Jean-Paul II de A à Z

Evangelium Vitae - 1993

1993

11 février 1993 – Message pour la Journée Mondiale du Malade

Un appel à venir en aide à ceux qui souffrent

Chers Frères et S½urs,

1. La communauté chrétienne a toujours manifesté une attention particulière aux malades et au monde de la souffrance dans ses nombreuses manifestations. En fidélité à cette longue tradition, l'Eglise universelle se prépare à célébrer, dans un esprit de service renouvelé, la première Journée mondiale du Malade, occasion toute particulière pour susciter en nous une attitude d'écoute, de réflexion et d'engagement effectif, face au mystère profond de la douleur et de la maladie. Cette Journée, qui se célébrera chaque année, à partir de février prochain, en la fête de Notre-Dame de Lourdes, se propose d'être pour tous les croyants "un temps fort de prière, de partage, d'offrande de la souffrance pour le bien de l'Eglise, et une invitation à tous, à reconnaître dans le visage du frère souffrant le Visage du Christ qui par sa souffrance, sa mort et sa résurrection a opéré le salut de l'humanité" (Lettre institutionnelle de la Journée mondiale du Malade, 13 mai 1992, n. 3).

Cette Journée, par ailleurs, entend faire appel à tout homme de bonne volonté. Les demandes fondamentales posées par la réalité de la souffrance, en effet, et l'appel à procurer, sur le plan physique et spirituel, un soulagement à celui qui souffre, ne concernent pas exclusivement les croyants, mais interpellent l'humanité tout entière, concernée par les limites de la condition mortelle.

2. Nous nous préparons, malheureusement, à célébrer cette première Journée en des circonstances vraiment dramatiques pour certains: les événements de ces derniers mois, tandis qu'ils soulignent l'urgence de la prière pour implorer le secours d'En Haut, nous rappellent l'exigence de mettre en place de nouvelles et urgentes initiatives afin de venir en aide à ceux qui souffrent et qui ne peuvent attendre.

Nous avons tous sous les yeux ces images bien tristes d'individus et de peuples entiers qui, déchirés par la guerre et les conflits, succombent sous le poids de calamités qui pourraient être évitées. Comment détacher le regard de ces visages implorants de tant d'êtres humains, et surtout d'enfants, réduits à l'état de spectres en raison des adversités de tout genre où ils sont impliqués, contre leur gré, à cause de l'égoïsme et de la violence? Et comment oublier tous ceux qui dans les lieux d'hospitalisation et de soins - hôpitaux, cliniques, léproseries, centres pour handicapés, foyers de personnes âgées, ou dans leurs propres foyers - connaissent le calvaire de tourments souvent ignorés, soulagés de manière peu adaptée parfois, et même dont l'état va s'aggravant par carence d'aide adéquate?

3. La maladie, perçue au long d'une expérience quotidienne comme une frustration de la force vitale naturelle, devient pour les croyants un appel à "lire" cette situation nouvelle et douloureuse dans une optique qui est propre à la foi. En dehors de cette optique, du reste, comment découvrir au temps de l'épreuve l'apport constructif de la douleur? Comment donner un sens et un prix à l'angoisse, à l'inquiétude, aux maux physiques et psychiques qui accompagnent notre condition mortelle? Quelle justification donner au déclin de la vieillesse, et à l'instant décisif de la mort, qui, en dépit de tout progrès scientifique et technologique, persistent inexorablement?

Ce n'est que dans le Christ, Verbe incarné, Rédempteur de l'homme et vainqueur de la mort, qu'il est possible de trouver la réponse satisfaisante à des questions aussi fondamentales.

A la lumière de la mort et de la résurrection du Christ, la maladie n'apparaît plus comme un événement purement négatif, elle est envisagée comme une "visite de Dieu", comme une occasion "de libération de l'amour, en vue de donner le jour à des ½uvres d'amour en faveur du prochain, pour transformer la civilisation humaine en civilisation de l'amour" (Lettre apostolique Salvifici doloris, 30).

L'histoire de l'Eglise et de la spiritualité chrétienne nous en donne un témoignage éclatant. Au long des siècles, que de pages splendides écrites, témoignent d'un héroïsme fait de souffrances acceptées et offertes en union avec le Christ! Et que de pages, non moins admirables, tout imprégnées d'humble service des pauvres et des malades, dont la chair souffrante révèle la présence du Christ pauvre et crucifié.

