Jean-Paul II de A à Z

Evangelium Vitae - 2004

Evangelium Vitae - 2004

 

11 février 2004 – Au terme de l’Audience Générale

     Aujourd’hui, nous nous rendons spirituellement en pèlerinage à Lourdes, en ce lieu spécial, qui est bien connu pour les multiples guérisons et aussi pour la force spirituelle que reçoivent ceux qui souffrent afin de pouvoir porter la croix quotidienne. Nous nous arrêtons au milieu des hommes souffrants et nous nous rendons compte que le Christ souffre pour tous, plus encore, que le Christ souffre avec nous. Si nous unissons nos souffrances à la sienne, elles deviennent moyen de Salut.

     Dans ce contexte je désire rappeler que chaque être humain, même celui qui est marqué par la maladie et la souffrance, est un don pour l’Eglise et pour l’humanité. Personne n’a le droit de supprimer cet être à cause de la souffrance. Celle-ci est un rappel, afin que chaque personne souffrante trouve près d’elle des personnes prêtes à un soutien patient, à une aide bienveillante. La souffrance est toujours un appel à pratiquer l’amour miséricordieux.

 

 

17 février 2004 – Message de Jean Paul II à l’Académie Pontificale pour la Vie à l’occasion des 10 ans de l’Académie. 

Vénérés Frères,
Mesdames et Messieurs!

     1. C'est avec joie que je vous fais parvenir ce Message à l'occasion de la Journée de commémoration du X anniversaire de la fondation de l'Académie pontificale pour la Vie. Je renouvelle à chacun l'expression de ma reconnaissance pour le service compétent que rend l'Académie à la diffusion de l'"Evangile de la vie". Je salue de façon particulière le Président, le Professeur Juan de Dios Vial Correa, ainsi que le Vice-président, Mgr Elio Sgreccia, et tout le Conseil de Direction.

     Avec vous, je rends grâce avant tout au Seigneur pour votre précieuse Institution qui s'est ajoutée, il y a dix ans, à d'autres créées après le Concile. Les Organismes doctrinaux et pastoraux du Siège apostolique sont les premiers à bénéficier de votre collaboration en ce qui concerne les connaissances et les informations nécessaires pour les décisions à prendre dans le domaine de la norme morale concernant la vie. C'est ce qui a lieu avec les Conseils pontificaux pour la Famille et pour la Pastorale des Services de la Santé, ainsi qu'en réponse aux sollicitations de la Section pour les Relations avec les Etats de la Secrétairerie d'Etat et de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Et cela peut s'étendre également à d'autres dicastères et Bureaux.

     2. Avec les années, l'importance de l'Académie pontificale pour la Vie devient toujours plus évidente. En effet, tandis que les progrès des sciences biomédicales laissent entrevoir des perspectives prometteuses pour le bien de l'humanité et le traitement de maladies graves et douloureuses, ils présentent toutefois souvent de sérieux problèmes touchant au respect de la vie humaine et de la dignité de la personne.

     La domination croissante de la technologie médicale sur les processus de la procréation humaine, les découvertes dans le domaine de la génétique et de la biologie moléculaire, les changements apparus dans la gestion thérapeutique des patients graves, ainsi que la diffusion de courants de pensée d'inspiration utilitariste et hédoniste, sont des facteurs qui peuvent conduire à des comportements aberrants, ainsi qu'à la création de lois injustes portant atteinte à la dignité de la personne et au respect exigé par le caractère inviolable de la vie innocente.

     3. Votre contribution est également précieuse pour les intellectuels, en particulier les catholiques, "appelés à se rendre activement présents dans les lieux privilégiés où s'élabore la culture, dans le monde de l'école et de l'Université, dans les milieux de la recherche scientifique et technique" (Lettre enc. Evangelium vitae, n. 98). C'est précisément dans cette perspective qu'a été instituée l'Académie pontificale pour la Vie, dont la fonction est de "rechercher, enseigner et instruire sur les principaux problèmes de la biomédecine et des droits, qui concernent la promotion et la protection de la vie, et surtout ceux qui ont un lien avec la morale chrétienne et les enseignements du Magistère de l'Eglise" (Motu proprio Vitae mysterium, in AAS 86 [1994], 386-387).

