La France face à la vie
L'Ile Bouchard, le 8 décembre 2007
Elizabeth Montfort
Ancien député européen
Présidente de l'Alliance pour un Nouveau Féminisme Européen
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Vous m'avez demandé de parler ce soir de la « France face à la vie ».
Quel sujet difficile !
Difficile, parce que la France a une position ambiguë face à la vie, une attitude de reniement avec ses lois mortifères et d'engagement. C'est le pays où le taux de fécondité est un des plus élevés d'Europe : la France aime les enfants.
Un pays, où les lois sont ambiguës car après l'affirmation du principe du respect de la vie, elles en acceptent une dérogation (loi Veil, loi de bioéthique...), alors que nos voisins ne s'embarrassent pas de tant de précautions.
Difficile aussi, en raison des débats sur le sujet alors que Jean Paul II et à sa suite Benoit XVI ne cessent de nous rappeler que le respect de la vie n'est pas négociable.
En distinguant la culture de vie et la culture de mort, l'Eglise ne cesse d'aborder ces sujets pour éclairer les consciences.
De quoi s'agit-il ?
DPI, DPN, sélection eugénique, brevetabilité du vivant, thérapies cellulaire ou génique, clonage thérapeutique ou reproductif, cellules souches embryonnaires ou somatiques...Nous allons voir tout cela.
Je me suis toujours demandé pourquoi il fallait légiférer sur le sujet. Alexandre Soljenitsyne nous donne la réponse dans son discours à Harvard dans les années 80 : « Les hommes ont besoin de faire des lois quand il n'y a plus de moeurs ».
Je vous propose d'aborder, dans une première partie, les demandes des individus, puis d'essayer de comprendre ce qui les justifie, c'est-à-dire pourquoi la loi progressivement tente de satisfaire toutes sortes de revendication au motif que les biotechnologies répondent à ces exigences grâce aux progrès considérables des dernières années.
I- Nature des demandes des individus.
Ces demandes sont de deux ordres : d'une part, la production de la vie, d'autre part, tout ce qui touche à sa qualité et à sa préservation.
1- La reproduction remplace la procréation.
Le changement de vocabulaire n'est pas anodin. Dans les textes législatifs français et européens, on ne parle plus de procréation, mais de reproduction. L'ONU a même inventé un nouveau concept de droits, les droits reproductifs qui concernent tous les aspects de la sexualité et de la fécondité. L'acte d'amour entre deux personnes est remplacé par la technique froide et impersonnelle.
1-La reproduction.
Essayons de comprendre. L'enfant non désiré ne sera pas heureux puisque non désiré. Le désir des parents est gage de bonheur pour l'enfant. Pour qu'un enfant soit heureux, il faut le programmer et donc recourir à tout un arsenal contraceptif.
« Aujourd'hui encore, plus d'une grossesse sur trois (36 %) n'est pas prévue, révèle une étude menée par l'Institut national d'études démographiques (Ined), quarante ans après le vote de la loi Neuwirth qui a libéralisé la contraception en France. Ce calcul prend en compte les grossesses non désirées (24 %) ainsi que les naissances mal planifiées ou survenues de manière imprévue. Les différentes méthodes de contraception comme la pilule ou le stérilet présentent encore un taux d'échec de 5% à 6%, estime l'Ined. La libéralisation de la contraception a tout de même permis une meilleure «maîtrise de la fécondité», selon l'institut qui note que le taux d'utilisation de la pilule chez les femmes de 20 à 44 ans est passé de 5 % en 1970 à 60 % aujourd'hui. Enfin, huit naissances sur dix seraient bien planifiées aujourd'hui. Voire calculées au mois près pour un couple sur cinq et si possible au printemps, saison jugée comme la plus agréable pour avoir un enfant ». (Le Figaro 27 11 07)
Si la contraception connaît des échecs, l'avortement vient à son secours.