4. La célébration de la Journée mondiale du Malade - dans sa préparation, son déroulement et ses objectifs - n'entend pas se contenter simplement d'une manifestation extérieure centrée sur de louables initiatives, mais elle prétend rejoindre les êtres en profondeur afin de leur faire prendre conscience de l'importance de la contribution apportée par le service humain et chrétien du souffrant pour une meilleure intelligence entre les hommes et par là même, pour l'édification de la paix véritable.

Cette célébration suppose au préalable que les pouvoirs publics accordent une attention particulière aux malades, ainsi que les Organisations internationales et toutes les personnes de bonne volonté. Ceci concerne surtout les pays en voie de développement - de l'Amérique latine à l'Afrique et à l'Asie - en proie à de graves carences sanitaires. Par la célébration de la Journée mondiale du Malade, l'Eglise veut promouvoir un engagement renouvelé envers ces populations, en vue d'éliminer l'injustice qui sévit à notre époque, et ceci par l'attribution de ressources humaines, spirituelles et matérielles plus considérables susceptibles de répondre à leurs besoins.

C'est pourquoi j'adresse un appel très particulier aux autorités civiles, aux hommes de science et à tous ceux qui ½uvrent auprès des malades. Qu'ils se gardent d'exercer leur service d'une manière purement bureaucratique ou quelconque! Qu'il soit bien clair, à leurs yeux, que la gestion des deniers publics impose le devoir grave d'en éviter le gaspillage et l'usage inconsidéré, afin que que les ressources disponibles, administrées en toute sagesse et équité assurent la prévention des maladies et l'assistance en cas de maladie à ceux qui en ont réellement besoin.

L'attente très vive, à notre époque, d'une humanisation de la médecine et de l'assistance de santé, exige une réponse plus catégorique. Or, pour une assistance sanitaire plus humaine et plus adaptée, il est fondamental de s'en référer à une vision transcendante de l'homme, qui sache mettre en lumière chez le malade, image de Dieu et fils de Dieu, le prix de la vie et son caractère sacré. La maladie et la douleur concernant tous les humains, l'amour envers les souffrants devient alors signe et mesure du degré de civilisation et de progrès d'un peuple.

5. A vous tous, chers malades, de toutes les parties du monde, protagonistes de cette Journée mondiale, que cette occasion soit pour nous une annonce de la présence vivante et réconfortante du Seigneur. Vos souffrances, accueillies dans la foi et confortées par cette même foi inébranlable, unies à celles du Christ représentent une valeur incommensurable pour la vie de l'Eglise et pour le bien de l'humanité.

Quant à vous tous, personnels de santé, appelés à donner un témoignage méritoire et exemplaire de justice et d'amour, que cette Journée soit une invitation pressante à poursuivre votre délicat service dans une ouverture généreuse aux valeurs profondes de la personne, dans le respect de la dignité humaine et dans la défense de la vie depuis son premier instant jusqu'à son terme naturel!

Aux pasteurs du peuple chrétien, à toutes les différentes composantes de la communauté ecclésiale, aux bénévoles et en particulier à ceux qui sont engagés dans la pastorale de la santé, que cette première Journée mondiale du Malade soit un stimulant et un encouragement à poursuivre avec un engagement renouvelé la voie du service envers l'homme éprouvé et souffrant!

6. En la fête de Notre-Dame de Lourdes, dont le sanctuaire au pied des Pyrénées semble un temple de la souffrance humaine, avec la Vierge Marie - comme Elle, sur le Calvaire où se dressait la croix de son Fils - nous nous tenons près des croix faites de la douleur et de la solitude de tant de frères et de s½urs que nous voulons réconforter, dont nous voulons partager la souffrance pour la présenter au Seigneur de la Vie, en communion spirituelle avec l'Eglise tout entière.

Que Marie, "Santé des Infirmes" et "Mère des vivants", soit notre soutien et notre espérance, et que par la célébration de la Journée du Malade, elle fasse grandir notre sensibilité et notre dévouement envers ceux qui sont dans l'épreuve, ainsi que l'attente fidèle du jour lumineux de notre salut, quand toute larme sera essuyée de nos yeux à jamais (cf. Is 25, 8). Dès ce jour qu'il nous soit permis de jouir des prémisses de cette joie surabondante, même au sein des tribulations (cf. 2 Co 7, 4), joie promise par le Christ et que personne ne pourra nous enlever (cf. Jn 16, 22).