     En un mot, le domaine complexe que l'on appelle aujourd'hui la "bioéthique" rentre dans le cadre de votre devoir de grande responsabilité. Je vous remercie pour l'engagement que vous manifestez dans l'examen des questions spécifiques de grand intérêt, et également pour favoriser le dialogue entre la recherche scientifique et la réflexion philosophique et théologique guidée par le Magistère. Il est nécessaire de sensibiliser toujours davantage les chercheurs, en particulier dans le domaine biomédical, sur l'enrichissement bénéfique qui peut découler de l'union entre la rigueur scientifique et les instances de l'anthropologie  et  de  l'éthique chrétienne.

     4. Très chers frères et soeurs! Puisse votre service qui dure depuis désormais dix ans se poursuivre en étant toujours plus apprécié et encouragé, et en apportant les fruits espérés dans le domaine de l'humanisation de la science biomédicale et de la rencontre entre la recherche scientifique et la foi.

A cette fin, j'invoque sur l'Académie pour la Vie, sous les auspices de la Vierge Marie, l'assistance divine permanente, et, tandis que j'assure chacun de mon souvenir dans la prière, je vous donne à tous ma Bénédiction apostolique particulière, que j'étends volontiers à vos collaborateurs et aux personnes qui vous sont chères.

Du Vatican, le 17 février 2004

 

 

20 mars 2004 - Au Congrès, organisé avec l'Académie pontificale pour la Vie et la Fédération internationale des Associations des médecins catholiques,
     Cet important Congrès, organisé avec l'Académie pontificale pour la Vie et la Fédération internationale des Associations des médecins catholiques, affronte un thème d'une grande importance:  l'état clinique appelé "état végétatif". Les aspects scientifiques, éthiques, sociaux et pastoraux complexes de cet état nécessitent une profonde réflexion et un dialogue utile entre les disciplines, comme le démontre le programme riche et complexe de vos travaux.

      2. L'Eglise, avec une profonde estime et une sincère espérance, encourage les efforts des scientifiques qui consacrent chaque jour, parfois au prix de grands sacrifices, leur travail d'étude et de recherche en vue de l'amélioration des possibilités de diagnostic, de thérapie, de pronostic et de réhabilitation à l'égard de ces patients entièrement confiés à ceux qui les soignent et qui les assistent. En effet, la personne dans un état végétatif ne montre aucun signe évident de conscience de son état, ni de l'environnement, et semble incapable d'interagir avec les autres ou de réagir à des stimulations adéquates.

Les chercheurs sentent qu'il est nécessaire avant tout de parvenir à un diagnostic correct, qui exige normalement une observation longue et attentive dans des centres spécialisés, compte tenu notamment du nombre important d'erreurs de diagnostic dont les annales font état. De plus, un grand nombre de ces personnes, grâce à des soins appropriés et des programmes de réhabilitation ciblés, sont en mesure de sortir de l'état végétatif. Beaucoup d'autres, au contraire, restent malheureusement prisonniers de leur état pendant des périodes très longues et sans avoir besoin de supports technologiques.

En particulier, pour indiquer la condition de ceux dont "l'état végétatif" se prolonge pendant plus d'un an, le terme d'état végétatif permanent a été créé. En réalité, cette définition ne correspond pas à un diagnostic différent, mais simplement à un jugement conventionnel de prévision, relatif au fait que la reprise du patient est, statistiquement parlant, toujours plus difficile au fur et à mesure que la condition d'état végétatif se prolonge dans le temps.

