2001
6 janvier 2001 – Lettre Au début du nouveau millénaire (Paragraphes 51 et 52)
Par ailleurs, comment nous tenir à l'écart des perspectives d'un désastre écologique, qui fait que de larges zones de la planète deviennent inhospitalières et hostiles à l'homme? Ou devant les problèmes de la paix, souvent menacée, avec la hantise de guerres catastrophiques? Ou devant le mépris des droits humains fondamentaux de tant de personnes, spécialement des enfants? Nombreuses sont les urgences auxquelles l'esprit chrétien ne peut rester insensible.
Un engagement particulier doit concerner certains aspects de la radicalité évangélique, qui sont souvent les moins compris, au point de rendre impopulaire l'intervention de l'Église, mais qui ne sauraient pour autant être absents des rendez-vous ecclésiaux de la charité. Je veux parler ici du devoir de s'engager pour le respect de la vie de tout être humain depuis sa conception jusqu'à sa fin naturelle. De même, le service de l'homme nous impose de crier, à temps et à contretemps, que ceux qui tirent profit des nouvelles potentialités de la science, spécialement dans le domaine des biotechnologies, ne peuvent jamais se dispenser de respecter les exigences fondamentales de l'éthique, alors qu'ils font parfois appel à une solidarité discutable qui finit par créer des discriminations entre vie et vie, au mépris de la dignité propre à tout être humain.
Pour que le témoignage chrétien soit efficace, spécialement dans ces domaines délicats et controversés, il est important de faire un gros effort pour expliquer, de manière appropriée, les motifs de la position de l'Église, en soulignant surtout qu'il ne s'agit pas d'imposer aux non-croyants une perspective de foi, mais d'interpréter et de défendre les valeurs fondées sur la nature même de l'être humain. La charité se fera alors nécessairement service de la culture, de la politique, de l'économie, de la famille, pour que partout soient respectés les principes fondamentaux dont dépendent les destinées de l'être humain et l'avenir de la civilisation.
Il est clair que tout cela devra être réalisé selon un style spécifiquement chrétien: ce sont surtout les laïcs qui seront présents dans ces tâches, afin de réaliser leur vocation propre, sans jamais céder à la tentation de réduire les communautés chrétiennes à des services sociaux. En particulier, les relations avec la société civile devront être réalisées de manière à respecter l'autonomie et les compétences de cette dernière, selon les enseignements proposés par la doctrine sociale de l'Église.
On connaît les efforts accomplis par le Magistère ecclésial, surtout au cours du vingtième siècle, pour lire les réalités sociales à la lumière de l'Évangile et pour offrir, de manière toujours plus précise et plus organique, leur contribution à la solution de la question sociale, devenue désormais une question planétaire.
Ce versant éthique et social constitue une dimension absolument nécessaire du témoignage chrétien: on doit repousser toute tentation d'une spiritualité intimiste et individualiste, qui s'harmoniserait mal avec les exigences de la charité, pas plus qu'avec la « logique » de l'Incarnation et, en définitive, avec la tension eschatologique du christianisme. Si cette dernière nous rend conscients du caractère relatif de l'histoire, cela ne conduit en aucune manière à nous désengager du devoir de construire cette histoire. À ce propos, l'enseignement du Concile Vatican II demeure plus que jamais actuel: « Par le message chrétien, les hommes ne sont pas détournés de la construction du monde et ne sont pas poussés à négliger le bien de leurs semblables, mais bien plutôt ils sont liés de façon plus étroite par le devoir d'½uvrer dans ce sens ».36
17 janvier 2001 – Audience Générale
L'engagement pour éviter une catastrophe écologique majeure
Lecture: Ps 148, 1-5
1. Dans l'hymne de louange, qui vient d'être proclamé ( Ps 148, 1-5), le Psalmiste convoque, en les appelant par leur nom, toutes les créatures. En haut, se trouvent les anges, le soleil, la lune, les étoiles et le ciel; sur la terre évoluent vingt-deux créatures, le même nombre que celui des lettres de l'alphabet hébraïque, pour indiquer la plénitude et la totalité. Le fidèle est comme "le pasteur de l'être", c'est-à-dire celui qui conduit tous les êtres à Dieu, les invitant à entonner un "alleluia" de louanges. Le Psaume nous introduit comme dans un temple cosmique qui a le ciel pour abside, les régions du monde pour nefs, et à l'intérieur duquel le choeur des créatures élève un chant vers Dieu.
Cette vision pourrait être, d'un côté, la représentation d'un paradis perdu et, de l'autre, celle du paradis promis. Ce n'est pas un hasard si l'horizon d'un univers paradisiaque, qui est situé par la Genèse (c. 2) aux origines mêmes du monde, par Isaïe (c. 11) et par l'Apocalypse (cc. 21-22) est situé à la fin de l'histoire. On voit ainsi que l'harmonie de l'homme avec son prochain, avec la création et avec Dieu est le dessein poursuivi par le Créateur. Ce projet a été, et est, sans cesse bouleversé par le péché humain qui s'inspire d'un plan alternatif, présenté dans le livre même de la Genèse (cc. 3-11), dans lequel est décrite l'affirmation d'une tension progressive en conflit avec Dieu, avec son semblable et même avec la nature.
2. Le contraste entre les deux projets apparaît clairement dans la vocation à laquelle l'humanité, selon la Bible, est appelée et dans les conséquences provoquées par son infidélité à cet appel. La créature humaine reçoit pour mission de gouverner la création afin d'en développer toutes les potentialités. Il s'agit d'un pouvoir délégué par le Roi divin aux origines mêmes de la création, lorsque l'homme et la femme, qui sont à l'"image de Dieu" (Gn 1, 27), reçoivent l'ordre d'être féconds, de se multiplier, de remplir la terre, de la soumettre et de dominer les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tout être vivant qui rampe sur terre (cf. Gn 1, 28). Saint Grégoire de Nysse, l'un des trois grands Pères de Cappadoce, commentait: "Dieu a fait l'homme de telle sorte qu'il est apte au pouvoir royal sur la terre... L'homme a été créé à l'image de celui qui gouverne l'univers. Tout manifeste que, depuis l'origine, sa nature est marquée par la royauté... Il est l'image vivante qui participe à l'archétype par sa dignité" (De hominis opificio, 4: PG 44, 136).
3. Toutefois, la seigneurie de l'homme n'est pas "absolue, mais c'est un ministère; elle est le reflet véritable de la seigneurie unique et infinie de Dieu. De ce fait, l'homme doit la vivre avec sagesse et amour, participant à la sagesse et à l'amour incommensurables de Dieu" (Evangelium vitae, n. 52). Dans le langage biblique, "donner un nom" aux créatures (cf. Gn 2, 19-20) est le signe de cette mission de connaissance et de transformation de la réalité créée. Ce n'est pas la mission d'un patron absolu et sans appel, mais d'un ministre du Royaume de Dieu, appelé à poursuivre l'oeuvre du Créateur, une oeuvre de vie et de paix. Sa tâche, définie dans le Livre de la Sagesse, est celle de gouverner "le monde avec sainteté et justice" (Sg 9, 3).
Malheureusement, si le regard parcourt les régions de notre planète, il s'aperçoit immédiatement que l'humanité a déçu l'attente divine. A notre époque, en particulier, l'homme a détruit sans hésitation des plaines et des vallées boisées, il a pollué les eaux, défiguré l'environnement de la planète, rendu l'air irrespirable, bouleversé les systèmes hydro-géologiques et atmosphériques, désertifié des espaces verdoyants, accompli des formes d'industrialisation sauvage, en humiliant - pour utiliser une image de Dante Alighieri (Paradis XXII, 151) - ce "parterre" qui est la terre, notre demeure.