A tous, ma Bénédiction apostolique!

Du Vatican, 21 octobre 1992.

 

 

 

20 novembre 1993. Aux participants à un groupe de travail sur le génome humain, promu par l’académie pontificale des sciences. - ORLF 30.11.1993

1 - Vos journées de travail, sur le thème « les aspects légaux et éthiques relatifs au projet du génome humain », se déroulent à un moment particulièrement opportun. De récentes communications sur des expérimentations en génétique humaine ont bouleversé la communauté scientifique et beaucoup de nos contemporains. Face aux progrès scientifiques rapides, la réflexion éthique et juridique sur des questions aussi graves paraît urgente en cette fin de siècle.

2 – Il me faut tout d’abord saluer les nombreux efforts des scientifiques, chercheurs et médecins qui s’attachent à décrypter le génome humain et à en analyser les séquences pour avoir une meilleure connaissance de la biologie moléculaire et des bases géniques de nombreuses maladies. On ne peut qu’encourager ces études, à condition qu’elles ouvrent des perspectives nouvelles de soins et de thérapies géniques, respectueux de la vie et de l’intégrité des sujets, et tendant à la sauvegarde ou à la guérison individuelle de patients, nés ou à naître, atteints de pathologies le plus souvent létales. On ne doit pas cependant occulter que ces découvertes risquent d’être utilisées pour opérer des sélections entre les embryons, en éliminant ceux qui sont atteints de maladies génétiques ou porteurs de caractères génétiques pathologiques.

            L’approfondissement permanent des connaissances sur le vivant est en soi un bien, car la recherche de la vérité fait partie de la vocation primordiale de l’homme et constitue la louange première à l’égard de celui « qui a formé le genre humain et qui est à l’origine toute chose » (2 M 7,23). La raison humaine, aux puissances innombrables et aux activités variées, est tout à la fois raison scientifique et raison éthique. Elle est capable de mettre au point les procédures de connaissance expérimentale de la création et, en même temps, de rappeler à la conscience les exigences de la loi morale au service de la dignité humaine. Le souci de connaître ne peut donc pas être, comme on est parfois tenté de le penser, le seul motif et la seule justification de la science au risque de mettre en péril le but de la démarche médicale : rechercher, de manière indissociable, le bien de l’homme et de l’humanité entière.

            Parce qu’elle nous fait découvrir l’infiniment grand et l’infiniment petit, et qu’elle obtient des résultats impressionnants, la science est séduisante et fascinante. Mais il convient de rappeler que, si elle a la capacité d’expliquer le fonctionnement biologique et les interactions entre les molécules, elle ne saurait cependant énoncer à elle seule la vérité ultime et proposer le bonheur que l’homme souhaite atteindre, ni dicter les critères moraux pour parvenir au bien. En effet, ces derniers ne sont pas établis sur la base des possibilités techniques et ne se déduisent pas des constats des sciences expérimentales, mais ils doivent « être recherchés dans la dignité propre à la personne » (cf. Encycl. Veritatis splendor, n.50).

 3 – Le projet qui consiste à décrypter les séquences du génomes humain et à en étudier la structure macromoléculaire pour établir la carte génique de chaque personne met à la disposition des médecins et des biologistes des connaissances dont certaines applications peuvent dépasser le champ médical ; Il peut faire peser sur l’homme, des menaces redoutables. Il suffit d’évoquer les multiples formes d’eugénisme ou de discrimination liées aux utilisations possibles de la médecine prédictive. Pour garantir le respect dû à la personne, face aux recherches nouvelles, la responsabilité de la communauté humaine tout entière es engagée. Selon leurs compétences, les familles spirituelles, les moralistes, les philosophes, les juristes et les autorités politiques exerceront leur vigilance pour que toute démarche scientifique respecte l’intégrité de l’être humain, « nécessité imprescriptible » (Encycl. Veritatis splendor, n. 13).