Constatant que le nombre d'avortements étaient encore trop élevé en France, notre ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, n'a pas trouvé d'autres moyens qu'une énième campagne de contraception. Elle a même ajouté ce slogan incroyable :
« La bonne contraception, c'est celle que je choisi » !
C'est à dire, toutes les méthodes se valent. Ce qui du point de vue scientifique est faux.
Depuis 30 ans, nous avons vu comment l'avortement, initialement prévu pour les cas de détresse est devenu un « droit de la femme à disposer de son corps ».
Faut-il considérer l'avortement comme une méthode de contraception ?
Oui, dans la mesure où il est pratiqué dans les cas de grossesses non programmées.
Dans le monde on compte 50 millions d'avortements. En France, 220 000 avortements par an, c'est-à-dire 7 millions depuis que la loi Veil a été votée.
On commence à prendre en compte les souffrances morales après un avortement, mais en proposant des cellules de soutien psychologique, sans remettre en cause l'avortement lui-même.
Dès qu'il est programmé, il faut que l'enfant soit sain. Avec le DPN (diagnostic prénatal), nous n'avons plus aucun risque d'avoir un enfant « anormal » jusqu'à la veille de sa naissance. Où, si cela arrive c'est que nous sommes des parents inconscients : comment oser donner la vie à un enfant mal formé ?
2-Le traitement contre la stérilité.
Il arrive que les parents connaissent la souffrance de ne pas avoir d'enfants. La loi autorise la procréation médicale assistée, par insémination ou par la fécondation in vitro, la FIV. Celle-ci consiste à concevoir la vie hors du corps de la femme et de faire appel, éventuellement, à un donneur extérieur au couple (loi de 1994 révisée en 2004).
Avec la contraception, nous avons l'acte sexuel sans la procréation, avec la FIV, nous avons la reproduction sans l'acte sexuel. Dans les deux cas, il y a dissociation entre sexualité et fécondité.
La Fiv est également autorisée pour les couples porteurs de maladies génétiques.
Quelque soit la situation, stérilité ou maladies génétiques, la Fiv fait l'objet d'une sélection : on ne retient que les embryons qui paraissent sains et vigoureux et surtout, qui ne soient pas porteur de gènes déficients.
En effet, puisque la FIV permet d'être parents, encore que les résultats sont loin d'être satisfaisants sur le plan technique, autant faire en sorte que l'enfant soit sain. C'est ainsi que le DPI (Diagnostic Pré Implantatoire) vient au secours du bébé parfait.
Enfin, chaque Fiv crée une dizaine d'embryons. Ceux qui ne sont pas bons sont détruits, deux ou trois sont implantés dans l'utérus de la femmes et pourront donner lieu quelques semaines plus tard à une réduction embryonnaire, les autres sont congelés pour un deuxième enfant si les parents le souhaitent. Si les parents ne veulent pas d'une nouvelle grossesse, les embryons dits « surnuméraires » sont conservés pendant 5 ans maximum, ou pourront faire l'objet de recherche.
Il y a aujourd'hui, en France 120 000 embryons surnuméraires.
Ainsi, nous sommes passé d'un aspect quantitatif, traiter la stérilité, à un aspect qualitatif, avoir un bébé parfait.
3-L' enfant à tout prix : adoption, PMA et mères porteuses : « l'enfant objet ».
Depuis quelques années, un groupe ultra minoritaire revendique le « droit à l'enfant ». Au nom de l'égalité et de la lutte contre la discrimination, le Lobby gay revendique le « droit d'être parent »
Le « droit à l'enfant » devient « droit universel » et fait apparaître de nouvelles notions : la parenté sociale, la filiation sociale, l'adoption sociale par la compagne de même sexe.
De nouvelles voix se font entendre pour autoriser la FIV à toute personne qui a un projet parental, quelque soit les circonstances : la Procréation Médicale Assistée deviendrait possible pour satisfaire le désir d'enfant.
