes âgées, afin que celles-ci ne soient pas séparées de leurs familles, et que les relations entre les générations soient ainsi renforcées.
Dans notre contexte social actuel, marqué par une lutte dramatique entre la « culture de la vie » et « la culture de la mort », nous sommes liés par l’objectif commun, plus de dix ans après la transformation politique, de réaliser une transformation culturelle également, qui conduira à une mobilisation des consciences et instaurera de nouvelles priorités pour la volonté humaine : la primauté des êtres sur les choses (EV,98). C’est le bien-être de la personne humaine qui doit être au centre de la préoccupation commune de l’État et de l’Église en oeuvrant ensemble en tant que partenaires dans la promotion de nobles valeurs et idéaux.
11 février 2004 – Au terme de l’Audience Générale
Aujourd’hui, nous nous rendons spirituellement en pèlerinage à Lourdes, en ce lieu spécial, qui est bien connu pour les multiples guérisons et aussi pour la force spirituelle que reçoivent ceux qui souffrent afin de pouvoir porter la croix quotidienne. Nous nous arrêtons au milieu des hommes souffrants et nous nous rendons compte que le Christ souffre pour tous, plus encore, que le Christ souffre avec nous. Si nous unissons nos souffrances à la sienne, elles deviennent moyen de Salut.
Dans ce contexte je désire rappeler que chaque être humain, même celui qui est marqué par la maladie et la souffrance, est un don pour l’Eglise et pour l’humanité. Personne n’a le droit de supprimer cet être à cause de la souffrance. Celle-ci est un rappel, afin que chaque personne souffrante trouve près d’elle des personnes prêtes à un soutien patient, à une aide bienveillante. La souffrance est toujours un appel à pratiquer l’amour miséricordieux.