CTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN"> La publicité peut-elle tout se permettre ? Un objectif mercantile peut-il justifier un détournement d'image dont le sens se trouve subverti de la façon la plus violente ? La question se trouve posée avec une affiche parodiant la Cène, le célèbre tableau de Léonard de Vinci. On connaît le chef d'œuvre du maître italien, qui évoque de façon très précise le dernier repas du Seigneur, celui ou fut instituée l'eucharistie. Pour la tradition chrétienne, il s'agit de l'événement fondateur par excellence, où le Christ anticipe sur sa Passion du lendemain pour offrir sa chair et son sang pour le Salut du monde. La représentation qu'en a faite le peintre est universellement connue. On peut même dire qu'elle a valeur d'icône, parce qu'elle fixe avec beaucoup de force le repas du Jeudi saint, conformément aux récits évangéliques, avec tous ses acteurs, le Christ attirant tous les regards au centre du tableau. Sans doute les publicitaires de l'agence Air Paris ont-ils pensé réaliser un coup génial en parodiant Vinci pour obtenir une scène dont le dessein est foncièrement contraire à celui de la Cène. Première astuce : les apôtres ont été remplacés par des personnages féminins disposés dans un ordre analogue à celui conçu par le peintre. Au Christ est substitué également un mannequin féminin qui reproduit la même gestuelle d'offrande à ceci près qu'un poisson a remplacé le pain. Mais ce n'est pas ce détail qui attire l'attention. En effet, il y a à la gauche du personnage central l'unique homme du " tableau ". En l'espèce un jeune homme en partie dénudé dont la présence est explicitement de nature érotique. S'il a été placé à cet endroit c'est comme objet de désir exposé dans cet environnement féminin. On comprend donc la supercherie. Elle ne consiste pas principalement dans la substitution des femmes aux hommes, mais par le détournement de signification obtenu. Tout se concentre en effet sur la notion de chair : chair du Christ offerte au cours du drame du Vendredi Saint, dans la pure gratuité du don, mais aussi dans la dramatique suprême de la Rédemption. Pour les chrétiens, c'est le sommet de l'histoire, l'expression de l'amour le plus fou, celui dont parle saint Jean quand il écrit : " Le Christ ayant aimé les siens, les aima jusqu'à la fin. " De leur côté les publicitaires ont repris cette idée de la chair, et de la chair offerte. Mais ce qui était de l'ordre de la charité est transmuté dans l'ordre d'une sensualité, au sens le plus vulgaire, et d'un mercantilisme qui ne dit pas son nom. Mais il s'agit bien de faire vendre, ici des vêtements. Et il n'est pas exagéré de prétendre que cette chair est prostitutionnelle. Il y a donc beaucoup plus qu'un détournement par supercherie habile. Il s'agit d'une transgression au sens propre du terme qui agissant dans le symbolique est d'une extrême violence. Elle atteint les chrétiens au plus intime de leur conviction, de leur amour pour le Christ et au coeur de leur sensibilité eucharistique. Il faut manquer de tout discernement ou faire preuve de la plus grande mauvaise foi pour ne pas l'admettre. Que l'Episcopat français ait voulu réagir par le biais de l'association "Croyance et libertés" en intentant une procédure judiciaire se justifie amplement. Les avocats de l'agence de publicité ont produit une piètre défense de leur provocation en prétendant qu'on en voulait au détournement féministe du tableau de Vinci. Ce n'est pas du tout la question. D'ailleurs l'intention explicite des créateurs est bien d'ordre érotique. Il s'agissait pour eux de frapper l'imagination et même de provoquer l'indignation pour créer l'événement. La procédure n'est pas terminée. On attend avec beaucoup d'intérêt le jugement des magistrats et ses motifs. C'est aussi une bonne occasion pour faire réfléchir sur le fond, notamment sur l'exploitation érotique de la chair en contraste avec la dignité infinie de cette même chair que le Christ a revêtue, afin qu'après avoir été offerte elle fût glorifiée dans le triomphe de Pâques. Gérard Leclerc imprimez