La volonté d'être parent prime sur la filiation biologique. Dès lors, il n'est pas nécessaire de connaître le nom du donneur.
Enfin, l'APGL (Association pour les Parents Gays et Lesbiens) demande l'autorisation de la pratique de « la mère pour autrui » ou mères porteuses. Pendant que des industries tentent de fabriquer des « utérus artificiel » pour éviter à la femme d'être enceinte.
Tous les moyens sont bons pour garantir le « droit à l'enfant » au mépris de l'enfant, de son identité et de sa croissance dans un cadre stable avec son père et sa mère.
2- La qualité de la vie.
Quand la vie paraît, personne n'est à l'abri de ses aléas, des accidents de santé et des conséquences de la vieillesse. Or depuis une trentaine d'années, les sciences du vivant ont fait des progrès spectaculaires. De nouvelles thérapies laissent entrevoir des espoirs de guérison.
Cependant, entre la volonté de soigner, de traiter la souffrance et le mythe de la santé parfaite, la frontière est infime.
La recherche effrénée de la santé à tout prix laisse craindre la manipulation de la vie à des fins de traitement.
La grande révolution biotechnologique des dernières années, concerne la thérapie génique et la thérapie cellulaire. C'est ce qu'on appelle la médecine réparatrice ou régénératrice.
1-La thérapie génique : de la thérapie à l'avortement thérapeutique.
La découverte des gènes humains et plus récemment le décodage du génome humain, ont ouvert un champ d'application considérable car il est possible de repérer un gène déficient qui entraîne une maladie jusqu'ici incurable, pour essayer de le traiter. Après un diagnostic prénatal, la thérapie génique consiste à introduire dans des organismes ou des cellules humaines, un gène sain pour prévenir ou traiter une pathologie.
Cette technique, tout à fait acceptable, peut entraîner des dérives eugéniques lorsque le malade est un embryon ou un foetus.
En effet, alors que les scientifiques ont découvert un très grand nombre de maladies génétiques, nous avons à notre disposition très peu de traitements adaptés : de l'ordre de 1 pour 100. L'essentiel des travaux des généticiens est de mettre au point des tests génétiques de plus en plus performants pour repérer les gènes déficients de manière quasi infaillible.
Peut-être croyez-vous, comme je le pensais moi-même naïvement que l'intérêt de ces tests était de trouver un traitement. Hélas, non !
Il s'agit bien de repérer la maladie génétique, mais non pas pour la traiter, puisque nous n'avons pas assez de thérapies à notre disposition, mais pour supprimer la vie dans le cadre du diagnostic préimplantatoire ou prénatal. Ce que certains appellent pudiquement "thérapie génétique" consiste à supprimer l'embryon ou le foetus, porteur d'un gène déficient. Ce qui est, de fait, un avortement sélectif, est appelé, par la loi un « avortement thérapeutique ». Mais cette nuance relève d'un artifice juridique : l'avortement thérapeutique de type eugénique, est moins détestable du point de vue culturel.
En d'autres termes : on n'a pas trouvé d'autres moyens pour soigner le handicap que de supprimer la personne handicapée.
Cela est, de toute évidence, très lourd de conséquence, sur le regard et l'attention que notre société porte sur les personnes handicapées qui resteront toujours des "rescapés" du DPI. Alors qu'il faudrait des structures d'accueil et de soutien pour ces personnes et leurs familles.
2-La thérapie cellulaire.
La thérapie cellulaire a pour but de soigner des maladies incurables : la mucoviscidose, la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzeimer...en régénérant un tissu malade grâce à de nouvelles cellules "neuves" : les cellules souches. On parle de médecine régénératrice : à partir de ces cellules souches, on pourra obtenir des tissus sains greffés sur un tissu malade ou des organes sains qui remplaceront des organes malades.
Ces cellules souches sont des cellules non différenciées. Par une mise en culture appropriée, elles peuvent se spécialiser en une multitude de cellules différenciées : cellules osseuses, sanguines, épithéliales, neurologiques, cardiaques...