4. C'est pourquoi, il faut encourager et soutenir la "conversion écologique", qui au cours de ces dernières décennies a rendu l'humanité plus sensible à l'égard de la catastrophe vers laquelle elle s'acheminait. L'homme n'est plus le "ministre" du Créateur. En despote autonome, il est en train de comprendre qu'il doit finalement s'arrêter devant le gouffre. "Il faut saluer aussi positivement l'attention grandissante à la qualité de la vie, à l'écologie, que l'on rencontre surtout dans les sociétés au développement avancé, où les attentes des personnes sont à présent moins centrées sur les problèmes de la survie que sur la recherche d'une amélioration d'ensemble des conditions de vie" (Evangelium vitae, n. 27). Ce qui est en jeu n'est donc pas seulement une écologie "physique", attentive à sauvegarder l'habitat des divers êtres vivants, mais également une écologie "humaine" qui rende plus digne l'existence des créatures, en protégeant le bien primordial de la vie dans toutes ses manifestations et en préparant aux futures générations un environnement qui se rapproche davantage du dessein du Créateur.
5. Dans cette harmonie retrouvée avec la nature et avec soi-même, les hommes et les femmes doivent recommencer à se promener dans le jardin de la création, en cherchant à faire en sorte que les biens de la terre soient disponibles pour tous et pas seulement pour certains privilégiés, précisément comme le suggérait le Jubilé biblique (cf. Lv 25, 8-13.23). Parmi ces merveilles, nous découvrons la voix du Créateur, transmise du ciel et de la terre, du jour et de la nuit: un langage qui n'est "nulle voix qu'on puisse entendre", capable de franchir toutes les frontières (cf. Ps 19 [18], 2-5).
Le Livre de la Sagesse, repris par Paul, célèbre cette présence de Dieu dans l'univers en rappelant que "la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur" (Sg 13, 5; cf. Rm 1, 20). C'est ce que chante la tradition juive des Chassidim: "Où que j'aille, Toi! Où que je m'arrête, Toi..., où que je me tourne, quoi que j'admire, Toi seul, encore Toi, toujours Toi" (M. Buber, Les récits des Chassidim, Milan 1979, p. 256).
13 février 2001 – Au nouvel Ambassadeur d’Autriche près le Saint-Siège
Le projet de l'"Europe", en tant qu'ensemble, et les Etats individuels qui doivent y trouver leur place, se trouvent désormais à un carrefour: devenir un jardin luxuriant ou bien un étang marécageux. Je désire profiter de cette occasion pour souligner plusieurs domaines dans lesquels le Saint-Siège et l'Autriche peuvent poursuivre et approfondir leur collaboration éprouvée afin de préparer le terrain pour un jardin luxuriant.
4. Si le jardin doit fleurir, il doit être un lieu où la vie est encouragée. C'est pourquoi doit prévaloir dans nos sociétés une "culture de la vie". Quiconque affirme à juste titre que cette dignité personnelle est une possession inaliénable de chaque être humain ne peut avoir aucun doute sur le fait que cette dignité personnelle trouve son expression première et fondamentale dans le caractère inviolable de la vie humaine. Lorsque le droit à la vie n'est pas fermement défendu comme condition de tous les autres droits, toutes les autres références aux droits humains - à la santé, au logement, au travail, à la famille - demeurent vains et illusoires.
Nous ne pouvons nous résigner face aux nombreuses atteintes portées à la personne humaine en ce qui concerne son droit à la vie. Pour cette raison, l'Eglise soutient tout effort politique en harmonie avec le principe que j'ai exprimé dans mon premier message de Noël et qui demeure valable, aujourd'hui plus que jamais: "Pour Lui et en face de Lui, l'homme est toujours quelqu'un d'unique, d'absolument singulier, quelqu'un éternellement pensé et éternellement choisi, quelqu'un appelé et nommé par son propre nom" (Message Urbi et Orbi, 25 décembre 1978; ORLF n. 52 du 26 décembre 1978).
5. L'homme possède donc un droit à la vie à toutes les étapes de son existence, du moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. Il conserve ce droit dans toutes les conditions dans lesquelles il se trouve: dans la santé ou la maladie, dans la perfection physique ou le handicap, dans la richesse et la pauvreté. C'est pourquoi, le fait que l'avortement soit autorisé au cours des trois premiers mois de la grossesse dans de nombreux pays européens, y compris l'Autriche, demeure une blessure sanglante dans mon coeur.
Ce qui s'applique au début de la vie s'applique également à sa fin: malheureusement, il semble que dans le débat croissant sur l'euthanasie, l'affirmation selon laquelle l'homme a reçu la vie comme un don devient de moins en moins répandue. Il devient donc toujours plus difficile de défendre le droit humain à mourir lorsque Dieu l'a décidé. La mort également fait partie de la vie. Quinconque prive une personne du droit à la vie au terme de son existence terrestre se prive, en ultime analyse, lui-même de sa vie, même s'il tente de dissimuler le crime de l'euthanasie sous le masque d'une "mort digne".
Enfin, c'est avec une profonde préoccupation que je voudrais mentionner la responsabilité qui découle de l'immense développement dans le domaine des sciences biologiques et médicales ainsi que des étonnants progrès technologiques qui y sont liés: aujourd'hui, l'homme est en mesure non seulement d'"observer" la vie humaine dès son commencement et au cours des premières étapes de son développement, mais également de la "manipuler" et de la "cloner".
A la lumière de ces immenses défis, j'encourage des "actions concertées" dans le but de "rappeler la culture aux principes d'un authentique humanisme, afin que la promotion et la défense des droits de l'homme puissent trouver un fondement dynamique et solide dans son essence même" (Christifideles laici, n.38).
6. Un jardin est en fleur lorsque plusieurs fleurs s'épanouissent ensemble. Cette image s'applique également aux personnes dans le jardin de la société. La société est le signe que les personnes sont appelées à vivre en communauté. Cette dimension sociale de l'existence humaine trouve son expression première et primordiale dans le mariage et la famille. En tant que berceau de la vie dans lequel les êtres humains naissent et grandissent, la famille représente la cellule de base de la société.
A travers ses initiatives pastorales, l'Eglise s'allie avec enthousiasme à tous ceux qui, à travers des décisions politiques, des mesures législatives ou des moyens financiers, soutiennent le mariage et la famille comme le lieu privilégié pour l'"humanisation" de l'individu et de la société. L'objectif de l'édification d'une "civilisation de l'amour" allant de pair avec une "culture de la vie", à travers le renforcement du mariage et de la famille, doit être poursuivi avec urgence, car les atteintes à la stabilité et à la fécondité du mariage deviennent de plus en plus diffuses, de même que les tentatives visant à relativiser le statut légal de cette cellule fondamentale de la société.
L'expérience montre que la stabilité des nations est encouragée avant tout par des familles florissantes. De plus, "l'avenir de l'humanité passe par la famille (Familiaris consortio, n. 86). C'est pourquoi la famille exige un respect et une protection particulières de la part des autorités publiques. Le jardin de notre société redeviendra luxuriant lorsque les familles fleuriront à nouveau.
7. De plus, la famille représente un lieu particulier d'apprentissage. Elle n'est pas seulement le "sanctuaire de la vie" (Evangelium vitae, n. 94), mais également une école de "charité sociale" miniature (Centesimus annus, n. 10), qui, à grande échelle, est appelée "solidarité". Il ne s'agit "donc pas [d']un sentiment de compassion vague ou d'attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c'est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun; c'est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous (Sollicitudo rei socialis, n. 38). A cet égard, je voudrais rappeler un principe qui sous-tend tout ordre politique stable: plus les personnes sont sans défense dans la société, plus elles dépendent de la sollicitude et du soin des autres, en particulier de l'intervention de l'autorité de l'Etat.
