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Culture de vie : l'urgence de l'éducation - PO Arduin - 27.2.2009


Décryptage
Éducation
Culture de vie : l'urgence de l'éducation
27 février 2009 | Pierre-Olivier Arduin

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Beaucoup d'observateurs tirent la sonnette d'alarme : la perte de repères moraux chez les jeunes est effrayante. Frappés de plein de fouet par un relativisme agressif constamment distillé dans les médias dont ils ne sont que trop abreuvés, ils sont aujourd'hui profondément désemparés sur les questions concernant la famille ou le respect de la vie.

Déboussolés, n'ayant reçu aucune formation éthique qui leur donnerait des critères d'évaluation pour distinguer le bien du mal, l'appauvrissement de la pensée est tel dans le système scolaire qu'on peut parler d'un véritable collapsus moral.

Ce n'est pas seulement le christianisme et son patrimoine intellectuel qui est outrageusement balayé, c'est la raison elle-même qui est jetée à bas ainsi que l'a diagnostiqué Benoît XVI dans un discours fondateur donné à l'Académie pontificale pour la Vie le 24 février 2007 :

« Dans la phase actuelle de la sécularisation appelée postmoderne, non seulement le refus de la tradition chrétienne grandit, mais l'on se méfie également de la capacité de la raison à percevoir la vérité, on s'éloigne du goût de la réflexion [...]. Ainsi la conscience, qui est un acte de la raison visant à la vérité des choses, cesse d'être lumière et devient une simple toile de fond sur laquelle la société des médias projette les images et les impulsions les plus contradictoires [1]. »


Victimes du nihilisme

Nos jeunes ne sont-ils pas en effet les nouveaux prisonniers de la caverne mise en scène magistralement par Platon au livre VII de la République, jouets des illusions et des ombres des opinions les plus incohérentes - la fameuse doxa - ? La jeunesse n'est-elle pas la première victime de cette culture nihiliste ?

Quand les grands enjeux, et le sens même du respect de la vie de l'être humain, sont placés, même à l'école, sous contrôle des lobbies et des idéologies, c'est la conscience elle-même qui est menacée irrémédiablement. Et l'avenir d'un peuple qui s'assombrit. Sans éducation de l'intelligence morale, les lois et les pratiques attentatoires à la vie humaine ne cesseront de s'étendre. En ce sens, l'éducation est une priorité politique, selon le mot juste de Thierry Boutet [2].

Prenons un exemple : à quoi pourraient bien servir les états-généraux de la bioéthique si les Français, et en particulier les plus jeunes, n'ont pas reçu au préalable les bases d'une éthique objective et rationnelle qui ne considère pas la vie d'un embryon humain ou d'un enfant handicapé comme ne valant rien ? Que peut valoir une consultation de l'opinion publique si personne ne se préoccupe de sa propre rectitude morale et si le débat éthique revendique la plus complète autonomie, déconnecté de toute exigence de vérité ? Oui, la question de l'éducation est une question politique, de civilisation même.

Peu savent que le Saint-Père a fait de ce thème une pièce maîtresse de la mission de l'Église en ce début de troisième millénaire. L'éducation est de fait un des axes décisifs de son pontificat tant les discours sur le sujet sont abondants et mériteraient d'êtres étudiés attentivement. Or, au sein de cette problématique, Benoît XVI accorde une place privilégiée à l'enseignement d'une culture de vie authentique en direction de la jeunesse.

Le Pape a fait part de cette préoccupation dans son discours pour le 40e anniversaire de la publication d'Humanæ vitae : « L'urgence de la formation, à laquelle je fais souvent référence, voit dans le thème de la vie l'un de ses thèmes privilégiés. Je souhaite vraiment que l'on réserve notamment aux jeunes une attention particulière [3]. » Dans son allocution à l'Académie pour la Vie déjà citée, il a évoqué la nécessité d'une formation d'excellence morale pour les médecins, juristes, philosophes mais en ajoutant : « Il est tout aussi urgent de veiller au processus de formation de la jeunesse [...]. » L'Église qui est en France, dans son ministère d'enseignement, de l'enfance à l'université, doit se pencher à frais nouveaux sur ce message pour nos temps incertains.

Une catéchèse morale d'envergure

Quelles sont les perspectives tracées par Benoît XVI pour répondre à ce défi ?