Les cellules souches embryonnaires : Elles sont prélevées sur l'embryon obtenu par fécondation in vitro et entraînent la destruction de l'embryon. Leur caractère « totipotent » permet d'obtenir des lignées différenciées dans tous les types de tissus qui constituent l'organisme humain. Leur plasticité, c'est-à-dire leur capacité à se reproduire, est considérable. A ce jour aucune application thérapeutique n'a encore réussie.
Un centre de recherche de l'Institut français des cellules souches embryonnaires a été inauguré récemment par Valérie Pécresse, Ministre de la Recherche, sur le Site du Génopole d'Evry. Un partenariat a été signé avec un centre de DPI de manière à fournir certaines équipes de l'Institut en embryons malades. Ce qui prouve les liens entre la sélection des embryons et la recherche biotechnologique.
Et pourtant, l'impasse thérapeutique des cellules souches embryonnaires est connue de tous.
De plus, elles ont un double inconvénient :
Sur le plan éthique,
prélever des cellules souches sur l'embryon entraîne sa destruction. Considérer l'être humain, quel que soit son stade de développement, comme un matériau ou une réserve de pièces de rechange est inacceptable. Certains prétendent que les embryons surnuméraires voués à la destruction retrouveraient une certaine utilité, voire une certaine dignité en sauvant des vies.
Sur le plan technique,
D'une part, l'utilisation des cellules souches embryonnaires peut entraîner des tumeurs ;
D'autre part, le problème des cellules souches embryonnaires comme des lignées embryonnaires est celui de l'immuno-incompatibilité, rencontré dans ce cas comme dans toute greffe de tissu « hétérologue », c'est-à-dire le rejet par le receveur du tissu greffé. Ceci, parce que le patrimoine génétique de la cellule souche embryonnaire ou des lignées cellulaires n'est pas identique au patrimoine génétique du malade.
Pour éviter cet écueil, les scientifiques utilisent la technique du clonage. Elle consiste à extraire le noyau d'un ovocyte et à le remplacer par le noyau d'une cellule somatique du malade. Un clone se développe, c'est un embryon humain, dont les cellules ont le même patrimoine génétique que le receveur et pourront fournir les éléments d'une greffe « homologue ». Ainsi se trouve écarté le problème de l'immuno-incompatibilité, cause d'un rejet de la greffe. C'est ce qu'on appelle le « clonage thérapeutique ». Les premiers essais sur les souris montrent une prolifération désordonnée des cellules embryonnaires, comme si elles étaient programmées dans un autre but que la thérapie.
Il reste que la question de la fourniture ou du commerce des ovocytes est posée.
Mais la Providence n'oublie pas la vie !
Les cellules souches adultes : Elles ont présentes dans la moelle osseuse, la peau ou dans le sang du cordon ombilical. Les chercheurs ne cesse de trouver de nouvelles cellules souches dans l'organisme.
Comme vous avez du le lire dans la presse, les derniers travaux sur les cellules souches adultes et les cellules souches du sang du cordon donnent des résultats spectaculaires.
Alors pourquoi poursuivre la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Je ne vois pas d'autre réponse que celle de satisfaire aux laboratoires qui ont beaucoup investi dans ce type de recherche. C'est ce que vient de comprendre le père de la brebis Dolly, Ian Wilmut, en annonçant qu'il arrêtait toute recherche sur le clonage et les cellules souches embryonnaires après l'annonce des équipes japonaises et américaines. Est-ce pour des motifs éthiques ? On penserait plutôt qu'il a compris le premier qu'il devenait plus intéressant d'investir dans ce type de recherche.
Ces deux équipes viennent de reprogrammer des cellules épithéliales en cellules souches, c'est-à-dire qu'ils ont réussi à faire le chemin inverse : d'une cellule différenciée ils ont obtenu des cellules souches ayant les mêmes caractéristiques que les cellules souches embryonnaires, sans les inconvénients éthiques et techniques.