C'est pourquoi je salue toutes les initiatives visant à promouvoir la famille et les politiques sociales caractérisées par l'allocation d'aides appropriées et des formes actives de soutien aux enfants et d'assistance aux personnes âgées, afin que celles ci ne soient pas séparés de leurs familles, et que les relations entre les générations soient ainsi renforcées…
… Dans notre contexte social actuel, marqué par une lutte dramatique entre la "culture de la vie" et "la culture de la mort", nous sommes liés par l'objectif commun, plus de dix ans après la transformation politique, de réaliser une transformation culturelle également, qui conduira à une mobilisation des consciences et instaurera de nouvelles priorités pour la volonté humaine: la primauté des êtres sur les choses (cf. Evangelium vitae, n. 98).
25 mars 2001 – Angelus en la solennité de l’Annonciation
Très chers frères et s½urs !
1. Aujourd'hui, 25 mars, c'est la fête de l'Annonciation du Seigneur, mais, étant donné que cette fête bien ancrée dans la tradition du Peuple de Dieu coïncide avec le quatrième Dimanche de Carême, elle sera célébrée demain.
Nous pouvons toutefois saisir un lien intime entre la liturgie d'aujourd'hui du "Dimanche laetare", imprégnée de miséricorde et de joie, et la solennité de l'Annonciation. Tandis qu'en effet, aujourd'hui, nous avons presque un avant-goût de la lumière et de la joie du mystère pascal, la solennité de l'Annonciation nous reconduit à la source de la joie spirituelle, qui est l'incarnation du Fils de Dieu.
Je me souviens des moments intenses de la célébration que l'an dernier, précisément en ce jour, j'ai pu présider à Nazareth dans la basilique de l'Annonciation. Avec une profonde émotion, je me suis agenouillé dans l'humble grotte où Marie entendit les paroles de l'Ange et prononça son "fiat", se rendant pleinement disponible à la volonté de Dieu.
2. De façon particulière, nous voulons aujourd'hui rendre grâce à Dieu pour le don du salut, que le Christ a apporté au monde à travers son Incarnation : "Et Verbum caro factum est - le Verbe s'est fait chair". De la contemplation de ce mystère, tous les croyants peuvent tirer une énergie spirituelle renouvelée pour proclamer et témoigner sans cesse du Christ, notre unique salut et servir fidèlement l'"Évangile de la vie" qu'il nous confie.
Que, face à la culture de la mort et aux atteintes qui, malheureusement, se multiplient contre la vie de l'homme, l'engagement à la défendre au cours de toutes ses étapes, du premier instant de sa conception jusqu'à la mort, ne fasse jamais défaut. Puisse l'humanité connaître un nouveau printemps de la vie, dans le respect et l'accueil de chaque être humain, dans lequel resplendit le visage du Christ !
Pour cela, prions ensemble Celle qui est "parole vivante de consolation pour l'Église dans son combat contre la mort" (Evangelium vitae, n. 105).
25 mars 2001 – Au terme de l’Angelus
Hier, 24 mars a été célébrée en Italie la Journée de prière et de jeûne pour les missionnaires martyrs annuelle. Cette initiative, promue par le Mouvement des Jeunes des ¼uvres pontificales missionnaires, invite les communautés ecclésiales à faire mémoire des hommes et des femmes qui sont morts à cause de leur fidélité au Christ et à l'Évangile. Au nombre déjà élevé se sont unis en l'An 2000 vingt-neuf noms, parmi lesquels quatre Italiens. Que leur sacrifice, uni à celui du Christ, soit un levain d'amour, de justice et de paix, afin que croisse dans l'histoire le Royaume de Dieu.
Je salue également les membres des divers groupes et mouvements activement engagés contre l'avortement, en faveur de la vie. En rappelant le jour où Marie conçut l'Enfant Jésus, je désire envoyer une Bénédiction spéciale aux femmes qui attendent un enfant et, en particulier à celles qui se trouvent dans des situations difficiles. À toutes, je dis: un enfant conçu est toujours une invitation à vivre et à espérer.
Je souhaite à tous un dimanche serein et une bonne fête de l'Annonciation.
1er juillet 2001 – Message de Jean Paul II au congrès organisé par l’Académie Pontificale pour la Vie
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs!
1. C'est avec un vif sentiment de cordialité que j'adresse à chacun de vous mes salutations à l'occasion de cette rencontre d'étude promue par l'Académie pontificale pour la Vie dans le but d'examiner le délicat problème du caractère licite des xénogreffes. J'adresse une pensée particulière à Mgr Elio Sgreccia, Vice-Président de l'Académie et animateur de votre groupe.
La finalité de votre travail revêt avant tout un intérêt humain, car elle est inspirée par la nécessité de résoudre le problème de la grave insuffisance d'organes humains adaptés pour les greffes: on sait que cette insuffisance entraîne la mort d'un pourcentage élevé de malades inscrits sur les listes d'attente, qui pourraient être sauvés grâce à une greffe, prolongeant ainsi une vie encore valide et toujours précieuse.
2. Il est certain que la transplantation d'organes et de tissus de l'animal à l'homme comporte des problèmes nouveaux de nature scientifique et éthique. Vous y avez apporté une attention responsable et compétente, ayant à coeur dans le même temps le bien et la dignité de la personne humaine, les risques éventuels d'ordre médical, pas toujours quantifiables et prévisibles, l'attention envers les animaux, qui est toujours juste, même lorsque l'on intervient sur eux pour le bien supérieur de l'homme, être spirituel créé à l'image de Dieu.
La science dans ces domaines est un guide nécessaire et une lumière précieuse. La recherche scientifique doit toutefois se placer dans une juste perspective, en tendant constamment au bien de l'homme et à la protection de sa santé.
3. L'anthropologie et l'éthique, à leur tour, sont appelées à intervenir toujours plus afin d'offrir un éclaircissement nécessaire et complémentaire, en définissant des valeurs et des critères auxquels se conformer et en établissant dans le même temps les conditions d'harmonie et de hiérarchie qui doivent exister entre eux.
Comme il ressort clairement de votre présence et de la composition même de votre groupe, on constate que l'alliance entre la science et l'éthique enrichit les deux branches du savoir et les appelle à converger dans l'aide à offrir à l'homme et à la société.
Les précautions et les conditions claires de la pratique des xénogreffes, que vous avez soulignées, sont le fruit de ce dialogue et de cette convergence.
4. La réflexion rationnelle, confirmée par la foi, révèle que Dieu Créateur a placé l'homme au sommet du monde visible et dans le même temps, lui a confié le devoir d'orienter son chemin dans le respect de sa dignité, vers la poursuite du bien véritable de chacun de ses semblables.
C'est pourquoi l'Eglise offrira toujours son soutien et son aide à ceux qui cherchent le bien véritable de l'homme à travers l'effort de la raison, illuminée par la foi: "La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité". (Fides et ratio, Introduction).
En vous exprimant ma satisfaction pour le travail que vous accomplissez et pour l'effort que vous réalisez avec générosité et dans un esprit de service à l'humanité qui souffre, j'invoque sur vous, sur vos familles et sur les personnes avec lesquelles vous accomplissez vos recherches, les Bénédictions du Dieu de toute science et de toute bonté.
Du Vatican, le 1 juillet 2001.
15 octobre 2001 – Message du Pape Jean Paul II au Président de la Conférence Episcopale Italienne, à 20 ans de la publication de Familaris Consortio
A mon Vénéré Frère le Cardinal Camillo RUINI
Président de la Conférence épiscopale italienne
1. C'est avec un vif plaisir que j'ai appris que l'Eglise qui est en Italie s'apprête à célébrer les vingt ans de Familiaris consortio par une série d'initiatives: elles seront une contribution précieuse pour le Peuple de Dieu, pour tous ceux qui sont à la recherche de la vérité et pour la société civile elle-même. Il s'agit d'initiatives importantes, que je désire accompagner par la prière et par mon affection sincère, dans l'attente de rencontrer les familles italiennes lors de la veillée qui se tiendra sur la Place Saint-Pierre, le samedi 20 octobre et de la Messe que j'aurai la joie de célébrer le jour suivant, à l'occasion de la béatification des époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi.
