Méditation de l'Evangile du dimanche 9 mars 2008, cinquième dimanche de carême, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 11, 1-45
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La résurrection du coeur
Les histoires de l'Evangile ne sont pas écrites uniquement pour être lues mais aussi pour être re-vécues. L'histoire de Lazare a été écrite pour nous dire ceci : il y a une résurrection du corps et une résurrection du coeur ; la résurrection du corps aura lieu « au dernier jour », mais celle du coeur se produit, ou peut se produire, chaque jour.
C'est la signification de la résurrection de Lazare que la liturgie a voulu mettre en évidence à travers le choix de la première lecture d'Ezéchiel sur les ossements desséchés. Le prophète a une vision : il voit une immense étendue d'ossements desséchés et comprend qu'ils représentent le moral du peuple qui est au plus bas. Les gens disent : « Notre espérance est détruite, c'en est fait de nous ». La promesse de Dieu leur est adressée : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir... Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ». Même dans ce cas, il ne s'agit pas de la résurrection finale des corps mais de la résurrection actuelle des coeurs à l'espérance. Ces cadavres, est-il expliqué, reprirent vie, se mirent debout sur leurs pieds et étaient une « grande, immense armée ». C'était le peuple d'Israël qui recommençait à espérer, après l'exil.
De tout cela nous déduisons quelque chose que nous savons aussi par expérience : que l'on peut être mort, même avant de...mourir, en étant encore dans cette vie. Et je ne parle pas seulement de la mort de l'âme à cause du péché ; je parle également de cet état d'absence totale d'énergie, d'espérance, d'envie de lutter et de vivre que l'on ne peut appeler par une expression plus appropriée que celle de « mort du coeur ».
Pour tous ceux qui, pour les raisons les plus diverses (échec d'un mariage, trahison du conjoint, fourvoiement ou maladie d'un enfant, revers de fortune, dépression, incapacité de sortir de l'alcoolisme, de la drogue) se trouvent dans cette situation, l'histoire de Lazare devrait arriver comme le son des cloches le matin de Pâques.
Qui peut nous apporter cette résurrection du coeur ? Nous savons qu'aucun remède humain ne peut venir à bout de certains maux. Les paroles d'encouragement laissent derrière elles le terrain même qu'elles ont trouvé. Chez Marthe et Marie il y avait aussi « beaucoup de Juifs... venus manifester leur sympathie à Marthe et à Marie, dans leur deuil » mais leur présence n'avait rien changé. Il faut faire appeler Jésus, comme le firent les soeurs de Lazare. L'invoquer, comme les personnes ensevelies sous une avalanche ou sous les décombres d'un tremblement de terre attirent l'attention des secouristes par leurs gémissements.
Souvent, les personnes qui se trouvent dans cette situation ne sont en mesure de rien faire, ni même de prier. Elles sont comme Lazare dans la tombe. Il faut que d'autres fassent quelque chose pour elles. Jésus adressa un jour ce commandement à ses disciples : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts » (Mt 10, 8). Que voulait-il dire ? Que nous devons ressusciter les morts physiquement ? Si c'est le cas, les saints qui ont mis en pratique ce commandement de Jésus tout au long de l'histoire, se comptent sur les doigts de la main. Non, Jésus signifiait également et surtout les personnes dont le coeur est mort, celles qui sont mortes spirituellement. En parlant de son fils prodigue, le père disait : il « était mort et il est revenu à la vie » (Lc 15, 32). Et il ne s'agissait certes pas d'une mort physique puisqu'il était revenu à la maison.
Le commandement : « Ressuscitez les morts » s'adresse donc à tous les disciples du Christ, et également à nous ! Parmi les oeuvres de miséricorde que nous avons apprises lorsque nous étions enfants, il y en avait une qui disait : « enterrer les morts » ; maintenant nous savons qu'il y aussi celle de « ressusciter les morts ».