Je voudrai citer également les travaux de l'équipe de Newcasttle, avec le professeur Mac Gluckin et Nico Forraz. Ils travaillent depuis de longues années sur les cellules souches du sang du cordon et peuvent à ce jour traiter 80 maladies.
Cette équipe a réussi à obtenir des mini foies qui pourraient servir à l'expérimentation de médicaments.
Leur dernière découverte concerne la transformation de cellules souches en cellules pancréatiques produisant de l'insuline pour les diabétiques.
Le problème c'est qu'ils n'ont pas assez d'unités, faute de banques de stockage suffisantes.
3- Le bébé - médicament.
La loi de bioéthique de 2004 a autorisé la création du bébé médicament dans les cas où un enfant, dans une famille, est atteint d'une maladie grave qui peut être soignée par une greffe. Grâce à la FIV et au DPI, il est possible de produire un embryon qui aura les mêmes caractéristiques que l'enfant malade. Ceci donne lieu à un double tri : l'embryon ne doit pas être porteur de maladie et il doit être compatible avec son frère ou sa soeur pour que la greffe réussisse. Il s'agit bien de créer un enfant pour en sauver un autre, mais au prix de destruction d'un nombre d'embryons qui ne correspondraient pas aux critères de santé. Le bébé médicament est bien un objet, puisque conçu dans le but de soigner un frère ou une soeur malade. On pourra toujours avancer qu'il s'agit de sauver une vie malade pour tenter de cacher la suppression d'embryons non compatibles.
II- Idéologies justifiant ces demandes.
Essayons de comprendre ce que cache ces demandes. Quelles idéologies conduisent à la réification et à la manipulation de la vie ?
Je vous ai parlé du « droit à l'enfant », le « droit à être parent », le « droit à la santé parfaite »...Quels sont ces nouveaux droits de l'homme ?
1- La nouvelle conception des droits de l'homme.
1-La conception classique des droits de l'homme.
Notre conception de la personne humaine vient de notre triple héritage grec, romain et judéo-chrétien :
- Tout être humain est une personne dès sa conception et peut exercer sa liberté et sa volonté, même si au gré des événements ou des circonstances, celles-ci sont « abîmées » ou « limitées » ;
- Toute être humain participe à la même humanité et par voie de conséquence bénéficie d'une égale dignité.
C'est donc la nature unique de l'homme, ce caractère mystérieusement irréductible de la personne humaine, qui fonde sa dignité. Cette dignité, unique dans la création, est fondatrice des droits de l'homme.
Jusqu'à la Déclaration de 1948, cette conception réaliste est unanimement reconnue: l'homme ne s'invente pas, il existe, il est sujet de droit, antérieurement aux institutions politiques ou juridiques.
La Déclaration de 1948 est reconnue comme patrimoine commun de toute l'humanité.
Ces droits sont liés à la nature de l'homme. Le Décalogue reste le texte de référence, si bien que les droits de l'homme ont une portée universelle. La personne humaine est au coeur de ces droits.
Cependant, à peine proclamée, la Déclaration de 1948 est remise en cause par trois facteurs : l'exaltation de l'individu, le relativisme et le volontarisme.
2- L'effacement de la personne humaine.
Dans la nouvelle conception des droits de l'homme, celui-ci n'est plus considéré comme une personne, ouvert à autrui et à la transcendance, capable de relations avec son semblable, capable d'amitié ; il est réduit à son individualité. Il est un individu qui se choisit ses vérités, ses intérêts et ses plaisirs.
Les droits de l'homme sont devenus un catalogue de revendications ponctuelles des individus. Le droit fondamental de l'homme, c'est le droit de satisfaire ses passions individuelles que la loi doit entériner :
Droit à l'avortement, droit à l'enfant, droit à être parent, droits reproductifs, droit à la santé, droit au mariage, droit à la santé parfaite, droit à mourir dans la dignité....