Lors des premiers temps de mon pontificat, lorsque j'ai inauguré les travaux du Synode sur la Famille, le 26 septembre 1980, j'ai dit que: "la famille est l'objet fondamental de l'évangélisation et de la catéchèse de l'Eglise, mais elle est également son sujet indispensable et irremplaçable: un sujet créatif", et j'ajoutais que, en raison de cette force créative, "c'est précisément la famille qui donne la vie à la société". Je concluais ensuite le discours aux Père synodaux en rappelant que toutes les tâches de la famille se résument dans la tâche fondamentale suivante : "protéger et garder simplement l'homme !" (cf. ORLF n. 40 du 30 septembre 1980).
2. Beaucoup de personnes se demandent : pourquoi la famille est-elle aussi importante ? Pourquoi l'Eglise insiste-t-elle tant sur le thème du mariage et de la famille ? La raison est simple, même si tous ne réussissent pas à le comprendre : de la famille dépend le destin de l'homme, son bonheur, la capacité de donner un sens à son existence. Le destin de l'homme dépend de celui de la famille et c'est pour cette raison que je ne me lasse jamais d'affirmer que l'avenir de l'humanité est étroitement lié à celui de la famille (cf. Familiaris consortio, n. 86). Cette vérité et si évidente que l'attitude, malheureusement très fréquente, de ceux qui négligent, offensent et relativisent la valeur du mariage et de la famille, apparaît paradoxale.
La vision de l'homme, l'interprétation de son unité personnelle, dans laquelle s'expriment la dimension corporelle, intellectuelle et spirituelle, la signification des liens d'affection et de la transmission de la vie, se trouvent au centre d'un débat contemporain, qui a de profondes répercussions sur la condition de la famille. Face à cette situation, la tâche primordiale de l'Eglise est de faire apparaître les raisons qui rendent urgent et nécessaire l'engagement de tous les chrétiens en faveur de la famille. Dans le même temps, c'est la tâche des familles elles-mêmes et de toutes les personnes de bonne volonté d'accomplir tous les efforts possibles pour que soient reconnus les droits de cette institution sociale, au bénéfice des individus et de la société tout entière.
3. Le Synode sur la Famille a marqué la vie de l'Eglise sur le chemin de l'application du Concile Vatican II et Familiaris consortio, qui en a recueilli le travail précieux, représente une étape décisive dans la détermination des responsabilités de la famille et de ce qu'il est nécessaire d'accomplir pour l'aider dans le déroulement de ses fonctions irremplaçables. Vingt ans après cette Exhortation apostolique, nous devons rendre grâce à Dieu des fruits abondants qui en ont découlé pour l'Eglise et pour la société et nous devons saisir les germes de bien qui ont éclos dans le coeur des familles qui, à la lumière des enseignements qui y sont proposés, inaugurent une nouvelle saison de grande activité. Ces vingt années ont servi à faire mûrir une conscience diffuse de la vocation et de la mission de la famille et, comme cela se produit dans le cours normal d'une vie humaine, c'est à ce stade que commence la saison de la maturité, la saison où les responsabilités sont pleinement assumées.
Il est nécessaire pour l'Eglise d'accompagner ce chemin de façon adaptée, en fournissant également, à partir des ressources spirituelles qui plongent leurs racines dans la grâce sacramentelle du mariage, toutes les contributions humaines, culturelles et sociales qui peuvent aider la famille à se présenter comme le centre et le carrefour de la vie ecclésiale et sociale. Il faut surmonter tout dualisme naïf et inapproprié entre vie spirituelle et vie sociale. Le bien de la famille est un bien intégral et les diverses dimensions de son existence ne sont pas dissociables. Sa vie, en tant que cellule fondamentale de l'Eglise et de la société, possède toujours une valeur sociale et publique, qui doit être reconnue, sauvegardée et promue.
4. La famille se trouve aux origines de l'histoire du salut, mais elle est également aux origines de l'histoire de l'humanité et nous pouvons dire qu'elle en est l'essence, car l'histoire de l'homme est substantiellement une histoire d'amour. N'oublions jamais que "l'homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens s'il ne reçoit pas la révélation de l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en fait pas l'expérience et s'il ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas fortement" (cf. Redemptor hominis, n. 10; repris dans Familiaris consortio, n. 18).
La famille tourne autour de ce noyau central de l'existence humaine et la société tire son origine de celui-ci. Aujourd'hui encore, cette vérité est trop souvent oubliée, falsifiée et foulée aux pieds. Il faut donc multiplier les occasions d'étude et de réflexion, les formes de mobilisation des familles, les initiatives culturelles, sociales et politiques qui, dans le respect des rôles et des compétences, soient cependant en mesure d'aider les responsables du bien commun à agir de façon cohérente avec la vérité sur l'homme, qui comporte toujours, et tout d'abord, la sauvegarde de la vie humaine, du mariage et de la famille. Depuis longtemps, l'Eglise qui est en Italie travaille à soutenir la famille également dans cette direction, en conjuguant, dans l'optique du projet culturel, l'action pastorale avec une présence incisive dans les domaines de la culture et de la communication.
5. Ce Congrès, d'une grande importance pour la communauté ecclésiale et pour la bien-aimée nation italienne, est organisé par la Commission épiscopale pour la famille et la vie, par le Forum des Associations familiales et par le Service national pour le projet culturel sur le thème "La famille sujet social. Racines, défis et projets", qui se déroulera à Rome du 18 au 20 octobre et auquel participeront plus de mille délégués des diocèses et des associations familiales. Je désire faire parvenir aux congressistes mes voeux les plus chaleureux pour le bon déroulement des travaux et une bénédiction particulière, afin que cette précieuse occasion d'étude et de confrontation renforce les convictions sur la valeur du mariage et de la famille, et suscite un enthousiasme renouvelé dans l'engagement au service de la famille. Le thème choisi indique avec clarté la direction qu'il faut prendre pour imprimer un tournant décisif à la situation sociale, qui en Italie également, n'a pas encore vu la complète réalisation d'un projet cohérent dans le domaine des politiques familiales, souvent évoquées, mais pas toujours réalisées.
Il est en particulier nécessaire de passer d'une considération de la famille comme étant un secteur, à une vision de celle-ci comme critère de mesure de toute l'action politique, car toutes les dimensions de la vie humaine et sociale sont liées au bien de la famille: la sauvegarde de la vie humaine, la protection de la santé et de l'environement ; les projets d'urbanisme des villes, qui doivent offrir des conditions de logement, des services et des espaces verts à la mesure des familles; le système scolaire, qui doit garantir une pluralité d'interventions, d'initiatives, qu'elles proviennent de l'Etat ou d'autres partenaires sociaux, à partir du droit à choisir des parents; la révision des processus de travail et des critères fiscaux, qui ne peuvent tenir compte uniquement de chaque personne prise individuellement, en négligeant, ou pire encore, en pénalisant le noyau familial.
6. Le travail qui attend les congressistes est plus que jamais vaste et difficile, mais il existe aujourd'hui les conditions pour une inversion significative des tendances, à partir d'un respect cohérent du principe de subsidiarité dans les relations entre l'Etat et la famille et d'une forte poussée culturelle, qui ramène au centre de l'estime et de l'attention de tous la valeur du mariage et de la famille. Le rapport correct entre l'Etat et la famille se fonde, en effet, sur l'institution juridique du mariage qui est, et qui doit rester, comme l'affirme la Constitution de la République italienne, l'élément de garantie pour la reconnaissance sociale des familles. Le mariage est également la condition qui permet à l'Etat d'effectuer un discernement correct et nécessaire entre la famille authentique, avec ses droits inaliénables, et les autres formes de co-existence.
