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Supprimer un enfant à naître, c'est supprimer la vie d'un être humain (Mgr Bagnard)

Supprimer un enfant à naître, c'est supprimer la vie d'un être humain par S.E. Monseigneur Guy Bagnard, Eveque de Belley-Ars
Bulletin diocésain (n.2 du 21-1-2005)   C'est le 17 janvier 1975 qu'a été promulguée la Loi sur l'avortement. Elle avait été adoptée et défendue à la Chambre des députés le 21 décembre 1974.
L'impact de cet anniversaire n'échappe à personne, tant ont été considérables les conséquences de cette loi sur la vie de la femme, du couple, de la famille, sur les relations entre filles et garçons, sur la vie en société !
J'ai été relire le discours que Simone Veil a prononcé le 26 novembre 1974 devant le Parlement. Elle y présentait, en une quarantaine de pages, l'esprit du projet de loi qu'elle allait soumettre aux députés.
On est immédiatement frappé - avec le recul que donnent ces trente années - de la distance qui sépare ce qui était alors affirmé à l'époque et ce qui se dit et se pratique aujourd'hui. Il y a une telle différence que l'on peut difficilement s'abriter derrière la Loi Veil pour justifier ce qui se passe sous nos yeux aujourd'hui. Et l'on finit par comprendre qu'en fait la "Loi Veil" n'était que le point de départ d'un processus qui allait conduire à transformer l'avortement en un simple moyen - brutal - de contraception. Le raisonnement est simple : "Puisque l'on n'a pas réussi à prévenir la conception de l'enfant, on le supprime."
Mgr André Vingt-Trois, responsable de la Commission épiscopale pour la famille, voit dans l'avortement une "commodité contraceptive". C'est bien une culture de mort qui s'est instaurée au sein de notre société. Que disait Simone Veil le 26 novembre 1974 ?
Voici ce qu'elle exprimait dès l'ouverture de son discours :
"Si le projet qui vous est présenté admet la possibilité d'une interruption de grossesse, c'est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader les femmes".
Dans l'esprit de la loi, cette intention dissuasive, si fortement soulignée, devait amener la femme à renoncer à l'avortement ; la loi ne devait donc n'autoriser l'avortement que dans des cas extrêmes !
Le projet prévoyait, à cet effet, plusieurs consultations pour aider la femme "à mesurer toute la gravité de la décision qu'elle se propose de prendre." Simone Veil explique : "Cette tâche de dissuasion et de conseil revient au corps médical de façon privilégiée". Et elle poursuit : "Le projet prévoit ensuite une consultation d'un organisme social qui aura pour mission d'écouter la
femme, ou le couple, lorsqu'il y en a un, de lui laisser exprimer sa détresse, de l'aider à obtenir des aides si cette détresse est financière, de lui faire prendre conscience de la réalité des obstacles qui s'opposent ou semblent s''opposer à l'accueil d'un enfant. Bien des femmes apprendront ainsi à l'occasion de cette consultation qu'elles peuvent accoucher anonymement et gratuitement à l'hôpital et que l'adoption éventuelle de leur enfant peut constituer une solution."
Enfin la Ministre conclut :"Tous ces entretiens auront naturellement lieu seul à seule et il est bien évident que l''expérience et la psychologie des personnes appelées à accueillir les femmes en détresse pourront contribuer, de façon non négligeable, à leur apporter un soutien de nature à les faire changer d'avis".
Comment mieux affirmer que cette loi autorisant l'avortement en certaines situations exceptionnelles voulait d'abord mettre tout en œuvre pour que soit protégé l'enfant à naître. C'est le sens de la suggestion de l'accouchement sous X et de l'adoption. Cette protection voulue de l'enfant était également étendue à la mère.
"L'interruption de grossesse ne peut être que précoce, parce que ses risques physiques et psychiques, qui ne sont jamais nuls, deviennent trop sérieux après la fin de la dixième semaine qui suit la conception, pour que l'on permette aux femmes de s'y exposer."
Enfin pour renforcer le caractère dissuasif de la loi, deux mesures étaient prévues :
• "Le projet interdit l'incitation à l'avortement par quelque moyen que ce soit, car cette incitation reste inadmissible". Donc, toute propagande ou publicité en faveur de l'avortement est interdite.