Tout ceci concourt à une grande confusion.
Notre société de la personne est remplacée par une société de l'individu.
Dans une société de « la personne », s'exprime une volonté de former une communauté. Le fondement, la même humanité, et l'objectif, la recherche du bien commun, sont bien distincts.
Alors que dans une société de l'individu, le fondement et l'objectif se confondent. La recherche de ses propres intérêts et de ses désirs est une fin en soi, ce qui limite l'individu à lui-même. L'individu, si ses intérêts ne sont pas satisfaits, craint de faire l'objet de discrimination. D'où cette quête permanente de reconnaissance par la création de nouveaux droits, même si ces droits sont contradictoires ou contre nature.
Par exemple, on ne parle plus du « droit de se marier et de fonder une famille » en prenant en compte, les circonstances et les candidats au mariage (sexe, âge, libre consentement...), mais du « droit au mariage », comme pseudo droit universel dans un monde virtuel où seul compte le désir de l'individu.
Où encore le « droit à la vie ». Tout le monde est d'accord pour reconnaître ce droit, comme le déclare dans son article 2, la Charte Européenne des Droits Fondamentaux : « Toute personne humaine a droit à la vie », tout en refusant de considérer l'embryon comme une personne. Ce qui revient à accepter une application modulable de cet article. Ainsi s'instaure une hiérarchie dans les droits de l'homme, en fonction du degré de respect qu'on accorde à l'être humain.
Lors du vote de la proposition de loi créant la Halde, le Comité National des Droits de l'Homme a donné son avis. Je cite :
« L'universalité des droits de l'homme transcende les différences entre les êtres humains, sans les nier. Les droits de l'homme sont fondés sur la dignité inhérente à toute personne humaine » (Comité National des Droits de l'Homme).
La segmentation de la protection des droits de l'homme, en fonction du stade de développement ou de l'état de santé, remettrait en cause cette universalité. La loi ne peut répondre aux revendications sectorielles.
3- Le volontarisme.
Vous l'aurez compris : le relativisme et l'individualisme fondent ces nouveaux droits de l'homme et les réduisent aux désirs de l'individu, ce qui donne des droits déconstruits, reconstruits et égalitaires.
Il faut ajouter le volontarisme : c'est la volonté de l'individu qui donne l'existence.
L'enfant, s'il n'est pas désiré n'est pas vraiment un enfant. Il ne devient enfant qu'à partir du moment ou il est désiré et programmé. Sinon, je peux le détruire.
Si je dispose d'embryons congelés, je peux abandonner mon projet parental et les détruire ou les donner à la science. L'embryon n'existe que par rapport au bon vouloir de ses parents.
Je voudrai noter ce paradoxe : On ne reconnaît pas l'embryon comme être humain, mais on parle de projet parental pour les embryons congelés. Or qui dit parent dit enfant. La loi reconnaît explicitement que l'embryon est bien l'enfant de ses deux parents, mais admet que son existence et son développement dépend de la volonté de ses parents.
On pourrait faire la même remarque au sujet du « droit à l'enfant », revendiqué par le Lobby gay. Des adultes de même sexe décident d'être parent alors que leur relation est stérile. Ils inventent le nouveau concept de parentalité sociale ou de filiation sociale et affirment que la volonté d'être parent est plus importante que la parenté biologique.
Ainsi, l'individu devient la mesure de lui-même. Il ne se reçoit plus du Créateur, mais de lui-même. C'est lui qui décide ce qui est bon pour lui : sa morale, ses moeurs, mais aussi sa vie et celle de son enfant.
« La bonne contraception c'est celle que je choisis »
2- La loi.
1- Le rôle de la loi et son élaboration.
Dès lors qu'apparaissent de nouveaux droits, la loi doit les reconnaître pour les garantir. D'où les lois de circonstances, d'opportunité, réservés à des « groupes communautaires » sans se préoccuper des contradictions : le droit à la vie d'un embryon n'est pas le même que celui d'un adulte en bonne santé. Le droit à la vie d'un foetus en bonne santé n'est pas le même que celui d'un foetus handicapé...