Toutefois, il ne faut pas oublier ou sous-estimer que des cas de récupération, du moins partiels, même après de nombreuses années, ont été recensés, au point que l'on a affirmé que la science médicale, jusqu'à aujourd'hui, n'est pas encore en mesure de prévoir avec certitude qui, parmi les patients dans cet état, pourra se remettre ou ne le pourra pas.

3. Face à un patient dans un tel état clinique, certaines personnes en arrivent à mettre en doute la subsistance même de sa "qualité humaine", presque comme si l'adjectif "végétatif" (dont l'utilisation est désormais consolidée), qui décrit de façon symbolique un état clinique, pouvait ou devait se référer au contraire au malade en tant que tel, dégradant de fait sa valeur et sa dignité personnelle. A cet égard, il faut souligner que ce terme, même limité au domaine clinique, n'est certainement pas des plus heureux lorsqu'il se réfère à des sujets humains.

En opposition à ces courants de pensée, je ressens le devoir de réaffirmer avec vigueur que la valeur intrinsèque et la dignité personnelle de tout être humain ne changent pas, quelles que soient les conditions concrètes de sa vie. Un homme, même s'il est gravement malade, ou empêché dans l'exercice de ses fonctions les plus hautes, est et sera toujours un homme, et ne deviendra jamais un "végétal" ou un "animal".

Nos frères et soeurs qui se trouvent dans  l'état clinique d'"état végétatif" conservent eux aussi intacte leur dignité humaine. Le regard bienveillant de Dieu le Père continue de se poser sur eux, les reconnaissant comme ses fils ayant particulièrement besoin d'assistance.

4. Les médecins et les agents de la santé, la société et l'Eglise ont envers ces personnes des devoirs moraux auxquels ils ne peuvent se soustraire sans manquer aux exigences tant de la déontologie professionnelle que de la solidarité humaine et chrétienne.

Le malade dans un état végétatif, dans l'attente d'un rétablissement ou de sa fin naturelle, a donc droit à une assistance médicale de base (alimentation, hydratation, hygiène, réchauffement, etc.) et à la prévention des complications liées à l'alitement. Il a également le droit à une intervention réhabilitative précise et au contrôle des signes cliniques d'une éventuelle reprise.

En particulier, je voudrais souligner que l'administration d'eau et de nourriture, même à travers des voies artificielles, représente toujours un moyen naturel de maintien de la vie, et non pas un acte médical. Son utilisation devra donc être considérée, en règle générale, comme ordinaire et proportionnée, et, en tant que telle, moralement obligatoire, dans la mesure où elle atteint sa finalité propre, et jusqu'à ce qu'elle le démontre, ce qui, en l'espèce, consiste à procurer une nourriture au patient et à alléger ses souffrances.

L'obligation de ne pas faire manquer "les soins normaux dus au malade dans des cas semblables" (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Iura et bona, p. IV) comprend en effet également le recours à l'alimentation et à l'hydratation (cf. Conseil pontifical "Cor Unum", Dans le cadre, 2.4.; Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, Charte des Agents de la Santé n. 120). L'évaluation des probabilités, fondée sur les maigres espérances de reprise lorsque l'état végétatif se prolonge au-delà d'un an, ne peut justifier éthiquement l'abandon ou l'interruption des soins de base au patient, y compris l'alimentation et l'hydratation. La mort due à la faim ou à la soif est, en effet, l'unique résultat possible à la suite de leur suspension. Dans ce sens, elle finit par prendre la forme, si elle est effectuée de façon consciente et délibérée, d'une véritable euthanasie par omission.

A ce propos, je rappelle ce que j'ai écrit dans l'Encyclique Evangelium vitae, en expliquant que "par euthanasie au sens strict, on doit entendre une action ou une omission qui, de soi et dans l'intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur"; une telle action représente toujours "une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d'une personne humaine" (n. 65).

D'ailleurs, on reconnaît le principe moral selon lequel même le simple soupçon d'être en présence d'une personne vivante entraîne, dès lors, l'obligation de son plein respect et de l'abs-tention de toute action visant à anticiper sa mort.