Ce que j'ai écrit dans Familiaris consortio demeure un point de référence fondamental: "L'institution du mariage n'est pas une ingérence indue de la société ou de l'autorité, ni l'imposition extrinsèque d'une forme; elle est une exigence intérieure du pacte d'amour conjugal qui s'affirme publiquement comme unique et exclusif pour que soit vécue ainsi la pleine fidélité au dessein du Dieu créateur" (Familiaris consortio, n. 11).
Il est certain que la contribution qualifiée des intervenants, des experts et la contribution de tous les participants au Congrès seront utiles pour trouver les voies les plus adaptées pour l'affirmation et le développement de tout cela, au cours de cette nouvelle saison. En effet, les familles attendent légitimement, d'une part, la réalisation de conditions sociales correspondant à leurs exigences et, de l'autre, elles doivent contribuer à construire un nouveau modèle social à travers leur engagement direct et grâce à l'aide des associations familiales qui les représentent. Je désire exprimer ma plus vive satisfaction pour ce qui a été accompli en Italie par le Forum des Associations familiales, qui a le mérite d'avoir encouragé un débat de haut niveau sur les problèmes sociaux, en accordant la parole aux exigences les plus authentiques de la famille et en contribuant ainsi au bien de toute la société italienne.
7. J'attends avec joie la rencontre de samedi 20 octobre, pour invoquer le Seigneur en même temps que de nombreuses familles. Il s'agira d'un moment important pour réfléchir aux défis qui concernent la famille et aux responsabilités des divers acteurs de la vie ecclésiale et civile. Ce chemin articulé, sur lequel les familles italiennes sont engagées, aussi bien à travers leur réflexion que par leur participation à la Veillée organisée par la Conférence épiscopale italienne, atteindra son sommet dimanche matin, lors de la béatification des époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi. Dans l'attente de pouvoir célébrer les merveilles du Seigneur rendues visibles sur le chemin de sainteté de ces époux, j'adresse ma pensée reconnaissante à toutes les familles engagées dans l'édification de la civilisation de l'amour et j'accompagne par ma prière ces journées de réflexion et de confrontation, en invoquant sur tous la protection et la proximité de Marie, Reine de la famille.
Du Vatican, le 15 octobre 2001
20 octobre 2001 – Rencontre de Jean Paul II avec les familles, place Saint-Pierre
1. Chères familles de cette nation bien-aimée, qui êtes venues à Rome pour confirmer votre foi et votre vocation, je vous salue une par une, en vous serrant contre moi dans une profonde étreinte. Je salue également les familles qui ont été invitées, originaires de divers pays de l'Europe centrale et orientale, et que je viens de rencontrer. Mon salut s'étend au Cardinal Camillo Ruini, Président de la Conférence épiscopale italienne, aux autres cardinaux et évêques présents, ainsi qu'aux Autorités politiques et civiles.
J'accueille chacun avec une grande affection sur cette Place, c½ur de l'Eglise universelle. Elle se transforme ce soir, grâce à la présence joyeuse de tant de familles chrétiennes, en une grande Eglise domestique. Je vous remercie de votre accueil chaleureux et de la joie que vous me donnez en me sentant, à mon tour, accueilli dans votre c½ur.
Ce rendez-vous constitue une nouvelle étape du chemin qui, l'année dernière, nous a vus réunis ici sur la Place Saint-Pierre, avec un grand nombre d'entre vous et de nombreuses autres familles du monde entier, afin de célébrer le grand Jubilé. Nous sommes ici pour confirmer ce chemin et pour tourner à nouveau notre regard vers Jésus-Christ, Lumière qui "vous appelle à illuminer à travers votre témoignage le chemin de l'humanité sur les routes du nouveau millénaire" (Discours lors de la veillée du 14 octobre 2000, n. 9; cf. ORLF n. 43 du 24 octobre 2000).
2. Pour cette rencontre, vous avez choisi le thème suivant : "Croire dans la famille, c'est construire l'avenir". Il s'agit d'un thème exigeant qui nous invite à réfléchir sur la vérité de la famille et, dans le même temps, sur son rôle pour l'avenir de l'humanité. Certaines questions peuvent nous guider dans cette réflexion : "Pourquoi croire dans la famille ?". Ainsi que : "Dans quelle famille croire ?". Et enfin : "Qui doit croire en la famille ?".
Pour répondre à la première question, nous devons partir d'une vérité originelle et fondamentale : Dieu croit fermement dans la famille. Depuis le début, depuis le "principe", en créant l'être humain à son image et ressemblance, homme et femme, il a voulu placer au centre de son projet la réalité de l'amour entre l'homme et la femme (cf. Gn 1, 27). Toute l'histoire du salut est un dialogue passionné entre le Dieu fidèle, que les prophètes décrivent souvent comme le fiancé et l'époux, et la communauté élue, l'épouse, souvent tentée par l'infidélité, mais toujours attendue, recherchée et à nouveau aimée par son Seigneur (cf. Is 62, 4-5; Os 1-3). La confiance que le Père nourrit envers la famille est tellement profonde que, c'est aussi en pensant à elle, qu'il a envoyé son Fils, l'Epoux, venu racheter son épouse, l'Eglise, et en elle chaque homme et chaque famille (cf. Lettre aux familles, n. 18).
Oui, chères familles, "l'Epoux est avec vous !". De cette présence, accueillie et partagée, naît cette force sacramentelle particulière et extraordinaire qui transforme votre union intime de vie en signe efficace de l'amour entre le Christ et l'Eglise, et qui vous transforme en sujets responsables, acteurs de la vie ecclésiale et sociale.
3. Le fait que Dieu ait placé la famille comme fondement de la coexistence humaine et comme paradigme de la vie ecclésiale, exige de la part de tous une réponse décisive et convaincue. Dans Familiaris consortio, dont c'est le vingtième anniversaire, je disais : "Famille, deviens ce que tu es" (cf. n. 17). J'ajoute aujourd'hui, "Famille, crois en ce que tu es"; crois dans ta vocation qui est d'être un signe lumineux de l'amour de Dieu.
Cette rencontre nous permet de rendre grâce à Dieu pour les dons accordés à son Eglise et aux familles qui, au cours de ces années, ont précieusement recueilli les enseignements conciliaires et ceux contenus dans Familiaris consortio. En outre, nous devons être reconnaissants à l'Eglise qui est en Italie et à ses pasteurs d'avoir contribué de façon déterminante à la réflexion sur le mariage et sur la famille, à travers des documents importants, tels qu'Evangélisation et sacrement du mariage qui, dès 1975, ont permis d'accomplir un véritable tournant dans la pastorale familiale, et en particulier le Directoire sur la pastorale familiale, publié en juillet 1993.
4. La deuxième interrogation nous invite à réfléchir sur un aspect d'une grande actualité, car aujourd'hui, l'on enregistre autour de l'idée de famille des opinions extrêmement différentes, qui laissent penser qu'il n'existe plus aucun critère la qualifiant et la définissant. A côté de la dimension religieuse de la famille, il existe également sa dimension sociale. La valeur et le rôle de la famille sont tout aussi évidents de cet autre point de vue. Aujourd'hui, malheureusement, nous assistons à la diffusion de points de vues déformés et plus que jamais dangereux, alimentés par des idéologies relativistes, diffusés de façon envahissante par les médias. En réalité, pour le bien de l'Etat et de la société, il est d'une importance fondamentale de sauvegarder la famille fondée sur le mariage, entendu comme un acte qui ratifie l'engagement réciproque exprimé et réglementé publiquement, la responsabilité à l'égard du conjoint et des enfants, la garantie des droits et des devoirs comme noyau social primordial sur lequel se fonde la vie de la nation.