Le LEF (Lobby Européen des Femmes) nous donne une clé de compréhension : « Il est nécessaire que nos revendications soient reconnues comme des droits nouveaux pour qu'ils soient opposables aux Etats ».
Le rôle de la loi ce n'est plus la recherche du bien commun, c'est d'assurer la paix sociale, c'est-à-dire répondre à la majorité, ou plus précisément donner satisfaction au lobby le mieux organisé et le plus efficace.
Qui aujourd'hui réclament le droit à l'enfant ? Les couples stériles et le Lobby gay. Comme la science répond à cette demande, la loi doit suivre la science.
Pourquoi refuser « le droit à la santé » parfaite puisque la science le permet ?
Pourquoi refuser « le droit à mourir dans la dignité » si c'est la volonté de l'individu ?
La conscience s'est en quelque sorte éclipsée devant ce qu'on appelle les progrès de la science. On nous dit que la science est en avance sur la loi et qu'il faudrait que la loi rattrape la science. Comprenez : que la loi autorise ce que la science a découvert !
Si l'homme est homme, pourquoi légiférer sur la bioéthique ?
« Les hommes ont besoin de faire des lois quand il n'y a plus de moeurs ».
Si je reprends la distinction entre société de la personne et société de l'individu, nous voyons que la conception de la loi est différente :
Dans une société de la personne, la recherche du bien commun implique des lois universelles. C'est la société des moeurs, des bonnes moeurs. La loi naturelle s'impose.
Dans une société de l'individu, les lois se multiplient au fur et à mesure des revendications des individus, d'où l'inflation des lois. C'est la société des normes qui remplace les moeurs.
Depuis la loi Veil, en 1975, toutes les lois qui touchent à la vie sont élaborées de la manière suivante :
Dans une première étape, la loi rappelle le principe : le caractère sacré de la vie ou l'interdiction d'utiliser un embryon pour la recherche...
Puis, dans un deuxième temps, la loi accepte de déroger : dans les cas de grande détresse pour l'avortement ; s'il n'y a pas d'alternative thérapeutique pour la recherche embryonnaire.
Enfin, l'opinion se range aux revendications et admet le « droit à l'avortement » ou « l'autorisation de la recherche sur les embryons ».
Entre les pays libertaires et les pays qui respecte la vie, la France se distingue par une troisième voie : elle interdit tout en autorisant ce qu'elle interdit !
Si le respect de la vie est modulable, il n'est pas étonnant que les lois de bioéthique soient sans cesse révisées. La loi suit les progrès de la science et les revendications des individus.
Actuellement, la France prépare une deuxième révision des lois de bioéthique et déjà nous entendons les demandes : la recherche sur l'embryon et l'autorisation du clonage thérapeutique qui devient clonage scientifique puisque nous savons qu'aucune thérapie n'est possible à partir des embryons.
La loi sur l'euthanasie est un exemple d'une loi de circonstance. Elle a été préparée après l'affaire Humbert. On pouvait craindre le pire. La loi Leonetti nous a évité le pire. Cependant en classant comme soin, l'alimentation et l'hydratation, elle ouvre une brèche...
2- Les comités d'éthique.
Pour le politique, la définition du souhaitable, du bien et du mal, est soumise non seulement à la compétence des parlementaires, à l'alternance politique et aux diverses pressions économiques, mais également à la pratique du consensus.
Les vérités relatives et individuelles remplacent la Vérité objective et sont représentées par une multitude d'autorités concurrentes que le politique doit organiser de manière pacifique.
D'où la multiplication des conseils de bioéthique, des conseils nationaux ou européens consultatifs, sensés donner un avis, pris pour une vérité à un instant donné.
