Chers frères évêques,
Je suis heureux de vous souhaiter à tous une chaleureuse bienvenue à l'occasion de votre visite ad limina Apostolorum. Je remercie le cardinal Gaudencio Rosales des paroles courtoises qu'il m'a adressées en votre nom, et je vous assure de mes prières et de mes meilleurs vœux pour vous-mêmes et pour tous les fidèles confiés à vos soins pastoraux. Votre présence ici à Rome resserre les liens entre la communauté catholique aux Philippines et le Siège de Pierre, une communion qui remonte à plus de quatre siècles, lors de la première offrande du Sacrifice eucharistique sur vos côtes. Votre peuple s'est nourri à cette communion de foi et de sacrement pendant de nombreuses générations. Je prie pour qu'elle puisse continuer de servir de levain dans la culture au sens large, afin que les générations présentes et futures de Philippins continuent de rencontrer le message de joie de l'Evangile de notre Seigneur Jésus Christ.
Pour être un tel levain, l'Eglise doit toujours essayer de trouver sa propre voix, car c'est par sa proclamation que l'Evangile porte ses fruits de conversion de la vie (cf. Mc 16, 15-16). Cette voix s'exprime dans le témoignage moral et spirituel de la vie des croyants. Elle s'exprime aussi dans le témoignage public offert par les évêques, en tant que premiers enseignants de l'Eglise, ainsi que par tous ceux qui ont un rôle dans l'enseignement de la foi aux autres. Grâce à la présentation claire, dans l'Evangile, de la vérité sur Dieu et sur l'homme, des générations de prêtres, religieux et laïcs philippins emplis de zèle, ont promu un ordre social toujours plus juste. Parfois, ce devoir de proclamation touche à des questions relevant de la sphère politique. Cela n'est pas surprenant, car la communauté politique et l'Eglise, bien que distinctes à juste titre, sont néanmoins toutes deux au service du développement intégral de tout être humain et de la société dans son ensemble. Pour sa part, l'Eglise contribue fortement à la construction d'un ordre social juste et charitable, «en prêchant la vérité de l'Evangile, en éclairant tous les secteurs de l'activité humaine par sa doctrine et par le témoignage que rendent des chrétiens, l'Eglise respecte et promeut aussi la liberté politique et la responsabilité des citoyens » (Gaudium et spes, n. 76).
Dans le même temps, la mission prophétique de l'Eglise exige qu'elle soit libre de «prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale… porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l'exigent » (ibid.). A la lumière de cette tâche prophétique, je demande à l'Eglise qui est aux Philippines de chercher à jouer son rôle pour soutenir la vie humaine de sa conception à sa mort naturelle, et pour défendre l'intégrité du mariage et de la famille. Dans ces domaines, vous promouvez des vérités sur la personne et sur la société qui n'ont pas seulement pour origine la révélation divine mais aussi la loi naturelle, un ordre accessible à la raison humaine et qui offre ainsi une base pour un dialogue et un discernement plus profonds de la part de toutes les personnes de bonne volonté. Je me félicite également du travail de l'Eglise en vue d'abolir la peine de mort dans votre pays.
Il existe un domaine spécifique dans lequel l'Eglise doit toujours trouver sa propre voix: celui des communications sociales et des médias. La tâche qui se présente à l'ensemble de la communauté catholique est de transmettre une vision pleine d'espérance de la foi et de la vertu, afin que les Philippins puissent trouver un encouragement et une orientation dans leur chemin vers une vie en plénitude dans le Christ. Une voix unifiée et positive doit être présentée au public dans les médias, sous des formes nouvelles ou anciennes, afin que le message de l'Evangile puisse avoir un impact toujours plus fort sur les membres de la nation. Il est important que les laïcs catholiques compétents dans le domaine des communications sociales assument leur rôle en proposant le message chrétien d'une manière convaincante et attirante. Si l'Evangile du Christ doit être le levain de la société philippine, alors l'ensemble de la communauté catholique doit être attentive à la force de la vérité proclamée avec amour.
Un troisième aspect de la mission de l'Eglise de proclamer la parole de vie de Dieu consiste dans son engagement dans les questions économiques et sociales, en particulier à l'égard des plus pauvres et des plus faibles dans la société. Lors de la deuxième assemblée plénière des Philippines, l'Eglise dans votre nation s'est intéressée en particulier aux moyens de se dévouer plus pleinement à l'assistance des pauvres. Il est réconfortant de voir que cette entreprise a porté des fruits, avec des institutions catholiques caritatives activement engagées à travers le pays. Beaucoup de vos concitoyens, toutefois, demeurent encore sans travail, sans une éducation adéquate, démunis des services de base, si bien que vos discours prophétiques et votre action charitable en faveur des pauvres continuent d'être hautement appréciés. En plus de cet effort, vous êtes à juste titre attentifs à ce qu'il y ait un engagement permanent dans la lutte contre la corruption, car seule une application claire et solide de l'Etat de droit à travers le pays peut assurer la croissance d'une économie juste et durable.
Chers frères évêques, comme mon prédécesseur le Pape Jean-Paul II l'observait justement: «Vous êtes les pasteurs d'un peuple qui aime Marie» (Discours à la conférence des évêques des Philippines, 14 janvier 1995; cf. ORLF n. 4 du 24 janvier 1995). Puisse sa volonté de porter la Parole qui est Jésus Christ dans le monde être pour vous une inspiration permanente dans votre ministère apostolique.
A chacun de vous, ainsi qu'aux prêtres, aux religieux et aux laïcs de vos diocèses, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique en gage de paix et de joie.