4- Il importe donc de prendre la mesure des problèmes moraux qui portent, non sur la connaissance elle-même, mais sur les moyens d’acquisition du savoir ainsi que sur ses applications possibles ou prévisibles. En effet,nous savons que l’on est capable d’acquérir la connaissance du génome humain sans pour autant léser l’intégrité du sujet.  Le premier critère moral, qui doit guider toute recherche, est donc le respect de l’être humain sur lequel se fait la recherche. Mais certaines découvertes, qui se présentent comme des exploits techniques et comme des prouesses de la part des scientifiques, peuvent être à la source d’une certaine tension pour l’esprit scientifique lui-même : cela suscite, d’une part, l’admiration devant l’ingéniosité déployée et, d’autre part, la crainte souvent fondée que la dignité de l’homme ne soit gravement blessée ou menacée.  Cette tension est tout à l’honneur de celui qui réfléchit sur les valeurs qui guident ses choix en matière de recherche, car elle dénote le sens éthique, naturellement présent dans toute conscience.

5- Il ne revient pas à l’Église de fixer les critères scientifiques et techniques de la recherche médicale. Mais, il lui revient de rappeler, au nom de sa mission et de sa tradition séculaire, les limites à l’intérieur desquelles toute démarche demeure un bien pour l’homme, car la liberté doit toujours être ordonnée au bien. L’Église contemple dans le Christ, l’Homme parfait, le modèle par excellence de tout homme et le chemin de la vie éternelle ; elle souhaite offrir des pistes de réflexion pour éclairer ses frères en humanité et proposer les valeurs morales nécessaires à l’action, qui sont aussi les points de repères indispensables pour les chercheurs amenés à prendre des décisions dans lesquelles le sens de l’homme est engagé. En effet, seule la Révélation ouvre à la connaissance intégrale de l’homme que la sagesse philosophique et les disciplines scientifiques peuvent appréhender de manière progressive et merveilleuse, mais toujours incertaine et incomplète.

6- Chaque être humain doit être considéré et « respecté comme une personne dès le moment de sa conception »(Congr. pour la doctrine de la Foi, Instr. Donum vitae, 2, 8), constituée d’un corps et d’une âme spirituelle et ayant une valeur intrinsèque (Cf. Jr 1, 5) : tel est pour l’Église le principe qui guide le développement de la recherche. La personne humaine ne se définit pas à partir de son action présente ou future, ni du devenir que l’on peut entrevoir dans le génome, mais à partir des qualités essentielles de l’être, des capacités liées à sa nature même. A peine fécondé, le nouvel être n’est pas réductible à son patrimoine génétique, qui constitue sa base biologique et qui est proteur de l’espérance de vie du sujet. Comme le dit Tertullien, « il est déjà homme celui qui doit devenir un homme » (Apologétique, IX,8). En matière scientifique comme dans tous les domaines,la décision morale juste nécessite d’avoir une vision intégrale de l’homme, c’est-à-dire une conception qui, dépassant le visible et le sensible, reconnaisse la valeur transcendante et prenne en considération ce qui l’établit comme être spirituel.

            En conséquence, utiliser l’embryon comme un pur objet d’analyse ou d’expérimentation est attenter à la dignité de la personne et du genre humain.En effet, il n’appartient à personne de fixer les seuils d’humanité d’une existence singulière, ce qui reviendrait à s’attribuer un pouvoir exorbitant sur ses semblables.

7- A aucun moment de sa croissance, l’embryon ne peut donc être sujet d’essais qui ne seraient pas pour lui un bénéfice, ni d’expériences qui impliqueraient inéluctablement soit sa destruction, soit des amputations ou des lésions irréversibles, car la nature même de l’homme serait,  dans le même temps, bafouée et blessée. Le patrimoine génétique est le trésor appartenant ou susceptible d’appartenir à un être singuliers qui a droit à la vie et à un développement humain intégral. Les manipulations inconsidérées sur les gamètes ou sur les embryons, qui consistent à transformer les séquences spécifiques du génome, porteur des caractéristiques propres de l’espèce et de l’individu, font courir à l’humanité des risques sérieux de mutations génétiques qui ne manqueront pas  d’altérer l’intégrité physique et spirituelle non seulement des êtres sur lesquels ces transformations ont été effectuées, mais encore sur des personnes des générations futures.