• La Sécurité sociale ne prend pas en charge l'I.V.G. "Il nous a paru nécessaire de souligner la gravité d'un acte qui doit rester exceptionnel, même s'il entraîne, dans certains cas, une charge financière pour les femmes". "L'aide médicale n'est prévue que pour les plus démunies." Si "la société tolère l'avortement, elle ne saurait ni le prendre en charge ni l'encourager."
Et voici les lignes qui terminent le discours de Simone Veil : "Si la loi
n'interdit pas l'avortement, elle ne crée aucun droit à l'avortement… Personne ne peut éprouver une satisfaction profonde à défendre un tel texte, sur un tel sujet. Personne n'a jamais contesté, et le Ministre de la Santé moins que quiconque, que l'avortement soit un échec quand il n'est pas un drame." Quand on voit le chemin qui a été parcouru depuis le vote de cette loi, on ne peut que prendre acte d'un fait patent : la loi a été détournée de ce qu'elle affirmait. Il est même contradictoire de se rapporter à elle pour justifier la pratique d'aujourd'hui. En quelques années, une dérive en a bouleversé complètement le contenu. On peut même dire que la loi a changé de nature. Ce
changement a été si rapide qu'en fait la dérive était déjà contenue, virtuellement, au principe de la loi. Car comment dissuader l'avortement au moment où on l'autorise ? Comment une même loi peut-elle prétendre atteindre deux objectifs qui se contredisent ? Cette contradiction conduit à des absurdités dont nous sommes aujourd'hui les témoins.
La première de ces absurdités, c'est que l'embryon n'a aucun statut, aucune identité. La loi se trouve devant l'embryon comme devant un objet non identifié. Pourtant, on lit dans le discours de Simone Veil : "Plus personne ne conteste maintenant que, sur un plan strictement médical, l'embryon porte en lui définitivement toutes les virtualités de l'être humain qu'il deviendra". Ce
silence voulu, entretenu, donne libre cours à toutes les pratiques ! Face à ce vide juridique, il est inévitable que les intérêts économiques deviennent les maîtres absolus à bord.
La seconde absurdité, c'est que l'ours des Pyrénées, le loup de Savoie, l'animal de compagnie ou un œuf de serpent sont mieux protégés pénalement qu'un enfant à naître ! Car, bizarrement, on "sait" ce que contient un œuf de serpent ! On "sait" mieux ce qu'est un petit ours qui est à naître, qu'un enfant humain dans le sein de sa mère.
Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, a rapporté ce fait d'actualité qui s'est passé dans un hôpital :
"Un médecin confond deux femmes et, par erreur, avorte l'une d'elles, enceinte de six mois - au lieu d'enlever son stérilet à l'autre. La Cour d'Appel de Lyon fait son devoir et condamne le praticien pour homicide involontaire. Mais la Cour de cassation, rompant avec une jurisprudence plus que séculaire, casse l'arrêt ; elle considère que le médecin ne peut être poursuivi pour homicide involontaire. Pourquoi ? Parce que dans "homicide", il y a "humain". Et que rien n'indique que la femme enceinte porte un être humain qui mérite d'être protégé... La preuve ? Puisque la femme est autorisée à avorter, la vie de l'enfant attendu n'a plus besoin d'être protégée." Et c'est ainsi que la "loi Veil", en voulant pallier les avortements clandestins, s'est transformée, au fil des années, en une loi qui donne droit à toute femme d'avorter quand elle le souhaite. De fait, le droit à l'avortement est entré dans la mentalité générale. On en parle à l'égal du droit au logement ou du droit à l'instruction. La grave question de l'enfant que l'on supprime, celle de la santé de la mère, ont quitté le champ de la conscience ; celle de l'aide à apporter aux femmes en détresse elle aussi a disparu. L'avortement, désormais, règle tout ! Le Pape Jean-Paul II observe très justement "que la conscience morale semble s'obscurcir terriblement et avoir de plus en plus de difficulté à établir la distinction claire et nette entre le bien et le mal pour ce qui touche à la valeur fondamentale de la vie humaine."
Pour nous, chrétiens, nous avons le devoir de rappeler partout la gravité de cette situation et de venir en aide à celles qui connaissent des situations de profonde détresse. Sans doute faut-il rappeler aussi le grave devoir d'alerter les hommes politiques qui sont chargés de voter les lois, car demeure ce fait majeur et incontournable : supprimer un enfant à naître c'est supprimer la vie d'un être humain. † Père Guy Bagnard, Évêque de Belley-Ars     imprimez

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