Si l'on n'est pas convaincu que l'on ne peut, en aucune façon, assimiler la famille fondée sur le mariage à d'autres formes de regroupement affectif, c'est la structure sociale elle-même et son fondement juridique qui sont menacés. Le développement harmonieux et le progrès d'un peuple dépendent dans une large mesure de sa capacité d'investir dans la famille, en garantissant au niveau législatif, social et culturel, la réalisation pleine et effective de ses fonctions et de ses tâches.
Chères familles, dans un système démocratique, il devient fondamental de laisser la parole aux raisons qui motivent la défense de la famille fondée sur le mariage. Celle-ci est la principale source d'espérance pour l'avenir de l'humanité, comme cela est bien exprimé dans la deuxième partie du thème choisi pour cette rencontre. Notre espérance est donc que des individus, des communautés et des sujets sociaux croient toujours davantage dans la famille fondée sur le mariage, lieu d'amour et de solidarité authentique.
5. En réalité, afin de regarder l'avenir avec confiance, il est nécessaire que tous croient dans la famille, en assumant les responsabilités correspondant à leur propre rôle. Nous répondons ainsi à la troisième question, dont nous sommes partis : "Qui doit croire en la famille ?" Je voudrais tout d'abord souligner que les premiers garants du bien de la famille sont les conjoints eux-mêmes, que ce soit en vivant de façon responsable, chaque jour, les engagements, les joies et les difficultés, ou bien en laissant la parole, à travers des formes associatives et des initiatives culturelles, à des instances sociales et législatives en mesure de soutenir la vie familiale. Le travail accompli au cours de ces années par le Forum des associations familiales est connu et apprécié; je lui exprime ma satisfaction pour ce qu'il a accompli et également pour l'initiative intitulée Family for family, par laquelle on entend renforcer les rapports de solidarité entre les familles italiennes et celles des pays de l'Est européen.
Une responsabilité particulière pèse sur les hommes politiques et sur les gouvernants, à qui il revient d'appliquer la norme constitutionnelle et de percevoir les exigences les plus authentiques de la population composée en très grande majorité de familles, qui ont fondé leur union sur le lien du mariage. On attend donc à juste titre des interventions législatives centrées sur la dignité de la personne humaine et sur l'application correcte du principe de subsidiarité entre l'Etat et la famille ; des interventions en mesure de permettre de résoudre des questions importantes, et sous de nombreux aspects décisives pour l'avenir du pays.
6. Il est en particulier important et urgent de réaliser pleinement un système scolaire et éducatif ayant son centre dans la famille et dans sa liberté de choix. Il ne s'agit pas, comme certains l'affirment de façon erronée, d'enlever quelque chose à l'école publique pour le donner à l'école privée, mais plutôt de surmonter une injustice substantielle qui pénalise toutes les familles, empêchant que se manifeste une liberté d'initiative et de choix effective. Ceux qui désirent exercer le droit fondamental d'orienter l'éducation de leurs enfants, en choisissant des écoles qui offrent un service public tout en n'appartenant pas à l'Etat, doivent ainsi faire face à des charges supplémentaires.
Il est également souhaitable d'effectuer un saut qualitatif décisif dans la programmation des politiques sociales, qui devraient toujours davantage prendre en compte le caractère central de la famille, pour répondre à ses nécessités en effectuant des choix dans le domaine de la planification du logement, de l'organisation du travail, de la détermination du salaire et des critères d'imposition. Une attention particulière doit également être réservée à la préoccupation légitime de nombreuses familles, qui dénoncent une dégradation croissante des moyens de communication qui, en véhiculant des scènes de violence, des banalités et de la pornographie, se révèlent toujours moins attentifs à la présence des mineurs et à leurs droits. Les familles ne peuvent pas être abandonnées à elles-mêmes par les institutions et par les forces sociales, dans l'effort de garantir à leurs enfants des milieux de vie sains, positifs et riches de valeurs humaines et religieuses.
7. Chères familles, en affrontant ces grands défis ne vous découragez pas et ne vous sentez pas seules : le Seigneur croit en vous ; l'Eglise marche avec vous; les hommes de bonne volonté vous regardent avec confiance!
Vous êtes appelées à être les acteurs de l'avenir de l'humanité, en modelant le visage de ce nouveau millénaire. Dans cette tâche, que vous assiste et que vous guide la Vierge Marie, notre Mère, ici présente parmi nous à travers l'une de ses images particulièrement vénérées. Je confie à la Madone de Lorette, Reine de la Famille, qui dans la maison de Nazareth, avec son époux Joseph, a fait l'expérience des joies et des épreuves de la vie familiale, chacune de vos espérances, en invoquant sa protection céleste. Très chers époux, que le Seigneur vous confirme dans l'engagement pris à travers les promesses du mariage le jour de vos noces. Le Pape et l'Eglise prient pour vous. Je vous bénis de grand c½ur, ainsi que vos enfants.
21 octobre 2001 – Homélie de la Béatification de Luigi et Maria Beltrame Quattrochi
1. "Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?" (Lc 18, 8).
La question par laquelle Jésus conclut la parabole sur la nécessité de prier "sans cesse et ne pas se décourager" (Lc 18, 1), ébranle notre âme. C'est une question qui n'est pas suivie d'une réponse: en effet, elle entend interpeller chaque personne, chaque communauté ecclésiale, chaque génération humaine. La réponse doit être donnée par chacun de nous. Le Christ désire nous rappeler que l'existence de l'homme est orientée vers la rencontre avec Dieu; mais précisément dans cette perspective, il se demande si, à son retour, il trouvera les âmes prêtes à l'attendre, pour entrer avec lui dans la maison du Père. C'est pourquoi il dit à tous: "Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure" (Mt 25, 13).
Chers frères et soeurs !
Très chères familles !
Aujourd'hui, nous nous sommes donné rendez-vous pour la béatification de deux époux: Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi. A travers cet acte ecclésial solennel, nous entendons mettre en lumière un exemple de réponse affirmative à la question du Christ. La réponse est donnée par deux époux, qui ont vécu à Rome dans la première moitié du vingtième siècle, un siècle au cours duquel la foi dans le Christ a été mise à dure épreuve. Egalement au cours de ces années difficiles, les deux époux Luigi et Maria ont gardé allumée la lampe de la foi - lumen Christi - et l'ont transmise à leurs quatre enfants, dont trois sont aujourd'hui présents dans cette Basilique. Très chers amis, votre Mère écrivait ce qui suit à votre propos: "Nous les avons élevés dans la foi, afin qu'ils connaissent Dieu et qu'ils l'aiment" (La chaîne et la trame, p. 9). Mais vos parents ont également transmis cette flamme vive à leurs amis, à leurs connaissances, à leurs collègues... A présent, du Ciel, ils la donnent à toute l'Eglise.
Je salue les parents et les amis des nouveaux bienheureux, ainsi que les Autorités religieuses qui participent à cette célébration, à commencer par le Cardinal Camillo Ruini et les autres cardinaux, archevêques et évêques présents. Je salue, en outre, les Autorités civiles, parmi lesquelles le Président de la République italienne et la Reine de Belgique.
2. Il ne pouvait pas exister d'occasion plus heureuse et significative que celle d'aujourd'hui, pour célébrer les vingt ans de l'Exhortation apostolique "Familiaris consortio". Ce document, qui est aujourd'hui encore d'une grande actualité, illustre non seulement la valeur du mariage et les devoirs de la famille, mais il invite à un engagement particulier sur le chemin de sainteté auquel les époux sont invités en vertu de la grâce sacramentelle, qui "n'est pas épuisée dans la célébration du sacrement de mariage, mais accompagne les époux tout au long de leur existence" (Familiaris consortio, n. 56). La beauté de ce chemin resplendit dans le témoignage des bienheureux Luigi et Maria, expression exemplaire du peuple italien, qui doit tant au mariage et aux familles fondées sur celui-ci.