            Si elle n’est pas ordonnée à son bien, l’expérimentation sur l’homme qui, dans un premier temps, paraît être une conquête dans l’ordre de la connaissance, risque de conduire à la dégradation du sens authentique et de la valeur de l’humain. En effet, le critère moral de la recherche demeure toujours l’homme dans son être à la fois corporel et spirituel. Le sens éthique suppose d’accepter de ne pas s’engager dans des recherches qui offenseraient sa dignité humaine et qui entraveraient sa croissance intégrale. Ce n’est pas cependant condamner à l’ignorance les chercheurs, qui sont invités à redoubler d’ingéniosité. Avec un sens aigu de l’homme, ils sauront trouver des chemins nouveaux de connaissance et remplir ainsi le service inestimable que la communauté humaine attend d’eux. 

            L’utilisation de la médecine prédictive, qui naît avec le séquençage du génome humain, pose aussi d’autres problèmes délicats. Il s’agit en particulier du consentement éclairé du sujet adulte sur lequel se fait la recherche génétique ainsi que du respect du secret sur les éléments qui pourraient être connus, portant sur la personne et sur sa descendance. On ne négligera pas non plus la délicate question de la communication aux personnes des données qui mettent en évidence l’existence, sous forme latente, des pathologies génétiques, autorisant des pronostics funestes pour la santé du sujet.

8- L’Église désire rappeler aux législateurs la responsabilité qui leur incombe en matière de protection et de promotion des personnes, car les projets d’analyse du génome humain ouvrent des voies riches de promesses mais elles comportent  des risques multiples. L’embryon doit être reconnu comme sujet de droit par les lois des nations, sous peine de mettre l’humanité en danger. En défendant l’embryon, la société protège tout homme qui reconnaît dans ce petit être sans défense  celui qu’il a été au début de son existence. Plus que tout autre, cette fragilité humaine des commencements demande la sollicitude de la société qui s’honore en garantissant le respect de ses membres les plus faibles. Elle répond ainsi à l’exigence fondamentale de justice et de solidarité qui unit la famille humaine.

9- Au terme de notre rencontre, je désire renouveler à la communauté scientifique mon appel pour que le sens de l’homme et les valeurs morales demeurent le fondement des décisions dans le domaine de la recherche. Je souhaite que les réflexions menées par votre groupe de travail apportent des éléments de référence aux chercheurs ainsi qu’aux rédacteurs des documents déontologique et législatifs. Ma gratitude va à ceux qui ont coopéré de différentes manières à ces journées d’études. Vous qui avez apporté votre contribution au cours de riches échanges, je vous remercie vivement de votre participation à ce groupe de recherches dont on peut espérer de nombreux fruits et je prie le Tout-Puissant de vous assister dans vos efforts de réflexion morale ainsi que dans vos recherches.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

29 décembre 1993 – Enseignement de Jean Paul II, lors de l’Audience Générale

     1. Dimanche dernier, en la fête liturgique de la Sainte Famille, l’Église a donné le coup d’envoi de l’Année de la famille, en harmonie avec l’initiative promue par l’Organisation des Nations Unies. L’inauguration ecclésiale de cette Année fut l’Eucharistie célébrée par le Légat pontifical à Nazareth. En effet, l’Année de la famille doit être surtout une année de prière, pour implorer du Seigneur grâces et bénédictions pour toutes les familles du monde.

     Mais, comme toujours, l’aide que nous demandons au Seigneur suppose notre effort et exige que l’on y réponde. Nous devons donc nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, en mettant en valeur cette Année comme une occasion privilégiée de faire une catéchèse sur la famille, menée systématiquement dans toutes les Églises locales répandues dans le monde, afin d’offrir aux familles chrétiennes l’occasion d’une réflexion qui les aide à grandir dans la conscience de leur vocation. Dans notre catéchèse de ce jour, je voudrais donc présenter quelques points de méditation, tirés de quelques passages de la Sainte Écriture.

     2. Un premier thème nous est fourni par l’Évangile de Matthieu (2, 13-23) ; il concerne la menace qui plana sur la Sainte Famille, presqu’immédiatement après la naissance de Jésus. La violence gratuite qui s’exerça contre sa vie s’abattit aussi sur bien d’autres familles, provoquant la mort des saints Innocents, dont nous avons célébré hier la mémoire. En se souvenant de cette terrible épreuve que vécurent le Fils de Dieu et les enfants de son âge, l’Église se sent invitée à prier pour toutes les familles menacées de l’intérieur ou de l’extérieur. Elle prie en particulier pour les parents, dont l’Évangile de Luc met tout spécialement en évidence la grande responsabilité. En effet, Dieu confie son Fils à Marie, et les confie tous les deux à Joseph. Il faut prier avec insistance pour tous les mères et pères de famille, afin qu’ils soient fidèles à leur vocation et se montrent dignes de la confiance que Dieu met en eux lorsqu’il confie des enfants à leurs soins.