5. Face à cette référence générale ne peuvent prévaloir les considérations en ce qui concerne la "qualité de la vie", souvent dictées en réalité par des pressions à caractère psychologique, social et économique.

Avant tout, aucune évaluation en terme de coûts ne peut prévaloir sur la valeur du bien fondamental que l'on tente de protéger, la vie humaine. En outre, admettre que l'on puisse décider de la vie de l'homme sur la base d'une reconnaissance extérieure de sa qualité, équivaut à reconnaître que l'on peut attribuer de l'extérieur à tout sujet des degrés croissants et décroissants de qualité de vie et donc de dignité humaine, en introduisant un principe discriminatoire et eugénique dans les relations sociales.

En outre, il n'est pas possible d'exclure a priori que la privation de l'alimentation et de l'hydratation, selon ce que révèlent de sérieuses études, soit la cause de profondes souffrances pour le sujet malade, même si nous ne pouvons en voir les réactions qu'au niveau du système nerveux autonome ou au niveau  des  signes  d'expression.  Les technologies modernes de neurophysiologie clinique et de diagnostic cérébral par image, en effet, semblent indiquer la persistance chez ces patients de formes élémentaires de communications et d'analyse des stimulations.

6. Il ne suffit pas, toutefois, de réaffirmer le principe général selon lequel la valeur de la vie d'un homme ne peut être soumise à un jugement de qualité exprimé par d'autres hommes; il est nécessaire de promouvoir des actions positives pour combattre les pressions en vue de la suppression de l'hydratation et de l'alimentation, comme moyen de mettre fin à la vie de ces patients.

Il faut avant tout soutenir les familles, dont l'un des membres est frappé par ce terrible état clinique. Elles ne peuvent être abandonnées à leur lourd fardeau humain, psychologique et économique. Bien que l'assistance à ces patients ne soit pas en général onéreuse, la société doit allouer des ressources suffisantes au soin de ce type de situation, à travers la mise en place d'initiatives concrètes opportunes, comme, par exemple, la création d'un réseau capillaire d'unité de réveil, avec des programmes spécifiques d'assistance et de réhabilitation; le soutien économique et l'assistance à domicile pour les familles, lorsque le patient est transporté à son domicile au terme des programmes de réhabilitation intensive; la création de structures d'accueil dans les cas où il n'y a pas de famille en mesure de faire face au problème ou pour offrir des périodes de "pause" pour venir en aide aux familles qui courent le risque d'un épuisement psychologique et moral.

L'assistance appropriée à ces patients et à leur famille devrait, en outre, prévoir la présence et le témoignage du médecin et de l'équipe d'assistance, auxquels il est demandé de faire comprendre aux proches qu'ils sont leurs alliés et qu'ils luttent à leurs côtés; la participation du volontariat représente également un soutien fondamental pour faire sortir la famille de l'isolement et l'aider à se sentir une composante précieuse et non pas abandonnée du tissu social.

En outre, dans ces situations, le conseil spirituel et l'aide pastorale revêtent une importance particulière pour aider à retrouver la signification la plus profonde d'une situation apparemment désespérée.

7. Mesdames et messieurs, en conclusion, je vous exhorte, en tant qu'hommes et femmes de science, responsables de la dignité de la profession médicale, à préserver jalousement le principe selon lequel le véritable devoir de la médecine consiste à "guérir si possible, prendre toujours soin" (to cure if possible, always to care).

En signe et en soutien de votre authentique mission humanitaire de réconfort et d'assistance envers nos frères qui souffrent, je vous rappelle les paroles de Jésus:  "En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25, 40).

A cet égard, j'invoque sur vous l'assistance de Celui qu'une formule patristique suggestive qualifie de Christus medicus et, en confiant votre travail à la protection de Marie, Consolatrice des affligés et réconfort des mourants, je donne à tous avec affection une Bénédiction apostolique particulière.

 

 

 

 

 

publié le : 28 septembre 2014

Sommaire documents

t>