A l'issue de l'Assemblée de Lourdes, chacun se demande ce qui s'y est passé. Interrogé à plusieurs reprises, j'ai donné un aperçu aussi fidèle que possible du déroulement des travaux. Au bout d'une semaine, je m'interroge moi-même : parmi tous les points qui ont retenu l'attention des évêques, quel est celui qui me semble le plus important ?
Je n'hésite pas à répondre : c'est la réflexion entreprise sur ce qu'on appelle "les différences structurantes", celles qui sont au fondement de la famille et de la société : homme - femme ; père - mère ; parents - enfants ; frère - soeur. A n'en pas douter, un bouleversement profond est en train de transformer la vie familiale et la vie sociale. Le phénomène pourrait se résumer sous le terme de "parentalité".
Ce mot nouveau tend à passer dans le vocabulaire courant, sous l'influence de demandes pressantes adressées au Législateur. En voici quelques exemples : - les demandes de délégation ou de partage d'autorité parentale pour le compagnon du père ou de la mère ; - la revendication d'un droit à l'adoption pour des couples homosexuels ; - l'accès aux procréactions médicalement assistées pour les sujets ou les couples homosexuels (femmes lesbiennes presque exclusivement) ; - la reconnaissance institutionnelle du couple homosexuel comme principe d'une famille. Ce à quoi ouvrirait inéluctablement le mariage dit "homosexuel".
Dans ces différentes situations, les mots "père" et "mère" perdent leur signification habituelle. Le titre de "père", en effet, est attribué à l'homme uniquement parce qu'il est devenu le compagnon de la mère ; et la femme devenue compagne du père reçoit le titre de "mère". De même, le titre de "père" est attribué à l'une des deux femmes vivant ensemble dans le couple homosexuel ; celui de "mère" à l'un des deux hommes vivants ensemble dans un couple homosexuel. Bref, dans leur usage, ces mots "père" et "mère" deviennent indifférents au sexe des personnes. Les différences structurantes habituelles ne sont plus pertinentes pour décrire ce qui se passe. Pour rendre compte de cette évolution, on recourt au mot de "parentalité".
C'est sur ce fond d'indifférenciation - et pour en défendre le principe - qu'est née la théorie du "Gender", en français, le "Genre". Ce mot voudrait désigner non pas la réalité biologique du sexe, mais une caractéristiques linguistique. Ainsi les mots se répartissent selon le genre masculin, féminin ou neutre. Le genre d'un mot peut varier selon les langues. Ici, c'est le genre neutre qui est privilégié. Cette théorie est partie des Etats Unis, sous l'impulsion du féminisme militant et de groupes "Gau". Elle explique qu'entre la nature - c'est-à-dire ce qui est donné avant toute intervention de l'homme - et la culture - c'est-à-dire ce qui est fabriqué par l'homme -, il y a une séparation radicale.
La différence sexuée - celle du corps - relève de la nature. Mais ce qui a trait à la masculinité et à la féminité relève de la culture. Or, seul ce qui relève de la culture doit être désormais pris en compte ; c'est un impératif ! Car, selon la théorie du "Genre", la différence sexuée - celle du corps - a été à l'origine d'une domination de l'homme sur la femme. Elle a instauré un système de pouvoir au sein de la famille et dans la société. Cette domination s'est exercée au long des siècles d'une façon occulte parce qu'elle prenait appui sur ce qui paraissait une évidence héritée de la nature. Aujourd'hui, c'est au contraire la culture qu'il faut prendre comme unique repère. "Le but de la révolution féministe doit être non seimplement d'en finir avec le privilège masculin, mais encore avec la distinction même des sexes".
La culture est quelque chose de très relatif, car elle est liée au conditions toujours passagères où elle éclôt. L'homme en est le seul acteur ; il peut la construire à son gré. Ce qui l'oriente dans cette construction, c'est son expérience, sujette aux variations de son "vécu" ou de son "ressenti". Ainsi sont dépassées les structures basées sur la différence des sexes. Puisque l'hétérosexualité met en marche un système de pouvoir, l'abandonner ouvre un chemin vers une nouvelle société libérée de toute domination. Désormais, c'est ce qui est le "mieux ressenti" - c'est-à-dire ce qui ressort de la culture - qui devra s'imposer.
L'homme devient le constructeur du monde. Il en est le fabriquant. On retrouve la vision prométhéenne de l'homme déjà présente dans la pensée de Descartes qui voyait en l'homme le "maître et le possesseur de la nature". Même si pour cela, il lui faut nier les évidences les plus évidentes, qui nous sont données par la nature, particulièrement la différence sexuée !
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On peut s'interroger : dans cette vision qu'impose la théorie du "Gender", toute différence est lue comme une inégalité, comme l'occasion d'exercer une domination, comme la source d'une violence faite à celui ou à celle qui est différent ! La vision qu'elle entraîne est celle de bourreaux et de victimes. Or l'expérience - dont, pourtant, se réclame la théorie - montre que les différences sont aussi la source d'enrichissements. Il y a certes des différences qui opposent et suscitent des antagonismes ; il y en a aussi qui sont complémentaires et source d'une admirable harmonie, à commencer par celle de l'homme et de la femme qui s'unissent dans leurs différences pour construire une famille. Et c'est grâce à l'unité des deux, homme et femme, que les enfants pourront grandir dans l'équilibre.
En somme, la théorie du "Gender" oublie un seul être : l'enfant !