Le « talent de la féminité » - Padre Cantalamesse - 17.11.2008

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Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (25, 14-30)


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La parabole des talents

L'Evangile nous parle de la parabole des talents. Dans le passé, la signification de cette parabole a malheureusement souvent été déformée ou en tout cas très réduite. Quand nous entendons parler de talents nous pensons immédiatement aux dons naturels de l'intelligence, de la beauté, de la force, des capacités artistiques. On utilise cette métaphore pour parler des acteurs, des chanteurs, des comiques... Cet emploi n'est pas complètement erroné mais il est secondaire. Jésus ne parlait pas de l'obligation de développer des talents naturels mais de faire fructifier les dons spirituels reçus de lui. La nature, l'ambition, la soif de gain nous poussent déjà à développer les dons naturels. Il est même parfois nécessaire de réfréner cette tendance à faire valoir ses talents car celle-ci peut facilement devenir du carriérisme, une frénésie à s'imposer sur les autres.

Les talents dont parle Jésus sont la Parole de Dieu, la foi, en un mot, le royaume qu'il annonce. En ce sens, la parabole des talents rejoint celle du semeur. Les différents gains réalisés grâce aux talents correspondent aux sorts du grain jeté en terre (dans certains cas il produit 60%, dans d'autres en revanche il reste enseveli sous les épines ou il est mangé par les oiseaux du ciel).

Les talents sont pour nous, chrétiens d'aujourd'hui, la foi et les sacrements que nous avons reçus. La parabole nous oblige donc à faire un examen de conscience : quelle utilisation faisons-nous de ces talents ? Ressemblons-nous au serviteur qui les fait fructifier ou à celui qui enfouit le talent sous terre ? Pour beaucoup, le baptême qu'ils ont reçus est vraiment un talent enterré. Je le compare à un cadeau reçu à Noël, mais oublié dans un coin sans jamais avoir été déballé et ouvert.

Les fruits des talents naturels finissent avec nous ou tout au plus passent à nos héritiers ; les fruits des talents spirituels nous suivent dans la vie éternelle et un jour ils nous vaudront l'approbation du Juge divin : « Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître ».

Notre devoir humain et chrétien n'est pas seulement de développer nos talents naturels et spirituels mais aussi d'aider les autres à développer les leurs. Dans notre monde moderne il existe une profession que l'on désigne par un terme anglais « talent-scout », c'est-à-dire chercheur de talents. Ce sont des personnes capables de découvrir des talents cachés - de peintre, de chanteur, d'acteur, de footballeur - et qui aident les gens à cultiver leurs talents et à trouver des sponsors. Ils ne le font bien sûr pas gratuitement ou pour l'amour de l'art, mais pour avoir un pourcentage de leurs gains, une fois que ceux-ci se sont affirmés.

L'Evangile nous invite à être tous des talents-scouts, des chercheurs de talents, non pas pour l'amour du gain mais pour aider ceux qui n'ont pas la possibilité de s'affirmer seuls. L'humanité doit certains de ses génies ou de ses meilleurs artistes à l'altruisme d'une personne amie qui a cru en eux et les a encouragés, quand personne ne croyait en eux. Le cas exemplaire qui me vient à l'esprit est celui de Theo Van Gogh qui a soutenu toute sa vie, économiquement et moralement, son frère Vincent, alors que personne ne croyait en lui et qu'il ne réussissait à vendre aucun de ses tableaux. Ils échangèrent plus de 600 lettres qui représentent un document d'une très grande humanité et spiritualité. Sans lui, nous n'aurions pas aujourd'hui ces tableaux que nous aimons et admirons tous.

La première lecture de dimanche nous invite à considérer un talent en particulier, qui est à la fois naturel et spirituel : le talent de la féminité, le talent d'être femme. Elle contient en effet le célèbre éloge de la femme, qui commence ainsi : « La femme vaillante, qui peut la trouver ? ». Cet éloge est très beau mais a un défaut, qui ne dépend évidemment pas de la Bible mais de l'époque à laquelle il a été écrit et de la culture qu'elle reflète. Si on le lit attentivement, on se rend compte qu'il est entièrement en fonction de l'homme. La conclusion est : heureux l'homme qui possède une telle femme. Elle lui tisse de beaux vêtements, fait honneur à sa maison, lui permet de marcher la tête haute parmi ses amis. Je ne crois pas que les femmes d'aujourd'hui seraient enthousiastes de cet éloge.

Cette limite mise à part, je voudrais souligner l'actualité de cet éloge de la femme. On perçoit partout l'exigence de laisser davantage de place à la femme, de valoriser le génie féminin. Nous ne croyons pas que « l'éternel féminin nous sauvera ». L'expérience quotidienne montre que la femme peut nous élever vers le haut mais qu'elle peut aussi nous précipiter vers le bas. Elle a elle aussi besoin d'être sauvée par le Christ. Mais il est certain qu'une fois sauvée par lui et « libérée », sur le plan humain, d'assujettissements anciens, elle peut contribuer à sauver notre société de certains maux enracinés tels que la violence, la volonté de puissance, l'aridité spirituelle, le mépris de la vie...

Après tant d'ères qui ont pris le nom de l'homme - l'ère de l'homo erectus, homo faber, jusqu'à l'homo sapiens d'aujourd'hui, il faut espérer que s'ouvre enfin pour l'humanité une ère de la femme : une ère du coeur, de la tendresse, de la compassion. C'est le culte de la Vierge Marie qui a inspiré, au cours des siècles passés, le respect de la femme et son idéalisation dans de nombreux domaines de la littérature et de l'art. La femme d'aujourd'hui peut, elle aussi, considérer Marie comme un modèle, une amie et une alliée pour défendre sa dignité et le talent d'être femme.


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