Mère porteuse
lundi 12 novembre 2007, France catholique
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Filiation
Maternité éclatée
La cour d'Appel de Paris a pris acte de la filiation liant un couple de Français à deux jumelles obtenues d'une mère porteuse aux Etats-Unis. Un pas vers la « gestation pour autrui » ?
Magnifique histoire d'amour ! Des quotidiens se réjouissent à l'unisson du couple qui, avec deux petites filles obtenues d'une mère porteuse américaine, a importé dans l'Hexagone un casse-tête juridique. Les voilà officiellement reconnus comme « parents », eux qui avaient mis la France devant le fait accompli, il y a sept ans.
On connaît deux formes de gestation pour autrui, terminologie pro-mue pour sa connotation généreuse. Dans la première, la mère porteuse reçoit un embryon conçu in vitro avec les gamètes des deux membres du couple demandeur. Dans la seconde, elle « fournit » également ses ovocytes, et pas seulement son utérus. L'enfant sera alors biologiquement celui de la mère porteuse. Ces techniques visent à contourner des stérilités féminines totales consécutives, par exemple, à l'absence d'utérus.
La maternité de substitution (troisième dénomination de la même réalité) reste pour le moment interdite en France. Mais le professeur Israël Nisand pense que ces réticences « feront un jour sourire nos petits-en-fants », et Laure Camborieux, présidente de l'association Maia, dont l'objet est d'obtenir la légalisation de cette pratique, évoque une chute des « barrières idéologiques ». On exhume même une déclaration de Françoise Dolto qui aurait comparé le statut de mère porteuse à celui d'une simple nourrice. Des commentateurs habituellement prompts à fustiger le libéralisme anglo-saxon ferment les yeux sur la réalité commerciale de cette pratique. Dans le seul cas dont les rebondissements judiciaires ouvrent épisodiquement le dé-bat hexagonal, pas moins de trois tentatives de fécondation in vitro à 10 000 $ pièce ont été nécessaires pour aboutir à la naissance de deux jumelles, aussitôt confiées au couple français par la Californienne qui avait accepté de leur « louer son utérus ». Sans compter le dédommagement qui lui a été accordé pour ce « travail ».
En tête des arguments pour la maternité de substitution figure la liste des pays qui l'ont déjà légalisée : outre certains États américains, on cite Israël, la Belgique, la Grande-Bretagne, la Grèce, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud. Les promoteurs français affirment que le « tourisme procréatif » rend inopérante l'interdiction française. Seuls les couples les moins fortunés seraient lésés. Par un habile retournement dialectique les couples français ayant contourné nos lois hors frontière posent les enfants ainsi conçus en victimes, non plus de leurs propres bricolages, mais de la France. Les voilà « cobayes » d'une Justice acharnée à les priver de filiation. Objecte-t-on que le principe des mères porteuses ouvre la porte à des trafics et dérives mercantiles ? C'est un nouveau moyen de plaider pour une loi... les encadrant. Ultime idée, le père désormais officiel des jumelles estime que le recours à une mère porteuse « évite le traumatisme de l'abandon qu'on retrouve dans l'adoption ». Saisissant l'espoir d'une paternité gommant la maternité, GayLib, composante homosexuelle de l'UMP, a salué le récent jugement comme faisant disparaître « un tabou » et a immédiatement souhaité que « la révision des lois bioéthiques en 2009 soit l'occasion (...) de déboucher sur des dispositions concrètes » qui permettraient de répondre aux « besoins des couples hétérosexuels comme homosexuels ».
L'épisode de Sara demandant à son mari Abraham d'aller vers leur servante Agar afin de leur donner un enfant sert de référence biblique. Mais on sait quel crêpage de chignon s'ensuivit. Celui qui oppose, aujourd'hui, deux couples acheteurs n'a rien à lui envier : la petite Donna est ainsi écartelée entre la Belgique et la Hollande. Son père biologique et sa compagne se sont fait doubler par des surenchérisseurs. La mère porteuse belge a cédé le bébé aux plus offrants.
En plus de la vie des embryons créés et détruits dans les systèmes de fécondation in vitro, la maternité pour autrui pose la question du statut de la femme qui porte ce bébé : marchandisation, réification ? Le malaise est perceptible dès lors que la grossesse devient un « produit de service ». Par ailleurs, doit-on négliger les liens psychologiques qui unissent la mère porteuse à son bébé ? Malgré la légitimité du désir qu'ont des parents de donner vie à un enfant « de leur sang », comment ne pas voir que la maternité éclatée aliène la femme sans respecter l'enfant.
Tugdual DERVILLE