Abandonnons toujours plus les ½uvres des ténèbres pour prendre les armes de lumière

Publié le 2012-04-22

Intervention de Benoit XVI lors du concert en l'honneur de ses 85 ans - 20 avril 2012

     Le 16 avril, le Saint-Père fêtait ses 85 ans. Samdi 20 avril, un concert lui a été offert, Salle Paul VI au Vatican, par le Land allemand de Saxe et la Ville de Leipzig, avec au programme la 2e symphonie de Mendelssohn, appelée « Chant de louange ». L’harmonie entre le lieu, la circonstance, la musique et les paroles étaient frappantes.

     Au terme du concert, le Saint-Père a prononcé ces mots :

 

Monsieur le Ministre-président,

Hôtes distingués de l’Etat libre de Saxe et de la Ville de Leipzig,

Messieurs les cardinaux,

Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

Mesdames et messieurs,

Par cette splendide exécution de la 2e symphonie «Lobgesang» de Félix Mendelssohn Bartholdy vous m’avez fait, ainsi qu’à toutes les personnes présentes, un cadeau précieux à l’occasion de mon anniversaire. En effet, cette symphonie est un grand hymne de louange à Dieu, une prière par laquelle nous avons loué et remercié le Seigneur pour ses dons. Mais avant tout, je voudrais remercier ceux qui ont rendu ce moment possible. En premier lieu l’orchestre du Gewandhaus qui n’a pas besoin d’être présenté : il s’agit de l’un des plus anciens orchestres au monde, avec une tradition  d’excellence dans la qualité de l’exécution et une renommée indiscutée. Je remercie cordialement les excellents chœurs et solistes, mais de façon particulière maître Riccardo Chailly pour son interprétation intense. Ma gratitude va au Ministre-président et aux représentants de l’Etat libre de Saxe, au maire et à la délégation de la Ville de Leipzig, aux autorités ecclésiastiques ainsi qu’aux responsables du Gewandhaus et à tous ceux qui sont venus d’Allemagne.

Mendelssohn, la symphonie «Lobgesang», Gewandhaus: trois éléments liés non seulement ce soir mais aussi dès le commencement. En effet, la grande symphonie pour chœur, solistes et orchestre que nous avons entendue a été composée par Mendelssohn pour célébrer le IVe centenaire de l’invention de l’imprimerie et elle a été exécutée pour la première fois le 25 juin 1840, justement par l’orchestre du Gewandhaus, en l’église Saint-Thomas de Leipzig, l’église de Jean Sébastien Bach; Mendelssohn lui-même était au pupitre, lui qui a été pendant des années le chef de cet orchestre ancien et prestigieux.

Cette composition est constituée de trois mouvements pour orchestre seul, indépendants, puis d’une forme de cantate avec solistes et chœur. Dans une lettre à son ami Karl Klingemann, Mendelssohn lui-même expliquait que dans cette symphonie « ce sont d’abord les instruments qui louent selon leur génie propre, puis ensuite le chœur et les voix des solistes ».

L’art en tant que louange à Dieu, Beauté suprême, fonde le mode de composition de Menselssohn, et cela non seulement en ce qui concerne la musique liturgique ou sacrée, mais toute sa production.  Comme le rapporte Julius Schubring, pour lui, la musique sacrée en tant que telle n’était pas à un degré au-dessus de l’autre ; chacune à sa façon devait servir et honorer Dieu. L’exergue que Mendelssohn a écrite sur la partition de la symphonie «Lobgesang» dit: « Je voudrais voir tous les arts, en particulier la musique, au service de Celui qui les a donnés et créés ». Le monde éthique et religieux de notre compositeur n’était pas détaché de sa conception de l’art, et même en faisait partie intégrante : «Kunst und Leben sind nicht zweierlei», « l’Art et la vie ne sont pas deux choses distinctes », mais un tout, écrivait-il. Une profonde unité de vie qui trouve son principe unificateur dans la foi, a caractérisé toute l’existence de Mendelssohn et a guidé ses choix. Dans ses lettres, nous saisissons ce fil conducteur. A son ami Schirmer, il disait, le 9 janvier 1841, en faisant allusion à sa famille : « Parfois, certes, les préoccupations et les jours sérieux ne manquent pas… et pourtant, on ne peut rien faire d’autre que de prier Dieu avec ferveur de nous conserver la santé et le bonheur qu’il nous a donnés » ; et le 17 janvier 1943, il écrivait à Klingemann : « Chaque jour, je ne peux rien faire d’autre que remercier Dieu à genoux pour chaque bien qu’il me donne ».