Premier point, une catéchèse morale de grande envergure doit être pensée, élaborée et enseignée résolument. D'abord en suscitant chez les jeunes un désir, une attitude de recherche de la vérité elle-même :


« La formation d'une conscience vraie, parce que fondée sur la vérité, et droite, parce que déterminée à en suivre les règles, sans contradictions, sans trahisons et sans compromis, est aujourd'hui une entreprise [...] incontournable ». « Il convient de rééduquer au désir de cette connaissance de la vérité authentique [...] pour nourrir la passion de la beauté morale et de la clarté de la conscience », ajoute-t-il avec enthousiasme. A cette fin, le Pape qui est lui-même un professeur génial et passionné, donne des pistes concrètes : « Parallèlement à la formation chrétienne, dont la finalité est la connaissance de la Personne du Christ, de sa Parole et des sacrements, dans l'itinéraire de foi des enfants et des adolescents il convient d'unir de manière cohérente le discours sur les valeurs morales qui concerne le corps, la sexualité, l'amour humain, la procréation, le respect pour la vie à tous les stades, dénonçant dans le même temps avec des motifs valables et précis, les comportements contraires à ces valeurs fondamentales ».


Cet enseignement moral, précis, systématique et robuste doit s'inscrire en outre dans le temps, il doit être « continu et adapté ». Pour le Pape, « il s'agit de la seule manière de faire comprendre aux jeunes les valeurs de la vie, de l'amour, du mariage, de la famille ».

Engagement et compétences

Second élément : pour honorer la conscience humaine, Benoît XVI requiert l'engagement de laïcs compétents. Il appelle de ses voeux la levée de laïcs « experts qui se consacrent à guider les réalités ecclésiales par leur science éclairée par la foi ». C'est pourquoi il demande que « parmi ceux qui se consacrent à la science, à la médecine, au droit, à la politique, des témoins possédant une conscience vraie et droite, défendent et promeuvent la splendeur de la vérité en vue de soutenir le don et le mystère de la vie ».

Planning familial, associations homosexuelles et consorts, autant de structures idéologiques qui n'ont strictement aucun droit à exercer une emprise sur les intelligences de nos jeunes. Et surtout pas dans des lycées catholiques qu'ils soient ou non sous contrat avec l'État. De même que le refus d'agrément par des établissements catholiques en faveur d'associations bien connues comme la Fondation Jérôme-Lejeune ou l'Alliance pour les droits de la vie apparaît de plus en plus comme ce que cela a toujours été : un scandale. Plusieurs cas qui nous ont été rapportés prouvent qu'on dénie le droit aux parents ou aux enseignants qui en font la demande d'inviter des personnes formées avec brio par ces associations. Les jeunes nous jugeront sévèrement sur notre manque de courage et nos querelles intestines.

Pour éviter cela, Benoît XVI exige des enseignants et des éducateurs des compétences éthiques qui leur permettent d'argumenter efficacement en se fondant sur la nature même de l'homme. C'est à eux qu'il faut largement ouvrir les portes : « Dans une société parfois assourdissante et violente, avec votre qualification culturelle, l'enseignement et l'exemple, vous pouvez contribuer à réveiller dans de nombreux coeurs la voix éloquente et claire de la conscience ».

Fidélité au magistère

Troisième point qui est le soubassement des deux premiers : une fidélité sans faille au magistère. « Lorsque la valeur de la vie humaine est en jeu, l'harmonie entre fonction magistérielle et engagement des laïcs devient extrêmement importante. » Devant les coups de boutoir du relativisme éthique conjugué à un utilitarisme qui se répand à la faveur de la mondialisation, le magistère de l'Église devient l'ultime porte-voix de la conscience morale. Pour étayer solidement la formation de nos jeunes, il constitue indubitablement une alternative crédible qui a vocation à répondre à leur soif de sens. Quant aux fruits espérés, ce n'est rien de moins que la « défense de sa propre liberté face aux comportement de masse et aux attraits de la propagande ».

On a bien compris que l'Église experte en humanité est ici convoquée dans toute l'amplitude et la force de son engagement au service de la formation de l'homme. Partout où elle touche les jeunes, et singulièrement dans la multitude d'établissements solaires dont elle a la charge, le programme mis en lumière par Benoît XVI doit faire l'objet d'une réflexion et d'une action qui ne peuvent souffrir aucun atermoiement. À ce titre, les parents, les professeurs, les éducateurs, et surtout les jeunes, sont en droit d'attendre de leurs évêques un appui sans failles si ce n'est une impulsion salutaire.

Il faut regarder les propositions du Pape comme les coordonnées inspiratrices et programmatrices d'une authentique éducation à la vie et d'un manifeste pour un véritable humanisme. « De l'accomplissement de cette tâche dépend l'avenir de l'humanité » pouvait dire avec gravité Benoît XVI en conclusion de sa rencontre avec les membres de l'Académie pontificale pour la Vie.






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[1] Sauf mention contraire, toutes les citations de Benoît XVI sont extraites de ce discours capital.
[2] Thierry Boutet, « L'éducation, priorité politique », Liberté politique n. 38, septembre 2007), p. 47-57.
[3] Benoît XVI, Discours pour le 40e anniversaire d'Humanæ vitae, 10 mai 2008.

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