Ces comités dont "le rôle, d'après Jacques Testard, serait surtout d'accoutumer l'opinion à des transgressions qu'on finit tôt ou tard par entériner".
Il est curieux que parmi ces autorités, celle ce l'Eglise soit si souvent ignorée quand elle n'est pas accusée de fondamentalisme.
La décision finale n'est autre qu'un compromis qui peut être remis en cause par de nouvelles revendications. D'où les révisions successives...
Ainsi est lancée une "machine à transgression".
Pour asseoir leur autorité, ces comités n'hésitent pas à utiliser les contradictions, les abus de langage et les justifications pour autoriser ou interdire telle ou telle technique. D'où l'apparition d'un nouveau vocabulaire :
Interruption de grossesse pour l'avortement,
Réduction embryonnaire pour l'avortement en cas de grossesse multiple,
Transfert nucléaire pour clonage humain,
Pilule du lendemain pour avortement chimique,
Pré - embryon pour être humain au stade embryonnaire,
Personne potentielle pour embryon,
Amas cellulaire pour embryon,
Embryons surnuméraires,
Diagnostique préimplantatoire pour eugénisme massif.....
Conclusion
Le coeur de la question c'est celle de l'homme et du bonheur.
De tout temps, la quête du bonheur a été la préoccupation des hommes.
Pendant des siècles, le bonheur consistait à préparer son salut.
Chaque homme se recevait du Créateur et acceptait les aléas de la vie et de la mort.
Puis le bonheur est devenu la quête des désirs et des intérêts individuels et immédiats : réussir sa vie et ses relations sociales. L'homme a voulu construire lui-même son bonheur en détruisant par la loi tout ce qui ne venait pas de lui. La qualité de la vie et le bien être a remplacé le bonheur, lui donnant un caractère subjectif : chacun aurait son bonheur.
Ainsi, la France a renié sa mission d'abord dans les actes et dans ses lois, puis d'une manière solennelle en refusant que soit inscrit dans le Préambule de tout texte européen la référence de notre héritage chrétien (Charte européenne des Droits de l'Homme, Projet de Traité Constitutionnel), en 2000 et en 2004.
La France, fille aînée de l'Eglise, affirmait publiquement que cet héritage était contraire à son identité et à sa conception des droits de l'homme.
Quelle erreur !
Elle devrait se souvenir que le Décalogue pendant très longtemps a été, pour notre monde occidental, notre charte des droits de l'homme, avec le premier d'entre eux :
« Tu ne tueras pas », c'est-à-dire le droit à la vie, le respect de la vie.
Elle devrait se souvenir qu'à chaque fois que les hommes s'en sont détournés, ils ont perdu le sens de l'homme et le bonheur, comme à l'époque du veau d'or !
Et pourtant depuis 60 ans, Marie, une femme si humble et si simple nous rappelle inlassablement : « Je mettrai le bonheur dans les familles ». En accueillant la vie, la famille est un lieu de bonheur et une communauté de paix.
Toute sa vie, Marie nous montre ce chemin du bonheur, inauguré par ses premières paroles :
« Je suis la servante du Seigneur, Qu'il me soit fait selon sa Parole ».
Quel est son secret ? Accepter la volonté divine plutôt que la sienne.
Se recevoir du Créateur, Dieu lui-même, et non de soi-même.
L'homme, chef d'oeuvre de la création, est un être trop précieux pour être sa propre mesure.
Aujourd'hui, Marie nous redit « Dites aux petits enfants de prier pour la France »
Cette parole s'adresse à nous, avec plus de force encore qu'en 1947.
Car, au sens évangélique, nous sommes les petits enfants d'un même Père.
Notre Dame de la Prière,
Nous redisons ce soir, avec un coeur d'enfant :
« Père, que Ta volonté soit faites, et non la mienne » !
L'Ile Bouchard, le 8 décembre 2007
Elizabeth Montfort
Ancien député européen
Présidente de l'Alliance pour un Nouveau Féminisme Européen