     3. Un autre thème est celui de la famille en tant que lieu où mûrit une vocation. Nous pouvons trouver cet aspect dans la réponse que Jésus donna à Marie et à Joseph qui le cherchaient, angoissés, alors qu’il s’entretenait avec les Docteurs dans le temple de Jérusalem : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 49). Dans la Lettre que j’ai adressée aux jeunes du monde entier en 1985, à l’occasion de la Journée de la jeunesse, j’ai cherché à mettre en évidence combien est précieux ce projet de vie que, précisément au moment de la jeunesse, chaque jeune doit s’efforcer d’élaborer. Comme Jésus, à l’âge de 12 ans, était entièrement consacré aux choses de son Père, ainsi chacun est appelé à se poser la question : quelles sont ces « choses du Père » auxquelles je dois me consacrer pour toute la vie ?

     4. La parénèse apostolique nous indique d’autres aspects inhérents à la vocation de la famille, par exemple dans les Lettres aux Éphésiens et aux Colossiens. Pour les Apôtres, comme plus tard pour les Pères de l’Église, la famille est « l’Église domestique ». Dans sa merveilleuse homélie sur Nazareth et l’exemple que nous donne la Sainte Famille, le Pape Paul VI est resté fidèle à cette tradition : « Nazareth nous rappelle ce qu’est la famille, ce qu’est la communion d’amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable… » (Insegnamenti di Paolo VI, II [1964], p. 25).

     5. Ainsi donc, dès le début, l’Église écrivit sa Lettre aux familles et j’entends m’inscrire moi aussi dans ce sillage en préparant une Lettre pour l’Année de la famille, qui sera rendue publique d’ici peu. La Sainte Famille de Nazareth est pour nous un défi permanent, qui nous oblige à approfondir le mystère de « l’Église domestique » et de toute famille humaine. Elle nous encourage à prier pour les familles et avec les familles, et à partager tout ce qui, pour elles, est joie et espérance, mais aussi préoccupation et inquiétude.

     6. L’expérience familiale, en effet, est appelée à devenir, dans la vie chrétienne, un offertoire quotidien, comme une offrande sainte, un sacrifice agréable à Dieu (cf. 1 P 2, 5 ; Rm 12, 1). C’est ce que suggère aussi l’Évangile de la Présentation de Jésus au temple. Jésus, qui est « la lumière du monde » (Jn 8, 12) mais aussi un « signe de contradiction » (Lc 2, 34), veut accueillir cet offertoire de toutes les familles comme il accueille le pain et le vin dans l’Eucharistie. Ces joies et ces espérances humaines, mais aussi les inévitables souffrances et préoccupations, qui sont le propre de toute vie de famille, il veut les unir au pain et au vin destinés à la transsubstantiation, les assumant ainsi en quelque sorte dans le mystère de son Corps et de son Sang. Ce Corps et ce Sang, il les donne ensuite dans la communion comme source d’énergie spirituelle, non seulement à chaque personne, mais aussi à toute famille.

     7. Que la Sainte Famille de Nazareth veuille nous mener à une compréhension toujours plus profonde de la vocation de toute famille, qui trouve dans le Christ la source de sa dignité et de sa sainteté. À Noël, Dieu est venu à la rencontre de l’homme et l’a uni indissolublement à lui : cet « admirabile consortium » (admirable participation) inclut aussi le « familiare consortium » (participation de la famille). En contemplant cette réalité, l’Église s’agenouille comme devant un « grand mystère » (cf. Ep 5, 32) : elle voit dans l’expérience de communion à laquelle la famille est appelée un reflet dans le temps de la communion trinitaire et elle sait bien que le mariage chrétien n’est pas seulement une réalité naturelle, mais aussi le sacrement de l’unité sponsale du Christ avec l’Église. C’est cette sublime dignité de la famille et du mariage que le Concile Vatican II nous a invités à promouvoir. Que bénies soient les familles qui sauront accueillir et réaliser ce merveilleux projet originel de Dieu, en marchant par les chemins que le Christ nous a indiqués.


 

 

publié le : 27 février 2025

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