Ces époux ont vécu, dans la lumière de l'Evangile et avec une grande intensité humaine, l'amour conjugal et le service à la vie. Ils ont assumé de façon pleinement responsable la tâche de collaborer avec Dieu dans la procréation, en se consacrant généreusement à leurs enfants pour les éduquer, les guider, les orienter à la découverte de son dessein d'amour. De ce terrain spirituel si fertile sont nées des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, qui démontrent combien le mariage et la virginité, à partir de leur enracinement commun dans l'amour sponsal du Seigneur, sont intimement liés et s'illuminent réciproquement.
En puisant à la Parole de Dieu et au témoignage des saints, les bienheureux époux ont vécu une vie ordinaire d'une façon extraordinaire. Parmi les joies et les soucis d'une famille normale, ils ont su réaliser une existence extraordinairement riche de spiritualité. Au centre, l'Eucharistie quotidienne, à laquelle s'ajoutait la dévotion filiale à la Vierge Marie, invoquée avec le Rosaire récité chaque soir, et la référence à de sages conseillers spirituels. Ils ont ainsi su accompagner leurs enfants dans le discernement de leur vocation, en les entraînant à évaluer chaque chose "du toit vers le haut", comme ils aimaient souvent à le souligner de façon amicale.
3. La richesse de foi et d'amour des époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi est une démonstration vivante de ce que le Concile Vatican II a affirmé à propos de l'appel de tous les fidèles à la sainteté, en spécifiant que les époux poursuivent cet objectif "propriam viam sequentes", "en suivant leur propre voie" (Lumen gentium, n. 41). Cette indication précise du Concile trouve aujourd'hui sa réalisation effective avec la première béatification d'un couple d'époux: leur fidélité à l'Evangile et l'héroïcité de leurs vertus ont été constatées à partir de leur vie comme époux et comme parents.
Dans leur vie, ainsi que dans celle de tant d'autres couples d'époux qui accomplissent chaque jour avec dévouement leurs tâches de parents, on peut contempler la révélation sacramentelle de l'amour du Christ pour l'Eglise. En effet, les époux, "en accomplissant leur mission conjugale et familiale avec la force de ce sacrement, pénétrés de l'Esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi, d'espérance et de charité, parviennent de plus en plus à leur perfection personnelle et à leur sanctification mutuelle; c'est ainsi qu'ensemble, ils contribuent à la glorification de Dieu" (Gaudium et spes, n. 48).
Chères familles, nous avons aujourd'hui une confirmation singulière du fait que le chemin de sainteté accompli ensemble, comme couple, est possible, beau, extraordinairement fécond et qu'il est fondamental pour le bien de la famille, de l'Eglise et de la société.
Cela nous invite à invoquer le Seigneur, pour que soient toujours plus nombreux les couples d'époux en mesure de faire transparaître, dans la sainteté de leur vie, le "grand mystère" de l'amour conjugal, qui tire son origine de la création et qui s'accomplit dans l'union du Christ avec l'Eglise (cf. Ep 5, 22-23).
4. Chers époux, comme tout chemin de sanctification, le vôtre n'est pas facile non plus. Chaque jour, vous affrontez des difficultés et des épreuves pour être fidèles à votre vocation, pour cultiver l'harmonie conjugale et familiale, pour accomplir la mission de parents et pour participer à la vie sociale.
Sachez chercher dans la Parole de Dieu la réponse aux nombreuses interrogations que la vie quotidienne vous pose. Dans la deuxième lecture, saint Paul nous a rappelé que "toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice" (2 Tm 3, 16). Soutenus par la force de cette parole, vous pourrez insister ensemble avec vos enfants "à temps et à contretemps", en les admonestant et en les exhortant "avec une patience inlassable et le souci d'instruire" (2 Tm 4, 2).
La vie conjugale et familiale peut également connaître des moments d'égarement. Nous savons que de nombreuses familles cèdent au découragement dans ces cas. Je pense, en particulier, à ceux qui vivent le drame de la séparation; je pense à ceux qui doivent affronter la maladie et à ceux qui souffrent de la disparition prématurée de leur conjoint ou d'un enfant. Dans ces situations, on peut également apporter un grand témoignage de fidélité dans l'amour, rendu encore plus significatif par la purification à travers le passage dans le creuset de la douleur.
5. Je confie toutes les familles éprouvées à la main providentielle de Dieu et aux soins pleins d'amour de Marie, modèle sublime d'épouse et de mère, qui connut bien la souffrance et la fatigue de suivre le Christ jusqu'au pied de la Croix. Très chers époux, ne vous laissez jamais vaincre par le découragement : la grâce du sacrement vous soutient et vous aide à élever sans cesse les bras vers le ciel comme Moïse, dont nous a parlé la première Lecture (cf. Ex 17, 11-12). L'Eglise est proche de vous et vous aide par sa prière, en particulier dans les moments difficiles.
Dans le même temps, je demande à toutes les familles de soutenir à leur tour les bras de l'Eglise, afin qu'elle ne vienne jamais à manquer à sa mission d'intercéder, de consoler, de guider et d'encourager. Chères familles, je vous remercie pour le soutien que vous m'apportez, également à moi, dans mon service à l'Eglise et à l'humanité. Chaque jour, je prie le Seigneur afin qu'il aide de nombreuses familles blessées par la misère et par l'injustice et qu'il fasse croître la civilisation de l'amour.
6. Très chers amis, l'Eglise a confiance en vous, pour affronter les défis qui l'attendent en ce nouveau millénaire. Parmi les voies de sa mission, "la famille est la première et la plus importante" (Lettre aux Familles, n. 2); l'Eglise compte sur elle, l'appelant à être "un sujet actif d'évangélisation et d'apostolat" (ibid., n. 16).
Je suis certain que vous serez à la hauteur de la tâche qui vous attend, en tout lieu et en chaque circonstance. Chers époux, je vous encourage à assumer pleinement votre rôle et vos responsabilités. Renouvelez-en vous-mêmes l'élan missionnaire, en faisant de vos foyers des lieux privilégiés pour l'annonce et l'accueil de l'Evangile, dans un climat de prière et dans l'exercice concret de la solidarité chrétienne.
Que l'Esprit Saint, qui a comblé le c½ur de Marie afin que, dans la plénitude des temps, elle conçoive le Verbe de la vie et qu'elle l'accueille en même temps que son époux Joseph, vous soutienne et vous fortifie. Qu'il comble vos c½urs de joie et de paix, afin que vous sachiez rendre louange chaque jour au Père céleste, dont découle toute grâce et bénédiction.
Amen !
22 novembre 2001 – Message du Pape Jean Paul II au Président du Conseil Pontifical pour la Famille pour les 20 ans de Familiaris Consortio.
A S.Em. le Cardinal Alfonso LOPEZ TRUJILLO
Président du Conseil pontifical pour la Famille
Je salue cordialement les participants au Congrès sur le thème " Familiaris consortio en son vingtième anniversaire, dimension anthropologique et pastorale", organisé par ce Conseil pontifical à l'occasion du XXème anniversaire de la publication de l'Exhortation apostolique Familiaris consortio.
Je vous salue, vénéré Cardinal, qui présidez les activités du dicastère; je salue le Secrétaire, le Sous-Secrétaire et tous leurs collaborateurs, ainsi que ceux qui ont suivi la préparation de cette rencontre, qui commémore un événement d'une singulière importance pour la vie de l'Eglise, et qui concerne l'un des thèmes qui me tiennent le plus à c½ur: la famille. Le panorama que celle-ci entend analyser est extrêmement vaste et concerne l'identité et la mission de la famille voulue par Dieu pour "garder, révéler et communiquer l'amour" ( FC, n. 17). Au cours des vingt dernières années, nous avons assisté à la formation d'une nouvelle conscience et d'une nouvelle sensibilité à propos de la famille.
