Parents en tous genres
paru dans France Catholique
lundi 9 mars 2009
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Derrière la relance du débat sur le statut des « coparents » se dessine un enjeu très concret pour l'assistance médicale à la procréation et la législation bioéthique en débat.
ça ressemble fort à une course-poursuite entre la loi et les moeurs. Alors que la revendication homoparentale reste marginale chez les personnes homosexuelles, quelques-unes n'ont pas attendu la bénédiction législative pour obtenir les enfants que la loi française leur interdisait. En manifestant son intention de remplacer dans le code civil « père et mère » par « parents », Nadine Morano, secrétaire d'État à la famille, pourrait bien y inciter ceux qui s'étaient jusqu'alors gardés d'entrer dans des « bricolages procréatifs ».
Ces bricolages, pour le moment, s'effectuent dans la clandestinité. Nul ne peut contester la souffrance des personnes homosexuelles (hommes ou femmes) qui aspirent à transmettre la vie. Certes, d'autres personnes sont privées de la joie d'engendrer et d'enfanter, à cause d'un handicap, d'une infertilité, du célibat voire du veuvage.
Le désir d'enfants est si fort que, lorsqu'une possibilité de l'assouvir s'ouvre, on est vite tenté de fermer les yeux sur les techniques proposées. Les maternités françaises voient ainsi se dérouler de plus en plus d'accouchements « particuliers ». C'est le cas quand deux femmes vivant ensemble se présentent : l'une vient donner naissance à ce qu'on a nommé un « bébé Thalys », du nom du train qui conduit jusqu'aux institutions belges où l'on admet l'insémination artificielle avec donneur pour femme seule. Mis devant le fait accompli, le système de santé français ferme les yeux ainsi que les services sociaux. Pour les hommes en mal d'enfants, le processus est plus complexe. Plus rares sont d'ailleurs ceux qui, transgressant les lois françaises, font appel à la fécondation in vitro et aux mères porteuses à l'étranger.
Des sages-femmes stupéfaites ont récemment découvert, en salle d'accouchement, quatre adultes. Deux hommes et deux femmes s'étaient arrangés pour concevoir ensemble un enfant, puis un second. Le projet de garde alternée avait été négocié avant même la conception. Les deux femmes ont accouché à trois mois d'intervalle, leurs bébés étant promis à passer ensemble une semaine sur deux chez « les papas ».
Avec l'invention de cette « parentalité à mi-temps » imposée à l'enfant dès sa programmation, comment ne pas reconnaître qu'on fait sauter le principe de précaution, sous la pression du désir ? Attendris par ces foyers peu ordinaires - qui ne sont pas privés d'amour - des médias affirment que l'essentiel est que l'enfant reçoive de l'affection et du respect, même s'ils émanent de deux hommes ou de deux femmes, voire de quatre « coparents ». On amalgame ces situations à celles des familles issues de divorces à l'image de celle de l'ex-judoka David Douillet. Nouveau secrétaire national de l'UMP chargé de la vie sportive, il est allé jusqu'à affirmer en soutien à Nadine Morano : « La famille, ce n'est absolument pas biologique » !
Les militants de « l'homoparentalité » invoquent à l'envie la maltraitance prodiguée par certains parents biologiques... Leur dialectique du choix truqué veut faire croire que l'alternative serait entre des parents de sexe complémentaires « alcooliques et violents » et deux hommes ou deux femmes « éducateurs modèles ». On fait parler des enfants voire de jeunes adultes qui expliquent l'amour qu'ils ont pour ceux ou celles qui les élèvent, indépendamment de leur orientation sexuelle, comme s'il leur était possible de dire le contraire sans avoir l'impression de se renier. La capacité de rejeter ses parents s'inscrit pourtant dans la vie d'un enfant comme une étape à ne pas refouler, ni interdire. Elle est rendue possible par le caractère naturel du lien biologique (ou adoptif lorsque ce lien reconstruit pour lui la complémentarité homme/femme en éducation). Sur les enfants conçus artificiellement pour être élevés par deux hommes ou deux femmes pèse l'injonction d'être épanoui.
Les spécialistes des conflits familiaux ont étudié la complémentarité des rôles des parents. Toujours enfanté par une femme, l'enfant a besoin d'un homme pour dépasser le lien fusionnel avec sa mère et bâtir son identité. Le rôle du père est pour cela déterminant dès le jeune âge pour devenir essentiel à l'adolescence.
L'AMP « de convenance » heurte la conception qui prévaut dans l'Hexagone où l'enfant n'est considéré ni comme un produit, ni comme un dû. La demande des personnes homosexuelles est écartée par la loi bioéthique actuelle. La plupart des médecins d'aide médicale à la procréation (AMP) estiment que leurs techniques doivent demeurer réservées aux couples stables composés d'un homme et d'une femme ayant de réels problèmes de fertilité.
Certes, les Français sont sensibles à la douleur des candidats à la « parentalité ». Ils sont désormais majoritaires (51 % d'après le plus récent sondage IFOP) à reconnaître un droit à l'adoption pour les couples homosexuels. Mais pourquoi ne leur demande-t-on pas s'il est légitime de priver délibérément un enfant d'un père ou d'une mère ? Tout l'enjeu est donc de concilier la reconnaissance du désir d'enfant avec la nécessité de le frustrer...
Tugdual DERVILLE