Donc une foi solide, convaincue, nourrie de façon profonde par l’Ecriture Sainte, comme le montre entre autres les deux oratorios « Paulus » et « Elias », et cette symphonie que nous venons d’entendre, pleine de références bibliques, surtout des psaumes et de saint Paul. Il m’est difficile de mentionner tel ou tel de ces moments intenses que nos avons vécus ce soir ; je voudrais seulement vous rappeler le merveilleux duo des sopranes et du chœur sur ces paroles tirées du Psaume 40 : «Ich harrete des Herrn, und er neigte sich zu mir und hörte mein Fleh’n» - « J’ai espéré dans le Seigneur et il s’est penché sur moi et il a entendu mon cri » -; c’est le chant de celui qui place en Dieu toute son espérance et sa certitude de ne pas être déçu.

Je voudrais encore remercier l’orchestre et le chœur du Gewandhaus, le chœur de la [télévision] Mitteldeutscher Rundfunk (MDR), les solistes, le chef d’orchestre, ainsi que les autorités de l’Etat libre de Saxe et de la Ville de Leipzig, pour l’exécution de cette « oeuvre lumineuse » - comme l’appelait Robert Schumann -, qui nous a permis à tous de louer Dieu et j’ai pu remercier Dieu, d’une façon particulière, une fois encore, pour mes années de vie et de ministère.

Je voudrais conclure par les paroles que Robert Schumann a écrites dans la revue « Neue Zeitschrift für Musik » après avoir assisté à la première exécution de la symphonie que nous avons écoutée, [des paroles] qui veulent être une invitation à la réflexion: « Comme le dit le texte si splendidement mis en musique par le maître, abandonnons toujours plus « les œuvres des ténèbres pour prendre les armes de lumière ». » Merci à tous et bonne soirée !

 

 

Documents associés

Dans la même catégorie

Guetteurs, Veilleurs
3ème Méditation du Père Raniero Cantalamessa - 20 décembre 2013Académie pontificale pour la vieConférence du Cad Barbarin, sur "L'Evangile du mariage", à l'Institut Jean Paul II de Rome - 28 oct 2014Congrégation pour la doctrine de la foiCongrégation pour la Doctrine de la Foi - la relation entre les dons hiérarchiques et charismatiques pour la vie et la mission de l’Église - 14 juin 2016Congrégation pour la Doctrine de la Foi : note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique - 24.11.2002Conseil pontifical de la familleDignitas Personae - sur certaines questions de bioéthique - Congrégation pour la Doctrine de la Foi - 8.9.2008Discours du Cardinal PArolin, à l'UNESCO - 3 juin 2015Donum Vitae - Sur le respect de la vie humaine naissante - 22 février 1987FormationHistoire de la prière de l'Angelus - Abbé CH-Ph- CHANUTHomélie de la Messe avant l'entrée en Conclave - Basilique St Pierre, 12 mars 2013l’Église et les fidèles divorcés remariés - Mgr Muller en préparation au Synode 2014L’ivresse matérielle fait vaciller, alors que l’ivresse spirituelle rend stable - Padre Cantalamessa -16.12.2016L'Eglise catholique privilégie la mise en terre du corps des défuntsLa famille, dans les textes du Concile Vatican IILe 11 septembre, Jean-Paul II, la Vierge Marie, et un roi polonais - La paix dans le monde, et la famille - Anita BourdinLe Cardinal Sarah : Le « dragon infernal rouge-feu à sept têtes », prototype de cette culture de mort - Paris, le 25 mars 2017Le Diable à Dieu : "Je construis une création alternative à la tienne : les hommes diront : on est mieux ainsi" - Cad CaffaraLe mariage et la famille. Conférence du Cad Caffarra, archevêque de Bologne - 12 mars 2015Méditation du Père Raniero Cantalamessa - 13 décembre 2013Méditation du Père Raniero Cantalamessa - 1er vendredi de l'Avent 2013Méditation du Vendredi Saint 2016 dans la Basilique Saint-Pierre - Padre CantalamessaPadre Cantalamessa - Prédicaation de Carême le 19 février 2016Padre Cantalamessa - Prédication de Carême au Vatican, vendredi 26 février 2016Pour mieux se nourrir de la paternité du Cad Bagnasco - Mars 2013Vie spirituelle