Vingt années qui marquent également l'existence du Conseil pontifical pour la Famille, auquel j'ai voulu confier la tâche d'approfondir et de valoriser chaque aspect des richesses contenues dans les Propositions du Synode (cf. FC, n. 2). Je rends grâce à Dieu pour le travail accompli par votre dicastère pour défendre et servir l'Evangile et la Famille.
2. Au cours de cette période, bien que des menaces, peut-être parmi les plus dangereuses de l'histoire, n'aient pas manqué à l'égard de l'institution familiale, plusieurs convictions communes se sont consolidées. La cause intégrale de la famille et de la vie est par exemple aujourd'hui redécouverte et promue dans de nombreux milieux comme une valeur et un droit appartenant au patrimoine commun de l'humanité. Le Magistère de l'Eglise a fourni des orientations significatives pour ce renouveau, à travers des enseignements nombreux et importants. A l'époque du Concile Vatican II, la famille était déjà considérée comme l'un des thèmes sur lesquels il fallait éclairer les consciences des chrétiens et de l'humanité tout entière. Dans ce sillage, de nombreux pas ont été accomplis. L'appel : "Famille, deviens ce que tu es", contenue dans l'Exhortation pastorale susmentionnée (n. 17), a eu un vaste écho dans l'opinion publique.
Aujourd'hui encore, je le répète : "Famille, deviens ce que tu es", je le répète encore aujourd'hui !
En tant qu'institution naturelle, la communauté familiale a été voulue par Dieu au "principe", lors de la création de l'homme et de la femme, pour le bien de l'humanité. C'est à ce "principe" que le Christ se réfère, lorsque les pharisiens tentaient d'en dénaturer la structure (Mt 19, 3-12). Les hommes n'ont pas le pouvoir de changer le projet originel du Créateur.
L'Exhortation post-synodale Familiaris consortio a notablement approfondi les tâches spécifiques de l'institution familiale, dont parlait déjà la Constitution conciliaire Gaudium et spes.
Chaque famille doit être une véritable communion de personnes - "communio personarum" - dans le respect de la dignité des individus qui la composent. Dans ce contexte de compréhension mutuelle se situe le "service à la vie", selon les deux significations complémentaires, unitive et procréative, de la sexualité, comme l'a enseigné mon vénéré prédécesseur, le Serviteur de Dieu Paul VI, dans l'Encyclique Humanae Vitae.
3. De nombreux événements, auxquels ces dernières années ont participé des familles en nombre toujours plus grand, ont contribué à la consolidation progressive de la conscience, de la part de la famille, de sa mission dans l'Eglise et dans la société. Je pense, par exemple, aux Rencontres mondiales de Rome, à l'occasion de l'Année internationale de la Famille de 1994, à la Rencontre de Rio de Janeiro en 1997, et à celle du Jubilé des Familles l'année dernière. Je remercie le Seigneur pour cette prise de conscience croissante que la famille a révélée d'elle-même et de sa mission.
Toutefois, aux côtés des objectifs réconfortants qui ont été atteints, il faut enregistrer l'attaque violente (cf. FC, n. 46) de la part de certains secteurs de la société moderne contre l'institution de la famille et sa fonction sociale. Certains projets de loi qui ne sont pas en accord avec le bien véritable de la famille fondée sur le mariage monogamique et avec la protection de l'inviolabilité de la vie humaine, ont vu le jour, favorisant l'apparition de dangereuses ombres de la "culture de la mort" au sein du foyer domestique. Il est également préoccupant de constater la divulgation croissante dans les forums internationaux de conceptions déviantes de la sexualité et de la dignité et de la mission de la femme, sous-jacentes à certaines idéologies sur le "genre" ("gender").
Que dire, ensuite, de la crise de nombreuses familles divisées, des personnes seules et de la situation de ce qu'on appelle les unions de fait? Parmi les dangereuses stratégies contre la famille se trouve également la tentative de nier la dignité humaine de l'embryon avant son implantation dans le sein maternel, ainsi que le fait d'attenter à son existence par diverses méthodes.
Lorsque l'on parle de la famille, il faut mentionner les enfants, qui sont de diverses façons des victimes innocentes des communautés familiales éclatées.
4. Dans le cadre qui vient d'être tracé, la mission de la famille chrétienne apparaît plus que jamais nécessaire. Son exemple de joie et de don, d'effort et de capacité de sacrifice, sur les traces de la Sainte Famille, peut être décisif pour encourager d'autres familles à répondre à la grâce de leur vocation. En effet, comme le modèle d'une famille chrétienne est entraînant ! Dans son humilité et sa simplicité, le témoignage de la vie domestique peut devenir un véhicule d'évangélisation de premier ordre. C'est pourquoi, il est bon que les diverses institutions ecclésiales lui consacrent leur attention et leurs soins. De même, on ne doit pas négliger d'offrir le soutien nécessaire aux situations familiales difficiles, qui demandent une plus grande assistance pastorale, comme par exemple les divorcés remariés. On peut dire que, après la publication de Familiaris consortio, l'intérêt pour les familles dans l'Eglise s'est accentué, et les diocèses et les paroisses dans lesquels la pastorale familiale est devenue un objectif prioritaire sont innombrables. Des associations et des mouvements en faveur de la famille et de la vie se diffusent. Des personnes de bonne volonté contribuent, à travers leur effort généreux à la formation d'une nouvelle culture "pour la vie". C'est avec une grande satisfaction que je rappelle ici les rencontres organisées par votre Conseil pontifical, au cours de ces deux décennies. Tout d'abord, celle avec les évêques responsables de la pastorale familiale et de la vie dans toute l'Eglise, qui s'est révélée une occasion propice pour approfondir les nouvelles problématiques familiales.
Le dialogue avec les hommes politiques et les législateurs autour de la vérité de la famille fondée sur le mariage monogamique et de la dignité de la vie humaine, à partir du premier instant de sa conception, est d'une importance particulière. A ce propos, les rencontres continentales et nationales organisées par votre Conseil pontifical ont ouvert des chemins de dialogue prometteurs, capables de conférer un esprit chrétien aux débats parlementaires et aux législations publiques qui réglementent la vie des peuples. La Charte des Droits de la Famille elle-même, publiée en 1983, avait déjà été demandée au cours du Synode ordinaire de 1980.
5. "Famille, crois en ce que tu es ; crois dans ta vocation à être un signe lumineux de l'amour de Dieu". Je vous répète aujourd'hui ces paroles que j'ai eu l'occasion de prononcer au cours de la Rencontre avec les Familles, le 20 octobre de l'année dernière.
Famille, sois pour les hommes de notre époque "un sanctuaire de la vie". Famille chrétienne, sois "l'Eglise domestique", fidèle à ta vocation évangélique. Précisément parce que "sachant que le mariage et la famille constituent l'un des biens les plus précieux de l'humanité, l'Eglise veut faire entendre sa voix et offrir son aide à ceux qui, connaissant déjà la valeur du mariage et de la famille, cherchent à la vivre fidèlement, à ceux qui, plongés dans l'incertitude et l'anxiété, sont à la recherche de la vérité, et à ceux qui sont injustement empêchés de vivre librement leur projet familial" (FC, n. 1).
La famille, lorsqu'elle vit en plénitude les exigences de l'amour et du pardon, devient la forteresse sûre de la civilisation de l'amour et une espérance pour l'avenir de l'humanité.
Fort de cette certitude, que votre dicastère continue à ½uvrer avec toujours plus de courage au service de l'Evangile de la Famille.
Alors que je souhaite un plein succès à votre Congrès, je vous assure de mon souvenir dans la prière et, en invoquant la protection spéciale de Marie, Regina Familiae, je donne de tout c½ur à tous une Bénédiction apostolique spéciale.